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05/05/2023 | FRANCE | N°19/07154

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 05 mai 2023, 19/07154


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/07154 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUQQ





[H]

C/

Société ALLIADE HABITAT







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : 15/04457











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 05 MAI 2023







APPELANTE :



[J] [H]

née le 04 Juillet 1979 à [LocalitÃ

© 7] ([Localité 7])

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Malik NEKAA de la SELARL NEKAA ALLARD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Matthieu ALLARD de la SELARL NEKAA ALLARD, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société ALLIADE H...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07154 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUQQ

[H]

C/

Société ALLIADE HABITAT

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : 15/04457

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 05 MAI 2023

APPELANTE :

[J] [H]

née le 04 Juillet 1979 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Malik NEKAA de la SELARL NEKAA ALLARD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Matthieu ALLARD de la SELARL NEKAA ALLARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société ALLIADE HABITAT

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat plaidant inscrit au barreau de VIENNE substituée par Me Charlotte PICHELINGAT, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseiller

Régis DEVAUX, Conseiller

Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société Alliade Habitat (ci-après, la société) gère un parc d'habitations à loyers modérés.

Elle applique la convention collective du personnel des sociétés anonymes et fondations d'HLM et employait au moins 11 salariés au moment du licenciement.

La société a embauché Mme [J] [H] à compter du 16 février 2004, sous contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conseillère clientèle. Puis Mme [H] a été détachée temporairement à compter du 15 juillet 2010 sur un poste de technico-commerciale et au dernier état de la relation, suivant avenant du 29 juillet 2013, elle était affectée sur un poste de technico-commerciale jusqu'au 31 juillet 2014.

Le 17 avril 2014, elle a été victime d'un malaise sur son lieu de travail et placée en arrêt maladie. Le caractère professionnel de l'accident a été reconnu par la CPAM.

Au terme des deux visites de reprises, Mme [H] a été déclarée inapte par le médecin du travail en ces termes : « Inaptitude définitive au poste de travail sur site pôle Sud d'Alliade. Apte à un poste administratif avec compétences adaptées sur autre site. »

A la demande de l'employeur, le médecin du travail a précisé qu'il fallait comprendre « Impossibilité à tous postes sur le pôle sud ».

Par courrier recommandé avec avis de réception du 14 novembre 2014, la société a convié Mme [H] à un rendez-vous afin d'examiner avec elle les possibilités de reclassement. La salariée ne s'y est pas présentée.

Le 13 décembre suivant, la société a convoqué les délégués du personnel à une réunion fixée au 19 décembre afin notamment d'évoquer les propositions de reclassement de la salariée, et leur a communiqué le contenu des 3 postes proposés, à savoir, un poste de conseiller commercial locatif au Pôle Nord, un poste de conseiller commercial locatif à [Localité 6] et un poste de conseiller clientèle à [Localité 5], sachant que le médecin du travail n'avait fait part d'aucune contre-indication à ces propositions.

Mme [H] a refusé ces postes par courrier du 29 décembre, aux motifs qu'elle ne souhaitait pas occuper le premier, que le second était trop éloigné de son domicile, compte tenu de sa situation familiale et que le dernier correspondait pour elle à une « sous-classification » et à « une dégradation en termes de poste ». Elle a fait valoir son expérience de 2 années sur le poste de technico-commerciale et sa réussite pour demander à son employeur de revoir son dossier.

Après un rendez-vous proposé par l'employeur, Mme [H] a réitéré son refus le 8 janvier 2015, indiquant par courriel que « cela ne [correspondait] pas à ses attentes ».

Dans un courrier du 14 janvier suivant, la société a informé Mme [H] qu'en dépit de nouvelles recherches, aucune autre possibilité de reclassement n'était envisageable. Elle l'a ensuite convoquée à un entretien préalable, fixé au 23 janvier 2015, puis au 3 février, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, par courrier recommandé avec avis de réception du 6 février 2015.

Le 18 mars 2015, la CPAM a reconnu un taux d'incapacité permanente de 19% à Mme [H], mais sur saisine de l'employeur, le tribunal du contentieux de l'incapacité de la région Rhône Alpes a fixé le taux à 0.

Par requête du 1er décembre 2015, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin de contester le licenciement et d'obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et salarial, notamment pour discrimination fondée sur l'état de santé, et subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement de départage du 24 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [H] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 16 octobre 2019, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 29 mai 2020, le conseiller de la mise en état a fait injonction à la société de communiquer à l'appelante l'intégralité des livres d'entrées et de sorties complets de tous les établissements du groupe situés dans la région Auvergne Rhône Alpes et le procès-verbal de recueil de l'avis écrit des représentants du personnel sur les propositions de reclassement.

Dans une ordonnance du 13 mai 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'astreinte formée par Mme [H] concernant la production du procès-verbal et prononcé une astreinte pour assortir la production des livres d'entrées et de sorties.

L'astreinte a été liquidée à hauteur de 24 100 euros par le conseiller de la mise en état, dans une nouvelle ordonnance du 17 février 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 15 décembre 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de condamner la société à lui verser les sommes suivantes, outre sa condamnation aux dépens :

42 766,80 euros de dommages et intérêts pour discrimination ;

64 150,20 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse ;

Subsidiairement 32 075,10 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 27 juillet 2020, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [H] de ses demandes et de la condamner aux dépens.

La clôture est intervenue le 24 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination

L'article L.1132-1 du code du travail disposait, dans sa version applicable à l'espèce : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, (') de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle,(') en raison (') de son état de santé ou de son handicap. »

En application de l'article L 1134-1 du même code applicable à l'espèce, le salarié qui se prétend victime de discrimination présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.

En l'espèce, Mme [H] soutient avoir été victime de faits de discrimination en raison de son état de santé dans la mesure où une salariée moins expérimentée qu'elle a été positionnée sur le poste de technico-commerciale qu'elle convoitait. Elle expose avoir été appelée à remplacer des technico-commerciales absentes du 15 juillet 2010 jusqu'à son accident du travail, à l'exception d'une interruption du 1er novembre 2011 au 31 mars 2012, ce qui démontrerait la satisfaction de son employeur, tout comme les comptes rendus d'entretiens annuels élogieux, et avoir été évincée du poste en raison de son arrêt de travail de 2 mois en 2013, lequel lui aurait été reproché par son supérieur hiérarchique M. [T] lors de l'entretien du 16 avril 2014.

Mme [H], qui n'est pas tenue de comparer précisément sa situation avec celle de la salariée qui a été nommée sur le poste, présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination au sens de l'article L.1132-1. Il incombe en conséquence à la société de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société ne conteste pas le fait que le poste a été repris par une salariée moins expérimentée que Mme [H] mais n'apporte aux débats aucun élément habile à justifier du choix de cette salariée, alors que les évaluations de l'appelante étaient correctes et que son ambition ressortait amplement des remplacements qu'elle avait accepté d'effectuer, des formations qu'elle avait suivies et de sa « grande motivation » relevée dans le compte-rendu de l'entretien annuel du 15 février 2013.

Il est constant que M. [T] a parlé de l'arrêt de maladie de Mme [H] lors de l'entretien du 16 avril et la société soutient que celui-ci avait alors pour unique objectif de retracer l'historique de l'année écoulée. Elle n'explique cependant pas pour quels motifs l'arrêt de travail aurait revêtu une importance telle qu'il aurait dû être évoqué dans un entretien portant sur l'avenir professionnel de Mme [H].

Il apparait donc qu'il aurait été possible pour Mme [H] d'être maintenue sur le poste de technico-commerciale au-delà de la période de détachement initialement prévue, mais que cela ne s'est pas réalisé en raison de son état de santé.

Le jugement sera infirmé de ce chef et la société condamnée à verser à Mme [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

2-Sur le licenciement

Mme [H] soutient que son inaptitude, et donc son licenciement, sont la conséquence directe de la discrimination dont elle a fait l'objet, si bien qu'il serait entaché de nullité.

Elle verse aux débats ses arrêts de travail pour malaise sur le lieu de travail, chute et dépression, et les courriers rédigés par le docteur [O], médecin spécialisé en maladies nerveuses, qui évoque des troubles du sommeil, un repli sur soi, une douleur généralisée et précise qu'elle pleure ou que l'émotion est très forte à chaque fois que la perte de son poste est évoquée, avec recrudescence immédiate de la symptomatologie anxieuse.

La société réplique en contestant avoir commis la moindre discrimination.

La concomitance entre l'entretien du 16 avril 2014 au cours duquel Mme [H] a appris que son détachement sur le poste de technico-commerciale ne serait pas pérennisé et le malaise suivi d'une chute, survenu le lendemain sur le lieu de travail, les constatations du médecin généraliste et du médecin spécialiste et l'avis d'inaptitude, qui ne vise que le pôle sud, soit le site sur lequel elle évoluait, permettent de retenir le lien de causalité entre la discrimination et l'inaptitude, suivie du licenciement.

En application de l'article L. 1132-4 du code du travail, le licenciement pour inaptitude est donc nul.

Mme [H] peut donc prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. En considération de son ancienneté (10 ans et 11 mois), de sa rémunération mensuelle brute, de son âge (35 ans), de sa formation et de sa capacité à retrouver un emploi, son préjudice est évalué à la somme de 21 384 euros.

3- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la société.

L'équité commande de la condamner à payer à Mme [H] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 24 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Alliade Habitat à verser à Mme [J] [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination à raison de l'état de santé ;

Condamne la société Alliade Habitat à verser à Mme [J] [H] la somme de 21 384 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Alliade Habitat ;

Condamne la société Alliade Hbaitat à payer à Mme [J] [H] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la procédure d'appel ;

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/07154
Date de la décision : 05/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-05;19.07154 ?
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