N° RG 22/04813 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMUB
Décision du
TJ de BOURG-EN-BRESSE
Au fond - Ch civile
du 25 avril 2022
RG : 20/01483
[S]
C/
[O]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRET DU 19 Juin 2024
APPELANTE :
Mme [Z], [B] [S]
née le 20 Mars 1975 à [Localité 5] (CAMBODGE)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Fetta BOUZERD, avocat au barreau de LYON, toque : 337
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/009610 du 02/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIME :
M. [X] [O]
né le 05 Février 1963 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Eddy NAVARRETE de la SCP COTTET-BRETONNIER, NAVARRETE, avocat au barreau de LYON, toque : 2349, substitué par Me Julie PALAYER, avocat au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 28 Février 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Avril 2024
Date de mise à disposition : 19 Juin 2024
Audience tenue par Isabelle BORDENAVE, présidente, et Georges PÉGEON, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Isabelle BORDENAVE, présidente
- Georges PÉGEON, conseiller
- Carole BATAILLARD, conseillère
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.
* * * *
EXPOSÉ DES FAITS DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
M. [X] [O] et Mme [Z] [S] ont vécu en concubinage de 2014 à 2018.
Durant leur relation, ils ont entrepris la création d'une activité de chambre d'hôtes.
Mme [S], qui indique s'être appauvrie par les investissements qu'elle a réalisés pour l'activité de chambre d'hôtes, sans en tirer de bénéfice, a fait assigner, par acte du 25 juin 2020, M. [O] devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 12 007,61 euros, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux entiers dépens.
M. [O] demandait pour sa part au tribunal de rejeter les demandes de Mme [S] et de la condamner à lui payer les sommes de 1 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral, et de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de la condamner aux entiers dépens.
Par jugement du 25 avril 2022, auquel il est référé, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
- débouté les parties de toutes leurs demandes, hors dépens et frais de procédure,
- condamné Mme [S] à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [S] aux dépens.
Par déclaration du 29 juin 2022, Mme [S] a interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Au terme de conclusions notifiées le 9 janvier 2023, Mme [S] demandait à la cour de :
- déclarer son appel recevable,
- infirmer le jugement rendu le 25 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en toutes les dispositions qui lui sont défavorables,
Statuant à nouveau,
- rejeter toutes demandes, fins ou conclusions contraires,
- condamner M. [O] à lui verser la somme de 12 007,61 euros de dommages-intérêts au titre des dépenses qu'elle a exposées au profit de son activité professionnelle individuelle (enrichissement sans cause),
- condamner M. [O] à lui verser la somme de 21 199,68 euros de dommages-intérêts au titre des rémunérations qu'il aurait dû lui verser si elle n'avait pas travaillé sans rémunération à son profit (enrichissement sans cause),
- débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [O] à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle, et qu'elle assume en conséquence une partie de ses frais de défense,
- condamner M. [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Subsidiairement,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 2 000 euros à M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors que sa situation financière était déjà très précaire, étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.
Mme [S] faisait valoir que :
- n'étant ni mariée ni associée à M. [O], elle ne dispose d'aucune autre action pour obtenir l'indemnisation de son investissement dans l'activité,
- son action n'est pas prescrite, étant donné que la prescription ne court pas tant que la partie est empêchée d'agir, notamment en raison des liens qui unissaient les parties,
- elle démontre son appauvrissement au profit de M. [O], étant donné qu'elle prouve avoir supporté des dépenses, et avoir travaillé gratuitement pendant 5 années au profit de l'activité de ce dernier, qui exerçait en tant qu'entrepreneur individuel,
- le premier juge a retenu à tort la notion de contribution aux charges du mariage, qui n'existe pas entre concubins, les parties n'ayant en outre pas de compte-joint en l'espèce,
- elle n'a bénéficié d'aucune contrepartie pour son investissement, puisqu'elle versait la moitié du loyer,
- elle justifie bien d'un appauvrissement, corrélatif à l'enrichissement de M. [O] et l'absence de cause, conformément aux exigences du code civil et de la jurisprudence,
- elle doit être indemnisée à hauteur de 12 007,61 euros pour les dépenses qu'elle démontre avoir supportées au profit de M. [O],
- elle doit également être indemnisée à hauteur de 21 199,68 euros au titre de son travail dans l'activité de chambre d'hôtes, en prenant en compte son temps de travail de 10 heures par semaine, et un SMIC moyen de 9,80 euros, sur la période d'exploitation de septembre 2013 à décembre 2017,
- la demande de M. [O] tendant à obtenir la condamnation de Mme [S] à lui régler la somme de 10 000 euros pour procédure abusive est infondée, dès lors qu'elle souhaite simplement obtenir la contrepartie de son travail, et qu'il ne justifie d'aucun préjudice,
- la mauvaise foi de M. [O] est manifeste, puisqu'il déforme sciemment le jugement pour faire valoir une intention de nuire de la part de Mme [S], ledit jugement précisant néanmoins 'qu'aucune pièce produite au débat ne permet de démontrer cette volonté de nuire',
- il y a lieu de réformer en équité le jugement qui l'a condamnée à verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors qu'elle était bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, sa demande n'étant pas abusive.
Au terme de conclusions notifiées le 23 novembre 2022, M. [O] demandait à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 25 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- rejeter l'intégralité des demandes de Mme [S] et les dires mal-fondées,
En tout état de cause,
- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral,
- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
M. [O] faisait valoir que :
- l'action en paiement au titre de l'enrichissement injustifié est une procédure subsidiaire, qui ne peut être intentée qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur, ce que n'a pas démontré Mme [S],
- Mme [S] ne démontre pas de lien entre l'activité de chambre d'hôtes et les dépenses qu'elle a supportées, ces dernières relevant de dépenses courantes au cours de la vie d'un ménage, Mme [S] n'établissant pas de sur-contribution,
- Mme [S] ne rapporte pas non plus la preuve d'un appauvrissement lié à ces dépenses réalisées dans le cadre de sa vie conjugale, et de l'exploitation de leur activité de chambre d'hôtes,
- les dépenses qu'elle évoque ne constituent pas un enrichissement sans cause puisqu'elles ont été réalisées dans son intérêt, et dans celui de son activité,
- Mme [S] ne rapporte pas la preuve d'un enrichissement injustifié alors même que les dépenses qu'elle fait valoir concernent seulement une année de leur relation, a fortiori au regard des investissements qu'il a lui-même réalisés, et des profits personnels qu'elle a tirés de la mutualisation des ressources,
- Mme [S] ne démontre pas qu'il s'est enrichi alors que la charge de la preuve lui incombe,
- elle ne peut se prévaloir d'un appauvrissement à son profit, au motif qu'elle a payé l'intégralité du loyer sur une période donnée, Mme [S] ayant continué de vivre dans le logement jusqu'au mois de février 2018,
- Mme [S] ne peut arguer de l'absence de cause ou de contrepartie, alors qu'elle a engagé ces dépenses pour développer l'activité et qu'elle a joui de l'ensemble des installations présentes dans le bien,
- il convient de lui allouer la somme de 10 000 euros en indemnisation de son préjudice moral, Mme [S] ayant engagé plusieurs procédures abusives à son encontre, le tribunal de commerce ayant en outre relevé le caractère abusif d'une plainte déposée par Mme.
Par arrêt du 27 septembre 2023, auquel il est référé, la cour, sur la recevabilité des demandes de Mme [S], avant dire droit, a ordonné le rabat de la clôture, la réouverture des débats avec renvoi à la mise en état pour nouvelles conclusions des parties, invitant celles-ci à conclure sur la prescription de la demande formée par Mme au titre des dépenses qu'elle a exposées entre juillet 2013 et mars 2014.
Le 28 septembre 2023, le conseil de Mme [S] a écrit à la cour pour indiquer d'une part qu'en application de l'article 2247 du code civil les juges ne peuvent suppléer d'office le moyen tiré de la prescription, et d'autre part que la question de la prescription avait déjà été tranchée par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse, qui avait conclu au rejet de la prescription et à la recevabilité de l'action, par ordonnance du 6 mai 2021, communiquant alors copie de cette ordonnance.
Le conseil de Mme [S] a notifié des conclusions numéro 3, le 17 novembre 2023 réitérant l'intégralité des prétentions, et répondant, dans le cadre de ces conclusions, à la question de la prescription, pour soutenir d'une part que la cour n'avait pas le pouvoir de soulever d'office cette question, en lieu et place des parties, comme elle l'a fait, et d'autre part que cette question avait déjà été tranchée par le juge de la mise en état, par une ordonnance du 6 mai 2021, laquelle a force de chose jugée, rappelant à titre superfétatoire et infiniment subsidiaire la motivation du juge de la mise en état.
Par de nouvelles conclusions notifiées le 2 janvier 2024, M. [O] a réitéré ses demandes, visant à voir confirmer le jugement, statuant à nouveau a conclu au rejet de l'intégralité des demandes, sollicitant que soient déclarées irrecevables les demandes concernant le paiement de rémunération, et subsidiairement que la cour se déclare incompétente pour statuer sur celles-ci.
En tout état de cause, il a réitéré les demandes de condamnation à des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 10'000 euros en réparation du préjudice moral outre 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnation de Mme [S] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2024, et l'affaire fixée à plaider le 10 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
L'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.
Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte'.
Par l'effet dévolutif de l'appel la cour connaît des faits survenus au cours de l'instance d'appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s'ils n'ont été portés à la connaissance de l'adversaire qu'au cours de l'instance d'appel.
Sont soumis à la cour, au regard de l'acte d'appel et des dernières conclusions des parties, les points suivants :
- la recevabilité des demandes de Mme [S]
* la recevabilité de la demande de dommages et intérêts au titre des dépenses exposées au profit de l'activité de M. [O]
* la recevabilité de la demande de dommages et intérêts au titre des rémunérations
- Le bien-fondé des demandes de dommages et intérêts formées par Mme [S] :
* au titre des dépenses supportées par Mme [S]
* au titre des rémunérations sollicitées par Mme [S]
- le préjudice moral de M. [O] pour procédure abusive
- l'article 700 et les dépens
Par message RPVA du 25 juillet 2023, la cour a demandé aux conseils des parties de produire leurs observations sur la qualification de demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile de la prétention formée par Mme [S] quant à la rémunération qu'elle n'aurait pas reçue de M. [O].
Par courrier du 9 août 2023, Me Bouzerd, conseil de Mme [S], a notamment fait valoir, d'une part que cette demande n'est pas nouvelle en ce qu'elle est fondée sur le même moyen, et tend aux mêmes fins que la demande d'indemnisation déjà formulée sur le fondement de l'enrichissement sans cause de M. [O], au détriment de Mme [S], et d'autre part, que le montant des demandes peut être augmenté en appel dès lors que ces dernières tendent à la même fin d'indemnisation du préjudice subi.
Sur la recevabilité des demandes de Mme [S]
L'article 1303-3 du code civil dispose que l'appauvri n'a pas d'action sur le fondement de l'enrichissement injustifié lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.
L'article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Si M. [O] prétend que l'action formée par Mme [S] sur le fondement de l'enrichissement injustifié est irrecevable, au motif que celle-ci n'atteste pas qu'aucune autre action ne lui est ouverte, il ne démontre cependant pas que Mme [S] aurait disposé d'une action autre que celle fondée sur l'enrichissement injustifié, alors même que la charge de la preuve lui incombe.
* La recevabilité de la demande de dommages et intérêts au titre des dépenses exposées au profit de l'activité de M. [O]
Il apparaît, outre le fait que la cour a effectivement mis dans le débat la question de la prescription, sans en avoir été explicitement saisie par l'intimé, cette fin de non recevoir étant uniquement invoquée par l'appelante elle même, que cette question de prescription avait été tranchée par une décision définitive, prononcée par le juge de la mise en état, et désormais communiquée aux débats dans le cadre de la réouverture.
Il convient dès lors de constater, au regard de cette décision, désormais transmise, que la question de recevabilité des demandes de Mme au titre des dépenses engagées par elle ne se pose pas ayant d'ores et déjà été déclarée recevable.
* La recevabilité de la demande de dommages et intérêts au titre des rémunérations
Selon l'article 564 du code de procédure civile 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
Les articles 565 et 566 du même code prévoient que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent' et que 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. '
Il ressort du jugement dont appel que Mme [S] limitait, en première instance, sa demande d'indemnisation à la somme de 12 007,61 euros, correspondant :
- aux dépenses qu'elle aurait supportées pour l'aménagement et la décoration des chambres et l'achat de boissons d'accueil, soit 6 456,11 euros,
- à la moitié des loyers et taxes qu'elle a réglés, soit 4 301,50 euros,
- au dépôt de garantie qu'elle a versé, et qui a été restitué à M. [O], soit 1 250 euros.
Il est effectif que Mme [S] ne formulait pas devant le premier juge de demande au titre de rémunérations, visant seulement l'enrichissement 'sans cause'.
La demande qu'elle forme désormais à hauteur d'appel procède de la même situation de fait dont elle se prévaut, à savoir sa participation à l'activité de chambres d'hôtes gérée par M. [O], et repose sur le même fondement juridique.
Il convient dès lors de déclarer cette demande recevable.
Sur le bien-fondé des demandes de dommages et intérêts formées par Mme [S]
L'article 1303 du code civil dispose qu'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.
Pour faire droit à toute demande fondée sur l'enrichissement injustifié, trois conditions cumulatives doivent être démontrées par celui qui s'en prévaut :
- l'enrichissement d'un concubin,
- l'appauvrissement corrélatif de l'autre concubin,
- l'absence de cause à l'appauvrissement et à l'enrichissement corrélatif.
*Au titre des dépenses supportées par Mme [S]
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts afférente aux dépenses qu'elle a supportées, Mme [S] verse aux débats plusieurs factures, émises entre 2013 et 2014 portant sur :
- des éléments d'aménagement : tapisserie, prise, etc. ;
- des éléments d'équipement : micro-ondes, oreiller, parures de lit, plaque de cuisson, etc ;
- des frais alimentaires : mets préparés et vins.
Il convient de relever que les dépenses d'aménagement et d'équipement dont Mme [S] fait état ne sont pas excessives, et correspondent à des dépenses de la vie courante.
Si ces multiples factures sont effectivement au seul nom de Mme [S], cette dernière ne démontre toutefois pas les avoir acquittées personnellement au moyen de ses relevés de compte, et ne démontre pas plus que lesdites factures sont liées à l'activité du gite.
Faute pour Mme [S] de rapporter la preuve que son appauvrissement est lié à un enrichissement corrélatif de M. [O], elle ne détient aucune créance à son encontre au titre des factures produites.
L'appelante produit également le contrat de bail, souscrit par les parties, en vue de la location du bien situé à [Localité 6], aux termes duquel celles-ci se sont engagées à verser la somme de 1 200 euros par mois au bailleur, M. [L] [I], à compter du 1er septembre 2013.
Mme [S] verse également aux débats les quittances établies chaque mois par M. [I], qui atteste qu'elle a réglé seule :
- la somme de 1 200 euros par mois de septembre 2013 à mars 2014,
- la somme de 203 euros au titre de la taxe d'ordures ménagères au prorata pour l'année 2013,
Soit la somme totale de 8 603 euros.
Si les parties étaient solidaires pour le paiement de leur loyer vis-à-vis du propriétaire du bien loué, la charge des loyers dans les rapports entre les locataires doit in fine être supportée par moitié par chacun d'entre eux, à défaut de convention contraire.
En l'espèce, la seule convention dont les parties font état correspond à un pacte de colocation, qu'elles ont établi entre elles le 28 mai 2014, stipulant qu'à compter du mois de juin 2014, M. [O] paiera l'intégralité du loyer au propriétaire tandis que Mme [S] lui paiera sa quote-part de 600 euros, correspondant à son loyer.
M. [O] est ainsi redevable envers Mme [S] d'une somme de 4 301,50 euros correspondant à la moitié de la somme totale de 8 603 euros versée par celle-ci au bailleur entre les mois de septembre 2013 et mars 2014.
*Au titre des rémunérations sollicitées par Mme [S]
Mme [S] expose qu'elle doit être indemnisée à hauteur de 21 199,68 euros pour son travail dans l'activité de chambre d'hôtes, en prenant en compte son temps de travail de 10 heures par semaine et un SMIC moyen de 9,80 euros sur la période d'exploitation de septembre 2013 à décembre 2017.
Il est constant que l'appauvrissement peut être constitué par un manque à gagner et que l'enrichissement corrélatif peut résulter des dépenses évitées lorsqu'un concubin collabore à l'activité de l'autre sans rémunération de sorte que c'est en vain que M. soutient que cette demande pour autant qu'elle serait déclarée recevable ne ressortirait pas de l'examen de la présente juridiction.
Mme [S] produit uniquement, au soutien de sa demande, trois attestations émanant de Mme [P] [T], sa mère, de M. [F], son beau-père, et de Mme [W] [M], son ex-belle-mère et la grand-mère d'[R] [M], le fils de Mme [S].
Ces trois attestations, particulièrement brèves, permettent seulement de retenir qu'en 2014 :
- la maison de [Localité 6] constitue la 'nouvelle maison' de Mme [S],
- que Mme [S] 'a investi dans la décoration et ['] transformé cette grande maison en louant quatre chambres à l'étage',
- que Mme [S] 'travaille à cette adresse (location de chambre d'hôtes)'.
Il ressort par ailleurs du procès-verbal d'audition du 4 juin 2018, produit par M. [O] dans ses pièces, que Mme [S] reconnait avoir acquis avec ce dernier les parts du bar l'Exorcet, en octobre 2016, indiquant qu'elle y travaillait jusqu'au mois d'avril 2018 du 'matin jusqu'au soir, 6 jours sur 7".
Cette situation n'est pas compatible avec sa revendication de créance, basée sur un temps de travail au gîte de 10 heures par semaine et un SMIC moyen de 9,80 euros sur partie de la période d'exploitation de septembre 2013 à décembre 2017.
Ainsi, Mme [S] ne démontre pas avoir consacré au minimum deux heures de travail par jour au nettoyage des chambres et à l'accueil des clients pendant les cinq années que recouvre la période 2013-2017, aucune pièce probante n'étayant les calculs qu'elle développe dans ses conclusions.
Il convient dès lors de débouter Mme [S] de sa demande d'indemnisation au titre de la rémunération.
Sur le préjudice moral de M. [O] pour procédure abusive
C'est à juste titre que le premier juge a rejeté comme infondée la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [O], ce dernier ne démontrant pas que Mme [S] était animée par une volonté délibérée de lui nuire, l'appréciation divergente de ses droits par une partie n'étant pas constitutive d'une faute.
M. [O] ne démontre pas que le comportement de Mme [S] lui a causé un préjudice moral particulier.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 et les dépens
Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
L'équité ne commande pas de condamner l'une ou l'autre des parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera dès lors réformé, en ce qu'il a condamné Mme [S] à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, après débats publics, et après en avoir délibéré,
Constate que la demande formalisée au titre des dépenses supportées par Mme [S] est recevable,
Déclare recevable la demande tendant à condamner M. [O] à verser à Mme [S] la somme de 21 199,68 euros de dommages-intérêts au titre des rémunérations qu'il aurait dû lui verser si elle n'avait pas travaillé sans rémunération à son profit,
Infirme le jugement rendu le 25 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, sauf en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [O] à régler la somme de 4 301,50 euros à Mme [S] au titre des loyers et de la taxe d'ordure ménagères qu'elle a réglés seule entre les mois de septembre 2013 et mars 2014,
Y ajoutant,
Déboute Mme [S] de sa demande d'indemnisation au titre de la rémunération,
Rejette les demandes formées au titre des dépens,
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente de chambre et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE