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14/03/2024 | FRANCE | N°21/05378

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 14 mars 2024, 21/05378


N° RG 21/05378 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NWUM















Décision du

Tribunal judiciaire de LYON

Au fond

du 17 juin 2021

chambre 3 cab 03D

RG : 17/08731











[I]

[W]



C/



[C]

[U]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 14 Mars 2024







APPELANTS :
r>

M. [A] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocats au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2183





Mme [Z] [W] épouse [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocats au barreau de LYON,...

N° RG 21/05378 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NWUM

Décision du

Tribunal judiciaire de LYON

Au fond

du 17 juin 2021

chambre 3 cab 03D

RG : 17/08731

[I]

[W]

C/

[C]

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 14 Mars 2024

APPELANTS :

M. [A] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocats au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2183

Mme [Z] [W] épouse [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocats au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2183

INTIMES :

M. [H] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocats au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 480

Mme [B] [U] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 480

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 23 Juin 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 7 mars 2024 prorogée au 14 Mars 2024

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président de chambre

- Olivier GOURSAUD, président de chambre

- Thierry GAUTHIER, conseiller

Arrêt Contradictoire par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Sylvie NICOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. et Mme [I] sont propriétaires d'une maison d'habitation située à [Localité 3] (Rhône), mitoyenne de la propriété de M. et Mme [C].

En novembre 2014, M. et Mme [I] ont remplacé leur installation d'assainissement non collective par un nouvel équipement consistant en une fosse septique toutes eaux composée d'une zone de prétraitement, une zone de traitement avec ventilation primaire installée dans leur maison et avec ventilation secondaire courant le long de la façade de leur maison. Le service public d'assainissement non collectif (SPANC) a procédé à une visite de contrôle le 13 novembre 2014 et a conclu le 12 mars 2015 à la conformité de l'installation aux normes applicables.

Déplorant souffrir de nuisances olfactives depuis ce changement, les époux [C] ont fait assigner les époux [I] devant le juge des référés qui a ordonné, le 7 mars 2016, une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [O].

Les époux [C] ont fait assigner les époux [I] devant le tribunal de grande instance de Lyon sur le fondement du trouble anormal de voisinage afin d'obtenir le déplacement de l'installation d'assainissement et l'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire a :

-   jugé que l'installation d'assainissement non collectif des époux [I] cause des nuisances olfactives constitutives d'un trouble anormal de voisinage au détriment des époux [C] ;

- condamné M. et Mme [I] à déplacer l'installation d'assainissement non collectif équipant leur immeuble, de telle manière que l'ensemble des équipements correspondants - en ce incluse notamment la fosse toutes eaux, la ventilation secondaire, les regards et le lit filtrant - soient situés en tous points à une distance de 10 mètres de la limite séparative des fonds, le tout sous astreinte non définitive de 30 euros par jour de retard passé le délai de 3 mois à compter de son passage en force de chose jugée ;

-  condamné les époux [I] à payer aux époux [C] la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage causé par les nuisances olfactives ;

-  condamné les époux [I] à payer aux époux [C] la somme de 3.200 euros en indemnisation des frais non répétibles générés par le procès, en ce inclus le coût du constat d'huissier de Maître [F] ;

-  condamné M. et Mme [I] aux dépens de l'instance, en ce inclus les frais de l'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Hartemann & Palazzolo, avocat, sur son affirmation de droit ;

- ordonné l'exécution provisoire, à l'exception de la condamnation sous astreinte à déplacer les installations d'assainissement ;

-  rejeté le surplus des demandes.

 

Par déclaration du 23 juin 2021, les époux [I] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 19 septembre 2023, M. et Mme [I] demandent à la cour d'infirmer le jugement critiqué et de :

-    débouter les époux [C] de leur demande de déplacement de leur installation d'assainissement ;

-   débouter les époux [C] de leur demande d'indemnisation du préjudice de jouissance en l'absence de trouble de jouissance ;

-    débouter les époux [C] de toutes leurs prétentions ;

-    condamner les époux [C] à leur payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-    condamner les époux [C] aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des frais d'expertise que les époux [I] acceptent de conserver à leur charge.

 

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 8 juin 2023, M. et Mme [C] demandent à la cour de :

-  constater qu'ils subissent un trouble de voisinage depuis la réalisation de l'installation d'assainissement non collectif par M. et Mme [I] ;

-    confirmer la décision du tribunal judiciaire sur ce point ;

-    confirmer également la décision du tribunal en ce qu'il a condamné M. et Mme [I] à déplacer l'installation d'assainissement non collectif équipant leur immeuble, de telle manière que l'ensemble des équipements correspondants et ce incluse notamment la fosse toutes eaux, la ventilation secondaire, les regards et le lit filtrant soient situés en tous points à une distance de 10 mètres de la limite séparative des fonds, le tout sous astreinte non définitive de 30 euros par jour de retard passé le délai de 3 mois à compter de son passage en force de chose jugée ;

-    confirmer la décision du tribunal en ce qu'il a condamné les époux [I] à des dommages et intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage causé par les nuisances olfactives ;

-    réformer quant à son montant et condamner les époux [I] à payer la somme de 25.000 euros au titre de dommages et intérêts ;

-    confirmer la décision du tribunal en ce qu'il a condamné les époux [I] à leur payer la somme de 3.200 euros en indemnisation des frais non répétibles générés par le procès, et ce inclus le coût du constat d'huissier de Maître [F] ;

 

Y ajoutant :

-    condamner M. et Mme [I] à verser à M. et Mme [C] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

-    condamner M. et Mme [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, et ce  inclus les frais de l'expertise judiciaire avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Hartemann & Palazzolo, avocat sur son affirmation de droit.

 

La clôture a été ordonnée le 5 avril 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger» lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Il est établi par les témoignages de Mme [V] et de M. [P] qu'en juillet et août 2016, alors qu'ils se trouvaient dans la propriété des époux [C], ils ont senti des odeurs nauséabondes, le second témoin précisant qu'elles provenaient de la maison voisine.

Les époux [C] ont fait dresser trois constats d'huissier de justice les 26 août 2015, 17 décembre 2015 et 5 février 2016. L'officier ministériel n'a constaté d'odeur que le 26 août 2015, qu'il a qualifiée ainsi : 'infime, perçue à deux reprises mais de façon fugace'.

L'expert judiciaire a clôturé ses opérations le 18 février 2017. Il résulte de ses travaux les éléments suivants :

- l'installation litigieuse était conforme à la réglementation, sauf en ce qui concerne le diamètre insuffisant du conduit de ventilation primaire débouchant dans les combles de l'immeuble [I] et à son absence de prolongement en toiture. Ce défaut a été corrigé en cours d'expertise,

- la croûte de surface de la fosse n'avait pas un aspect normal, ce qui révélait un déséquilibre du fonctionnement biologique de l'installation,

- les odeurs se propageaient au travers des tampons de fermeture non étanches par suite d'un défaut d'entretien ou par l'évacuation de la ventilation secondaire, pour des quantités non piégées dans le filtre à charbon actif,

- en cours d'expertise, les époux [I] ont remis l'installation en état, en installant des tampons hydrauliques et un filtre à charbon plus important, à l'exception du positionnement du filtre à charbon actif sur le conduit de ventilation secondaire et de la pose d'un extracteur éolien en extrémité du tuyau de ventilation, les travaux réalisés constituant une amélioration certaine,

- l'odeur en provenance du système d'assainissement n'était pas constante,

- les odeurs qu'il a constatées lors de la réunion d'expertise du 29 novembre 2016 étaient faibles, fugaces et contenues près de la fosse à la différence des odeurs décrites par les témoins [V] et [P],

- l'installation exige un maintien étanche des tampons hydrauliques et un bon entretien de l'assainissement avec remplacement régulier de la cartouche de charbon actif.

Postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, les invités des époux [C] ont perçu une odeur nauséabonde depuis la terrasse de leur maison, le 10 juin 2017 (M. [R]), le 24 juin 2017 (M. [G], Mme [Y]), le 25 juin 2017 et à trois reprises ensuite sur une période de trois semaines (Mme [X]), et le 21 novembre 2020 (M. [E]).

Le premier juge a déduit des quatre première attestations, la cinquième étant produite en appel, qu'elles rapportaient la preuve suffisante de ce que les nuisances olfactives générées par l'installation d'assainissement ont perduré, que leur caractère intense et régulier quoique discontinu en faisaient des inconvénients anormaux de voisinage engageant de plein droit de la responsabilité des appelants qui devaient être condamnés à déplacer l'installation d'assainissement sous astreinte.

Dans le cadre de la procédure d'appel, M. et Mme [C] produisent un seul témoignage nouveau, émanant de M. [E], qui atteste de la présence d'une odeur nauséabonde le 21 novembre 2020.

Les époux [I] justifient de l'installation de la cartouche anti-odeurs à hauteur d'homme, comme l'avait préconisé l'expert, en produisant une facture du 31 octobre 2017 (leur pièce 13), de l'entretien de l'installation d'assainissement le 27 novembre 2020 (leur pièce n°22), du rapport de visite de contrôle du SPANC en date du 22 décembre 2021 dont il ressort que l'installation ne présente pas de défaut, le service précisant ne pas avoir constaté d'odeurs (pièce 24, page 5), et d'un courrier du même service en date du 28 novembre 2022 dont il résulte qu'à l'occasion d'une intervention le 10 juin 2022, il n'a pas été constaté de dysfonctionnement ni de nuisances ou odeurs (leur pièce 28).

Il apparaît en conséquence que les odeurs nauséabondes constatées par M. [E] le 21 novembre 2020 constituent un épisode intense mais isolé et que, depuis les travaux de l'expert, à l'exception de six épisodes concentrés sur une période de quelques semaines en juin-juillet 2017, qui ont été suivis en novembre de l'entretien de l'installation par les époux [I], M. et Mme [C] ne justifient pas de l'émanation régulière et désagréable d'odeurs nauséabondes en provenance de l'installation sanitaire leurs voisins, ce dont la cour déduit que les troubles de voisinage dont ils se plaignaient auparavant, à juste titre, ont cessé.

C'est pourquoi il y a lieu d'infirmer la décision critiquée en ce qu'elle a condamné M. et Mme [I] à déplacer l'installation d'assainissement équipant leur immeuble, mais de la confirmer en ce que les troubles de voisinage soufferts par M. Mme [C] du fait des nuisances olfactives dont il est justifié, entre novembre 2014 et juillet 2017, leur ont causé un dommage dont leurs voisins leur doivent réparation. Il ressort des constats d'huissier de justice qu'ils ont produits, des travaux de l'expert ainsi que des témoignages dont ils se sont prévalus que les odeurs, certes gênantes, n'étaient ni permanentes, ni systématiquement nauséabondes. Dès lors, leur préjudice a été justement apprécié par le premier juge et le jugement sera confirmé en ce qu'il leur a été alloué 4000 euros à ce titre.

Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [I] aux dépens de première instance comprenant le coût de l'expertise qu'ils ont proposé de prendre en charge et au paiement d'une somme de 3.200 euros à M. et Mme [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie perdant partiellement en appel, il sera fait masse des dépens et chacune d'elles en supportera la moitié, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, en application de l'article 699 du code de procédure civile. Pour des raisons tirées de l'équité, les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 17 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il a condamné M. [A] [I] et Mme [Z] [W] épouse [I] à déplacer l'installation d'assainissement non collectif équipant leur immeuble ;

Le confirme sur le surplus ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fait masse des dépens d'appel et condamne chacune des parties à en supporter la moitié, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 21/05378
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.05378 ?
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