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07/04/2023 | FRANCE | N°19/07965

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 07 avril 2023, 19/07965


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/07965 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWPB





[T]

C/

Société [R] TRANSACTION







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : 15/01856







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 07 AVRIL 2023





APPELANT :



[S] [T]

né le 22 Juin 1972 à [Localité 5]

[Adresse 1]r>
[Localité 2]



représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représenté par Me Christine FAUCONNET de la SELARL CONTE-JANSEN & FAUCONNET AVOCATS, avocat plaidant...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/07965 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWPB

[T]

C/

Société [R] TRANSACTION

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : 15/01856

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 07 AVRIL 2023

APPELANT :

[S] [T]

né le 22 Juin 1972 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représenté par Me Christine FAUCONNET de la SELARL CONTE-JANSEN & FAUCONNET AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

INTIMÉE :

Société [R] TRANSACTION

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Virginie PERRIN de la SELARL DEGUERRY, PERRIN ET ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substituée par Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société [R] Transactions, devenue Clana Home, (ci-après, la société) exploite une agence immobilière sous l'enseigne ORPI.

Elle applique la convention collective de l'immobilier.

M. [S] [T] a été embauché par la société à compter du 2 décembre 2013, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de négociateur immobilier.

M. [T] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 24 novembre 2014.

Le 25 novembre 2014, M. [T] a fait l'objet d'un avertissement pour s'être autorisé à ne pas venir travailler le 10 novembre 2014 alors que sa demande de congé n'avait pas été acceptée et que les congés fractionnés n'étaient pas permis, pour ne pas s'être présenté le 7 novembre 2014 à 9 heures au rendez-vous que lui avait fixé la gérante, Mme [R], si bien qu'elle a dû aller le chercher à 9h30 au café voisin, et pour ne pas avoir honoré un rendez-vous avec un client et un négociateur immobilier de Orpi Lozanne, le 24 novembre 2014 à 13 heures, alors qu'il avait informé sa collègue qu'il aurait peut-être un examen à passer ce jour-là à l'hôpital.

Il en a contesté les termes dans un courrier du 18 février 2015.

Par lettre du 23 mars 2015, la société l'a convoqué à un entretien préalable et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 2015, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave en ces termes :

« (') Je vous ai reçu en entretien préalable au licenciement le mardi 31 mars 2015 au cours duquel vous être venu accompagné par un représentant du salarié.

Je vous ai alors exposé les faits qui vous étaient reprochés et qui sont les suivants :

Au cours de votre arrêt maladie j'ai pris connaissance des messages professionnels laissés sur la boîte vocale de votre téléphone professionnel.

J'ai été extrêmement surprise et choquée d'entendre un message de M. [B] [F] vous proposant une transaction en directe sans, je cite « passer par cette salope » en parlant de moi.

Vous avez contesté les faits sans autre explications.

Pourtant ce message vocal est enregistré, et consultable sur votre téléphone de sorte qu'il est manifestement impossible de contester les faits.

Dès lors votre réponse est inacceptable et je considère que, en votre qualité de salarié, conclure des transactions hors mandat et en dehors de tout cadre légal est une faute grave.

Je vous ai également exposé mon mécontentement lié à votre refus de tout lien de subordination.

En effet, lors de votre entretien d'embauche, vous m'avez clairement indiqué que vous n'entendiez pas rester simple négociateur et envisagiez une association à court terme.

Lorsque j'ai voulu mettre fin à votre période d'essai, vous avez de nouveau indiqué qu'un projet d'association serait de nature à vous motiver et je vous ai clairement dit que je n'y étais pas opposée sous réserve de faire vos preuves.

Vous avez cru bon pouvoir, en compagnie de Madame [N], profiter de mon état de faiblesse dû à des contraintes personnelles, pour envisager une reprise à faible coût de ma structure en me poussant à bout.

Pour ce faire vous avez pris comme prétexte l'irrégularité de vos fiches de paie pour mettre en place un véritable harcèlement écrit et oral à mon égard.

Pourtant, j'ai tout mis en 'uvre, et vous ai tenu régulièrement informé, pour la correction de ces fiches de paie, dont les irrégularités étaient notoirement de la responsabilité du cabinet d'expertise comptable. Cela ne vous a jamais satisfait.

Vous avez continuer d'avoir un comportement inacceptable et j'en veux pour preuve, qu'à peine arrivé à l'agence après votre arrêt maladie, vous m'écrivez pour me reprocher d'avoir dû « allumer votre ordinateur » vous-même !!!

Cette attitude, en collaboration avec Mme [N] m'a conduit à un « burn-out » professionnel et à la prise d'un traitement médicamenteux afin de parvenir à assumer mes fonctions, et encore de façon peu satisfaisante.

Vous avez contesté les faits que j'ai pourtant subi personnellement.

Je considère votre attitude constitutive d'une faute grave dans la mesure où elle a mis en péril mon intégrité physique et mentale.

Enfin, dans le courrier que j'ai reçu de votre avocate, il semblerait que vous prétendiez que je suis responsable de votre arrêt maladie alors que ce dernier ne justifie que par l'absolue nécessité de faire soigner votre addiction à l'alcool.

Vous avez contesté les faits, je ne retiendrai pas ce motif.

Il ressort de tout ce qui précède que, sous prétexte d'erreurs sur vos fiches de payes, vous vous êtes arrogé le droit de me dénigrer auprès des tiers, de m'agresser par écrit et verbalement, de me harceler de mails et de courriers, alors même que vous saviez que tout était mis en 'uvre pour régulariser ces éléments.

Vous avez également cru être autorisé à envisager, au regard de mon état de faiblesse, de me faire abandonner mes fonctions et mes parts au bénéfice de Madame [N] et vous-même.

Je considère ce comportement comme une faute grave ayant des conséquences importantes pour la société, en raison notamment de la dégradation de mon image professionnelle. (') »

M. [T] en a contesté les termes dans un courrier du 30 avril suivant.

Mme [N], autre salariée de la société, a également fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le même jour. Quant à la 3e salariée de la société, Mme [I], elle a été licenciée pour inaptitude en 2016.

Par requête du 15 mai 2015, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de diverses demandes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement de départage du 24 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

-Donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à verser à M. [T] la somme de 331,76 euros bruts au titre de rappel de salaire des minima contractuels, outre 33,18 euros de congés payés afférents et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de ces sommes ;

-Donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à verser à M. [T] la somme de 1 323,40 euros bruts, au titre du reliquat de congés payés et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de cette somme ;

-Débouté M. [T] de l'intégralité de ses autres demandes ;

-Dit n'avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné M. [T] aux dépens.

Par déclaration du 19 novembre 2019, M. [T] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 18 décembre 2022, M. [T] demande à la cour de :

A titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à lui verser la somme de 331,76 euros bruts, outre 33,18 euros de congés payés afférents et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de ces sommes et donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à lui verser la somme de 1 323,40 euros bruts, au titre du reliquat de congés payés et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de ces sommes, en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses autres demandes, dit n'avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens ;

Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

148,17 euros à titre de rappel de salaire sur minima contractuel outre 14,81 euros de congés payés afférents ;

6 417,95 euros à titre de rappel de salaire sur commissions outre 641,79 euros de congés payés afférents ;

15 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation d'exécuter le droit de suite des négociateurs immobiliers sauf à ce qu'il puisse réellement chiffrer les sommes lui restant dues;

5 000 euros nets de dommages et intérêts consécutifs à l'annulation d'une sanction abusive ;

8 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle Emploi conforme ;

940,76 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 94,07 euros de congés payés afférents ;

3 384,84 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 338,48 euros de congés payés afférents ;

507,73 euros d'indemnité de licenciement ;

35 000 euros nets de CSG/CRDS de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire, confirmer le jugement dans son intégralité ;

En tout état de cause, condamner la société à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société aux dépens de l'instance.

Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2020, la société demande pour sa part à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire de mise à pied, rejeté les demandes de rappel de commissions et de dommages et intérêts au titre du droit de suite, rejeté les demandes rectification d'attestation Pôle Emploi et de dommages et intérêts s'y rapportant, en ce qu'il lui a donné acte qu'elle reconnaissait devoir à M. [T] la somme de 331,76 euros bruts au titre de rappel de salaire des minima contractuels, outre 33,18 euros de congés payés afférents et la somme de 1 323,40 euros de reliquat de congés payés, écarté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, écarté la demande d'annulation de l'avertissement et de dommages et intérêts s'y rapportant ;

Condamner M. [T] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamner aux dépens.

La clôture est intervenue le 10 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1- Sur l'exécution du contrat de travail

1-1-Sur la demande de rappel de commissions

L'avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective de l'immobilier relatif au nouveau statut de négociateur immobilier prévoit en son article 4.3 que la rémunération du négociateur VRP est composée essentiellement ou exclusivement de commissions, qu'elle relève du libre accord du négociateur immobilier et de son employeur sous réserve du statut et que le salaire minimum tel que fixé à l'article 4.2 peut constituer en tout ou partie une avance sur commissions.

Le contrat de travail conclu entre la société et M. [T] prévoit ainsi que l'intéressé est rémunéré exclusivement à la commission, en bénéficiant toutefois d'un minimum mensuel garanti, fixé à 1 692,42 euros et comprenant une avance sur commissions, des congés payés (10 %) et le prorata du 13e mois.

Le contrat prévoit également que les commissions font l'objet d'une régularisation chaque trimestre en fonction des honoraires encaissés par l'agence au dernier jour du trimestre. Si le montant des commissions dues excède celui des avances versées mensuellement, le solde positif est payé à la fin du mois de régularisation ; dans le cas contraire, le solde négatif est reporté pour l'établissement des décomptes annuels suivants, tout en garantissant la rémunération minimale prévue par la convention collective.

1-1-1-Sur les commissions payables pendant l'exécution du contrat de travail

M. [T] soutient ne pas avoir perçu la totalité des commissions prévues au contrat, ce que conteste l'employeur. Leurs divergences portent en définitive sur le report du solde négatif mois après mois et année après année.

La cour relève cependant que selon les termes du contrat, le salaire minimum correspond en totalité à une avance sur commissions. Son versement avait donc pour objectif d'assurer au salarié un salaire minimal dans l'attente du versement de ses commissions, et non de lui garantir qu'il serait sur toute la durée du contrat de travail rémunéré au moins à ce niveau. En déduisant au fur et à mesure du montant des commissions dues toutes les avances déjà versées, la société n'a fait qu'appliquer les termes du contrat de travail et les tableaux établis par M. [T] font totalement abstraction des sommes à déduire au titre du solde négatif entre les commissions générées par les affaires qu'il a contribué à réaliser et les salaires qu'il a perçus.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

1-1-2-Sur les commissions payables après la rupture du contrat de travail

Les parties s'accordent sur l'existence d'un droit de suite de 6 mois conformément à la convention collective et à l'avenant n° 31 du 15 juin 2006, soit jusqu'au 7 octobre 2015, sachant que le montant de la commission est alors réduit de moitié.

M. [T] soutient qu'il se trouvait dans l'impossibilité de calculer les commissions qui lui étaient dues en application du droit de suite.

L'employeur communique toutefois ses relevés bancaires sur la période concernée par le droit de suite, ce qui aurait pu lui permettre d'identifier des paiements correspondant à des ventes auxquelles il aurait contribué.

Ainsi, l'employeur établit que les commissions dues à M. [T] ont été intégralement payées. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation d'exécuter le droit de suite.

1-2-Sur le rappel de salaire au titre du minimum contractuel

La société reconnaît devoir la somme de 331,76 euros bruts, outre les congés payés afférents à M. [T]. Celui-ci ne sollicite toutefois que la somme de 148,17 euros, contre 14,89 euros de congés payés afférents. Le jugement sera donc réformé en ce sens.

1-3-Sur le rappel de congés payés

Les parties s'accordent sur le montant dû par la société à ce titre. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

1-4-Sur l'avertissement du 27 novembre 2014, notifié le 6 décembre 2014

En application de l'article L.1333-2 du code du travail, le juge prud'homal peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Sur l'absence du 10 novembre 2014, la société communique la demande de congés formée par le salarié le 22 octobre 2014. Il ressort de la lettre d'avertissement que le 10 novembre, aucune réponse ne lui avait été apportée. L'employeur, qui n'apporte aucune explication à ce long délai, ne pouvait donc se prévaloir de son absence pour le sanctionner.

Sur le retard du 7 novembre 2014, M. [T] ne conteste pas qu'il se trouvait au café voisin et indique sans être contredit qu'il devait échanger avec Mme [R] sur une maison qu'il devait faire visiter l'après-midi et que cette visite a bien eu lieu.

Enfin, sur l'absence du 24 novembre 2014, M. [T] affirme avoir communiqué dans les 48 heures un arrêt de travail à son employeur et avoir prévenu sa collègue, Mme [I], de son absence. Contrairement à ce qu'il écrit dans ses conclusions, il ne verse cependant pas aux débats son arrêt de maladie et l'employeur indique ne jamais l'avoir reçu. Il ne conteste pas que le client et le négociateur de l'agence Orpi Lozanne l'ont vainement attendu 45 minutes.

Ces 2 derniers faits démontrent une légèreté dans l'accomplissement de ses missions qui justifiaient l'avertissement que lui a infligé l'employeur. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

1-5-Sur la demande de dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle emploi conforme

M. [T] ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de la remise d'une attestation Pôle emploi erronée, puis d'une attestation corrigée, et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

1-6-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail s'exécute de bonne foi. Cette obligation est réciproque.

Pour solliciter des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, M. [T] se fonde sur les griefs déjà discutés, lesquels l'auraient placé dans une situation de burn-out professionnel. Or la cour n'a retenu que le retard apporté à lui remettre une attestation Pôle emploi conforme et un rappel de commissions et de congés payés et ces légers manquements à l'exécution du contrat de travail par l'employeur ne sauraient caractériser une exécution déloyale du contrat de travail de sa part. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

2-Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

En application de l'article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du code du travail, l'employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

En l'espèce, la lettre de licenciement se fonde sur plusieurs griefs :

un détournement de clientèle ;

le harcèlement écrit et oral mis en place à l'égard de la gérante afin de reprendre la structure à faible coût, ce qui l'a conduite à un brun-out professionnel et à la prise d'un traitement médicamenteux et le dénigrement de la gérante auprès des tiers.

Sur le second grief, la société verse aux débats diverses attestations de proches de Mme [R]. Ils décrivent tous que la gérante évoluait dans une ambiance de travail délétère, qu'elle leur parlait de pressions, d'acharnement de la part de ses salariés et qu'ils l'ont vue perdre pied.

Le ton employé dans les courriers et courriels adressés à Mme [R] par les salariés le 25 août, 10 septembre et 1er octobre 2014 était particulièrement comminatoire et inadapté à une relation de travail, alors qu'il ressort des échanges que les salariés étaient régulièrement informés des démarches entreprises par la gérante pour régulariser une situation qui, si elle avait pu dans un premier temps légitimement les irriter, était le fait du cabinet d'expert-comptable et se trouvait en cours de résolution.

Et surtout, le courriel adressé par M. [T] à Mme [R] le 23 mars 2015 pour l'informer qu'il ne pouvait se connecter au réseau Orpi alors qu'il suffisait qu'il change de mot de passe, ce qu'il ne pouvait ignorer, démontre qu'il entendait maintenir ce climat conflictuel et que la relation de travail n'était plus possible.

Les arguments développés par l'intéressé sur son incapacité financière juridique à reprendre l'agence, sur ses qualités de négociateur et sur les erreurs constatées pendant quelques mois sur les bulletins de salaire, ne sauraient en effet suffire à justifier une telle attitude.

La faute grave étant établie, et ce sans qu'il soit besoin d'examiner le premier grief de licenciement invoqué, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes fondées sur l'absence de cause réelle et sérieuse.

3-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 24 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon sauf sur le rappel de salaire au titre du minimum contractuel et les dépens ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Clana Home à verser à M. [S] [T] la somme de 148,17 euros, contre 14,89 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire sur le minimum contractuel ;

Y ajoutant,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/07965
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.07965 ?
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