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07/04/2023 | FRANCE | N°19/07967

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 07 avril 2023, 19/07967


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/07967 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWPI





[T]

C/

Société [D] TRANSACTION







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : 15/01855





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 07 AVRIL 2023





APPELANTE :



[Z] [W] [T]

née le 17 Juin 1960 à [Localité 3] (MAROC)

[Adress

e 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Christine FAUCONNET de la SELARL CONTE-JANSEN & FAUCONNET AVOCATS, av...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/07967 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWPI

[T]

C/

Société [D] TRANSACTION

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : 15/01855

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 07 AVRIL 2023

APPELANTE :

[Z] [W] [T]

née le 17 Juin 1960 à [Localité 3] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Christine FAUCONNET de la SELARL CONTE-JANSEN & FAUCONNET AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

INTIMÉE :

Société [D] TRANSACTION

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,et représentée par Me Virginie PERRIN de la SELARL DEGUERRY, PERRIN ET ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substituée par Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société [D] Transactions, devenue Clana Home, (ci-après, la société) exploite une agence immobilière sous l'enseigne ORPI.

Elle applique la convention collective de l'immobilier.

Mme [Z] [T] a été embauchée par la société à compter du 1er avril 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de négociateur immobilier.

Mme [T] a été placée en arrêt de travail du 11 au 13 mars 2015, pour « dépression sur harcèlement professionnel », puis du 24 mars au 4 avril 2015, pour « stress professionnel ».

Le 11 mars 2015, elle a écrit à son employeur pour lui faire connaitre son « état d'épuisement », ses

« conditions de travail insupportables » depuis le courrier de son avocate, l'« exploitation » , la « surveillance insensée » et les mensonges qu'elle subissait.

Dans son courrier de réponse du 23 mars, la gérante de la société lui a fait part de son étonnement, affirmant que la salariée avait pris l'ascendant sur ses collègues, la poussant au burn-out afin de prendre sa place.

Par lettre remise en main propre du 23 mars 2015, la société l'a convoquée à un entretien préalable.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 2015, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave en ces termes :

« (') Je vous ai reçue en entretien préalable au licenciement le mardi 31 mars 2015, vous étiez accompagnée d'un représentant du salarié.

Je vous ai alors exposé les faits qui vous étaient reprochés.

Le 12 mars 2015, j'ai appris que vous aviez, par voie téléphonique, manqué de respect à votre partenaire et client M. [F]. Au cours de cette conversation, vous avez également dénigré ouvertement ma qualité d'employeur et de chef d'entreprise, indiquant que j'étais incapable de diriger une agence et que mes problèmes personnels faisaient de moi « une faible ».

Vous avez simplement contesté les faits sans aucune autre explication en m'indiquant que je recevrai un courrier écrit contenant vos commentaires.

Je n'ai pas, pendant le délai de réflexion, reçu ce courrier.

Par ailleurs, j'ai demandé à M. [F] de me confirmer par écrit ses propos afin de m'assurer de ses accusations, ce qu'il a fait.

Je considère donc comme constitutif d'une faute professionnelle grave d'avoir manqué de respect à un partenaire et client.

Je vous ai également indiqué que j'avais eu connaissance du dénigrement constant de ma personne et de mon autorité, auprès des autres salariés et des tiers.

J'ai bien conscience que, en votre qualité d'ancienne chef d'entreprise, vous supportez mal et refusez le lien de subordination inhérente à la qualité de salariée. Vous avez profité d'un état de faiblesse important de ma part suite à des difficultés personnelles pour dénigrer mes qualités professionnelles auprès des tiers et prétendre que je ne vous payait pas vos commissions depuis 4 ans et que vous étiez la personne qui faisait « tourner l'agence ».

Vous avez contesté les faits, néanmoins, l'enquête que j'ai menée les confirme.

Je considère donc comme constitutif d'une faute professionnelle grave, le fait de mettre en doute mes capacités professionnelles, de prétendre de façon mensongère que vous n'étiez pas réglée de vos commissions et de vous placer hors de tout lien de subordination.

Je vous ai également indiqués à plusieurs reprises, que les demandes de nos agences du réseau, et notamment de l'agence Lyon 5, n'avaient pas été satisfaites ou satisfaites de très mauvaise grâce et avec force commentaires déplacés, causant ainsi un préjudice d'image à notre agence et nous faisant automatiquement perdre le soutien de ces agences partenaires pour nos propres affaires.

Vous avez contesté les faits.

Là encore, j'ai demandé à l'agence concernée de me confirmer par écrit les faits afin de m'assurer que ces derniers étaient fondés, ce qui a été fait.

Il ressort qu'en raison de votre comportement, l'Agence de la Place mettait tout en 'uvre pour éviter de proposer nos biens à la vente à ses clients intéressés, ce qui démontre parfaitement le caractère préjudiciable de votre attitude.

Je considère ces faits comme constitutifs d'une faute grave.

Enfin, vous avez cru bon pouvoir, de concert avec M. [X], profiter de mon état de faiblesse pour envisager une reprise à faible coût de ma structure en me poussant à bout.

Ainsi, vous avez pris à prétexte les erreurs figurant sur vos fiches de payes pour vous livrer à des agissements inacceptables constitutifs d'un véritable harcèlement : mails mensongers et agressifs, rébellion orale et ouvert, menace de « me faire tomber ».

Votre comportement est d'autant plus inapproprié que vous avez été parfaitement informée de tous les efforts que j'ai déployés pour rectifier vos fiches de paie (expert-comptable et avocat.

J'ai dû être placée sous traitement médicamenteux pour pouvoir assurer mes fonctions et faire face à cette situation.

Je considère ce comportement comme une faute grave ayant des conséquences importantes pour la société et pour l'image de celle-ci à travers la dégradation de mon image professionnelle. (') »

M. [X], autre salarié de la société, a également fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le même jour. Quant à la 3ème salariée de la société, Mme [M], elle a été licenciée pour inaptitude en 2016.

Par requête du 15 mai 2015, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de diverses demandes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement de départage du 24 octobre 2019, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Lyon a :

Donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à verser à Mme [T] la somme de 969,08 euros bruts au titre de rappel de salaire des minima contractuels, outre 96,91 euros de congés payés afférents et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de ces sommes ;

Donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à verser à Mme [T] la somme de 1 040,97 euros bruts, au titre du reliquat de congés payés et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de ces sommes ;

Débouté Mme [T] de l'intégralité de ses autres demandes ;

Dit n'avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné Mme [T] aux dépens.

Par déclaration du 19 novembre 2019, Mme [T] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 9 décembre 2022, Mme [T] demande à la cour de :

A titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à lui verser la somme de 969,08 euros bruts au titre de rappel de salaire des minima contractuels, outre 96,91 euros de congés payés afférents et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de ces sommes et donné acte à la société de ce qu'elle s'engageait à lui verser la somme de 1 040,97 euros bruts, au titre du reliquat de congés payés et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de ces sommes, en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses autres demandes, dit n'avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens ;

Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

3 803,69 euros de rappel de salaire sur minima contractuel outre 380,36 euros de congés payés afférents ;

26 380,89 euros de rappel de salaire sur commissions outre 2 638,08 euros de congés payés afférents ;

15 913,32 euros de rappel de salaire sur commissions sur droit de suite outre 1 591,33 euros de congés payés afférents sauf à ce qu'elle puisse réellement chiffrer les sommes lui restant dues ;

8 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

1 000 euros de dommages-intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle Emploi conforme ;

1 019,43 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 101,94 euros de congés payés afférents ;

5 537,91 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre de 553,79 euros des congés payés afférents ;

1 845,97 euros d'indemnité de licenciement ;

35 000 euros nets de CSG/CRDS de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire, confirmer le jugement dans son intégralité ;

En tout état de cause, condamner la société à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société aux dépens de l'instance.

Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2020, la société demande pour sa part à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire de mise à pied, rejeté les demandes de rappel de commissions et de rappel de commissions au titre du droit de suite, rejeté les demandes rectification d'attestation Pôle Emploi et de dommages et intérêts s'y rapportant, en ce qu'il lui a donné acte qu'elle reconnaissait devoir à Mme [T] la somme de 969,08 euros bruts au titre de rappel de salaire des minima contractuels, outre 96,91 euros de congés payés afférents et la somme de 1 040,97 euros à titre de reliquat de congés payés, écarté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamner Mme [T] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux dépens.

La clôture est intervenue le 10 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1- Sur l'exécution du contrat de travail

1-1-Sur la demande de rappel de commissions

L'avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective de l'immobilier relatif au nouveau statut de négociateur immobilier prévoit en son article 4.3 que la rémunération du négociateur VRP est composée essentiellement ou exclusivement de commissions, qu'elle relève du libre accord du négociateur immobilier et de son employeur sous réserve du statut et que le salaire minimum tel que fixé à l'article 4.2 peut constituer en tout ou partie une avance sur commissions.

Le contrat de travail conclu entre la société et Mme [T] prévoit ainsi que l'intéressée est rémunérée exclusivement à la commission, en bénéficiant toutefois d'un minimum mensuel garanti, fixé à 1 845,97 euros et comprenant une avance sur commissions, des congés payés (10 %) et le prorata du 13e mois.

Le contrat prévoit également que les commissions font l'objet d'une régularisation chaque trimestre en fonction des honoraires encaissés par l'agence au dernier jour du trimestre. Si le montant des commissions dues excède celui des avances versées mensuellement, le solde positif est payé à la fin du mois de régularisation ; dans le cas contraire, le solde négatif est reporté pour l'établissement des décomptes annuels suivants, tout en garantissant la rémunération minimale prévue par la convention collective.

1-1-1-Sur les commissions payables pendant l'exécution du contrat de travail

Mme [T] soutient ne pas avoir perçu la totalité des commissions prévues au contrat, ce que conteste l'employeur. Leurs divergences portent en définitive sur le report du solde négatif mois après mois et année après année.

La cour relève cependant que selon les termes du contrat, le salaire minimum correspond en totalité à une avance sur commissions. Son versement avait donc pour objectif d'assurer à la salariée un salaire minimal dans l'attente du versement de ses commissions, et non de lui garantir qu'elle serait sur toute la durée du contrat de travail rémunérée au moins à ce niveau. En déduisant au fur et à mesure du montant des commissions dues toutes les avances déjà versées, la société n'a fait qu'appliquer les termes du contrat de travail et les tableaux établis par Mme [T] font totalement abstraction des sommes dont elle est redevable au titre du solde négatif entre les commissions générées par les affaires qu'elle a contribué à réaliser et les salaires qu'elle a perçus.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

1-1-2-Sur les commissions payables après la rupture du contrat de travail

Les parties s'accordent sur l'existence d'un droit de suite de 6 mois conformément à la convention collective et à l'avenant n° 31 du 15 juin 2006, soit jusqu'au 7 octobre 2015, sachant que le montant de la commission est alors réduit de moitié.

Mme [T] se fonde sur la même interprétation erronée du contrat de travail que précédemment pour revendiquer des commissions qui lui ont en réalité déjà été payées par déduction des salaires versés (dossiers [V], [U], [A], [H] et [I]).

Elle se prévaut également de dossiers qui auraient été sur le point de déboucher sur des compromis de vente.

S'agissant du dossier [R], la société justifie que la vente a été signée le 29 décembre 2015, soit après expiration du droit de suite.

La société justifie également que la vente [O]/[Y] n'a pas donné lieu au versement d'une commission d'intermédiaire, si bien qu'aucune commission n'est due à Mme [T].

Les dossiers portant sur les biens immobiliers appartenant à M. [B], n'ont pas donné lieu à signature d'un compromis, si bien le droit de suite ne peut trouver à s'appliquer.

Quant au dossier [N]/[C]/Pralut, il est constant que la vente ne s'est pas faite par l'entremise de l'agence et Mme [T], qui soutient que Mme [D] lui avait promis de lui verser une commission malgré tout, n'en rapporte pas la preuve.

S'agissant du dossier [K]/[S], la société communique une facture d'honoraires de 12 083,33 euros HT pour l'achat d'un terrain, datée du 8 octobre 2015. Cette pièce ne peut suffire à démontrer que la vente est intervenue après le 7 octobre, si bien que la société, qui ne conteste pas que Mme [T] a entièrement réalisé cette affaire, lui est redevable d'une commission de 1 570,83 euros, outre les congés payés afférents. Le jugement sera réformé de ce chef.

1-2-Sur le rappel de salaire au titre du minimum contractuel

Les parties s'accordent sur la somme de 979,08 euros, outre les congés payés afférents et le jugement sera donc confirmé de ce chef.

1-3-Sur la demande de dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle emploi conforme

Mme [T] ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de la remise d'une attestation Pôle emploi erronée, puis d'une attestation corrigée, et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

1-4-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail s'exécute de bonne foi. Cette obligation est réciproque.

Outre ses demandes de rappels de commissions et de salaire minimum, Mme [T] fait valoir le retard apporté au paiement du solde de 14,5 jours de congés payés pour soutenir que la société a manqué à son obligation de loyauté.

Elle ne justifie cependant pas d'un préjudice que ne réparerait pas le paiement de ses congés et des commissions restant dues. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

2-Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

En application de l'article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du code du travail, l'employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail. Néanmoins, le code du travail en son article L.1332-4, prévoit « qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».

Aucun fait déjà sanctionné ne peut donner lieu à une nouvelle sanction, l'employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire et toute sanction disciplinaire prononcée par une personne dépourvue du pouvoir disciplinaire est nulle.

En l'espèce, la lettre de licenciement se fonde sur plusieurs griefs :

un manque de respect envers un partenaire et client, M. [F] ;

la mise en doute des capacités professionnelles de la gérante, Mme [D], son dénigrement auprès des autres salariés et des tiers, les prétentions mensongères en matière de commissions et le non-respect du lien de subordination ;

une mauvaise collaboration avec les agences du réseau Orpi, et notamment avec l'agence Lyon 5, laquelle a causé un préjudice à l'image de l'agence et lui a fait perdre leur soutien pour ses propres affaires ;

le harcèlement à l'encontre de la gérante, afin de reprendre la structure à moindre coût.

2-1-Sur l'épuisement du pouvoir disciplinaire

Mme [T] se prévaut du courriel que lui a adressé son employeur le 23 mars 2015 en le qualifiant de sanction disciplinaire pour soutenir que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en choisissant de ne pas évoquer dans ce courrier de reproches le premier grief et en la sanctionnant pour le second.

Or, les termes employés par la dirigeante dans ce courriel ne permettent aucunement de l'analyser comme une sanction disciplinaire. Le pouvoir disciplinaire de l'employeur n'était donc pas épuisé quand il a engagé la procédure de licenciement.

2-2-Sur la cause du licenciement

L'employeur verse aux débats l'attestation établie par M. [F] dans laquelle il relate une conversation téléphonique avec Mme [T] au cours de laquelle elle aurait tenu des propos insultants et injurieux envers Mme [D], indiquant qu'elle était « faible, qu'elle ne tenait pas son poste de responsable d'agence».

Mme [T] ne conteste pas véritablement les propos tenus à l'encontre de Mme [D] et les explications qu'elle développe pour tenter de les expliquer ne sauraient convaincre la cour, en ce qu'elles démontrent au contraire qu'elle a agi à l'insu de la gérante pour faire conclure une vente sans l'entremise de l'agence.

La cour retient en conséquence que ce premier grief est établi par la société.

La société verse aux débats diverses attestations de proches de Mme [D]. Ils décrivent tous que la gérante évoluait dans une ambiance de travail délétère, qu'elle leur parlait de pressions, d'acharnement de la part de ses salariés et qu'ils l'ont vue perdre pied.

Le ton employé dans les courriers et courriels adressés à Mme [D] par les salariés le 25 août, 10 septembre et 1er octobre 2014 et dans les courriels envoyés par Mme [T] le 24 octobre et le 17 décembre 2014, le 12, le 23 janvier, le 13 février 2015 était particulièrement comminatoire et inadapté à une relation de travail, alors qu'il ressort des échanges que les salariés étaient régulièrement informés des démarches entreprises par la gérante pour régulariser une situation qui, si elle avait pu dans un premier temps légitimement les irriter, était le fait du cabinet d'expert-comptable et se trouvait en cours de résolution, voire même quasiment résolue en 2015.

Mme [T] réplique en affirmant qu'elle ne disposait ni des fonds ni de l'autorisation pour reprendre l'agence, ce qui ne saurait suffire à contredire les éléments précédents. De même, les témoignages de clients qui attestent de son professionnalisme sont inopérants, en ce qu'ils ne se réfèrent pas aux relations internes à l'agence. Il en est de même de l'attestation du notaire qui affirme ne jamais l'avoir entendue dénigrer son employeur.

Quant au troisième grief, il a été contesté par la salariée dans son courrier du 23 avril 2015, mais il ne l'est plus dans ses conclusions.

Ainsi, les faits démontrés par l'employeur, à savoir le dénigrement de la gérante, la remise en cause de son autorité à travers courriers et courriels constituant même une certaine forme de harcèlement, mais aussi le non-respect des obligations liées à l'appartenance de l'agence au réseau suffisent à établir que le licenciement était causé et que la relation contractuelle ne pouvait plus se poursuivre, le dernier courriel de Mme [T] ayant porté des accusations graves à l'encontre de Mme [D].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes fondées sur l'absence de cause réelle et sérieuse.

3-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 24 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon sauf sur les dépens ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Clana Home à verser à Mme [Z] [T] la somme de 1 570,83 euros, outre 157,08 euros de congés payés afférents, au titre de son droit de suite ;

Y ajoutant,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/07967
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.07967 ?
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