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07/04/2023 | FRANCE | N°19/07498

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 07 avril 2023, 19/07498


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/07498 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MVMV





[S]

C/

Société LAETI & FRED







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 07 Octobre 2019

RG : 17/02417











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 07 AVRIL 2023







APPELANTE :



[O] [S]

née le 12 Octobre 1985 à [Localité 5

]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société LAETI & FRED

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYF...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/07498 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MVMV

[S]

C/

Société LAETI & FRED

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 07 Octobre 2019

RG : 17/02417

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 07 AVRIL 2023

APPELANTE :

[O] [S]

née le 12 Octobre 1985 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société LAETI & FRED

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Florence GENELETTI-CONSTANTINOFF de la SELARL GENELETTI AVOCAT, avocat plaidant inscit au barreau de LYON et

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mars 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en date du 7 octobre 2019 ;

Vu la déclaration d'appel transmise par voie électronique le 31 octobre 2019 par Mme [O] [S] ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 28 avril 2022 par Mme [S] ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 16 avril 2020 par la SAS Laeti & Fred ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 janvier 2023 ;

Pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et transmises par voie électronique conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

Attendu que la cour constate que si Mme [S], qui au dispositif de ses conclusions sollicite la réformation du jugement attaqué en toutes ses dispositions - une telle demande incluant dès lors l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sur laquelle il y a eu appel incident, elle ne réclame ensuite, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'une indemnité pour les frais exposés en cause d'appel ; qu'elle ne maintient donc pas devant la cour sa demande au titre des frais irrépétibles pour les frais exposés en première instance - étant rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions figurant au dispositif ;

- Sur les heures supplémentaires :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ;

Que, selon l'article L. 3171-3 du même code l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminés par voie réglementaire ;

Qu'il résulte de l'article 5 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail annexé à la convention collective des hôtels, cafés restautants que le chef d'entreprise enregistre obligatoirement sur un registre ou tout autre document l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié ainsi que les périodes de travail qu'il a réellement effectuées pour chacun des jours où il n'est pas fait une stricte application de celui-ci ; que ce document est émargé par le salarié au moins une fois par semaine et tenu à la disposition de l'inspecteur du travail ;

Qu'enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires susvisées ;

Qu'enfin le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Attendu qu'en l'espèce Mme [S] soutient avoir travaillé du lundi au semadi de 8h à 15h et de 17h à 24h en août, septembre, octobre et décembre 2016 - mois au cours desquels elle était le seul chef cuisinier - et du lundi au samedi de 8h à 15h en novembre 2016, janvier et février 2017, - mois au cours desquels un second chef cuisinier a été recruté - et avoir ainsi accompli 783 heures supplémentaires non payées ; qu'elle produit :

un décompte des heures de travail réalisées, avec mention de ses horaires quotidiens ;

l'attestation de Mme [E], qui déclare (sic): ' En décembre 2016, j'ai travaillé au bouchon des filles à deux rues du Café de la Place et je passais tous les soirs devant le Café de la place où je m'arrêtais boire un café avec la chef Mlle [O] [S] avant le service du soir. / Souvent je l'attendais après son service pour aller boire un verre sauf quand elle m'appelait pour me dire qu'elle était trop fatiguée. / En effet, finissant souvent avant elle, je passais devant le restaurant et constatais qu'elle était toujours présente. (...) / A cette époque, j'ai croisé Madame [L] qui m'a confié avoir de la chance d'avoir une chef qui gère le midi et le soir car elle ne trouvait personne pour assurer le service du soir. / Elle m'a demandé si je ne connaissais pas un cuisinier, mais ayant déjà envoyer un ami, [K] [G], pour la plonge qui avait été payé au black et au lance pierre j'ai répondu que non. / Madame [S] [O] devait donc être présente midi et soir pour superviser car les personnes présentes en cuisine étaient incompétentes. (...)' ; 'Je lui est souvent conseillé de démissionner car elle étais exploiter et mettais sa santée en danger en travaillant autant. / Elle a fini par demander une rupture conventionnelle après être revenu travailler le Iendemain de son opération en demandant que ses heures supplémentaires soient payer, ce qui lui a été refusé. ' ; 'A cette époque, j'ai croisé Madame [L] qui m'a confié avoir de la chance d'avoir une chef qui gère le midi et le soir car elle ne trouvait personne pour assurer le service du soir.' ;

le témoignage de M. [T] [D], qui précise que 'Madame [S] [O] travaillait bien tous les soirs du lundi au samedi du mois d'Août 2016 au restaurant ' Café de la Place' ;

l'attestation de Mme [B], cuisinière ayant intégré la SAS Laeti & Fred du 3 septembre au 21 octobre 2016, aux termes de laquelle : ' Nos semaines de travail étaient du lundi au samedi de 8 heures à 15 heures et de 17 heures a minuits (sic). L'objectif était qu'elle me forme sur tous les postes de la cuisine pour que nous puissions s'octroyer deux jours de repos par semaine.' ;

Attendu que la salariée produit ainsi des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande ;

Attendu que la SAS Laeti & Fred conteste la réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées ; qu'elle remarque que Mme [S] n'exerçait pas les fonctions de chef cuisinier mais celles de cuisinier, note des incohérences dans le relevé produit par l'intéressée et les déclarations des témoins, affirme que ce n'est qu'occasionnellement - afin de pallier l'absence d'un cuisinier - que la salariée a pu travailler le soir de 18h30 à 23h environ, et verse aux débats :

le contrat de travail et les bulletins de paie de Mme [S] mentionnant un emploi aux fonctions de cuisinier ;

la fiche Pôle emploi relatives aux tâches et compétences requises pour un poste de chef de cuisine ;

le témoignage de Mme [M], embauchée par la SAS Laeti & Fred en qualité de cuisinier puis de chef cuisinier, qui précise que lorsqu'elle était cuisinière son travail consistait simplement à faire la cuisine et le ménage en fin de service et que lors de son arrivée c'est Mme [L] qui gérait les commandes ;

le décompte des heures de travail de Mme [M] entre le 8 octobre et le 1er décembre 2018, d'où il ressort qu'elle aurait effectué une moyenne de 32h30 de travail par semaine ;

des tickets de caisse du restaurant datant d'août 2016 à février 2017 ;

les contrat de travail et les bulletins de paie de M. [U], commis de cuisine, d'où il ressort une légère augmentation de son salaire à compter du mois de juin 2016 correspondant selon la SAS Laeti & Fred à sa promotion en qualité de cuisinier - les fiches de paie mentionnant cependant toujours comme emploi celui de commis de cuisine ;

les contrats de travail de plusieurs autres cuisiniers ou commis devenus par la suite cuisiniers datés de septembre, novembre et décembre 2016, la SAS Laeti & Fred expliquant qu'ils intervenaient pour le service du soir - Mme [S] n'ayant effectué que des remplacements pour pallier leurs quelques absences en septembre et octobre;

un tableau récapitulatif des horaires de travail des salariés de la SAS Laeti & Fred du 1er août 2016 au 5 février 2017 faisant état de plusieurs absences de M. [U] et [V] en août et septembre 2016 correspondant aux jours où selon la SAS Laeti & Fred Mme [S] aurait travaillé le soir pour assurer leur remplacement;

les attestations de deux salariés déclarant que Mme [S] ne travaillait que très rarement le soir ;

les témoignages de salariés affirmant ne pas avoir été réglé en espèces ;

Attendu qu'il est constant que la SAS Laeti & Fred n'a mis en oeuvre aucun système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier de Mme [S] et a donc failli en la matière ; qu'au vu des éléments produits de part et d'autre la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [S] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées, sans que la SAS Laeti & Fred ne puisse utilement arguer de ce que, certains mois, la salariée n'accomplissait pas les 169 heures de travail pour lesquelles elle était rémunérée dans la mesure où les heures supplémentaires se décomptent pas semaine ; que toutefois, compte tenu des éléments fournis par la société, la cour retient que Mme [S] n'a pas effectué l'intégralité des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir réalisées et qu'il lui est dû la somme de 5 200 euros, outre 520 euros de congés payés;

- Sur le travail dissimulé :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail : 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : / 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; / 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.' ;

Attendu que la volonté délibérée de la SAS Laeti & Fred de dissimuler sur les bulletins de paie les heures réellement accomplies par la salariée n'est pas suffisamment caractérisée; que par ailleurs, si le témoin Mme [E] déclare qu'elle était pour partie payée en espèces, d'autres salariés témoignent du contraire ; que la demande d'indemnité pour travail dissimulé est dès lors rejetée ;

- Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Attendu, en premier lieu, que, s'il est constant que Mme [S] n'a pas bénéficié de la visite médicale d'embauche prévue à l'article R. 4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle en aurait subi un préjudice ; que la cour observe que l'accident du travail dont elle a été victime le 2 janvier 2017 n'aurait pu être évité par une visite médicale d'embauche, s'agissant d'une coupure au doigt avec un couteau - sans lien avec un état de santé préexistant ;

Attendu, en second lieu, que l'article 6 de l'avenant n°2 du 5 février 2007 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants prévoit que la durée maximale journalière pour un cuisinier est de 11 heures et que la durée maximale hebdomadaire est de 48 heures ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a respecté les durées maximales de travail

Attendu qu'en l'espèce une telle preuve n'est pas rapportée en l'absence de décompte fiable, signé de la salariée, de ses heures de travail ; que le manquement à l'obligation de sécurité édicté à l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable est donc constitué ; que le préjudice subi de ce chef par Mme [S] est indemnisé par l'octroi de la somme de 1 000 euros ;

- Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à Mme [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Constate que Mme [O] [S] ne maintient pas en cause d'appel la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance présentée devant le conseil de prud'hommes,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [O] [S] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, rejeté la demande de la SAS Laeti & Fred sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Condamne la SAS Laeti & Fred à payer à Mme [O] [S] les sommes de :

- 5 200 euros, outre 520 euros de congés payés, au titre des heures supplémentaires,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

Condamne la SAS Laeti & Fred aux dépens d'appel,

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/07498
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.07498 ?
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