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26/04/2023 | FRANCE | N°20/02332

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 26 avril 2023, 20/02332


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 20/02332 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M6BW



[Y]

C/

Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Mars 2020

RG : 18/03105









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 26 AVRIL 2023







APPELANT :



[F] [Y]

né le 14 Juin 1966 à [Localité 3] (TUNISIE)

faisant élection

de domicile au cabinet de ME BOUMEDIENE

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté par Me Nadia BOUMEDIENE de la SELAS NB CONSEILS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST

[Adresse 1]

[Localité 4]
...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/02332 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M6BW

[Y]

C/

Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Mars 2020

RG : 18/03105

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 26 AVRIL 2023

APPELANT :

[F] [Y]

né le 14 Juin 1966 à [Localité 3] (TUNISIE)

faisant élection de domicile au cabinet de ME BOUMEDIENE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Nadia BOUMEDIENE de la SELAS NB CONSEILS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Antony VANHAECKE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Véronique BENTZ, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Février 2023

Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 28 janvier 2005, M. [Y] a été embauché en qualité d'aide maçon, coefficient 170, niveau 1, position 2, par la société Moulin.

La convention collective des ouvriers employés dans les entreprises du bâtiment est applicable aux relations contractuelles.

Par la suite, la société Moulin a été rachetée par la société SAS Spie Batignolles Sud-Est et un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu entre cette dernière et M. [Y], le 27 mars 2009.

Le 8 septembre 2017, la société Spie Batignolles a été autorisée par l'Unité Départementale du Rhône de la DIRECCTE Rhône Alpes à placer en activité partielle, pour la période du 1er septembre 2017 au 28 février 2018, les établissements de [Localité 4] (pour 44 salariés, pour un nombre total de 44 000 heures) et [Localité 6], pour 17 salariés pour un nombre total de 17 000 heures.

M. [Y] a été placé en activité partielle à compter du 9 octobre 2017, cette décision lui ayant été communiquée verbalement.

Par courrier en date du 9 novembre 2017, la société Spie Batignolles Sud-Est a confirmé au salarié son placement en activité partielle.

Par courrier en date du 13 novembre 2017, M. [Y] a été convoqué par son employeur à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé le 24 novembre 2017.

Par courrier en date du 29 novembre 2017, M. [Y] s'est vu notifier son licenciement pour faute, en ces termes :

« Monsieur,

Nous vous avons reçu à un entretien préalable à un éventuel licenciement, Monsieur [W] [A] [T], Directeur de l'agence de [Localité 6] et moi-même, le vendredi 24 novembre 2017, entretien au cours duquel vous n'êtes pas venu accompagné, pour des faits d'insubordination, de violences et menaces, explicités ci-après.

Le 6 octobre 2017, vous avez été placé en activité partielle à défaut d'activité en volume suffisant sur la Direction régionale de [Localité 5]. Ceci vous a été préalablement notifié par téléphone.

Le 7 novembre 2017, vous vous êtes présenté à l'agence de [Localité 6] et avez informé l'assistante de Direction, Madame [C] [B] comme Monsieur [W] [T] de votre refus d'être placé en activité partielle.

Monsieur [W] [A] [T] a pris le temps de vous recevoir pour vous réexpliquer qu'il n'avait pas d'activité à vous fournir tout en précisant qu'il rechercherait activement des chantiers au sein de l'ensemble du Groupe sur lesquels vous affecter. Il vous a demandé de regagner votre domicile.

Vous avez catégoriquement refusé de quitter l'agence en faisant preuve d'agressivité dans la manière de vous exprimer et l'avez menacé d'aller porter plainte contre lui au commissariat de police.

Face à votre comportement de plus en plus agressif, à vos menaces et à la crainte que vous deveniez violent physiquement, Monsieur [W] [A] [T] a souhaité apaiser la situation et vous a permis de rester dans les locaux que vous avez quitté à 16h00.

Le 8 novembre 2017, vous vous êtes à nouveau présenté à l'agence. Vous avez été reçu cette fois ci, à tour de rôle, par Madame [D] [V] [K] et Monsieur [Z] [U], chargés d'affaire qui ont tenté en vain de vous expliquer que du fait de votre placement en activité partielle, vous étiez tenu de regagner votre domicile.

Vous avez à nouveau monté le ton et fait preuve d'agressivité en faisant pression sur eux pour qu'ils vous fournissent du travail. Vous les avez également informés que vous refusiez catégoriquement de quitter l'agence, ce qui constitue clairement un acte d'insubordination répété.

Face à la situation, Monsieur [W] [A] [T], devant quitter l'agence pour un déplacement professionnel, m'a demandé de me déplacer à l'agence afin de vous recevoir et de ne pas laisser seule Madame [C] [B]. Cette dernière lui a effectivement exprimé la peur de rester seule à l'agence avec vous.

Parallèlement, Monsieur [W] [A] [T] a également sollicité la présence de Messieurs [G] [N], conducteur travaux et [Z] [U] pour assurer un renfort car il craignait un risque de violences physiques et verbales de votre part.

Arrivée à l'agence dans l'après-midi, je vous ai reçu en entretien afin de comprendre les motifs de votre refus d'être placé en activité partielle. Vous m'avez répondu que nous n'en avions pas le droit. Je vous ai réexpliqué que dès lors que les instances représentatives du personnel avaient été régulièrement consultées et que la DIRECCTE nous avait notifié une décision d'autorisation, l'activité partielle s'imposait aux salariés.

C'est alors que vous avez commencé à monter le ton, devenir agressif et pointer du doigt sur moi. Vous m'avez également menacé d'aller porter plainte contre moi au commissariat. Face à votre agressivité, et craignant pour mon intégrité physique, je n'ai pas eu d'autres choix que de quitter le bureau où je vous recevais pour aller chercher le support de Monsieur [G] [N], conducteur de travaux. Ce dernier vous a demandé de vous calmer. Malgré cela vous avez continué à me menacer en hurlant et en répétant que vous alliez porter plainte contre moi, sans raison aucune.

Au regard de votre attitude, je vous ai demandé de quitter l'agence. En réponse, vous m'avez tenu les propos suivants : « casses toi », à deux reprises.

Ce comportement violent tant à l'égard des salariés de l'agence comme envers moi-même est inacceptable et porte atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise. Après enquête auprès des salariés de l'agence, il ressort que ce n'est pas la première fois que vous faites preuve d'agressivité au travail et que vous menacez constamment les salariés, lorsque les décisions ne vont pas dans votre sens, de vous suicider. Les gestionnaires de paie de la société que vous sollicitez régulièrement m'ont confirmé que vous les avez à plusieurs fois menacées de suicide ou avez été violent sans raison à leur égard comme à l'égard de la précédente Directrice des Ressources Humaines, Madame [X] [E], en février 2017. Elles m'ont également informé que de manière générale, elles ne vous reçoivent jamais seules par crainte de votre comportement violent et d'être agressée.

J'ai également été informée dans le cadre de mon enquête que des salariés de l'agence de [Localité 6] ne souhaitent plus travailler avec vous pour les mêmes raisons exposées ci-dessus.

Votre comportement et vos menaces constantes de suicide ou de porter plainte contre les salariés ou la direction de la société entretient un climat de peur, crée des tensions qui perturbent le bon fonctionnement de la société et compromettent la santé physique et mentale de nos salariés.

En conséquence, je n'ai pas d'autres choix que de vous notifier, par le présent courrier, votre licenciement pour faute. Vous cesserez vde faire partie de nos effectifs au terme d'un délai de préavis de 2 semaines lequel commencera à courir à compter du lendemain de la date de présentation du présent courrier. Nous vous informons que nous vous dispensons de l'exécution de votre préavis, lequel sera rémunéré.

Les documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte) vous seront adressés dans les meilleurs délais à compter de la date de rupture de votre contrat de travail.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées,

[S] [R]

Directeur des Ressources Humaines »

Par requête en date du 5 octobre 2018, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire que son licenciement ne repose ni sur une faute ni sur une cause réelle et sérieuse et que la société Spie Batignolles Sud-Est a manqué à son obligation de sécurité, et de la condamner à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité.

Par jugement en date du 3 mars 2020, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [Y] [F] par la société SAS Spie Batignolles est fondé,

Par conséquent,

- débouté M. [Y] [F] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la SAS Spie Batignoles Sud-Est de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. [Y] [F] aux entiers dépens.

M. [Y] a interjeté appel de ce jugement, le 2 avril 2020.

Il demande à la cour 

d'infirmer le jugement, en tout son dispositif, de dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune faute, ni cause réelle et sérieuse, de dire et juger que la société SPIE BATIGNOLLES Sud-Est a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

de condamner la société SPIE BATIGNOLLES Sud-Est à lui verser les sommes suivantes :

18 889,53 euros à titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat

3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

de condamner la société SPIE BATIGNOLLES Sud-Est aux entiers dépens,

La société SPIE Batignolles Sud-Est demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions le quantum des demandes indemnitaires de M.[Y], de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.

SUR CE

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute

M. [Y] soutient :

- qu'il n'a jamais fait preuve de violence ni de propos insultants vis-à-vis de ses collègues le 8 novembre 2017 et qu'aucune preuve matérielle de ces faits n'est rapportée,

- que les propos tenus dans le courrier de licenciement ne répondent pas à la définition de l'insubordination en droit du travail,

- qu'il conteste avoir déjà fait preuve d'agressivité envers d'autres salariés, qu'aucune plainte n'a été déposée contre lui ni aucune remarque ou sanction adressée à son encontre ; qu'il n'a fait l'objet que d'une seule sanction en 12 ans d'ancienneté pour absence non justifiée,

- que les termes du courrier de son licenciement sont assimilés à la faute grave et qu'il a été dispensé d'effectuer son préavis,

- que son indemnité légale de licenciement et son indemnité de préavis lui ont été versées après saisine du conseil de prud'hommes,

- qu'il avait une ancienneté de 12 ans au moment de son licenciement et a donc droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalente à 11 mois de salaire, soit 18 889,53 euros,

La société Spie Batignolles Sud-Est fait valoir :

- que le salarié avait déjà fait l'objet de rappels à l'ordre en raison d'absences injustifiées,

- que des salariés se sont plaints du comportement de M. [Y] qui s'est montré parfois agressif et menaçant, et que notamment, il a menacé de se suicider lorsqu'il n'avait pas gain de cause,

- que le 7 novembre 2017, le salarié s'est rendu à l'agence et a indiqué qu'il refusait d'être placé en activité partielle ; qu'il a par la suite refusé de quitter les lieux, est devenu agressif et menaçant et a adopté un comportement similaire le 8 novembre 2017,

- que ces faits sont rapportés dans des attestations de différentes personnes présentes les 7 et 8 novembre 2017,

- subsidiairement, que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devrait être ramenée à de plus justes proportions, soit un maximum de 5 mois de salaire, soit 8 586,15 euros,

***

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte. Pour constituer une cause sérieuse, les faits doivent présenter une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

La société SPIE BATIGNOLLES verse aux débats :

1/ Une attestation, en date du 30 avril 2019, de M. [N], conducteur de travaux principal, qui déclare « le 8 novembre 2017, je travaillais dans un bureau de l'agence de [Localité 6], ma porte de bureau était ouverte.

Monsieur [Y] attendait Mme [R] dans le couloir.

Quand Mme [R] est arrivée, leur discussion a commencé dans le couloir.

Le ton de Mr [Y] est vite monté. Il avait un langage inapproprié et peu respectueux, ce qui a attiré mon attention.

J'ai dû intervenir et lui demander de se calmer quand il a eu des gestes et propos menaçants envers Mme [R].

Une fois qu'il a reculé, par précaution, je me suis permis de rester à courte distance jusqu'à la fin de la conversation. »

2/ Une attestation en date du 3 mai 2019, de M. [U], chargé d'affaires, qui déclare « 7/11/17 Suite à sa convocation à l'agence de [Localité 6], M. [Y] est arrivé très énervé pour cet entretien.

Le 8 novembre 2017, je l'ai rencontré et je lui ai rappelé de garder son calme['] Je lui ai indiqué que [S] [R] n'arriverait pas tout de suite et lui ai demandé de revenir plus tard. Mr [Y] a refusé de quitter l'agence et qu'il restait de toute façon. Une fois [S] arrivée, il a été reçu dans le bureau de JF [T]. De mon bureau, je pouvais l'entendre parler en criant sur [S]. Il parlait de suicide, de sa mort qui serait sur la conscience d'[S]. Il proférait des menaces verbales (voire du chantage)' de ce qu'il allait se faire en représailles à sa non-affectation sur chantier. Il a été ensuite très difficile de le raccompagner à la porte et il a promis de faire intervenir l'inspection du travail. »

3/ Une attestation, en date du 24 avril 2019, de M. [T], qui déclare « M. [Y] s'est présenté dans les locaux de notre agence à [Localité 6] le 7 novembre 2017, nous faisant part de son refus d'être placé en activité partielle. Il indiquait vouloir rester dans les locaux et se montrait agressif. Malgré mes demandes, il a refusé de quitter l'agence et a menacé de porter plainte. Le 8 novembre 2017, M. [Y] s'est à nouveau présenté à l'agence. Il s'est montré encore agressif et a refusé de repartir. Devant m'absenter et ayant peur pour des collaborateurs'j'ai demandé à M. [N] de rester présent et appelé Mme [R] (directrice des ressources humaines) de venir pendant mon absence.['] »

4/ Une attestation de Mme [P], gestionnaire de personnel, qui relate, que courant 4ème trimestre 2016, elle a eu plusieurs fois M. [Y] au téléphone pour une attestation employeur, puis, qu'une fois le document délivré, ce dernier est venu dans son bureau très énervé car il était insatisfait du contenu de cette attestation et malgré ses explications, a continué de s'énerver en disant qu'il était sous suivi psychologique , que la directrice des ressources humaines de l'époque est intervenue et qu'il a eu un geste de bousculade envers elle.

Les déplacements de M. [Y] les 7 et 8 novembre sont établis, son agressivité à l'égard des salariés présents à l'agence également. Ses propos inadaptés à l'égard de Mme [R], directrice des ressources humaines, sont établis par les déclarations de M. [N], corroborés par celles de M. [U].

Le caractère habituel de l'agressivité de M. [Y] ressort également de l'attestation de Mme [P].

Ces faits sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

En effet, cette agressivité manifestée à plusieurs reprises crée des tensions et des inquiétudes, elle a amené M. [T] à faire appel à Mme [R] pour qu'elle se déplace à l'agence et à solliciter MM [N] et [U] pour qu'ils restent présents. De telles dispositions ne peuvent être prises en permanence pour parer aux visites intempestives d'un salarié.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

M. [Y] affirme qu'il souffre de dépression, laquelle résulte de son environnement professionnel ; qu'un poste aménagé aurait dû lui être proposé, et qu'à défaut de reclassement, il aurait dû être licencié pour inaptitude.

Il estime que l'attitude de son employeur a contribué à aggraver son état de santé.

Il ajoute que son licenciement brutal et soudain a été choquant, ce qui a altéré sa santé et justifie l'octroi de dommages et intérêts distincts de l'indemnité de rupture du contrat de travail.

La société Spie Batignolles Sud-Est objecte :

- que M. [Y] ne rapporte pas la preuve de ses allégations,

- qu'elle n'a jamais eu connaissance, avant la communication des conclusions de première instance de M. [Y], des difficultés que ce dernier dit rencontrer du fait de son travail puisque l'employeur n'a pas connaissance des certificats médicaux descriptifs et ne connait pas les raisons médicales qui peuvent conduire un salarié à être placé en arrêt de travail,

- que le salarié n'a déposé aucune demande de reconnaissance de maladie professionnelle,

- que le médecin du travail n'a pas indiqué qu'un aménagement de poste était nécessaire et qu'il a délivré un avis d'aptitude concernant M. [Y], en sorte qu'aucune obligation de reclassement ne pesait sur elle.

- que pour solliciter la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, M. [Y] invoque son licenciement brutal et soudain, alors que ce préjudice est indemnisé dans le cadre de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il ne constitue pas un préjudice distinct ; et subsidiairement, qu'il conviendrait de la ramener à de plus justes proportions.

***

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

M. [Y] verse aux débats

un certificat médical du Dr [H], en date du 15 février 2017, qui atteste le suivre depuis le 12 janvier 2010 pour des troubles de l'humeur, troubles anxieux et du sommeil, troubles relationnels notamment au niveau professionnel

un certificat du Dr [I], en date du 9 mars 2017, du centre de soins ambulatoires de [Localité 7] , qui atteste que M. [Y] est suivi au CMP depuis le 11 janvier 2010, que son état de santé nécessite un traitement de longue durée, avec prise de médicaments ; qu'il est apte à travailler mais son état nécessite un aménagement dans son activité professionnelle ;

un certificat médical, en date du 8 décembre 2017, du Dr [H], médecin traitant de M. [Y] depuis 2004, qui atteste que celui-ci « est suivi pour des troubles psychologiques depuis 2010, à l'époque hospitalisation initiale en milieu spécialisé. Suivi conjoint depuis par psychiatre du secteur de [Localité 7] et par moi-même avec traitement antidépresseur, anxiolytique et hypnotique. Aggravation récente ses symptômes avec difficultés de sommeil notamment malgré l'augmentation des posologies, à des doses non recommandées, par le patient »

la fiche du 9 novembre 2016, établie par le médecin du travail (visite de reprise), qui déclare le patient « inapte temporaire, réadressé à son médecin de traitant pour soins » ;

La société SPIE BATIGNOLES verse aux débats la fiche d'aptitude du 27 janvier 2017 « reprise sans conduite de véhicule d'entreprise, ni travaux en hauteur, à revoir courant Avril ». Le salarié est déclaré apte.

M. [Y] ne démontre pas que l'état de santé, pour lequel il est suivi depuis 2010, est en lien avec le travail. Il ne soutient pas non plus que les prescriptions du médecin du travail, du mois de janvier 2017, n'auraient pas été respectées.

Il n'a pas été déclaré inapte et n'était pas en arrêt de travail au moment de son licenciement, prononcé pour motif disciplinaire.

Aucun manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité n'est établi.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur les autres demandes

M. [Y], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société SPIE BATIGNOLES les sommes non comprises dans les dépens qu'elle a dû exposer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement :

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement

Y ajoutant

Condamne M. [Y] aux dépens d'appel ;

Déboute la société SPIE BATIGNOLLES de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 20/02332
Date de la décision : 26/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-26;20.02332 ?
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