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14/03/2024 | FRANCE | N°21/00180

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 14 mars 2024, 21/00180


N° RG 21/00180 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NKWJ















Décision du

TJ de LYON

Au fond

du 10 décembre 2020

RG : 17/01315

(chambre 3 cab 03C)









S.C.I. PIERRE ET TERRE



C/



S.A.R.L. GARAGE ROUBI





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 14 Mars 2024







APPELANTE :

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S.C.I. PIERRE ET TERRE

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par la SELAS D.F.P & ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, toque : 125









INTIMEE :



S.A.R.L. GARAGE ROUBI

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par la SELARL DPG, avocats au bar...

N° RG 21/00180 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NKWJ

Décision du

TJ de LYON

Au fond

du 10 décembre 2020

RG : 17/01315

(chambre 3 cab 03C)

S.C.I. PIERRE ET TERRE

C/

S.A.R.L. GARAGE ROUBI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 14 Mars 2024

APPELANTE :

S.C.I. PIERRE ET TERRE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par la SELAS D.F.P & ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, toque : 125

INTIMEE :

S.A.R.L. GARAGE ROUBI

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par la SELARL DPG, avocats au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1037

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 08 Janvier 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 7 Mars 2024 prorogée au 14 Mars 2024

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

Arrêt Contradictoire par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Sylvie NICOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

La société Garage Roubi exerce les activités principales de « réparation, achat, vente de tous véhicules automobiles neufs ou d'occasion, entretien et toutes activités annexes », notamment au sein de l'un de ses établissements secondaires qui est exploité [Adresse 1] à [Localité 5], dans le cadre d'un bail commercial initialement consenti par la société Etablissements Chosalland à la Sarl Picot Dépannage aux termes d'un acte sous seing privé du 8 novembre 1999, à effet du 1er janvier 2000. Par acte du 9 décembre 2016, la société Pierre et Terre a acquis les locaux.

Aux termes de l'article 3 du bail liant les parties, ces locaux sont exclusivement destinés aux activités de stockage et réparation de véhicules accidentés.

Le 22 décembre 2016, la société Pierre et Terre a fait délivrer à la société garage Roubi un commandement visant la clause résolutoire insérée dans le bail et fait sommation à la société Garage Roubi d'avoir à, dans le délai d'un mois :

-    cesser l'exploitation de casse automobile, démolition et déconstruction de véhicules,

-    remettre en état les lieux et procéder à la dépollution des sols consécutifs (sic) à la cessation de cette activité de déconstruction et démolition automobile,

-    libérer de tout objet qu'elle y entrepose, les parties communes, lesquelles ne constituent pas une dépendance du bien loué.

Ce commandement indique que faute pour la société preneuse d'obtempérer à ces trois injonctions, la société Pierre et Terre sollicitera la résiliation de plein droit du bail et rappelle les dispositions des articles L145-41 et L145-17 du code du commerce.

Par acte d'huissier de justice du 31 janvier 2017, la société Garage Roubi a fait assigner la société Pierre et Terre aux fins d'entendre déclarer nul et de nul effet ce commandement.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

-    suspendu les effets de la clause résolutoire pendant 6 mois à compter du commandement frappé d'opposition délivré le 22 décembre 2016 par la société Pierre et Terre à la société Garage Roubi ;

-    dit et jugé que la clause résolutoire, si elle a été mise en oeuvre régulièrement et de bonne foi, est réputée n'avoir produit aucun effet ;

-    déclaré nul et de nul effet le commandement visant la clause résolutoire signifié le 22 décembre 2016 par la Société Pierre et Terre à la société garage Roubi comme insusceptible d'avoir mis en oeuvre régulièrement et de bonne foi la clause résolutoire du bail et de caractériser une faute du locataire justifiant son congédiement sans aucune indemnité ;

-    débouté la société Garage Roubi de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

-    débouté la société Pierre et Terre de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

-    condamné la société Pierre et Terre aux dépens ;

-    admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

-    condamné la société Pierre et Terre à payer à la société Garage Roubi la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-    dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

 

Par déclaration du 8 janvier 2021, la société Pierre et Terre a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 7 avril 2021, la Société Pierre et Terre demande à la cour de :

-    dire l'appel recevable et bien fondé ;

-    réformer le jugement entrepris et,

Statuant à nouveau :

-    constater l'acquisition de la clause résolutoire, faute pour la société Garage Roubi d'avoir déféré dans le mois suivant la délivrance du commandement en date du 22 décembre, aux obligations découlant du bail commercial conclu le 8 novembre 1999, se poursuivant tacitement depuis le 31 décembre 2008 et en ce que l'activité de démolition et de stockage de véhicules hors d'usage, soumise à agrément préfectoral, est exercée illégalement en violation des clauses du bail concernant la destination autorisée. Et encore, en ce que cette infraction présente une gravité suffisante, telle que la résiliation puisse être ordonnée au regard des sanctions administratives et pécuniaires auxquelles elle expose le bailleur, et encore de la pollution qu'elle engendre sur son tènement,

-    condamner la Société Garage Roubi à la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en sus de la résiliation du bail commercial,

En tout état de cause,

-    condamner la société Garage Roubi à remettre les lieux en l'état et procéder à la dépollution du sol consécutif à la cessation de l'activité de déconstruction et démolition automobile, et ce sous astreinte de 100 euros, trois mois après la signification du présent jugement,

-    condamner la société Garage Roubi à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-    condamner la société Garage Roubi, aux entiers dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement visant la clause résolutoire et encore le constat d'huissier de Maître [J] en date du 20 février 2017.

 

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 18 juin 2021, la société Garage Roubi demande à la cour de :

-    rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

-    débouter la société Pierre et Terre de l'ensemble de ses demandes,

-    confirmer le jugement du 10 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamner la société Pierre et Terre à payer à la société Garage Roubi une indemnité de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens d'appel.

La clôture a été ordonnée le 26 octobre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIVATION

- sur l'exploitation de casse automobile, démolition et déconstruction de véhicules

La société bailleresse soutient que l'activité de stockage de véhicules hors d'usage et le démontage de tels véhicules est soumis à agrément et n'entre pas dans le périmètre des activités autorisées par le bail. Elle ajoute que le gérant de la société Garage Roubi a reconnu exercer l'activité de démontage de véhicules pour récupérer les pièces en vue de leur revente, le site étant présenté au public comme un établissement de vente de pièces détachées (sa pièce 6).

La société Garage Roubi conteste exercer l'activité de démolition et déconstruction de véhicules et indique faire appel à un ferrailleur qui la débarrasse des épaves. Elle s'appuie sur le constat d'huissier de justice du 20 février 2017 établi à la demande de son adversaire.

Sur ce,

Le premier juge a fort justement relevé que les constatations effectuées par l'huissier de justice le 20 février 2017 témoignent de la présence dans les lieux loués de nombreuses pièces détachées, de deux véhicules démunis de portières et de roues, dont l'un était posé sur un Fenwick, et de racks de stockage en extérieur supportant des portières ainsi que des pare-chocs; Par des motifs pertinents qui répondent aux moyens soulevés en cause d'appel et que la cour adopte, il en a conclu que l'activité de démontage de véhicules sur le site n'est pas contraire à la clause de destination du bail, puisqu'elle est inhérente à la réparation des véhicules accidentés et que la présence de pièces détachées, même en quantité importante, n'est pas non plus contraire à la clause de destination du bail puisque la réparation de véhicules suppose le démontage et le stockage de pièces détachées. La cour précise s'il en était besoin que la présence de deux épaves seulement, hors la présence de benne à compacter, ne suffit pas à démontrer l'exercice allégué de l'activité de déconstruction et de démolition de véhicules.

La bailleresse reproche à la société Garage Roubi de démonter des véhicules hors d'usage aux fins de récupération des pièces qu'elle vend ensuite d'occasion, et de polluer les lieux loués en exerçant cette activité non prévue au bail. Elle évoque dans le corps de ses conclusions, à la fois la constatation de graves infractions aux clauses du bail et l'acquisition de la clause résolutoire, ainsi que le prononcé de la résiliation du contrat. Cependant, dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour, elle ne formule aucune demande tendant à obtenir le prononcé de la résiliation du bail, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

La cour rappelle que le commandement délivré le 22 décembre 2016 visant la clause résolutoire n'a pas mis en demeure la société preneuse de cesser une autre activité que celle de déconstruction et de démolition de véhicules et qu'en conséquence la dite clause ne peut jouer au titre du démontage de véhicules sur place pour exercer l'activité de revente de pièces détachées d'occasion, à supposer qu'une telle activité constitue une infraction aux stipulations du bail.

En conséquence, l'infraction reprochée à la société Garage Roubi n'est pas constituée, ainsi qu'en a à juste titre décidé le premier juge.

- sur le retrait des véhicules et objets entreposés sur les parties communes

La bailleresse indique dans ses conclusions que la société preneuse a réitéré ses errements concernant l'occupation des parties communes, la mansuétude du tribunal l'ayant incitée selon elle à persévérer dans cette occupation, et à l'appui de cette affirmation, vise une pièce n° 12. Or, son bordereau de communication ne fait état que de 11 pièces. De plus, les clichés des lieux loués qu'elle produit (p 10 et 11), et qui consistent dans des captures d'écran du site Internet Google Earth, n'indiquent ni la date à laquelle ont été prises les photographies, ni l'emplacement des parties communes, et ne peuvent justifier de l'occupation alléguée, qui n'est en conséquence pas établie.

La bailleresse produit un constat dressé par huissier de justice le 20 février 2017 qui démontre que la société Garage Roubi stockait des pièces détachées à l'extérieur, sur des parties communes non données en location, ce qui constitute une infraction aux clauses du bail. La société Garage Roubi fait valoir qu'elle bénéficiait d'une tolérance sur ce point depuis son entrée dans les lieux mais n'en rapporte pas la preuve. Toutefois, elle se prévaut d'un constat d'huissier de justice du 19 mai 2017 dont il résulte qu'à cette date, elle avait libéré les parties communes. Elle justifie ainsi s'être exécutée, mais plus d'un mois après l'expiration du délai d'un mois que rappelait le commandement de payer du 22 décembre 2016.

C'est pourquoi il y a lieu d'approuver le premier juge en ce qu'il a estimé, dès lors que la société Garage Roubi justifiait avoir totalement libéré la cour qu'elle occupait partiellement, qu'il convenait de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant six mois à compter du 22 décembre 2016 et de dire que la clause résolutoire est réputée n'avoir produit aucun effet, le jugement méritant confirmation sur ce point.

En revanche, le commandement ne présente aucune irrégularité ; il n'est pas non plus établi qu'il a été mis en oeuvre de mauvaise foi, de sorte qu'il ne sera pas annulé.

En raison de l'octroi de délais à la société Garage Roubi pour s'acquitter de son obligation de libérer les parties communes, à laquelle elle a satisfait dans les délais accordés, la clause résolutoire n'a pas joué et le commandement n'a pas produit d'effets. C'est pourquoi le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré le commandement de nul effet mais infirmé en ce qu'il a annulé cet acte.

- sur la remise des lieux en l'état et la dépollution

En l'absence de résiliation du bail et de la cessation par la société Garage Roubi de son activité, la bailleresse ne peut exiger la remise en état des lieux loués et leur dépollution.

La cour observe en outre que les articles L.514-20 et L.556-3 du code de l'environnement dont la bailleresse se prévaut ne s'appliquent pas en l'espèce, le premier de ces textes régissant la vente du terrain et le second concernant les cas où l'autorité administrative compétente a ordonné des travaux en raison de la pollution des sols présentant des risques au regard de l'usage des lieux.

- sur la demande de dommages-intérêts

Aucun moyen n'étant invoqué dans le corps des conclusions de l'appelante au soutien de cette demande en paiement d'une somme de 20'000 euros à titre de dommages-intérêts 'en sus de la résiliation du bail commercial', celle-ci ne peut qu'être rejetée.

La société bailleresse, partie perdante, supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à la société Garage Roubi la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 10 décembre 2020 en ce qu'il a annulé le commandement délivré le 22 décembre 2016 ;

Le confirme sur le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé :

Dit que la clause résolutoire n'a pas joué, la société Garage Roubi s'étant exécutée dans les délais accordés ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI Pierre et Terre de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la SCI Pierre et Terre aux dépens d'appel et au paiement à la société Garage Roubi d'une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 21/00180
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.00180 ?
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