La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2023 | FRANCE | N°20/01835

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 05 mai 2023, 20/01835


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/01835 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5CF





Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5]

S.E.L.A.R.L. LA SELARLU MARTIN

C/

[Z]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Février 2020

RG : 18/00016











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 05 MAI 2023










<

br>

APPELANTES :



Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON substituée par Me Lévi BERTRAND, avocat au barreau de LYON



SELA...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/01835 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5CF

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5]

S.E.L.A.R.L. LA SELARLU MARTIN

C/

[Z]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Février 2020

RG : 18/00016

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 05 MAI 2023

APPELANTES :

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON substituée par Me Lévi BERTRAND, avocat au barreau de LYON

SELARLU MARTIN ès qualités de mandataire liquidateur de la société GROUPE PEPINIERE INVEST

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON substituée par Me Lévi BERTRAND, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[F] [Z]

née le 15 Janvier 1990 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Maud JOCTEUR MONROZIER, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseiller

Régis DEVAUX, Conseiller

Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Le 8 décembre 2015, la SASU Groupe Pépinière Invest, société holding qui a pour activité 'la détention de titres d'autres sociétés et le conseil aux petites et grandes entreprises' et investissant dans des entreprises start-up spécialisées en communication digitale, a conclu une dizaine de contrats de travail avec prise d'effet au 1er février 2016 sous condition que les salariés suivent une formation mise en place avec Pôle emploi.

Mme [F] [Z] a été l'une des salariés embauchés, en qualité de commerciale, pour une rémunération de 1 688 euros bruts mensuels, outre des commissions variables selon le chiffre d'affaires réalisé, et sans période d'essai.

Une convention de Préparation Opération à l'Emploi Individuelle (POEI) a été conclue entre la société et 11 futurs salariés, la formation devant être dispensée par la société Formation d'Avenir. Cette formation a commencé le 7 décembre 2015 et s'est terminée le 29 janvier 2016.

Le contrat de travail de Mme [Z] a pris effet le 1er février 2016.

Par ordonnance du 27 juillet 2016, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon a condamné la SASU Groupe Pépinière Invest à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

- Rappel de salaire de février à juin 2016 : 8 440 euros ;

- Congés payés afférents : 844 euros ;

- Provisions sur dommages et intérêts pour le préjudice subi : 500 euros ;

- Article 700 du Code de procédure civile : 500 euros ;

Outre la délivrance des bulletins de salaires du mois de février à juin 2016, sous astreinte de

20 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l'ordonnance, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte sur saisine de l'intéressée, et d'en fixer une nouvelle si besoin.

La SASU Groupe Pépinière Invest , qui n'a pas procédé au règlement des sommes mises à sa charge au profit des salariés, a été placée liquidation judiciaire le 24 janvier 2017, la date de la cessation des paiements étant fixée au 10 août 2016.

Après avoir été convoquée le 31 janvier 2017 à un entretien préalable, Mme [Z] a été licenciée pour motif économique le 8 février suivant.

Le 4 janvier 2018, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin notamment d'obtenir le paiement de ses salaires.

Par jugement du 19 juillet 2018, le tribunal de commerce de Lyon a fait remonter la date de cessation des paiements de la SASU Groupe Pépinière Invest au 26 octobre 2015.

Par jugement du 21 février 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le contrat de travail conclu entre Mme [Z] et la SASU Groupe Pépinière Invest est valable ;

- fixé la créance de Mme [Z] au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Groupe Pépinière Invest aux sommes de :

- 20 69l,61 € brut à titre de rappel de salaires pour la période du 1er février 2016 au 8 février 2017,

- 2 069,16 € brut au titre des congés payés afférents,

et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la

notification du jugement à intervenir, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- 18 760 euros net au titre de la liquidation d'astreinte prononcée par la formation de référé en date du 27 juillet 2016,

- 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard dans le versement des salaires et la remise des bulletins de paie,

- 10 128 euros net au titre du travail dissimulé,

- 344,35 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1 688 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 168,80 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré le jugement opposable à l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] sur la base des indemnités salariales brutes garanties par l'AGS dans la limite des dispositions des articles L.3253-6, L.32S3-8 et suivants du code du travail ;

- dit que les intérêts légaux sont arrêtés au jour du jugement d'ouverture ;

- dit que la garantie de l'AGS ne pourra s'exercer que dans la limite des plafonds légaux et notamment des articles L. 3253-10, L. 3253-1 1, L. 3253-12, L. 3253-13, L. 3253-17, D. 3253-5 et D. 3253-2 du code du travail ;

- dit que l'AGS ne garantit pas l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné sous astreinte à Maître [Y] [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU Groupe Pépinière Invest de remettre à Mme [Z] les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire pour la période du 1er février 2016 au 8 mars 2017, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une nouvelle si besoin ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 6 mars 2020, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] et la SELARL Martin désignée en lieu et place de Maître [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU Groupe Pépinière Invest ont interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2020, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] et la SELARL Martin ès qualités demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- dire que le contrat est nul ;

- débouter Mme [Z] de ses prétentions ;

- subsidiairement :

- dire que la demande de liquidation d'astreinte est irrecevable ;

- réduire la créance de salaire à la période durant laquelle Mme [Z] a effectivement été à la disposition de son employeur ;

- réduire le montant alloué à titre d'indemnité de licenciement ;

- en tout état de cause :

- dire que l'UNEDIC ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et L. 3253-19 du code du travail ;

- dire que l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens doivent être exclus de sa garantie ;

- dire que sa garantie est légalement plafonnée ;

- dire que son obligation de garantie ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes dues ;

- condamner Mme [Z] à lui verser 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles soutiennent que :

- le contrat de travail est nul en ce qu'il a été conclu en période suspecte et est affecté d'un déséquilibre entre les prestations de l'employeur et celles de la salariée ; que Mme [Z] ne peut donc se prévaloir d'aucune créance au titre de ce contrat ;

- Mme [Z] n'était pas à la disposition de son employeur puisqu'elle exerçait une autre activité à titre personnel et qu'au surplus il n'y avait plus d'activité dans l'entreprise à partir de mars 2016 ;

- la liquidation d'astreinte prononcée après le jugement d'ouverture viole la règle de l'interdiction des paiements en procédure collective ; qu'en tout état de cause les sommes dues au titre de l'astreinte ne rentrent pas dans la garantie du CGEA ;

- Mme [Z] ne justifie d'aucun préjudice en lien avec le paiement tardif des salaires et la remise tardive des bulletins de paie ;

- en l'absence de preuve d'un travail durant la période de stage et en tout état de cause d'élément intentionnel, il n'y a pas eu travail dissimulé ;

- l'indemnité de licenciement telle que résultant de l'application des dispositions légales doit être limitée à 337,60 euros.

Par conclusions transmises par voie électronique le 29 septembre 2020, Mme [Z] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la SELARL Martin ès qualités à lui régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- le contrat est parfaitement valable dès lors qu'il n'existe aucune disproportion entre les obligations des parties ;

- elle n'a pas été réglée de ses salaires depuis son embauche, et ce alors même qu'elle a effectué sa prestation de travail au cours du mois de février et du début du mois de mars puis s'est tenue à la disposition de son employeur ; qu'elle n'a jamais exercé d'activité annexe ;

- la règle de l'interdiction des paiements en procédure collective ne fait pas obstacle au paiement des créances salariales et indemnitaires ; qu'elle peut donc réclamer le paiement des sommes dues en vertu d'une astreinte portant sur la remise de documents de travail et que ces sommes rentrent dans la garantie de l'AGS ;

- le paiement tardif des salaires et la remise tardive des bulletins de paie lui ont causé un préjudice ;

- en s'abstenant de procéder aux déclarations sociales et fiscales, de remettre des bulletins de paie, de faire une déclaration préalable à l'embauche et en lui confiant un véritable travail durant la période de stage, et ce intentionnellement, la SASU Groupe Pépinière Invest s'est rendue coupable de travail dissimulé ;

- il lui revient une indemnité de licenciement de 344,35 euros.

SUR CE :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 632-1 du code de commerce : 'Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : / (...) 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie. (...)' ;

Attendu qu'en l'espèce il est constant que le contrat de travail de Mme [Z] a été conclu après la date de cessation des paiements de la SASU Groupe Pépinière Invest, fixée au 26 octobre 2015 ;

Attendu que la SASU Groupe Pépinière Invest ne pouvait qu'avoir connaissance des graves difficultés financières auxquelles elle était confrontée, étant en cessation des paiements depuis un mois au moment de la régularisation du contrat de travail et ne parvenant pas à régler ses loyers ; que son capital social était quasiment inexistant puisque de 100 euros ; que par ailleurs le contrat était à durée indéterminée et ne pouvait être rompu que pour une cause réelle et sérieuse et que sept autres salariés étaient embauchés concomittamment sur le même emploi ; qu'également la rémunération fixée au profit de Mme [Z] était quelque peu supérieure à la rémunération minimum prévue par la convention collective ; qu'en outre il ne ressort pas des pièces du dossier que la salariée ait réalisé un travail et un chiffre d'affaires correspondant à un emploi à temps complet ; que la conclusion du contrat de travail de Mme [Z] ne répondait donc pas à un besoin réel de la société ;

Attendu que ces éléments caractérisent un déséquilibre notable entre les prestations des parties au contrat et un engagement manifestement excessif de la société ; que la demande de nullité du contrat de travail de Mme [Z] est donc accueillie ;

Attendu que, le contrat de travail de Mme [Z] étant nul, l'intéressée doit être déboutée de ses demandes tendant au paiement de dommages et intérêts pour retard dans le versement des salaires et de la remise des bulletins de paie, de dommages et intérêts pour travail dissimulé, d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ainsi qu'à la remise des documents de fin de contrat et de bulletins de paie ;

Attendu, s'agissant de la demande de rappel de salaire, que la nullité du contrat n'exclut pas en revanche que les tâches accomplies puissent être payées à leur juste valeur et que le salarié dont le contrat est annulé soit indemnisé des prestations fournies rentrant dans les missions qui lui étaient dévolues ; que Mme [Z] a accompli une prestation pour le compte de la SASU Groupe Pépinière Invest au cours du mois de février 2016 et des premiers jours de mars, ce qui n'est pas expressément contredit ; qu'en revanche plus aucun travail ne lui a été confié après, ce que pour sa part Mme [Z] admet ; que la cour alloue dès lors à l'intimée, dont la demande est regardée comme tendant subsidiairement au paiement d'une indemnité équivalente à celle du salaire, la somme de 1 200 euros de ce chef, sans que cette condamnation - au demeurant pécuniaire - ne soit assortie d'une astreinte ;

Attendu, s'agissant de la demande de liquidation d'astreinte, que la décision de fond doit prévaloir sur la décision simplement provisoire de référé, qui, tout en subsistant en tant que telle puisqu'elle n'est plus susceptible de recours, n'est plus d'actualité et au surplus n'a pas elle-même autorité de chose jugée ; que, dans la mesure où la cour retient que le contrat de travail est nul, la SASU Groupe Pépinière Invest n'avait pas à délivrer de bulletins de salaire à Mme [Z] ; que cette dernière est dès lors déboutée de sa demande tendant à la liquidation de l'astreinte fixée par la formation de référé du conseil de prud'hommes assortissant la condamnation de l'entreprise à remettre des fiches de paie ;

Attendu enfin que, s'agissant de la gatantie de l'AGS, en l'absence de toute relation salariale et donc créance de salaire, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] est mise hors de cause ;

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le contrat de travail de Mme [F] [Z] est nul,

Fixe la créance de Mme [F] [Z] au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Groupe Pépinière Invest à la somme de 1 200 euros à titre d'indemnité pour les prestations fournies en février et jusqu'au 6 mars 2016,

Rejette toutes autres demandes de Mme [F] [Z],

Met hors de cause l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5],

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens de première instance et d'appel,

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/01835
Date de la décision : 05/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-05;20.01835 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award