N° RG 19/08809 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYMT
Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE
Au fond du 28 novembre 2019
RG : 18/01433
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 30 Mars 2023
APPELANTE :
S.A.S. M'KS
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475
Et ayant pour avocat plaidant la SELARL L.ROBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau de l'AIN
INTIMES :
M. [A] [R] [N] [X]
né le 31 Janvier 1961 à [Localité 7] (AIN)
[Adresse 6]
[Localité 8]
Mme [U] [C] [Z] [L] épouse [X]
née le 14 Avril 1959 à [Localité 7] (AIN)
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentés par Me Laurence BENNETEAU DESGROIS, avocat au barreau de l'AIN
INTERVENANTE :
SELARL MJ SYNERGIE prise en la personne de Me [I], mandataire judiciaire, es qualité de mandataire judiciaire de la SAS M'KS
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475
Et ayant pour avocat plaidant la SELARL L.ROBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau de l'AIN
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 12 Février 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Janvier 2022
Date de mise à disposition : 24 Février 2022 prorogée au 5 mai 2022, puis 30 juin 2022, 29 septembre 2022, 15 décembre 2022, 16 mars 2023 et 30 mars 2023 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
M. et Mme [X] ont donné à bail commercial à la société La Claire Fontaine, à compter du 1er octobre 1999, un local à usage mixte, commercial et d'habitation, situé à [Localité 2] près d'[Localité 8].
Le bail a été renouvelé le 22 décembre 2015 et le fonds de commerce de pizzeria alors exploité par la société Stella a été acquis par la société M'KS par acte du 15 juin 2016.
Un état des lieux a été établi à l'occasion de la cession du fonds.
Des loyers étant restés impayés, les époux [X] ont obtenu le 5 avril 2018 une ordonnance enjoignant à la locataire de payer la somme de 21'874 71 euros.
La société M'KS a formé opposition à cette ordonnance, et par jugement du 28 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :
- condamné la société M'KS à payer aux époux [X] la somme de 52'829,84 euros au titre des loyers et charges impayés au 31 décembre 2019 et du dépôt de garantie (ce dernier pour 5413,48 euros);
- condamné les époux [X] à effectuer ou faire effectuer les travaux devant permettre aux portes et fenêtres du logement d'habitation de présenter une étanchéité à l'air suffisante et ceux nécessaires à la mise aux normes de sécurité des réseaux et branchements d'électricité de cet appartement
- assorti la condamnation prononcée d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de quatre mois après le jour de la signification du présent jugement ; limité la durée de l'astreinte à trois mois ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, y compris celles au titre des frais de procédure ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- laissé à chaque partie la charge des dépens qu'elle a engagés.
La société M'KS a relevé appel de cette décision par déclaration du 20 décembre 2019.
Elle a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 4 février 2020. Le mandataire judiciaire, la SELARL MJ Synergie, est intervenu volontairement à la procédure. Le tribunal de commerce a renouvelé pour une durée de six mois la période d'observation par jugement du 4 novembre 2020.
Les bailleurs ont déclaré leur créance pour un montant de 68'221,09 euros.
À l'audience de la cour, les parties se sont accordées sur la révocation de l'ordonnance de clôture, en vue de l'admission de leurs conclusions respectives et de leurs pièces régulièrement communiquées.
Par conclusions récapitulatives du 2 mars 2021, la société M'KS et la Selarl MJ Synergie prise en la personne de Me [I], mandataire judiciaire, demandent à la cour de :
- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 février 2021 et déclarer recevables leurs conclusions n° 5 et les pièces qu'elles versent aux débats;
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
- condamné la société M'KS à payer à M. et Mme [X] la somme de 52'829,84 euros au titre des loyers et charges impayés au 31 décembre 2019 et du dépôt de garantie pour 5 413,48 euros ;
- condamné M. et Mme [X] à effectuer ou faire effectuer des travaux devant permettre aux portes et fenêtres du logement d'habitation de présenter une étanchéité à l'air suffisante et ceux nécessaires à la mise aux normes de sécurité des réseaux et branchements d'électricité de cet appartement, en assortissant la condamnation prononcée d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de quatre mois suivant la signification du jugement et limité la durée de l'astreinte à trois mois ;
- débouté les parties de leurs autres demandes :
Statuant à nouveau :
- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes ;
Avant-dire droit, désigner tel expert qu'il plaira en lui commettant pour mission de :
- se rendre sur les lieux loués, les parties et leurs conseils dûment convoqués,
- vérifier l'existence, l'étendue, et décrire les désordres visés dans les constats d'huissier versés aux débats et notamment sur les infiltrations constatées, l'état de vétusté des portes, fenêtres, menuiseries, murs et sols,
- vérifier l'état de la volige sous l'avancée de toit,
- vérifier la conformité de l'isolation thermique et phonique de l'intégralité du bien loué,
- donner tout élément permettant à la juridiction d'apprécier si les non-conformités et désordres relevés sont liés à la vétusté de l'installation, de l'immeuble ou du matériau en question et si les travaux de reprise relèvent des grosses réparations,
- dire si ces désordres sont de nature à rendre impropre l'ouvrage auquel il est destiné ou compromettre sa solidité,
- chiffrer les travaux de remise en état,
- donner tous éléments afin d'apprécier les préjudices subis par la société M'KS, notamment les préjudices financiers, moral, de jouissance, en proposer une évaluation chiffrée,
- fixer une date de dépôt du rapport d'expertise,
Sur le fond :
- juger toute demande de condamnation de la Selarl MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire de la société M'KS au paiement d'une somme d'argent irrecevable;
'- à condition de déclarer sa créance entre les mains de la Selarl MJ Synergie;'
- à titre principal, limiter la créance de loyers et de charges détenue par M. et Mme [X] à la somme de 30'471,71 euros au titre des loyers impayés jusqu'à fin septembre 2019, outre la somme de 5 548,50 euros au titre du dépôt de garantie,
- juger qu'aucune somme n'est due au titre de l'année 2020 et débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes à ce titre ;
- juger qu'aucune somme n'est due au titre des charges et débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes à ce titre ;
- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui restituer toutes les sommes perçues à titre de provision sur charges depuis 2016 et en ordonner la compensation avec toute somme qu'elle pourrait être condamnée à leur devoir titre du contrat de bail ;
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. et Mme [X] de leurs demandes au titre de la clause pénale ;
- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes non conformes ;
En tout état de cause,
A défaut d'expertise judiciaire,
- condamner M. et Mme [X] à réaliser les travaux suivants :
- pour la partie habitation :
'remplacement pur et simple des portes et fenêtres du logement,
'mise aux normes de sécurité des réseaux et branchements d'électricité de cet appartement,
'remise en état les cloisons imbibées d'eau ;
'installation d'une VMC dans la salle de bains ;
- pour la partie commerciale :
'remplacement de la porte d'entrée du restaurant,
'réparation de la volige sous l'avancée de toit,
'mise aux normes de l'installation électrique,
'travaux nécessaires à mettre fin aux infiltrations en façade est et en toiture ainsi que les travaux de remise en état subséquents,
le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt dans la limite de trois mois ;
- condamner M. et Mme [X] à payer à la Selarl MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire de la société M'KS la somme de 1 900 euros par mois à compter du 13 octobre 2016 et ce jusqu'à réalisation des travaux au titre de son préjudice de jouissance ;
- condamner M. et Mme [X] à payer à la Selarl MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire de la société M'KS la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- prononcer la compensation par confusion entre les condamnations réciproques des parties;
- condamner solidairement M. et Mme [X] à payer à la Selarl MJ Synergie ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 11 février 2021, les époux [X] demandent à la cour de :
A titre principal,
Déclarer irrecevable la demande d'expertise de la Société MK'S, comme constituant une demande nouvelle en cause d'appel,
A titre subsidiaire,
Débouter la Société MK'S de sa demande d'expertise des lieux loués comme non fondée,
A titre infiniment subsidiaire,
S'il était fait droit à la demande d'expertise des lieux loués,
Dire que les frais d'expertise seront à la charge de l'appelante et demanderesse à l'expertise,
Dire que la mission de l'expert sera la suivante :
- se rendre sur les lieux loués, les parties et leurs Conseils dûment convoqués
- prendre connaissance du bail commercial initial, du bail commercial renouvelé et de l'état des lieux du 15 Juin 2015 et dire si les lieux expertisés ont la même destination et la même distribution que celles décrites dans les documents sus mentionnés que ce soit pour la partie commerciale que pour la partie habitation
- décrire les désordres allégués par la Société M'KS et dire s'ils préexistaient au constat des lieux de 2015 , s'ils résultent de travaux et installations pratiqués par la société M'KS postérieurement audit état des lieux et enfin , dans le cas où une vétusté pourrait être relevée, dire si les travaux de reprise entrent dans les conditions prévues par le bail commercial de prise en charge par les bailleurs et constituent notamment des réparations,
Fixer au passif du redressement judiciaire de la Société M'KS les sommes suivantes
- 60 922,93 euros au titre des loyers et charges dus pour les années 2016 à 2020,
- 16 711,51 euros au titre des charges et notamment des taxes foncières pour les années 2016 à 2020,
- 5 548,50 euros au titre du dépôt de garantie,
- 13 425,72 euros au titre de la clause pénale conventionnelle, sauf à parfaire,
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Débouter la société MK'S de sa demande au titre de la réalisation de travaux sous astreinte,
Débouter la société MK'S de sa demande au titre du préjudice de jouissance,
Débouter la société MK'S de sa demande au titre de son préjudice moral,
Condamner la société MK'S aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Par commodité, la société MK'S et la Selarl MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire seront désignées ci-après sous la dénomination 'la société MK'S'.
MOTIVATION
Conformément à l'accord des parties, il y a lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et de prononcer la clôture de la procédure au 6 janvier 2022, date de l'audience.
Aux termes du bail du 22 décembre 2015, les époux [X] ont loué à la société Stella à compter du 1er décembre 2015 un ensemble mixte à usage commercial et d'habitation situé au [Adresse 4] comprenant :
1° à titre commercial :
- au rez-de-chaussée : salle de restaurant, salle de bains, cuisine
- au premier étage : une mezzanine, une salle de séminaire,
2° à titre d'habitation :
- un appartement au premier étage : une chambre, un salon, salle de bains, et terrasse au rez-de-chaussée, avec piscine à l'est du bâtiment (avec droit d'usage des bailleurs).
Ils ont également donné à bail un studio de 40 m² environ situé [Adresse 3]. Le bail rappelle que ce studio a été transformé en salle de restaurant par le preneur sans l'obtention des autorisations administratives requises.
Le bail prévoit que le bailleur aura à sa charge :
'1°- les réparations afférentes aux gros murs et voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Soit les réparations intitulées « grosses réparations » à l'article 606 du code civil, et telles qu'elles sont définies par cet article, à l'exclusion de toutes autres.(...)
2°- les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées au 1°.
Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique, qui seront donc à la charge du preneur.
Par conséquent, tous autres travaux, réparations grosses ou menues et entretien seront à la seule charge du preneur ainsi que la charge d'entretien des réparations incombant au bailleur.
Le loyer a été fixé à la somme annuelle de 28'576,08 euros soit un loyer mensuel de 2381,34 euros s'appliquant à concurrence de :
- 754,34 euros par mois pour les locaux à usage d'habitation et les dépendances
- 1627 euros hors taxes par mois pour les locaux à usage commercial soumis au régime de TVA.
Ainsi, le montant total mensuel du loyer dû par le preneur s'élèvera à la somme de 2706,74 euros.'
1- sur la demande en paiement de loyers et de charges
La cour note que la société M'KS ne conteste plus devoir l'augmentation du loyer due à la modification opérée par les bailleurs en cours de bail. En effet, ceux-ci ont distingué dans le loyer de la partie habitation celui du logement et celui du studio transformé en surface commerciale, le loyer du studio étant dès lors soumis à la TVA, ce qui a provoqué une augmentation du prix du loyer.
a- sur les sommes dues au titre des loyers :
- année 2016
Les parties s'accordent pour fixer à 708,08 euros la dette de la société M'KS, étant observé qu'il n'est nullement justifié par les bailleurs que la remise de 2 000 euros sur le montant dû au titre des loyers a été consentie à la locataire à charge pour elle de justifier qu'elle avait effectué des travaux à hauteur de cette somme.
- année 2017
La société locataire affirme avoir réglé 600 euros le 2 janvier 2018 et 674 euros le 25 janvier 2018 qui n'ont pas été déduits de sa dette de loyers de l'année 2017. A L'appui de cette affirmation, elle produit un relevé tapuscrit des mouvements de son compte bancaire mais non la preuve du débit de ces sommes du dit compte, de sorte que le paiement n'est pas établi. Au vu du décompte produit par les bailleurs, il est dû
1 416,25 euros.
- année 2018
La société M'KS déduit de la somme due ses règlements qu'elle évalue à 31'874,75 euros sans justifier de ses paiements. Les bailleurs font observer qu'elle confond ses règlements de l'année 2017 et 2018. Il résulte en effet des décomptes produits par les bailleurs que la société M'KS a réglé 31'874 75 euros en 2017 mais seulement 24'963,75 euros en 2018. La charge de la preuve du paiement incombant à la société M'KS, et celle-ci ne la rapportant pas, sa dette au titre de l'année 2018 s'élève à
8 327,25 euros au vu du décompte des bailleurs.
- année 2019
La société M'KS affirme avoir versé 2 706 euros en juillet 2019, les bailleurs le contestent en faisant valoir qu'elle ne le prouve pas. En l'absence de tout élément justificatif produit par la société M'KS pour démontrer la réalité de ce paiement, celle-ci apparaît redevable de l'intégralité des loyers hors charges de l'année 2019 qui s'élèvent à la somme de 33'291 euros.
- année 2020
La société M'KS produit les avis d'opérations de virement émanant de sa banque (pièces 63 et 64) qui confirment le décompte des bailleurs pour les paiements suivants :
- 4 juillet 2020 : 2774,25 euros
- 10 août 2020 : 2774,25 euros
- 27 août 2020 : 500 euros
- 9 septembre 2020 : 2774,25 euros
- 18 septembre 2020 : 500 euros
- 1er octobre 2020 : 930 euros
- 8 octobre 2020 : 3 084,25 euros
Dans le décompte des bailleurs apparaît au surplus un paiement de 2774,25 euros du 5 mars 2020.
Le décompte des bailleurs a été établi le 25 novembre 2020. Or, après cette date, la société M'KS justifie de deux ordres de virement de 3084,25 euros chacun en date des 7 et 31 décembre 2020, le deuxième paiement étant à imputer sur le loyer de mai 2020.
La société M'KS produit également un ordre de virement du 4 janvier 2020 pour 2084,25 euros. Toutefois, à la rubrique 'état', la banque n'a pas indiqué que le virement avait été exécuté, la mention indiquant :'soumis à la banque'. Il est donc pas établi que la somme de 2084,25 euros a été payée, d'autant qu'elle n'apparaît pas sur le décompte des bailleurs.
Il est ainsi justifié de paiements de la locataire à hauteur de 22'279,75 euros pour un montant dû hors charges de 33'291 euros soit une dette de loyers de 11'011,25 euros, étant précisé que les loyers impayés de l'année 2020 sont échus postérieurement au placement de la société M'KS en redressement judiciaire.
La dette de loyers ressort en conséquence à la somme totale de 54 753,83 euros au 31 décembre 2020.
b- sur les sommes dues au titre des charges
L'article 9 du bail stipule que le preneur remboursera au bailleur, en même temps que chaque terme de loyer, les taxes locatives ou la TVA selon le cas et les différentes prestations et fournitures que les propriétaires sont en droit de récupérer sur les locataires, notamment celles énumérées par l'article 38 de la loi du 1er septembre 1948.(...) Il est précisé que la taxe foncière sera facturée au preneur.
La société M'KS locataire se prévaut des articles L 145-40-2 et R 145-36 du code de commerce issus de la loi du 18 juin 2014 et indique qu'avant cette loi le bailleur était tenu de justifier de la réalité du montant des charges, à peine de rendre sans cause les appels trimestriels de provision. Elle fait valoir que les bailleurs ne lui ont jamais adressé le moindre justificatif de la régularisation des charges ni les avis d'imposition relatifs à la taxe foncière et soutient que les pièces adverses n° 12,13 et 15 ne correspondent nullement à ces exigences.
Les bailleurs répondent que la locataire est tenue au paiement des charges en vertu du contrat qui fait la loi des parties.
Il est constant que le bail liant les parties, qui a été renouvelé en décembre 2015, est soumis aux dispositions légales résultant de la loi du 18 juin 2014.
Les stipulations contractuelles ne dispensent pas les bailleurs de justifier annuellement auprès de la société preneuse de l'état récapitulatif annuel incluant la liquidation et la régularisation des comptes de charges. Or, la société M'KS affirme ne jamais l'avoir reçu et les bailleurs ne démontrent pas le contraire, le document qu'ils ont eux-mêmes établi chaque année (leurs pièces 11, 12, 13 pour les années 2017, 2018 et 2019) ne valant pas preuve des sommes dues par la locataire. Ils n'ont pas davantage produit ces décomptes au cours de la présente procédure, de sorte que faute de toute justification aucune somme n'est due par la société M'KS au titre des charges.
Les provisions réglées par la société M'KS ayant été imputées sur les loyers hors charges, il n'y a pas lieu à restitution de ce chef.
En ce qui concerne la taxe foncière, la société preneuse conteste en être redevable au titre des locaux d'habitation. Toutefois, l'article R145-35 du code de commerce issu du décret du 3 novembre 2014 autorisant le bailleur à mettre la taxe foncière à la charge du locataire sans distinction aucune en cas de bail mixte, la société M'KS qui s'y est obligée aux termes du bail est redevable de l'intégralité de la taxe foncière portant sur les locaux loués.
En cours de procédure, les bailleurs ont produit leurs avis d'imposition, à une exception près, et justifient ainsi partiellement de leur créance relative à la taxe foncière.
Le studio situé [Adresse 3] n'apparaît pas dans l'acte du 15 juin 2016 de cession du fonds de commerce auquel sont intervenus les bailleurs. Toutefois, la société M'KS ne conteste pas être redevable de la taxe foncière exigible au titre de cet immeuble. Elle conteste cependant le calcul du prorata qui lui est réclamé. En l'espèce, le bail ne précise pas quel est le mode de calcul de la taxe foncière correspondant au studio et la proratisation figurant sur les factures des bailleurs n'est ni expliquée, ni justifiée ; la demande en paiement à ce titre qui est contestée dans son quantum sera rejetée en application de l'article 1353 du code civil.
S'agissant des locaux situés au [Adresse 4], le montant de la taxe foncière ressort aux sommes suivantes :
- année 2016 : 2 071 euros
- année 2017 : 3 256 euros
- année 2018 : 3 339 euros
- année 2019 : justificatif non produit : rejet
- année 2020 : 3 437 euros
total : 12 103 euros.
c- sur le dépôt de garantie
La société M'KS ne conteste pas devoir au titre du dépôt de garantie la somme de
5 548,50 euros.
d- sur la clause pénale
Le bail stipule qu'au titre du retard dans le paiement des loyers et charges, les sommes dues seront majorées d'un intérêt calculé au taux légal en vigueur au jour de l'échéance impayée majoré de trois points.
Les bailleurs réclament l'application à l'intégralité de la dette locative du taux légal en ligne au premier semestre 2021 augmenté de 3 %, soit 6,14 % et par conséquent une somme de 5107,43 euros.
Or, il convient d'appliquer à chaque échéance impayée non régularisée l'intérêt au taux légal en vigueur à sa date en le majorant de 3%, et non le taux applicable à l'échéance impayée la plus récente, ce que ne font pas les bailleurs dont la réclamation sera en conséquence rejetée.
Le bail prévoit également que les bailleurs peuvent réclamer une pénalité forfaitaire de 10% des sommes dues pour les couvrir des frais exposés, montant qui ne peut être qualifié d'excessif en l'espèce au regard des procédures qu'ils ont dû engager. Il sera en conséquence fait droit à leur demande d'octroi d'une somme de 6 856,11 euros à ce titre, le jugement qui a rejeté leurs demandes étant infirmé sur ce point.
2- sur les demandes formées par la société preneuse
- sur la demande d'expertise
En première instance, la société M'KS a formé une demande reconventionnelle afin qu'il soit constaté la non décence, la non-conformité et la vétusté du bien loué, et que les bailleurs soient condamnés à faire réaliser divers travaux tant dans la partie commerciale que dans la partie habitation des lieux loués et à l'indemniser de son trouble de jouissance.
L'expertise réclamée en cause d'appel vise à vérifier l'existence et l'étendue des désordres, de la vétusté, du défaut de conformité de l'isolation et de l'installation électrique, de chiffrer les travaux nécessaires et de donner les éléments permettant d'apprécier les préjudices subis par la locataire. La demande d'expertise poursuit manifestement le même but que les demandes formées en première instance et sera déclarée recevable en application de l'article 565 du code de procédure civile.
Les bailleurs versent aux débats l'annonce de mise en vente du commerce publiée le 20 juin 2019 qui fait état de travaux récents, lesquels sont confirmés par la société M'KS dans ses écritures. Celle-ci produit pour sa part des constats d'huissier de justice, des rapports de la société Apave et des devis qui attestent de l'état des locaux et sont suffisants pour permettre à la juridiction de statuer sur les demandes. La demande d'organisation d'une expertise sera en conséquence rejetée.
- sur les travaux
- concernant la partie habitation
Les bailleurs rappellent que le premier juge a mis à leur charge les travaux de rénovation des menuiseries extérieures et de mise aux normes de sécurité du réseau d'électricité du logement et font valoir que par courrier du 6 janvier 2020, leur conseil a écrit à celui de la société M'KS afin que lui soient communiquées des dates et heures auxquelles leurs mandants pourraient se rendre sur place, courrier qui n'a pas reçu de réponse. Ils en déduisent que les réparations ordonnées en première instance n'ont plus lieu d'être et sollicitent la réformation du jugement de ce chef.
Ils demandent à la cour de prendre en considération la remise de loyer de 2 000 euros dont a bénéficié la société M'KS pour rénover les huisseries de l'appartement, excipent des stipulations du bail qui mettent à la charge des bailleurs les seules réparations de l'article 606 du code civil et font valoir que les travaux sollicités ne relèvent pas de cette catégorie et incombent à la société preneuse.
La société M'KS s'appuie sur trois constats d'huissier de justice des 13 décembre 2017 (p12), 22 janvier 2019 (p 45) et 6 novembre 2019 (p 46).
Il résulte des deux constats dressés en 2019 que les menuiseries de l'appartement sont vétustes, qu'une importante condensation se manifeste au niveau des vitrages et que les châssis sont moisis en partie basse, que la fenêtre de la pièce à usage de bureau n'est pas étanche à l'air et que la porte d'entrée de l'appartement est constituée d'un simple panneau Isorel, ceci étant confirmé par le constat d'huissier du 5 octobre 2016 (p 9) et par l'état des lieux du 15 octobre 2015 (p 10) qui qualifie de vétuste chacune des pièces de l'habitation, y compris le dégagement et les toilettes.
Un constat d'huissier justifie des nombreux travaux qu'elle a effectués pour rendre les lieux habitables.
La société M'KS produit également des compte-rendus et un rapport de la société Apave (p 16 à 18) qui démontrent l'absence de conformité de l'installation électrique des lieux loués.
En application de l'article R145-35 du code de commerce applicable au bail, les réparations relevant de la vétusté doivent être prises en charge par le bailleur, celui-ci étant en outre tenu aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et des articles 1 et 2 du décret du 9 mars 2017 de mettre à la disposition du locataire un logement décent.
Les bailleurs seront en conséquence condamnés à procéder au remplacement des fenêtres et de la porte d'entrée du logement, et de mettre aux normes de sécurité les réseaux et branchements d'électricité, sous astreinte afin de garantir l'exécution des travaux.
La société M'KS réclame en outre l'installation d'une VMC dans la salle de bains et la réfection des cloisons imbibées d'eau. Toutefois, elle ne vise dans ses conclusions aucun élément objectif à l'appui de ces demandes et ne cite pas davantage la ou les pièces s'y rapportant, la seule indication trouvée par la cour sur ce point figurant dans le constat du 22 janvier 2019 qui fait état d'humidité dans la chambre mitoyenne à la salle de bains au niveau de la baignoire, ce dont l'on ne peut déduire qu'une VMC soit indispensable pour assurer l'aération de la salle de bain ni que l'état de la cloison relève de la vétusté. Ces demandes seront donc rejetées.
- concernant la partie commerciale des locaux
La société M'KS sollicite la condamnation des bailleurs à prendre en charge le remplacement de la porte d'entrée du restaurant, la réparation de la volige sous l'avancée de toit, la mise aux normes de l'installation électrique et les travaux nécessaires pour mettre fin aux infiltrations en façade est et en toiture ainsi que les travaux de remise en état subséquents.
Elle reconnaît avoir perçu une remise sur les loyers de 2 000 euros afin de financer des travaux (ses conclusions p 22) et fait valoir que les bailleurs ne peuvent exciper du bon état des lieux en se prévalant des travaux qu'elle a elle-même financés.
Les bailleurs répondent que les éléments et photographies diffusées par la société M'KS en 2019 lors de la mise en vente du fonds attestent de l'état satisfaisant des locaux, que leur proposition de rendez-vous du 6 janvier 2020 est restée sans réponse, et que les travaux réclamés relèvent du preneur aux termes du bail. Ils concluent au rejet des demandes.
Le constat d'huissier du 13 décembre 2017 (p 12) témoigne de la vétusté de la porte d'entrée qui n'est plus étanche à l'air et se trouve voilée en partie haute. En vertu de ce qui précède, son remplacement incombe au bailleur.
En revanche, il n'est pas établi par le constat du 13 décembre 2017 que le mauvais état de la volige (photo 11) et de la gouttière (photos 12 et 13) relèvent de la vétusté et non d'un manque d'entretien, de sorte qu'il ne peut être fait droit à la demande de ces chefs.
Les rapports et compte-rendus de la société Apave déjà cités, concluent à un risque d'incendie ou d'explosion dans le restaurant et mettent en évidence une absence de mise aux normes, des inadaptations de l'installation électrique qui contreviennent à l'obligation de délivrance du bailleur d'une installation aux normes en vigueur, tant en début de bail qu'au cours de celui-ci.
Les infiltrations dans la dalle de la salle de brasserie et l'humidité consécutive du mur enduit décrits par le constat du 6 novembre 2019 et les constatations de l'huissier d'une fissure verticale sur toute la hauteur du mur à l'angle de la façade ainsi que d'une insuffisance du réseau des eaux pluviales à cet endroit (p 46) portent atteinte à la structure de l'édifice et constituent des travaux à la charge du bailleur aux termes du bail, ainsi que les travaux de reprise qui s'ensuivent.
Il sera donc fait droit aux demandes dans ces limites, étant observé que l'annonce relative à la mise en vente du fonds et les photographies sur lesquelles se fondent les bailleurs pour affirmer que les locaux sont en bon état ont une vocation publicitaire et ne représentent que la salle du restaurant et la terrasse avec piscine et non les désordres justifiés par la société preneuse.
La demande de travaux formés par la société preneuse datant du 1er février 2019 en ce qui concerne les infiltrations, il sera fait droit à la demande d'astreinte.
- sur le préjudice de jouissance
La société preneuse l'évalue à 1 900 euros par mois à compter du 13 octobre 2016 et jusqu'à la réalisation des travaux. Elle fait valoir qu'elle a dû installer un poêle à granulés pour chauffer la salle de restaurant et régler des factures de consommation énergétique anormalement élevées, et qu'elle a subi des risques de vol en raison de la fragilité de la porte d'entrée du restaurant et des risques d'incendie du fait de l'état de l'installation électrique.
Elle n'a heureusement eu à déplorer ni vol, ni incendie, et ne justifie pas de la sur-consommation énergétique qu'elle allègue. En revanche, elle démontre avoir informé ses bailleurs de la vétusté des lieux et de la nécessaire mise aux normes de l'installation électrique par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 14 octobre 2016. La remise de loyer de 2 000 euros étant insuffisante pour financer la seule remise aux normes de l'installation électrique, et des salariés témoignant des dangers de celle-ci (témoignage de l'apprenti, des cuisiniers et du chef de cuisine à la suite de l'incident électrique du 5 février 2019 qui a empêché le fonctionnement du restaurant jusqu'au lendemain, pièces 33 à 36) le préjudice de jouissance résultant de la vétusté des lieux et des infiltrations sera chiffré à la somme de 600 euros par mois pour les locaux d'habitation et pour les locaux commerciaux, à compter d'octobre 2016 et jusqu'à la date de la présente décision, soit 600 x 78 = 46 800 euros.
- sur le préjudice moral
Le préjudice moral résultant pour la société M'KS de l'absence de prise de mesures effectives par les bailleurs pour remédier à la situation constatée dès 2016 malgré ses réclamations justifie l'allocation à ce titre de l'indemnité de 3 000 euros qu'elle réclame.
- sur la compensation des créances respectives
Elle est demandée par la société M'KS.
La dette locative ressort à la somme de 54 753,83 + 12 103 + 5 548,50 + 6 856,11 euros = 79 261,44 euros
La créance de la société M'KS s'élève à 46 800 + 3 000 = 49 800 euros
La créance des bailleurs sur la société M'KS sera en conséquence fixée à la somme de 29 461,44 euros.
- sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Chacune des parties perdant partiellement conservera la charge de ses dépens ; il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 février 2021 et fixe la clôture des débats au 6 janvier 2022;
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse 28 novembre 2019 dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau:
Déclare recevable la demande d'expertise formée par la société M'KS et la Selarl MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire;
La rejette;
Dit que la société MK'S est redevable des sommes suivantes :
- 54 753,83 euros au titre des loyers échus au au 31 décembre 2020 ;
- 5 548,50 euros au titre du dépôt de garantie ;
- 6 856,11 euros au titre de la clause pénale ;
- 12 103 euros au 31 décembre 2020 au titre de la taxe foncière ;
Rejette la demande de M. et Mme [X] au titre du surplus des charges ;
Condamne in solidum M. et Mme [X] à payer à la société MK'S et à la Selarl MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire la somme de 46 800 euros au titre de son préjudice de jouissance et celle de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ;
Après compensation des créances respectives des parties, fixe au passif du redressement judiciaire de la société M'KS la somme de 29 461,44 euros au titre de la créance de M. et Mme [X] ;
Condamne in solidum M. et Mme [X] à faire effectuer dans les lieux loués les travaux suivants:
- remplacement des fenêtres et de la porte d'entrée des locaux d'habitation,
- mise aux normes de sécurité du réseau et des branchements électriques,
- remplacement de la porte d'entrée du restaurant,
- remédier aux infiltrations en façade est et en toiture et faire réaliser les travaux de remise en état subséquents,
le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 4 mois à compter de la signification du présent arrêt, l'astreinte étant limitée dans sa durée à 6 mois ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne chacune des parties à supporter les dépens par elle exposés et rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président