N° RG 19/07929 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWLZ
Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE
Au fond du 19 juillet 2019
RG : 18/004019
[R]
SARL SKY SERVICES
C/
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 30 Mars 2023
APPELANTS :
M. [V] [R]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5] (MAROC)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
SARL SKY SERVICES prise en la personne de son gérant en exercice
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me Christophe CAMACHO de la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau d'AIN
INTIMEE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Amélie GONCALVES de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T.1740
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 18 Novembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Février 2023
Date de mise à disposition : 30 Mars 2023
Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Marianne LA-MESTA, conseillère
- Aurore JULLIEN, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 12 février 2015, la SARL Sky Services (ci-après la société Sky Services) a signé un contrat global de crédits de trésorerie avec le Crédit Mutuel mutuel centre-est (ci-après le Crédit Agricole). Ce contrat prévoyait une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 10.000 euros à durée indéterminée.
Par acte du même jour, M. [V] [R], (ci-après M. [R]) gérant de la société Sky Services, s'est engagé en qualité de caution solidaire de la société Sky Services dans la limite de 10.000 euros pour une durée de 120 mois.
Par courriers recommandés adressés à la société Sky Services et à M. [R] dont il a été accusé réception les 11 et 16 janvier 2016, le Crédit Mutuel a dénoncé l'ouverture de crédit en raison du solde débiteur du compte et a prononcé la déchéance du terme. Ces mises en demeure sont restées sans effet.
Par acte d'huissier du 24 mai 2018, le Crédit Agricole a assigné M. [R] et la société Sky Services devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse aux fins d'obtenir notamment de la société Sky Services la somme de 19.950,94 euros au titre du solde débiteur du compte de dépôt et de M. [R] la somme de 10.000 euros au titre de son engagement de caution.
Par jugement contradictoire du 19 juillet 2019, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :
jugé que le Crédit Mutuel n'a commis aucune erreur en dénonçant l'ouverture de crédit,
débouté la société Sky Services et M. [R] de leur demande indemnitaire et de compensation,
condamné la société Sky Services à payer au le Crédit Mutuel la somme de 19.950,94 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2018,
condamné M [R], ès-qualités de caution solidaire, à verser au Crédit Mutuel la somme de 10.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2018,
jugé qu'il n'y a pas lieu d'accorder des délais supplémentaires à la société Sky Services et à M. [R] pour s'acquitter de leur dette,
condamné solidairement la société Sky Servies et M. [R] à payer au Crédit Mutuel la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
condamné solidairement la société Sky Services et M. [R] à payer au Crédit Mutuel la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
rejeté toutes fins, moyens et conclusions contraires,
condamné solidairement la société Sky Services et M. [R] aux entiers dépens de l'instance.
M. [R] et la société Sky Services ont interjeté appel par acte du 18 novembre 2019.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 novembre 2020, M. [R] et la société Sky Services demandent à la cour de :
juger recevable et fondé leur appel,
réformer le jugement dont appel dans son intégralité,
statuant à nouveau,
jugé que le Crédit Mutuel a commis une erreur en dénonçant son ouverture de crédit,
jugé que cette faute a entraîné un préjudice à leur égard,
fixé le préjudice financier consécutif à cette rupture brutale à la somme de 10.000 euros,
ordonné la compensation avec les sommes qu'elle doit à le Crédit Mutuel,
juger que la compensation lui bénéficiera, ès-qualités de caution,
lui accorder des larges délais de paiements,
débouter le Crédit Mutuel de ses plus amples prétentions,
condamner le Crédit Mutuel à leur payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ondamner le Crédit Mutuel aux entiers dépens de l'instance et ceux de première instance.
À l'appui de leur position, les appelants font valoir les éléments suivants':
le défaut d'épuisement à la date de dénonciation du découvert autorisé puisque celui-ci se fixait à la somme de 9.877,71 euros au 31 janvier 2015, restant dans la limite contractuelle
la faute de la banque qui a rejeté deux prélèvements à tort avant le 5 janvier 2016, sans les avertir, alors même que le compte était encore dans la limite contractuelle de découvert autorisé
le fait que cette situation a entraîné des difficultés puisque la société a été confrontée à deux chèques revenus impayés
l'absence d'information de la caution en dehors de la lettre de mise en demeure du 7 juillet 2016 aux fins de dénonciation de l'ouverture de crédit.
Concernant la demande de délais de paiement, M. [R] a indiqué avoir perçu 1.500 euros par mois jusqu'en 2018 et ne plus percevoir de revenus depuis cette dette, devant régler un loyer mensuel de 800 euros, et ayant quatre enfants à charge.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 mai 2020 fondées sur les articles 1103 et suivants et 2288 et suivants du code civil et sur l'article L.313-12 du code monétaire et financier, le Crédit Mutuel demande à la cour de :
confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
en conséquence,
débouter la société Sky Services et M. [R] de l'ensemble de leurs demandes,
condamner la société Sky Services à lui verser les sommes suivantes':
19.950,94 euros, montant du solde débiteur du compte de dépôt vue n°62263724564 outre intérêts au taux légal compter du 9 avril 2018,
condamner M. [R] à lui verser les sommes suivantes':
10.000 euros, montant de son engagement de caution au titre du solde débiteur du compte de dépôt vue n°62263724564 outre intér ts au taux légal compter du 9 avril 2018,
condamner solidairement la société Sky Services et M. [R] à lui verser les sommes suivantes':
800 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
1.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner solidairement la société Sky Services et M. [R] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de M. Goncalves, avocat sur son affirmation de droit.
À l'appui de sa position, le Crédit Agricole a rappelé':
la nature des engagements souscrits par les appelants à savoir une ouverture de crédit en compte-courant au profit de la société Sky Services, d'un montant de 10.000 euros à durée indéterminée et à taux variable et un cautionnement solidaire pour M. [R] à concurrence de 10.000 euros couvrant le principal, les intérêts, frais et accessoires
l'absence de régularisation des sommes dues en dépit des différentes mises en demeure sachant que le solde débiteur se monte à la somme de 19.950,94 euros au 9 avril 2018
l'absence de contestation des sommes réclamées par les appelants.
Concernant la faute alléguée à son encontre, le Crédit Agricole a mis en avant les points suivants':
le fait que si au 31 décembre 2015, le solde du compte de la société Sky Services était débiteur de 9.877,71 euros, il était porté début janvier 2016 à un débit de 21.113,77 euros puisque deux chèques de 5.000 euros, déposés sur le compte sont revenus impayés
l'envoi en conséquence le 5 janvier 2016 à la société Sky Services et le 7 janvier 2016 à M. [R], en sa qualité de caution, de ce que la banque entendait dénoncer l'ouverture de crédit d'un montant de 10.000 euros à l'expiration d'un délai de 60 jours en application de l'article L313-12 du Code Monétaire et Financier
l'octroi déjà à l'époque de larges délais aux appelants pour régulariser la situation, qui ont déjà bénéficié d'un délai de 30 mois pour solder leur dette
l'absence de tout rejet de prélèvements, les seuls prélèvements rejetés intervenant après le courrier de dénonciation puisque le solde du compte excédait le découvert autorisé, seuls deux chèques ayant été rejetés puisque revenus impayés
le fait que M. [R] avait déjà, dans le cadre de la gestion d'une précédente entreprise, déposé le bilan, laissant des dettes conséquentes au Crédit Agricole.
Concernant la demande de délais, le Crédit Agricole a sollicité son rejet en rappelant que les appelants ont déjà bénéficié des délais les plus larges dans le cadre des précédentes instances et l'absence de réaction de la société Sky Services et de M. [R] suite à la réception des mises en demeure sans compter qu'aucune pièce justificative n'est versée au débat concernant la situation des appelants.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2020, les débats étant fixés au 1er février 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de M. [R] et de la société Sky Services
L'article 1134 du code civil dispose, dans sa version applicable au litige, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, et doivent être exécutées de bonne foi.
L'article L312-12 du code monétaire et financier dispose que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours, et que ce délai ne peut être, sous peine de nullité de la rupture du concours, inférieur à soixante jours.
L'article 2288 du code civil dispose, dans sa version applicable au litige, que celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.
L'article 1313 du code civil dispose que la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d'eux à toute la dette.
En l'espèce, il convient d'apprécier le fonctionnement du compte-courant de la société Sky Services, qui bénéficiait d'un crédit en compte à hauteur de 10.000 euros, les appelants estimant qu'à la date de dénonciation de cette ouverture de crédit, le crédit en compte n'était pas épuisé.
S'il est constaté qu'au 31 décembre 2015, le compte de la société Sky Services indiquait un solde débiteur de 9.877,71 euros, il est également constaté que début janvier 2016, le maximum du crédit en compte a été dépassé eu égard au défaut de paiement de deux chèques de 5.000 euros qui avaient placés sur le compte.
De fait, c'est à bon droit que le Crédit Agricole a pu, dans sa lettre recommandée avec accusé de réception du 5 janvier 2016 à la société Sky Services, et du 7 janvier 2016 à M. [R], dénoncer l'ouverture de crédit en compte à l'issue d'un délai de 60 jours.
Le Crédit Agricole ne saurait encourir de critiques du fait du rejet des prélèvements à compter du 6 janvier 2016 puisque le plafond du découvert en compte autorisé avait été dépassé. La lecture du détail du fonctionnement du compte permet le constat qu'avant le 6 janvier 2016, aucun prélèvement en compte n'est rejeté contrairement aux affirmations des appelants.
Au regard de ces éléments, il convient de rejeter les demandes et moyens présentés par M. [R] et la société Sky Services, et de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné les appelants au paiement des sommes réclamées par le Crédit Agricole et a rejeté leurs demandes d'indemnisation.
Sur la demande de délais de paiement
L'article 1343-5 alinéa 1 du code civil dispose que Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, il doit être relevé que tant la société Sky Services que M. [R] ont bénéficié de larges délais de paiement depuis la dénonciation du crédit en compte, étant rappelé que dans ses écritures, le Crédit Agricole indique le compte est toujours débiteur.
Il est retenu que les appelants n'ont pas sollicité l'intimé ni entamé de démarches pour commencer à rembourser les sommes dues.
En outre, les appelants ne versent pas aux débats d'éléments objectifs et détaillés concernant leur situation financière, notamment concernant la société Sky Services.
Au regard de ces éléments, les demandes de délais de paiement seront rejetées et la décision des premiers juges confirmées à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par le Crédit Agricole
La cour fait sienne l'appréciation des premiers juges concernant l'octroi de dommages et intérêts au Crédit Agricole en raison de la résistance abusive de la société Sky Services et de M. [R] face aux demandes en paiement formées à juste titre par la banque.
La décision déférée sera ainsi confirmée.
Sur les demandes accessoires
La société Sky Services et M. [R] qui échouent en leurs prétentions seront condamnés à supporter les dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande d'accorder au Crédit Agricole une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sky Services et M. [R] seront condamnés solidairement à lui verser la somme de 1.800 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel
Confirme dans son intégralité la décision déférée
Y ajoutant
Condamne la SARL Sky Services et M. [V] [R] à supporter les entiers dépens de l'instance en appel,
Condamne solidairement la SARL Sky Services et M. [V] [R] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est la somme de 1.800 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE