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08/03/2023 | FRANCE | N°19/08001

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 08 mars 2023, 19/08001


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/08001 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWSN



[T]

C/

Sociét DYOMEDEA - NEOLAB



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : F 18/01581







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 08 MARS 2023







APPELANTE :



[B] [T]

née le 28 Mars 1965 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]



r

eprésentée par Me Jacqueline PADEY-GOURJUX, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société DYOMEDEA - NEOLAB

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avoca...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/08001 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWSN

[T]

C/

Sociét DYOMEDEA - NEOLAB

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : F 18/01581

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 08 MARS 2023

APPELANTE :

[B] [T]

née le 28 Mars 1965 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jacqueline PADEY-GOURJUX, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société DYOMEDEA - NEOLAB

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Carole CODACCIONI de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Marion DE LA O, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SELAS DYOMEDEA développe une activité d'analyse de biologie médicale.

Elle applique les dispositions de la Convention Collective Nationals des laboratoires de biologie médicale extra hospitaliers.

Mme [B] [T] épouse [X] a été embauchée le 1er janvier 1991, en qualité d'aide comptable, par la société DYOMEDEA.

Suivant avenant du 2 janvier 2013, elle a été chargée, au-delà de son poste habituel, des fonctions de « responsable des secrétaires » et de « soutien au service comptable » dans la facturation des correspondants, accédant au statut cadre coefficient 400.

A compter du 19 décembre 2016, Mme [T] a été placée en arrêt maladie.

Le 30 mai 2018, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

A la suite d'une visite de pré reprise en date du 20 septembre 2018 et d'une visite de reprise du 5 octobre 2018, la SELAS DYOMEDEA, par lettre recommandée du 17 octobre 2018, a convoqué Mme [T] à un entretien préalable en vue de son licenciement, fixé au 26 octobre 2018.

Mme [T] ne s'est pas présentée à cet entretien.

Le 30 octobre 2018, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la société DYOMEDEA a notifié à Mme [B] [T] son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 24 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le 20 novembre 2019, Mme [T] a fait appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 28 novembre 2022, Mme [T] demande à la cour :

A titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur s'analysant en un licenciement nul compte tenu du harcèlement moral dont elle a été victime

Condamner la société DYOMEDEA à lui payer les sommes de

13 059,60 euros bruts à titre d'indemnité de préavis

1 305,96 euros bruts à titre de congés payés

60 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L1235-3-1 du code du travail

1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner le paiement des intérêts de droit

A titre subsidiaire sur le licenciement du 30 octobre 2018

Condamner la société DYOMEDEA à lui payer les sommes de

13 059,60 euros bruts à titre d'indemnité de préavis

1 305,96 euros bruts à titre de congés payés

60 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse sur le fondement de l'article L1235-3 du Code du travail

1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner le paiement des intérêts de droit

En tout état de cause débouter la société DYOMEDEA de ses demandes fins et prétentions.

Condamner la Société DYOMEDEA aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 7 mai 2020, la SELAS DYOMEDEA demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes mais l'infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite le rejet des demandes de la salariée et, à tout le moins, de limiter le montant des dommages-intérêts.

Elle demande la condamnation de Mme [T] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.

SUR CE,

Sur le harcèlement moral et la résiliation judiciaire du contrat de travail

Mme [T] expose qu'à la suite du changement de direction de décembre 2015 :

elle a été soumise à une pression accrue et confrontée à des tensions au travail,

elle a vu ses compétences et son périmètre d'intervention remis en cause et a observé une dégradation de ses relations avec la présidente, Mme [Z], et la responsable comptabilité, Mme [V]

elle était débordée de travail et soumise à des déplacements non intégrés dans sa charge de travail, deux jours par semaine ;

elle a été exclue des réunions « Feuille de Soins Electroniques » (FSE) alors qu'elle encadrait un pôle de 7 secrétaires outre 3 personnes du service FSE, notamment une réunion du 27 octobre 2016, portant sur l'annonce de la gestion à venir de trois nouveaux laboratoires ;

le 6 septembre 2016, à la demande de la direction, elle a intégré un nouveau bureau d'une surface de 4,2 m², au rez-de-chaussée, alors qu'auparavant, son bureau se situait au 2ème étage, était grand et lui permettait de communiquer avec les autres services dont le service comptabilité

cette affectation n'a pas de justification tant au regard de l'intégralité de ses fonctions qu'à l'égard de l'encadrement des secrétaires

la qualité de son travail et ses compétences ont été remises en cause lorsqu'il lui a été demandé des explications sur les impayés de la clinique de la Sauvegarde.

Elle affirme avoir alerté son responsable hiérarchique, M. [L] et la vice-présidente, associée gérante, Mme [W] [M]. Elle ajoute que son état de santé s'est dégradé et fait état d'un syndrome anxieux, en lien avec les conditions de travail, pour lequel elle a consulté son médecin traitant, une psychologue et une hypno thérapeute.

Elle estime que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour assure sa sécurité et protéger sa santé.

Elle soutient que son poste a été supprimé, ce qu'a constaté le médecin du travail.

La SELAS DYOMEDEA fait valoir que Mme [T] ne rapporte pas la preuve d'un manquement contemporain à la demande de résiliation judiciaire puisque son contrat de travail était suspendu depuis le 19 décembre 2016.

Elle conteste une mise sous pression début 2016 et relate qu'il a seulement été demandé à la salariée de se recentrer sur les objectifs prioritaires définis par la nouvelle gouvernance. Elle ajoute que Mme [V] et Mme [T] entretenaient des relations cordiales ; que Mme [V] a quitté l'entreprise le 28 février 2017, de sorte qu'elle ne faisait plus partie du personnel lorsqu'a été engagée l'action en résiliation judiciaire.

Elle explique :

qu'à partir du mois de février 2016, les secrétaires du laboratoire se sont plaintes auprès de M. [C], nouveau directeur général, de ne plus être encadrées et soutenues par Mme [T] et ce, depuis 2014

que la décision de changement de bureau a été prise pour lui permettre d'intégrer un bureau individuel au rez-de-chaussée, à proximité de ses équipes

qu'auparavant, Mme [T] occupait un bureau, partagé avec Mme [Y], situé au deuxième étage ;

qu'il a été demandé à d'autres salariés de changer de bureau de sorte que Mme [T] n'a subi aucun traitement particulier

que la circonstance qu'elle n'ait pas été conviée à une réunion en 2016 n'est pas de nature à caractériser un harcèlement moral ni un manquement grave justifiant la résiliation du contrat de travail

que la qualité du travail de Mme [T] n'a pas été mise en cause mais qu'il lui a été demandé les raisons du montant des impayés de la clinique de la Sauvegarde et les solutions envisageables pour y remédier.

Elle estime que les certificats et attestations du psychologue, hypno thérapeute et médecin traitant de Mme [T] ne démontrent pas le lien entre la pathologie et les conditions de travail.

***

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [T] invoque une mise sous pression, une mise à l'écart et une remise en cause de la qualité de son travail.

1/ la mise sous pression

Pour établir la mise sous pression, elle verse aux débats

l'attestation de Mme [G], thérapeute, qui suit Mme [T] depuis le 14 novembre 2014, et qui relate ce que sa cliente lui a rapporté entre le 12 octobre 2015 et le 14 février 2017 : celle-ci se plaint de réorganisation, de changement de poste, d'être prise pour cible par la chef-comptable et de ce que la relation avec la présidente est tendue ;

le dossier médical du service de santé au travail (AGEMETRA) : le 29/11/2016 : Mme [T] se plaint de problèmes avec la chef comptable et de propos désagréables, le médecin lui conseille de patienter et de prendre du recul ;

une attestation, en date du 25 mars 2018, de M. [O] [K], président de la société DYOMEDEA à compter de 2010 et jusqu'au 2015, qui loue les qualités professionnelles de Mme [T] et relate lui avoir confié, sur suggestion du Directeur Administratif et Financier, les missions de regroupement du courrier de l'ensemble du groupe et de traitement centralisé de la feuille de soins électronique (FSE) ;

une attestation, en date du 5 avril 2018 de Mme [S], qui a rencontré Mme [T] à l'été 2015 chez des amis et a pu ainsi faire son stage en février et mars 2016, dans le service FSE du laboratoire DYOMEDEA : elle décrit une tension dans le service FSE et le service comptabilité et ajoute qu' « A plusieurs reprises, la responsable du service comptabilité ([U] [V]) venait dans le service FSE nous demander ou était Mme [X], à quelle heure elle était arrivée, ou , quand elle allait en déplacement dans les autres laboratoires du groupe, si elle était revenue et à quelle heure elle était revenue. On sentait bien que Mme [X] était très surveillée » ;

un échange de SMS avec [P] [Y] dans lesquels Mme [T] de plaint de [U] ( '[U] me casse sans raison, exemple hier matin j'étais avec mes filles elle a dit à tout le monde que j'étais en retard et tout le reste'Je sais que toi tu l'apprécies mais elle me déteste le pire c'est que c'est injuste') ;

un échange de Sms avec [R] [L] (qui est désormais président de la société) en date du 21 avril 2016, celui-ci écrivant «J'espère que ça va. En fait c'est ma faute. J'aurais mieux fait de la fermer au Comex quand je suis intervenu en disant que je trouvais que cela faisait beaucoup 2 jours en dehors de dyopole, je pensais vous protéger et rendre ces interventions extérieures exceptionnelles'c'est vraiment délicat pour tout le monde. L'essentiel c'est de bien communiquer et d'en dire le moins possible. Geslab on annule c'est pas le moment pour vous'» et celle-là répondant « non non ce n'est pas de votre faute ne vous inquiétez pas'ça m'a fait du bien de vous parler ce matin ça va mieux et notre force c'est la communication, notre solidarité et fidélité ça personne ne nous l'enlèvera' »

Il ne ressort pas de ces pièces que Mme [T] était débordée de travail. La mise sous pression ne saurait être établie par la seule attestation d'une stagiaire, qui a passé deux mois dans le service et entretient des liens amicaux avec Mme [T].

Ces éléments établissent que Mme [T] était soumise à des déplacements mais ne démontrent pas l'existence d'une surcharge de travail.

Ce premier fait n'est pas établi.

2/ la mise à l'écart

Pour établir la mise à l'écart, la salariée s'appuie :

sur l'attestation de Mme [S] qui déclare que Mme [T] venait dans son bureau et craquait, expliquant que la Direction la mettait à l'écart et lui enlevait des responsabilités ;

le plan du bureau dont la superficie n'est pas contestée (4,2 m²) ;

un sms de sa part à Mme [W] [M] le 5 septembre 2016 « c'est fait je dois déménager en bas » ; réponse « Ils essaient de vous dégouter tenez bon Allez dans mon ancien bureau » ; « Oui, c'est ce que je veux faire je suis en train de le dire à MT » ; « Super » ;

Ces éléments établissent le changement de bureau contre le gré de la salariée.

La salariée verse aussi aux débats un mail, reçu le 27 octobre 2016 de Mme [A] du service FSE : « nous t'informons que nous avons eu ce jour un entretien (mini réunion) auquel tu n'as pas été conviée avec Mme [Z] et toute l'équipe comptabilité afin de nous informer de l'arrivée en juillet 2017 de 3 nouveaux labos ([Localité 8], [Localité 6], [Localité 5]) pour en assurer la gestion au service FSE. ».

L'absence de convocation à une réunion ayant pour objet le service FSE qu'elle gérait et établie.

3/ la remise en cause de ses compétences :

Pour établir la remise en cause de ses compétences, la salariée verse aux débats :

un échange de mail, en date du 12 décembre 2016, avec Mme [I] [N] « Peux-tu me dire où je peux trouver le classeur de relances pour les impayés de la Clinique de la Sauvegarde ' Je te remercie » réponse de Mme [T] « Je n'ai pas de classeur de relance pour la clinique car c'est un correspondant », Mme [N] « Comment suis-tu les relances de la SVG ' », puis « [B], Suite à notre conversation téléphonique et si j'ai bien saisi ce que tu me dis, il n'y a aucun suivi, ni même relance des impayés de la Clinique de la Sauvegarde. Cela par manque de temps mais surtout car tu estimes que cela est trop lourd à gérer. Que me proposes-tu comme solution ' Il est bien évident que le non suivi des impayés pour la Clinique n'est pas une situation acceptable car préjudiciable pour la société DYOMEDEA.['] »

Mme [T] a répondu le lendemain par un long mail aux points soulevés par Mme [N].

Cet unique échange autour des impayés de la clinique de la sauvegarde n'établit pas l'existence d'une remise des compétences de la salariée de la part de l'employeur.

Mme [T] invoque les termes du compte-rendu d'un entretien tenu le 30 novembre 2016 avec sa thérapeute dans lequel cette dernière a notamment indiqué, reprenant son propos « Mme [W] et M. [L] continuent de lui saper le moral en la dévalorisant « vous ne trouverez pas d'autre emploi à votre âge ». Ils attisent ses peurs et amplifient la pression, d'après ce qu'elle me rapporte ».

Or, il convient d'observer que les échanges avec M. [L] et Mme [W] versés aux débats par la salariée ne permettent de déceler aucune dévalorisation de leur part.

4/ Mme [T] verse aux débats un certificat médical de son médecin traitant, le Dr [J], qui atteste avoir reçue sa patiente, le 23/10/2016, le 23/11/2016 et le 19/12/2016 et que celle-ci lui a fait part; lors du premier rendez-vous, de syndromes anxieux qui seraient liées à des difficultés professionnelles, lors du deuxième, d'insomnies fréquentes et invalidantes et que lors du troisième, elle était en pleurs et a accepté un arrêt de travail.

Finalement, parmi les faits invoqués, par la salariée à l'appui de ses demandes, seuls sont établis le changement de bureau et l'absence de convocation à une réunion, outre la détérioration de l'état de santé.

Ces faits, matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer un harcèlement moral.

L'employeur doit donc prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

L'employeur verse aux débats les plans du rez de chaussée sur lesquels figurent le bureau de la salariée ainsi que ceux de son équipe : le nouveau bureau est à proximité de son équipe. L'employeur démontre ainsi que le changement de bureau est justifié par les fonctions d'encadrement de son équipe exercées par la salariée.

Certes, l'employeur n'explique pas la raison pour laquelle Mme [T] n'a pas été conviée à la 'mini réunion', alors qu'il s'agissait du service FSE, dont elle avait la responsabilité.

Mais l'absence de convocation à cette mini- réunion ne saurait caractériser à elle seule l'existence d'un harcèlement moral, s'agissant d'un fait unique.

La salariée n'a du reste pas fait état de cette absence de convocation lorsqu'elle a rencontré le médecin du travail le 29 novembre 2016 , ni lorsqu'elle a déposé une main courante le 21/11/2016, ni auprès de sa thérapeute, qu'elle a rencontrée le 30/11/2016.

Le lien entre la dégradation de l'état de santé de Mme [T] et ses conditions de travail n'est pas établi.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la résiliation judiciaire du contrat de travail, en l'absence de faute commise par l'employeur de nature à empêcher toute poursuite de la relation de travail.

Sur le licenciement :

Mme [T] rappelle que le licenciement d'un salarié prononcé en raison de son inaptitude physique et de l'impossibilité de son reclassement est sans cause réelle ni sérieuse dès lors que cette inaptitude résulte directement du comportement fautif de l'employeur.

Elle ajoute :

que les manquements de la société DYOMEDEA sont à l'origine de son inaptitude ;

que le médecin du travail n'a pas pu procéder à l'étude de poste car son poste a été supprimé ;

que la lettre de licenciement mentionne qu'elle a été déclarée inapte au poste de secrétaire aide comptable alors qu'elle occupait un emploi de responsable des secrétaires

L'employeur réplique que Mme [T] bénéficiait, sous l'ancienne direction, de conditions de travail très favorables ; qu'il les a remises en cause, dans un souci d'égalité entre les salariés, exerçant son pouvoir de direction et d'organisation.

Il conteste que le poste de Mme [T] ait été supprimé mais souligne que l'absence prolongée de Mme [T] et la fusion avec la société NEOLAB, le 4 mai 2018, qui a fait passer l'effectif de 200 à 400 salariés, ont conduit à une nécessaire réorganisation.

Il ajoute que le médecin du travail a bien réalisé l'étude de poste tout en précisant que le poste était différent du poste initial.

***

Aux termes de l'article L1226-2 du code du travail « lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

[ ...] »

Aux termes de l'article L1226-2-1 alinéa 2 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

« Nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.

En effet, suite à deux visites en dates du 20 septembre 2018 et du 5 octobre 2018 auprès du médecin du travail, le Docteur [H], vous avez été déclarée inapte au poste de secrétaire aide-comptable que vous occupiez dans les termes suivants : « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Le médecin du travail nous ayant précisé qu'aucune possibilité de reclassement n'était envisageable, nous devons procéder à votre licenciement.

Nous avons consulté les délégués du personnel le 15 octobre 2018 sur l'impossibilité de procéder à votre reclassement au sein de notre entreprise.

Votre état de santé ne vous permettant pas d'effectuer votre préavis de 3 mois, votre contrat prend fin à la date d'envoi de cette lettre, soit le 30 octobre 2018. »

Aucun manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, ni faute n'ont été établis.

Le médecin du travail, a indiqué, à l'issue de la visite de reprise en date du 5/10/2018 « l'état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », après étude de poste et des conditions de travail réalisée le 24 septembre 2018 et échange avec l'employeur le même jour.

La salariée affirme que l'étude de poste n'aurait pas été réalisée, ce qui est contraire aux mentions portées par le médecin du travail tant sur l'avis d'inaptitude que dans le dossier médical et ne repose sur aucun élément.

L'employeur, compte tenu de l'avis du médecin du travail, n'était pas tenu de reclasser Mme [T].

La circonstance que la société DYOMEDEA ait procédé à une réorganisation postérieurement au licenciement ne prive pas de cause cette mesure.

Le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes :

Mme [T] qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SELAS DYOMEDEA les sommes non comprises dans les dépens qu'elle a dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Condamne Mme [B] [T] aux dépens d'appel 

Déboute la SELAS DYOMEDEA de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/08001
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;19.08001 ?
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