N° RG 21/04921 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVQT
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond
du 20 mai 2021
RG : 18/00787
ch n°3 cab 03 D
[D]
[X]
C/
[L]
[H]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 21 Mars 2023
APPELANTS :
M. [I] [A] [D]
né le [Date naissance 5] 1963 aux PAYS BAS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
ayant pour avocats plaidants Me Alexis CHABERT et Edouard de MELLON de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 1132
Mme [V] [U] [G] [X] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
ayant pour avocats plaidants Me Alexis CHABERT et Edouard de MELLON de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 1132
INTIMES :
M. [P] [L]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe PETRETO, avocat au barreau de LYON, toque : 501
Mme [K] [H] épouse [L]
née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 8] (42)
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe PETRETO, avocat au barreau de LYON, toque : 501
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 03 Novembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 21 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Stéphanie LEMOINE, présidente
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
- Dominique DEFRASNE, magistrat honoraire
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Stéphanie LEMOINE, présidente, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. et Mme [L] sont propriétaires depuis le 4 avril 1985 d'une maison d'habitation sise [Adresse 3], sur la butte de la Croix-Rousse.
M. et Mme [D], leurs voisins immédiats, sont propriétaires d'un fonds contigu aux [Adresse 3], depuis le 29 juin 2010.
Les fonds des époux [L] et [D] constituaient initialement un fonds unique qui a fait l'objet d'une division le 9 juin 1926.
Le fonds des époux [D] surplombe le fonds des époux [L] dont il est séparé par un mur de soutènement, d'environ 7 m de hauteur, bordé en grande partie par une haie de lauriers sur la propriété [D].
En 2013, les époux [D] ont fait construire, sur leur terrasse existante, en surplomb du fond [L] et en limite de propriété, une véranda en verre transparent et ont supprimé à cette occasion une partie de la haie de lauriers.
Les époux [L] se sont plaints rapidement du risque la création de vues directes sur leur fonds.
Ils ont saisi en 2015 le tribunal d'instance de Lyon aux fins de bornage des deux propriétés.
Ils ont également saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Lyon aux fins, notamment, d'ordonner la pose de verre opaque sur la véranda mais ils se sont désistés de cette procédure.
Par jugement du 17 mai 2016, le tribunal d'instance de Lyon a ordonné le bornage des propriétés [L] et [D] et désigné M. [O], géomètre expert, pour y procéder.
M. [O] a établi son rapport le 12 janvier 2017, en relevant que le mur de soutènement de la propriété [D] constituait un mur mitoyen avec le fond [L] et que la véranda avait été édifiée sur la propriété [D].
M. et Mme [D] ont ensuite obtenu un permis de construire modificatif, les autorisant à faire reposer la véranda sur un mur plein en parpaings, dans le but de réduire la partie vitrée.
Parallèlement, les époux [D] ont installé une bavette en zinc le long du mur soutenant leur extension et comblé avec du ciment l'espace entre la véranda et le mur séparatif.
Par acte d'huissier du 6 décembre 2017, les époux [L] ont fait assigner les époux [D] devant le tribunal de grande instance de Lyon, sur le fondement des articles 640, 678 et 681 du code civil, ainsi que sur le fondement du trouble anormal de voisinage, aux fins de les voir condamner à supprimer leur véranda, à remettre en état le faîtage de la toiture qui surmonte le mur séparatif en retirant la bavette en zinc et à enlever le ciment bloquant les tuiles du faîtage sur leur propre fonds, outre le paiement de dommages-intérêts.
Les époux [D] se sont opposés à ces prétentions et ont réclamé reconventionnellement des dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :
'déclaré responsables M. et Mme [D] sur le fondement du trouble anormal de voisinage,
'condamné M. et Mme [D] à procéder la destruction de la véranda et de la bavette en zinc dépassant sur la propriété de M. et Mme [L], à leur frais et conformément à des études, moyens et techniques du bâtiment mis en 'uvre par des professionnels, dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement,
'dit que faute pour M. et Mme [D] de procéder à la destruction de la véranda et de la bavette en zinc, ils seront redevables, passé ce délai de six mois, d'une astreinte provisoire pendant quatre mois dont le montant est fixé à 50 € par jour de retard,
'débouté M. et Mme [L] de leur demande de condamnation de M. et Mme [D] à procéder au retrait du ciment bloquant les tuiles de faîtage du toit de l'atelier de M. [L],
'condamné M. et Mme [D] à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 000 € au titre du préjudice moral subi,
'débouté M. et Mme [L] du surplus de leur demande,
'débouté M. et Mme [D] de leur demande reconventionnelle de condamnation en paiement de dommages-intérêts,
'condamné M. et Mme [D] à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné M. et Mme [D] aux dépens,
'débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
'ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 4 juin 2021, M. [I] [D] et Mme [V] [X], épouse [D], ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées le 18 mai 2022, les époux [D] demandent à la cour :
'de réformer le jugement querellé sur les condamnations prononcées à leur encontre et sur le rejet de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts,
statuant à nouveau,
a titre principal,
'de débouter les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes,
a titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour devrait juger que l'édification de l'extension litigieuse emporte création d'une vue illicite sur le fond [L],
'de leur ordonner, seulement, d'opacifier le vitrage existant de la véranda par un procédé de leur choix sur une hauteur de 60 cm,
en tout état de cause,
'de condamner les époux [L] à leur payer la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, pour procédure abusive,
'de condamner les époux [L] à leur payer la somme de 10'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
'de condamner les époux [L] aux entiers dépens.
Ils font valoir :
'qu'ils n'ont jamais créé de vue illicite sur le fond [L], en expliquant que l'acte du division de 1926 stipulait une servitude de vue au profit de leur fonds sur le fonds voisin (vues directes et obliques multiples), que la vue depuis l'emplacement de l'extension terrasse existe depuis plus de 30 ans, qu'il n'existe pas de perte de la servitude de vue par non-usage, faute de perte de la possession actuelle de la servitude, qu'il n'existe pas davantage d'actes contraires à l'exercice de la servitude, qu'i n'est pas démontré que la haie de lauriers avait été plantée plus de 30 ans auparavant et qu'elle avait obstrué la vue de façon ininterrompue pendant plus de 30 ans, que la présence de cette haie de lauriers ne peut à elle seule caractériser une renonciation tacite à la servitude de vue, dépourvu équivoque,
'qu'ils n'ont pas aggravé servitude de vue, dès lors que l'édification de la véranda sur la terrasse existante, avec un mur de 140 cm, a, au contraire, diminué la vue,
'qu'au demeurant, il est impossible de créer une vue qui donne sur un toit dépourvu d'ouverture, comme en l'espèce le toit de l'atelier de M. [L] et de simples arbres,
'qu'il n'est pas rapporté la preuve qu'ils se seraient engagés à installer un brise-vue,
'que l'écoulement des eaux ne peut être aggravé par la simple bavette en zinc installée le long du mur la véranda, dans le but d'éviter des infiltrations dans le mur mitoyen car cette bavette ne reçoit pas l'eau du toit et n'évacue qu'une très faible quantité d'eau sur le toit voisin,
'qu'en conséquence, les époux [L] qui n'ont subi aucun préjudice ne justifient pas de l'existence d'un trouble anormal de voisinage,
Dans leurs dernières conclusions, notifiées le 31 août 2022, M. [P] [L] et Mme [K] [H], épouse [L], demandent, de leur côté, à la cour :
'de déclarer irrecevables les documents incorporés dans les conclusions des appelants (photographies) qui sont illisibles et n'ont pas été régulièrement communiqués
'de confirmer le jugement dont appel, en portant le montant de l'astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
'de débouter les époux [D] de leurs prétentions,
'de condamner les époux [D] à leur payer la somme de 15'000 € à titre de dommages-intérêts, outre les 2 000 € déjà accordés en première instance, en réparation de leur préjudice,
'de condamner les époux [D] à leur payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée par le premier juge,
'de condamner les époux [D] aux entiers dépens.
Ils font valoir :
'que la construction de la véranda en limite de propriété par les époux [D] a généré une vue illicite sur leur propre fonds,
'qu'en effet, la servitude de vue, issue de l'acte de division, avait été éteinte par renonciation non équivoque d'un précédent propriétaire, du fait de l'implantation de la haie de lauriers sur le fond dominant, empêchant toute vue et par l'entretien régulier de cette haie par le propriétaire du fonds dominant,
'que subsidiairement, cette servitude de vue s'était éteinte par non-usage trentenaire, du fait de la présence de la haie de lauriers, déjà haute, quand ils ont acquis leur maison en 1985,
'que c'est aux époux [D] qui invoquent le maintien de la servitude d'en rapporter la preuve,
'que les époux [D] se sont engagés par écrit du 30 octobre 2013 à équiper la construction d'un brise-vue et n'ont jamais respecté cet engagement,
'que la bavette métallique de 3 m sur le toit de la véranda dirige l'eau directement sur le toit de l'atelier de M. [L] en dépassant le faîtage du mur mitoyen, ce qui constitue une voie de fait et une aggravation de la servitude d'écoulement des eaux naturelles du fonds haut sur le fonds bas,
'que tous ces troubles créent une atteinte immédiate et permanente à leur propriété ainsi qu'à la jouissance paisible de leurs biens et excèdent manifestement les inconvénients normaux du voisinage de voisinage, ce qui justifie les mesures de remise en état et l'indemnisation sollicitées.
Sur les autres moyens de fait et de droit développés par les parties, il sera renvoyé à ces écritures en application de l'article 455 du code de procédure civile
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, que les nombreux 'dire et juger'qui figurent dans les conclusions des intimés ne sont pas des prétentions, en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, de sorte que la cour ne statuera pas sur celles-ci qui ne sont que le rappel des moyens invoqués.
S'agissant de la demande d'irrecevabilité des photographies incorporées dans les conclusions des appelants, une telle irrecevabilité ne saurait être prononcée, non seulement, indépendamment de celle des conclusions, mais également parce que ces conclusions ont été régulièrement communiquées.
1) Sur la véranda
- sur l'existence de la servitude de vue
L'article 690 du code civil prévoit que les servitudes continues et apparentes, à l'instar de la servitude de vue, s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans.
En l'espèce, les fonds [L] et [D] sont issus d'un terrain unique qui appartenait aux époux [E].
L'acte de division parcellaire du 9 juin 1926, par lequel les époux [E] ont vendu à M. [C] la partie supérieure de leur terrain, aujourd'hui la propriété [D], stipule que la parcelle cédée l'est 'avec toutes ses aisances, appartenances, dépendances, droit de passage, de vue, mitoyenneté, communauté et tous les autres droits actifs quelconques, sans exception ni réserve'.
L'acte d'acquisition immobilière des époux [D], du 29 juin 2010, fait mention des servitudes existantes au jour de la cession;
La servitude de vue accordée au fonds cédé résulte de la configuration même des lieux puisque ce fonds domine le fonds restant, aujourd'hui [L], situé en contrebas et un constat d'huissier, dressé le 4 juin 2021 à la requête des époux [D], confirme que leur fonds dispose ainsi, par voie conventionnelle, de vues directes et obliques multiples sur le fond [L], notamment depuis la terrasse et le séjour
- sur l'extinction de la servitude
Les époux [L] font valoir que la servitude de vue s'est éteinte par la renonciation des époux [D] à l'exercer et, subsidiairement, par le non-usage trentenaire de cette servitude, au motif que le propriétaire du fonds dominant a planté sur son propre terrain une haie de lauriers qui fait obstacle à la vue sur le fonds servant.
La renonciation à une servitude peut-être tacite, mais encore faut-il qu'elle soit dépourvue d'équivoque et que le propriétaire du fonds dominant ait consenti à des dispositions matérielles supprimant définitivement la servitude ou fait un acte traduisant sa volonté d'abandonner la servitude.
En l'espèce, les époux [D] expliquent que leur auteur, M. [B], devenu propriétaire en 1988, avait lui-même planté la haie de lauriers et la faisait tailler chaque année à une hauteur d'environ 1,20 m, la haie poussant entre 40 et 60 centimètres chaque année et ils produisent une facture de 2009 concernant la taille de ce végétal.
Il ne résulte pas de ces circonstances la volonté non équivoque du propriétaire du fonds dominant d'occulter la vue sur le fonds voisin, ce d'autant moins que des photographies des lieux, datées de 2008, fournies par les époux [L] ( pièces 4 et 31) , révèlent que la haie de lauriers ne fermait pas totalement la terrasse existante, sur laquelle a été édifiée, en 2013, l'extension litigieuse.
Les attestations produites par les époux [L] qui font seulement état, à diverses périodes, d'une haie déjà haute ou très fournie sont également insuffisantes pour démontrer tout obstacle à la servitude de vue.
Enfin, les époux [L] se prévalent d'un courrier des époux [D], du 30 octobre 2013, en réponse à une lettre de leur conseil et dans laquelle les époux [D] indiquent qu'une partie des arbres limitant la vue réciproque entre les deux propriétés a été coupée et que pas plus que leurs voisins, ils ne veulent être vus par eux, ni eux-mêmes les voir.
Il ne peut pas être déduit de ce courrier que les époux [D] auraient reconnu que la haie de lauriers empêchait toute vue.
En conséquence, le moyen tiré de la renonciation par les époux [D] à la servitude de vue ne peut prospérer.
Les époux [L] se prévalent également de l'article 706 du code civil qui prévoit que la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.
Tout d'abord, la servitude étant indivisible, elle est maintenu dans son intégralité, même s'il n'y a qu'un usage partiel.
Dans le cas de l'espèce, la seule présence de la haie de lauriers devant la terrasse sur laquelle a été construite l'extension, laisse subsister toutes les autres vues et ne peut avoir pour effet de faire perdre aux époux [D] le bénéfice de la servitude de vue.
Ensuite, le propriétaire du fonds servant qui invoque la prescription extinctive d'une servitude continue doit prouver qu'aucun acte d'exercice de la servitude n'a été accompli depuis plus de 30 ans et c'est lorsque le propriétaire du fonds servant n'a plus la possession actuelle de la servitude qu'il incombe à ce dernier de démontrer que la servitude a été exercée depuis moins de 30 ans.
Il ressort, en l'espèce, des constatations précédentes que la haie litigieuse a été plantée moins de 30 ans avant la construction de la véranda, que cette haie, en 2008, n'obstruait pas entièrement la vue depuis la terrasse existante et qu'il n'est pas démontré, depuis lors, tout obstacle à la servitude de vue.
Le moyen tiré de la prescription extinctive ne peut davantage être retenu.
Il s'ensuit que les époux [L] ne peuvent se prévaloir de la création d'une vue illicite sur leur fonds par la construction de la véranda des époux [D], en 2013.
Aucun trouble de voisinage ayant un caractère anormal ne peut donc être recherché du fait de l'existence de la vue sur le fond [L] et le jugement querellé doit, en conséquence, être réformé sur ce point.
- sur l'engagement par les époux [D] de poser un brise-vue
Les époux [L] se réfèrent au courrier précité des époux [D] en date du 30 octobre 2013.
Un engagement bilatéral implique la volonté certaine de son auteur de s'obliger.
En réalité, dans le courrier du 30 octobre 2013, les époux [D] rappellent à l'avocat une conversation orale entre eux-mêmes leurs voisins, avec leur volonté de rassurer ces derniers et indiquent seulement leur avoir garanti qu'ils allaient placer un brise vue.
Si ce courrier révèle que les époux [D] étaient conscients de l'existence d'une vue pouvant gêner leurs voisins, il n'est pas suffisant, toutefois, pour caractériser un engagement ferme de leur part d'installer ce brise vue.
L'obligation contractuelle invoquée par les époux [L] à cet égard ne peut donc être retenue.
2) Sur l'écoulement des eaux pluviales
L'article 640 du code civil qui définit la servitude d'écoulement naturel de l'égout des toits précise que le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.
Il résulte, par ailleurs, de l'article 681 du même code qu'un propriétaire ne peut pas établir son toit de façon à ce que les eaux pluviales qui y tombent se déversent sur le fonds voisin et qu'il doit les faire écouler sur son propre terrain.
En l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice, dressé à la requête des époux [L], le 3 avril 2015, que la véranda construite par les époux [D] comporte une canalisation d'évacuation en PVC qui déverse l'eau pluviale dans le jardin des époux [D] en direction de la haie végétale.
Un autre procès-verbal de constat dressé à la requête des époux [D], le 4 juin 2021, postérieurement au jugement du tribunal, relève l'existence d'une goulotte à l'extrémité de la véranda pour récupérer les eaux de pluie qui rejoignent l'évacuation verticale implantée au niveau de la façade et l'implantation, à l'extrémité de la terrasse, d'un regard dont le conduit se raccorde au conduit visible.
Au vu de ces constatations, l'ensemble des canalisations et écoulements se situent sur la propriété [D], sans aucune aggravation de la servitude, ni création de nouvel écoulement, en au préjudice du fonds [L].
Le jugement du tribunal doit être réformé en ce qu'il a retenu l'aggravation de l'écoulement sur le fond de M. et Mme [L], au motif de l'absence de système de récupération des eaux pluviales à l'extrémité du toit de la véranda.
3) Sur les autres atteintes à la propriété, invoquées par les époux [L]
Les époux [L] reprochent à leurs voisins d'avoir installé, sans leur accord, une bavette en zinc, d'une longueur de 3 m, entre le mur mitoyen et le faîtage du toit de l'atelier de M. [L], en indiquant que cette bavette, légèrement en pente, dirige l'écoulement des eaux pluviales directement sur le toit de cet atelier et surtout, que dépassant largement la largeur du mur, elle empiète sur les tuiles de l'atelier.
Les époux [D] expliquent que cette bavette métallique a pour objet d'éviter que l'eau ne s'infiltre dans le mur et le toit, qu'elle ne reçoit néanmoins de l'eau qu'en très faible quantité et que les époux [L] ont eux-mêmes fait installer une bavette de même nature, à gauche de celle incriminée.
S'il apparaît que la bavette métallique installée par les époux [D], ne peut recevoir qu'une faible quantité d'eau et ne constitue pas une aggravation de la servitude d'écoulement, il n'en demeure pas moins qu'elle empiète sur le toit de l'atelier et porte atteint à la propriété des époux [L], comme l'ont justement relevé les premiers juges.
Le fait que les époux [L] ait eux-mêmes installés une bavette, en réalité moins large, en appui sur leur propre toit n'autorisait pas les époux [D] à procéder de même sans l'accord de leurs voisins.
En application de l'article 540 du code civil, nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.
L'empiétement ci-dessus constaté de la bavette en zinc sur le toit de l'atelier, nonobstant les raisons invoquées par les époux [D], est constitutive d'un tel trouble qui doit être réparé.
Il y a lieu de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné les époux [D] à procéder, à leurs frais et selon les règles de l'art, à la destruction de la bavette en zinc dépassant sur la propriété [L], dans un délai de six mois, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant un délai de quatre mois.
Les époux [L] se plaignent également que les entreprises mandatées par les époux [D] pour réaliser la véranda ont cimenté et scellé des tuiles du toit de leur atelier mais il y a lieu de constater, à l'instar des premiers juges, qu'il ressort du procès-verbal de constat du 3 avril 2015 que d'autres tuile de faîtage étaient, dès l'origine, scellées au toit de l'atelier et que les époux [L] ne démontrent pas que la deuxième vague de scellement des tuiles de faîtage aurait été, effectué par les entreprises mandatées par M. et Mme [L], de sorte qu'aucune atteinte à la propriété ne peut être retenue à cet égard.
Enfin, il est indiqué par les époux [L] que du fait de la position de la véranda, il est impossible d'entretenir celle-ci sans pénétrer sur leur propriété avec le risque de dégradation de leurs tuiles mais il n'est pas démontré que de telles difficultés se sont déjà présentées pour les deux voisins
4) Sur la demande indemnitaire des époux [L]
Les époux [L] qui sollicitent des dommages-intérêts en réparation, notamment de l'atteinte à leur propriété, ne justifie pas devant la cour d'un préjudice distinct du seul empiétement, réparé en l'espèce par la suppression de la noue.
Le fait constaté par l'huissier, en 2015, que des ouvriers avaient laissé sur le toit de l'atelier des traces de pas et quelques écrous ou vis ne suffit pas à caractériser une atteinte au droit de propriété et ne constitue pas un préjudice réparable.
Cette demande indemnitaire sera donc rejetée.
5) Sur la demande indemnitaire des époux [D]
Les époux [D] sollicitent l'application de l'article 32-1 du code de procédure civile qui sanctionne par une amende civile les actions en justice abusives et dilatoires, en faisant valoir qui sont victimes de harcèlement de la part des époux [L].
Ils citent les actions en bornage et en référé introduites par leurs voisins mais ces procédures qui sont l'exercice de leur droit d'agir en justice ne révèlent pas, en l'espèce, un comportement fautif faisant dégénérer ce droit en abus.
Le fait que dans le cadre de la présente instance les époux [L] aient été déboutés d'une partie de leurs prétentions n'implique pas un abus de droit, la mauvaise foi et l'intention de nuire qu'il leur sont reprochées n'étant pas démontrées.
Il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal judiciaire, en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
6) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance doivent être confirmées.
Les époux [D] supporteront les dépens d'appel devront régler, en cause d'appel, aux époux [L] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande d'irrecevabilité des photographies incorporées dans les conclusions des époux [D],
Confirme le jugement querellé, sauf en ce qu'il a condamné M. et Mme [D] à procéder la destruction de leur véranda dans un délai de six mois, sous peine d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pendant quatre mois et en ce qu'il a condamné M. et Mme [D] à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 000€
en réparation de leur préjudice moral,
Statuant à nouveau sur ces deux points,
Déboute M. [P] [L] et Mme [K] [H], épouse [L], de leur demande aux fins de condamnation de M. [I] [D] et de Mme [V] [X], épouse [D], à procéder à la suppression de leur véranda, ce, à peine astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,
Déboute M. [P] [L] et Mme [K] [H], épouse [L], de leur demande en paiement de dommages-intérêts,
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [D] et Mme [V] [X], épouse [D], aux dépens d'appel,
Condamne M. [I] [D] et Mme [V] [X], épouse [D], à payer à M. [P] [L] et Mme [K] [H], épouse [L] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La Présidente,