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25/05/2023 | FRANCE | N°19/07238

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 25 mai 2023, 19/07238


RG 19/07238

























N° RG 19/07238

N° Portalis DBVX - V - B7D - MUXE









Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 19 septembre 2019



Chambre 1 cab 01 A



RG : 17/02062

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 25 Mai 2023







APPELANTE :



SARL FRALENE GROUPE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par la SELARL VM AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1439









INTIME :



M. [I] [T] [S] [R] [U]

né le 31 Mars 1957 à [Localité 7] (BELGIQUE)

[Adresse 1]

[Localité 6]



représenté par la SCP JACQU...

RG 19/07238

N° RG 19/07238

N° Portalis DBVX - V - B7D - MUXE

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 19 septembre 2019

Chambre 1 cab 01 A

RG : 17/02062

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 25 Mai 2023

APPELANTE :

SARL FRALENE GROUPE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par la SELARL VM AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1439

INTIME :

M. [I] [T] [S] [R] [U]

né le 31 Mars 1957 à [Localité 7] (BELGIQUE)

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

PARTIE INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. [T] [P], représentée par Maître [T] [P], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société FRALENE GROUPE, venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SELARL VM AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1439

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 08 Septembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Avril 2023

Date de mise à disposition : 25 Mai 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Raphaële FAIVRE, vice présidente placée

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Le 31 décembre 2012, M. [U] a consenti une promesse unilatérale de vente au profit de l'EURL Fralene Groupe portant sur une maison de maître avec ses dépendances et terrain, située à [Localité 8], au prix de 5.000.000 euros net, sous conditions suspensives notamment de l'absence d'exercice d'un droit de préemption et de l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours, le bénéficiaire devant justifier auprès du promettant du dépôt d'un dossier complet de demande de permis de construire au plus tard le 15 avril 2014.

Le 31 janvier 2013, l'option a été levée par la société Fralene Groupe, la réitération par acte authentique devant intervenir avant le 30 octobre 2014 à 16h.

Le 7 juillet 2014, soutenant n'avoir pas reçu de récépissé attestant du dépôt de dossier de demande de permis de construire, M. [U] a assigné la société Fralene Groupe devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon afin de constater la caducité de la promesse de vente et d'obtenir le paiement de l'indemnité d'immobilisation.

Le 19 janvier 2015, le juge des référés de Lyon s'est déclaré incompétent en raison de l'existence d'une contestation sérieuse.

Le 10 février 2017, M. [U], exposant que son bien a été immobilisé et qu'après la levée de l'option la société Fralene Groupe n'a pas respecté les conditions suspensives et notamment celle relative au dépôt du permis de construire, a assigné cette dernière devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement de la somme de 250.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation au titre de la promesse de vente.

Selon jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné la société Fralene Groupe à payer à M. [U] la somme de 250.000 euros,

- condamné la société Fralene Groupe à payer à M. [U] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Fralene Groupe aux entiers dépens de la procédure,.

Par déclaration du 22 octobre 2019, la société Fralene Groupe a interjeté appel de ce jugement.

Selon jugement du 2 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Fralene et désigné la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [T] [P], ès-qualité de liquidateur judiciaire.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2020, la société Fralene Groupe, représentée par la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [T] [P], ès-qualité de liquidateur judiciaire demande à la cour, au visa des articles 1134, 1152 et suivants et 1218 du code civil de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon en date du 19 septembre 2019 en toutes ses dispositions,

Y revenant :

- débouter M. [I] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [I] [U] à verser à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [T] [P] ès-qualités, la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner M. [I] [U] à verser à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [T] [P] ès-qualités la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[I] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon jugement du 3 août 2021, le tribunal de commerce de Lyon a désigné la Selarl [T] [P] représentée par Me [P], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Fralene en remplacement de la Selarl Alliance MJ.

Par conclusions d'intervention volontaire notifiées par voie dématérialisée le 22 février 2023, la Selarl [T] [P], représentée par Me [T] [P], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Fralene, venant aux droits de la Selarl Alliance MJ, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1152 et 1218 du code civil de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire,

- lui donner acte qu'elle entend faite siennes les conclusions, pièces et demandes précédemment formulées par la Selarl Alliance MJ,

En conséquence

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon en date du 19 septembre 2019 en toutes ses dispositions,

Y revenant :

- débouter M.[I] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M.[I] [U] à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner M.[I] [U] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[I] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [U] qui a constitué avocat n'a pas déposé de conclusions au soutien de ses intérêts et n'a pas acquitté le droit prévu à l'article l'article 1635 bis P du code général des impôts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2020.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que la promesse de vente ayant été régularisée entre les parties avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, complétée par la loi du 20 avril 2018 ratifiant cette ordonnance, ce contrat demeure soumis à la loi ancienne, y compris pour ses effets légaux et pour les dispositions d'ordre public, conformément à l'article 9 de cette ordonnance.

Sur l'irrecevabilité de M. [U]

En application de l'article 963 du code de procédure civile, lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article.

En l'espèce, M. [U] qui n'a pas acquitté le droit prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts doit être déclaré irrecevable en sa défense dans le cadre de la présente instance.

Sur le paiement de l'indemnité d'immobilisation

Pour s'opposer au paiement de la somme de 250.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation, l'appelante fait valoir que :

- elle a levé l'option dans le délai imparti, de sorte qu'en application de la promesse unilatérale qui stipulait que le versement de l'indemnité d'immobilisation n'était exigible que dans l'hypothèse où le bénéficiaire ne lèverait pas l'option, M. [U] n'est pas fondé à se prévaloir de la clause pénale,

- l'indemnité d'immobilisation doit être requalifiée en clause pénale alors que la promesse unilatérale de vente s'étant transformée, du fait de la levée de l'option, en promesse synallagmatique de vente assortie de conditions suspensives, laquelle clause pénale ne peut trouver application qu'à condition de rapporter la preuve que toutes ces conditions suspensives ont été réalisées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque M. [U] ne rapporte pas la preuve de la purge du droit de préemption,

- M. [U] ne fait état d'aucun préjudice ce qui justifie de ramener la clause pénale à néant ou à tout le moins à l'euro symbolique,

- il résulte des propres déclarations du maire de la commune, faites en présence des deux parties, qu'aucun permis de construire ne pouvait être obtenu, de sorte qu'elle n'est tenue à aucune compensation et qu'en tout état de cause, cet empêchement, à défaut de constituer une exonération conventionnelle, relève de la force majeure.

Sur ce :

En application de l'article 1226 ancien du code civil, la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.

Selon l'article 1152 ancien du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Ainsi, le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente, n'étant pas tenu d'acquérir, il ne manque pas à une obligation contractuelle en s'abstenant de requérir du promettant l'exécution de sa promesse, de sorte que la stipulation d'une indemnité d'immobilisation au profit du promettant ne constitue pas une clause pénale au sens du texte précité.

En effet, l'indemnité d'immobilisation, stipulée dans une promesse de vente comme acquise au promettant en cas de défaut de réalisation de la vente, constitue le prix de l'exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse.

En revanche, la clause improprement nommée « indemnité d'immobilisation » par les parties, qui a pour objet, dans une vente conditionnelle, de faire assurer par le bénéficiaire de la promesse l'exécution de son obligation de diligence et donc de sanctionner l'inexécution de cette obligation, s'analyse en une clause pénale.

Il s'ensuit que dans le cadre d'une promesse de vente sous condition suspensive, il est possible de stipuler tout à la fois une indemnité d'immobilisation qui rémunère le service que le promettant rend au bénéficiaire en immobilisant son bien pendente conditione et une clause pénale, qui a pour objet d'assurer que l'acquéreur aura un comportement loyal lors de l'accomplissement ou de la défaillance de la condition.

Enfin, en application des dispositions combinées des articles 1156 et 1161 ancien du code civil, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes et toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier.

En l'espèce, la promesse unilatérale de vente régularisée le 31 décembre 2012 entre M. [U] et la société Fralene Groupe comporte :

- une clause relative à l'objet de la promesse ainsi libellée : « il est expressément convenu que toutes les conditions suspensives étant réalisées et faute par le bénéficiaire d'avoir signé l'acte d'acquisition, dans les formes et délais ci-après fixés, il sera déchu du droit d'exiger la réalisation de la présente promesse, celle-ci étant alors considérée comme nulle et non avenue sauf, s'il y a lieu, les effets de la clause « prix de l'immobilisation » ci-après, le promettant recouvrant par la seule échéance du terme, non suivie de la réalisation par le bénéficiaire, son entière liberté sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité, sauf cas de prorogation prévu par la présente promesse.

Ainsi en considération de la promesse formelle faite au bénéficiaire par le promettant, et en contrepartie du préjudice qui pourrait en résulter pour ce dernier, en cas de non signature de la vente par le seul fait du bénéficiaire, dans le délai ci-dessus fixé, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, et, notamment par suite de la perte qu'il subirait du fait de l'obligation dans laquelle il se trouverait de rechercher un nouvel acquéreur, les parties conviennent de fixer le montant du prix de l'immobilisation à la somme de 250.000 euros, outre le préjudice réellement subi notamment lié aux dispositions fiscales. En outre, il est expressément convenu que si les conditions suspensives n'étaient pas réalisées par la faute du bénéficiaire, les mêmes sommes deviendraient immédiatement exigibles »,

- une clause relative à la durée de la promesse rédigée dans les termes suivants : « la présente promesse est consentie pour une durée expirant le 30 octobre 2014 à 16 heures inclusivement.

1) si à ces date et heure, toutes les conditions suspensives stipulées aux présentes ne sont pas réalisées : la présente promesse unilatérale de vente sera alors caduque automatiquement. Le promettant reprendra son entière liberté et l'indemnité d'immobilisation éventuellement versée par le bénéficiaire sera restituée à ce dernier, le promettant autorisant d'ores et déjà le notaire à effectuer cette restitution.

2) si toutes les conditions suspensives stipulées aux présentes sont réalisées dans le délai ci-dessus fixé, à défaut pour le bénéficiaire d'avoir exercé l'option d'acquérir à ces date et heure et dans les conditions ci-après fixées, la présente promesse sera caduque par la seule échéance du terme et le promettant sera libre de tout engagement à l'égard du bénéficiaire, sans que le promettant soit tenu de remplir une quelconque formalité. Le prix de l'immobilisation éventuellement versé par le bénéficiaire sera alors acquis de plein droit au promettant »,

- une clause relative à l'exercice de l'option qui fixe le délai de levée de l'option par le bénéficiaire au plus tard le 31 janvier 2013 et comporte en outre la stipulation suivante : « par la suite les présentes constitueront une promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive. Les parties auront jusqu'au 30 octobre 2014 à seize heures inclusivement pour procéder à la signature de l'acte authentique, constatant le caractère définitif de la vente »,

- une clause relative à l'indemnité d'immobilisation ainsi libellée :« en contrepartie de la faculté accordée au bénéficiaire s'il le souhaite de former la vente à son profit en levant l'option, et de l'engagement pris par le promettant de ne pas vendre l'immeuble à autrui pendant la durée de la promesse, les parties conviennent de fixer le prix de la présente promesse à la somme de 250.000 euros. Dans l'hypothèse où le bénéficiaire ne lèverait pas, ou déclinerait l'option, la somme ci-dessus fixée au titre du prix de la présente promesse sera acquise au promettant, à moins, que le bénéficiaire ne justifie de la défaillance, hors sa responsabilité telle qu'elle est indiquée à l'article 1178 du code civil de l'une quelconque des conditions suspensives énoncées aux présentes et auxquelles il n'aurait pas renoncé. Au contraire, cette somme sera restituée purement et simplement à la société Fralene dans tous les cas où la non réalisation de la vente résulterait de la défaillance, hors sa responsabilité telle qu'elle est indiquée à l'article 1178 du code civil de l'une quelconque des conditions suspensives énoncées aux présentes et auxquelles le bénéficiaire n'aurait pas renoncé ».

La cour relève ainsi, qu'aux termes d'une rédaction particulièrement confuse, s'agissant d'une promesse de vente authentique reçue devant notaire, les clauses contractuelles précédemment reproduites confèrent en réalité à la somme de 250.000 euros convenue entre les parties plusieurs fonctions selon que l'on se situe avant la levée de l'option résultant de la promesse unilatérale dont la date butoir était fixée au 31 janvier 2013 ou après la levée de cette option, date à partir de laquelle les parties disposaient d'un délai expirant le 30 octobre 2014 pour procéder à la réitération authentique de la vente.

En effet, la stipulation contractuelle figurant dans la clause intitulée « indemnité d'immobilisation », qui régit la situation des parties au stade de l'option et qui qualifie expressément la somme de 250.000 euros de « prix de la promesse » en lui assignant une fonction de contrepartie de la faculté offerte à la société Fralene Groupe de former la vente en levant l'option et de l'engagement de M. [U] de ne pas vendre l'immeuble à un tiers, s'analyse nécessairement en une indemnité d'immobilisation.

En revanche, dans sa seconde partie, cette même clause, en ce qu'elle prévoit que la somme de 250.000 euros restera acquise à M. [U], sauf défaillance non fautive de la part de la société Fralene Groupe de l'une quelconque des conditions suspensives, institue en réalité une clause pénale et ce, bien qu'improprement qualifiée d'indemnité d'immobilisation, dès lors qu'elle a ainsi pour objet d'assurer que l'acquéreur aura un comportement loyal lors de l'exécution du contrat.

De même, la clause relative à l'objet du contrat, qui régit la situation des parties après la levée de l'option, prévoyant à ce titre le maintien au profit de M. [U] de la somme de 250.000 euros en contrepartie du préjudice résultant pour ce dernier de la non réitération de la vente par la société Fralene Groupe malgré la réalisation de toutes les conditions suspensives ou du fait de la non réalisation des conditions suspensives par le fait de celle-ci, qui consiste ainsi en une évaluation forfaitaire et anticipée des conséquences de l'inexécution par l'appelante de son obligation de diligence dans la réalisation des conditions suspensives mises à sa charge et/ou de son obligation de réitérer la vente, toutes les conditions étant réalisées, énonce en réalité également une clause pénale, la somme litigieuse fût-elle improprement qualifiée de « prix de l'immobilisation ».

Or, il ressort des constatations opérées par le premier juge, que la société Fralene Groupe a levé l'option par acte d'huissier en date du 31 janvier 2013, soit dans le délai contractuellement fixé au plus tard à cette même date par la promesse unilatérale de vente. En conséquence, M. [U] n'est pas fondé à conserver la somme de 250.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation.

Par ailleurs, s'agissant de la condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours, il est constant qu'aucun permis n'a été déposé par la société Fralene Groupe au plus tard le 15 avril 2014 comme elle y était contractuellement tenue. Néanmoins, il ressort également des pièces de la procédure qu'en tout état de cause aucune autorisation de construire ne pouvait être obtenue, ce dont les parties étaient parfaitement informées depuis le 19 février 2013 comme en attestent :

- le témoignage de M. [J], maire de la commune de [Localité 8] qui atteste avoir rencontré, en mairie, le 19 février 2013, la société Fralene Groupe et M. [U] concernant le terrain de ce dernier et les avoir informés en ces termes :« nous avons rappelé à l'ensemble des intervenants la position de la mairie qui n'a jamais varié. Comme à chaque fois qu'un projet nous a été présenté concernant cette propriété, nous avons rappelé que le COT et le PLUS qui gèrent les règles d'urbanisme sur notre commune ne permettent pas de délivrer un permis de construire pour un quelconque projet . Il n'y avait et il n'y a pas à ce jour de possibilité d'incompréhension de quiconque sur la situation de ce terrain »,

- le compte rendu de cette réunion, qui rappelle que le PLU actuel ne permet pas de construire le projet présenté par la société Fralene Groupe sur le terrain de M. [U] et que seule une modification du PLU actuel permettrait d'envisager le dépôt d'un permis de construire selon un programme dont l'importance reste à définir en concertation avec la collectivité dans le cadre d'une réflexion à engager en 2015 au plus tôt.

Dès lors, et contrairement à ce qu'a retenu à tort le premier juge, la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours n'est pas défaillie du fait de la société Fralene mais en raison de l'impossibilité de poursuivre tout projet de construction sur le terrain objet de la promesse de vente du fait des règles d'urbanisme.

Enfin, le premier juge, qui après avoir constaté que M. [U] ne justifiait pas avoir satisfait à l'obligation de purger le droit de préemption mise à sa charge par la promesse de vente à titre de condition suspensive, a néanmoins retenu que cette inexécution contractuelle n'était pas de nature à exonérer la société Fralene Groupe du respect de ses engagements et l'a condamnée à lui payer la somme de 250.000 euros, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, alors qu'il résulte des clauses du contrat, que la somme de 250.000 euros reste acquise à M. [U], seulement en cas de défaillance de l'une quelconque des conditions suspensives imputable à la société Fralene, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'en l'absence de preuve de la défaillance de l'une quelconque des conditions suspensives imputable à la société Fralene, aucune indemnité ne peut davantage être mise à sa charge au titre de la clause pénale, de sorte que le jugement déféré doit être infirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Au soutien de sa demande indemnitaire, la Selarl [T] [P], représentée par Me [T] [P], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Fralene Groupe, fait valoir que M. [U] qui connaissait parfaitement l'impossibilité d'obtenir un permis de construire, comme en atteste le maire de Lentilly, a, de mauvaise foi, engagé un contentieux inutile et l'a, ensuite de la décision de première instance, assignée en liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce, lequel, malgré l'avis contraire du Ministère Public, a prononcé cette mesure, de sorte qu'elle est bien fondée à demander réparation du préjudice moral que lui cause cette mauvaise foi.

Sur ce :

S'il est incontestable que la procédure de liquidation judiciaire engagée par M. [U] à l'encontre de la société Fralene Groupe à la suite du jugement déféré constitue une conséquence aux répercussions morales indubitables pour la société, il est néanmoins rappelé que l'exercice d'une action en justice, qu'il s'agisse de l'assignation en paiement de la somme de 250.000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation et de la clause pénale comme de l'assignation en liquidation judiciaire, constitue un droit qui ne dégénère en comportement fautif pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que s'il est démontré une mauvaise foi de la part de l'intimé, laquelle n'est donc pas en l'espèce caractérisée. Il convient ainsi de rejeter cette demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

Succombant M. [U] doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à la Selarl [T] [P], représentée par Me [T] [P], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Fralene Groupe une indemnité de procédure de 5.000 euros, ce qui conduit à l'infirmation du jugement sur ces points.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute M. [U] de sa demande de condamnation de la société Fralene Groupe à lui payer la somme de 250.000 euros,

Déboute la Selarl [T] [P], représentée par Me [T] [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Fralene Groupe de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne M. [U] à payer à la Selarl [T] [P], représentée par Me [T] [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Fralene Groupe, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et de l'appel,

Condamne M. [U] aux dépens de première instance et d'appel.

 

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 19/07238
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;19.07238 ?
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