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19/06/2024 | FRANCE | N°23/02602

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre a, 19 juin 2024, 23/02602


N° RG 23/02602 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O4EL









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond

du 22 mars 2023



RG : 17/04135

ch n°1 Cab 01A





LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

LA PROCUREURE GENERALE



C/



[Z]-[C]

[H]-[C]

[M]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



2ème chambre A



ARRET DU 19 Juin 2024



A

PPELANTS :



M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

TJ de Lyon

[Adresse 4]

[Localité 5]



Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 6]



représentés par Laurence CHRISTOPHLE, substitute générale





INTIMES :



Mme [D] [C]-[Z]

née le...

N° RG 23/02602 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O4EL

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond

du 22 mars 2023

RG : 17/04135

ch n°1 Cab 01A

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

LA PROCUREURE GENERALE

C/

[Z]-[C]

[H]-[C]

[M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème chambre A

ARRET DU 19 Juin 2024

APPELANTS :

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

TJ de Lyon

[Adresse 4]

[Localité 5]

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentés par Laurence CHRISTOPHLE, substitute générale

INTIMES :

Mme [D] [C]-[Z]

née le 21 Décembre 1990 à [Localité 8] (CAMEROUN)

C/ Mme [E] [M], désignée en qualité de curatrice par décision du juge des tutelles en date du 29 janvier 2021 ; mesure de protection ayant fait l'objet d'une mainlevée par jugement en date du 12 janvier 2024

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentées par Me Anne-caroline VIBOUREL de la SELARL LOZEN AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1464

assistées par Me Isabelle FAURE-CROMARIAS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/003724 du 06/07/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

M. [G] [H]-[C]

né le 21 Décembre 1990 à [Localité 8] (CAMEROUN)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne-caroline VIBOUREL, avocat au barreau de LYON, toque : 1464

assisté de Me Isabelle FAURE-CROMARIAS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/003721 du 06/07/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

Mme [E] [M] en qualité de curatrice de Mme [Z]-[C] [D] née le 21 décembre 1990 à [Localité 8] (CAMEROUN)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-caroline VIBOUREL, avocat au barreau de LYON, toque : 1464

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/003716 du 22/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Mai 2024

Date de mise à disposition : 19 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Isabelle BORDENAVE, présidente

- Georges PÉGEON, conseiller

- Françoise BARRIER, conseillère

assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [C]-[Z] et M. [G] [C]-[H] sont nés tous deux le 21 décembre 1990 à [Localité 8] (Cameroun), de [E] [M], née en 1973 à [Localité 10] (Cameroun), et de [X] [C], né le 17 février 1943 à [Localité 9] (Puy-de-Dôme), français pour être né en France d'un père qui y est lui-même né, celui-ci ayant reconnu les mineurs le 3 avril 2006 à [Localité 7] (Haute-Loire).

Plusieurs certificats de nationalité française ont été délivrés à Mme [C]-[Z] et à M. [C]-[H] en 2006, 2007 et 2008, indiquant qu'ils sont français par application de l'article 18 du code civil, pour être nés d'un père français, la nationalité de M. [X] [C] n'étant pas contestée, ni sa paternité à l'égard des mineurs, qu'il a reconnus alors qu'ils avaient plus de 15 ans déjà .

Toutefois, les vérifications opérés par l'intermédiaire de l'ambassade de France au Cameroun faisaient apparaître que les actes d'état civil produits pour obtenir ces certificats de nationalité étaient apocryphes, puisque correspondant à l'identité d'autres personnes ([V] [W] pour Mme [C]-[Z] et [K] [J] pour M. [C]-[H]).

Le 14 avril 2017, M. le procureur de la République a fait assigner Mme [C]-[Z] et M. [C]-[H] aux fins de faire juger que les certificats de nationalité française qui leur ont été délivrés l'ont été à tort et de constater leur extranéité, sur le fondement des dispositions de l'article 29-3 du code civil.

Par acte d'huissier délivré le 12 octobre 2018, Mme [E] [M] a été attraite à la procédure en qualité de curatrice de Mme [C]-[Z].

Par ordonnance du 6 décembre 2018, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Par jugement contradictoire du 22 mars 2023, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- débouté le ministère public de l'ensemble de ses demandes,

- débouté Mme [Z] et M. [H] de leur demande au titre de l'article 21-13 du code civil,

- ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- laissé les dépens à la charge du Trésor public.

Par déclaration reçue au greffe le 27 mars 2023, M. le procureur de la République du tribunal judiciaire de Lyon a interjeté appel de cette décision, en limitant la portée de l'appel aux chefs de jugement :

- l'ayant débouté de l'ensemble de ses demandes,

- ayant ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- ayant laissé les dépens à la charge du Trésor public.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions, notifiées le 27 juin 2023, Mme la procureure générale près la cour d'appel de Lyon demande à la cour de :

- dire la procédure régulière au sens des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et a laissé les dépens à la charge du Trésor Public,

Statuant à nouveau,

- juger que les certificats de nationalité française délivrés à Mme [Z] les 29 mai 2006, 14 décembre 2007, 6 février 2008, 1er avril 2008 et 14 mai 2008 l'ont été à tort,

- juger que Mme [Z], se disant née le 21 décembre 1990 à [Localité 8] (Cameroun), n'est pas de nationalité française,

- juger que les certificats de nationalité française délivrés à M. [H] les 29 mai 2006, 14 décembre 2007, 6 février 2008, 1er avril 2008 et 14 mai 2008 l'ont été à tort,

- juger que M. [H], se disant né le 21 décembre 1990 à [Localité 8] (Cameroun), n'est pas de nationalité française,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- condamner Mme [Z] et M. [H] au paiement des dépens.

Selon leurs premières et dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2023, Mme [C]-[Z], M. [C]-[H] et Mme [M], curatrice de Mme [C]-[Z], demandent à la cour de :

- dire mal appelé, bien jugé et confirmant,

- débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- ordonner la mention du jugement à intervenir sur les actes d'état civil en application de l'article 28 du code civil,

- condamner le ministère public aux entiers dépens.

Mme [D] [C]-[Z] a été placée sous curatelle simple par jugement du 1er février 2016 du juge des tutelles du tribunal d'instance de Clermont-Ferrand, mesure maintenue par jugement du 29 janvier 2021, sa curatrice étant sa mère, Mme [E] [M]. Toutefois, cette mesure a été levée par jugement du 12 janvier 2024 du juge des tutelles du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal a retenu que le ministère public conteste le caractère authentique des actes de naissance produits au soutien de la demande de certificat de nationalité française en faisant valoir que le 25 décembre 1990, date à laquelle ils ont été dressés, est un jour férié au Cameroun et que le centre d'état civil n'est pas celui du lieu de naissance des défendeurs. Il expose que la levée d'acte à laquelle a procédé le chef de la section consulaire auprès du centre d'état civil de [Localité 11] (département de la Lékié) a confirmé les doutes émis sur la véracité de l'acte de naissance n°23/90 initialement revendiqué par [D] [Z], puisqu'il correspond à l'identité d'un tiers, [V] [W], né le 3 mars 1990 à Obak. Le tribunal ajoute que le ministère public ne produit pas, en revanche, l'acte de naissance d'[G] [H] sur lequel il fonde son argumentation, ni une levée d'acte attestant du caractère apocryphe de ce dernier.

Le tribunal indique toutefois qu'en tout état de cause, Mme [E] [M] a saisi, en qualité de représentant légal des enfants, le tribunal de premier degré d'Okola, qui a rendu le 26 septembre 2018 deux jugements supplétifs, dont les défendeurs se prévalent, puis rappelé que l'accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun du 21 février 1974 régit la reconnaissance et l'exécution en France des décisions rendues au Cameroun, son article 34 disposant que :

' En matière civile, sociale ou commerciale, les décisions contentieuses ou gracieuses rendues par une juridiction siégeant en France ou au Cameroun sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre Etat si elles réunissent les conditions suivantes :

a) les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;

b) le litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet :

- n 'est pas pendant devant une juridiction de l'Etat requis, ou

- n 'a pas donné lieu à une décision rendue dans l'Etat requis, ou

- n 'a pas donné lieu à une décision rendue dans un Etat et réunissant les conditions nécessaires à son exequatur dans l'Etat-requis ;

c) la décision, d'après la loi de l 'Etat où elle a été rendue, ne peut plus faire l'objet d'un recours ordinaire ou d'un pourvoi en cassation ;

d) la décision émane d'une juridiction compétente d'après les règles de conflit de l'Etat requis, sauf renonciation de la partie intéressée ;

e) la décision n'est pas contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée ;

f) elle ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat'.

Le tribunal a retenu l'application de ce texte pour statuer sur les conditions de l'opposabilité des jugements supplétifs d'état civil précédemment cités et leur conformité à1'ordre public français, et précisé que s'il est contraire à l'ordre public international français de reconnaître un effet juridique à une décision de justice étrangère obtenue frauduleusement, tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque :

- l'article 22 de l'ordonnance n°81/002 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil camerounais prévoit que « la rectification et la reconstitution des actes d'état civil ne peuvent être faites que par jugement du tribunal » et qu'« il y a lieu à reconstitution en cas de perte, de destruction des registres ou lorsque la déclaration n'a pu être effectuée dans les délais prescrits par la présente ordonnance »,

- les jugements du 26 septembre 2018 du tribunal de premier degré d'Okola, rendus au visa de cette ordonnance, ont jugé que Mme [Z] et M. [H] ne peuvent « présenter aucun acte de naissance par suite de non-inscription aux registres des naissances », ce qui fait que le ministère public ne peut, sans se contredire, affirmer que les actes de naissance de [D] [Z] et [G] [H] dressés le 25 décembre 1990 appartiennent à des tierces personnes, ce qui suppose que leur naissance n'a pas été déclarée à l'officier d'état civil de la commune de naissance, et refuser dans le même temps de faire produire effet au jugement supplétif qui ordonne la reconstitution de leurs actes de naissance, d'autant qu'il n'appartient pas au juge français, sous couvert de l'examen de l'ordre public international, de se substituer à la décision prise par les autorités étrangères, aucune atteinte à l'ordre public international français ne pouvant être retenue, dès lors que le tribunal de grande instance d'Okola a jugé que les défendeurs se trouvaient dans une des hypothèses de reconstitution de leur acte de naissance, telles que prévues par l'article 22 de l'ordonnance n°81/002 du 29 juin 1981.

Le tribunal ajoute que le ministère public conteste aussi la régularité internationale des jugements supplétifs de naissance, en arguant de la violation du principe du contradictoire, mais que la contrariété à l'ordre public international de procédure d'une décision étrangère ne peut être admise que s'il est démontré que les intérêts d'une partie ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux de procédure, et qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que les intérêts de son homologue camerounais ont été méconnus par l'absence de transmission alléguée, étant rappelé qu'il n'appartient pas au juge français de contrôler l'application de sa propre loi par le juge étranger.

Le tribunal a en conséquence estimé que [D] [Z] et [G] [H] jouissent d'un état civil fiable et d'un lien de filiation établi avec un père français, et débouté le ministère public de ses demandes.

Au soutien de son appel, Mme la procureure générale relève que Mme [D] [Z] est titulaire de huit certificats de nationalité française, délivrés par le greffier en chef du tribunal d'instance du Puy-en-Velay, puis par celui du tribunal d'instance d'Issoire, sous les identités de [D] [C], [D] [C]-[Z] ou [D] [Z], et que M. [G] [H] est titulaire d'autant de certificats de nationalité française, délivrés par les mêmes autorités et aux mêmes dates, sous les identités d'[G] [C], [G] [C]-[H] ou [G] [H], certificats délivrés au vu :

* pour Mme [D] [Z] de la copie de l'acte de naissance n°23/90, dressé le 25 décembre 1990 au centre d'état civil de [Localité 11], complété par l'acte de reconnaissance paternelle souscrit le 3 avril 2006 par M. [X] [C],

* pour M. [G] [H] de la copie de l'acte de naissance n°24/90, dressé le 25 décembre 1990 au centre d'état civil de [Localité 11], complété par l'acte de reconnaissance paternelle souscrit le 3 avril 2006 par M. [X] [C].

Mme la procureure générale indique que ces actes de naissance, produits pour justifier de leur état civil devant les greffiers en chef qui ont délivré ces certificats de nationalité française, sont de toute évidence apocryphes, puisque dressés un 25 décembre, jour férié au Cameroun, dans un centre d'état civil qui n'est pas celui du lieu de naissance.

Elle précise que les vérifications effectuées à l'initiative de la section consulaire de l'ambassade de France au Cameroun ont révélé que les actes de naissance n° 23/90 et 24/90 enregistrés au centre d'état civil de [Localité 11] concernent d'autres personnes (pièces MP d'appel n° 6 et 6 bis), ce qui établit que les certificats de nationalité française ont été délivrés à tort, sur production d'actes de naissance apocryphes, cette situation ayant pour effet de renverser la charge de la preuve, obligeant les intimés à rapporter la preuve de ce qu'ils disposent d'états civils certains et justifient d'un lien de filiation légalement établi pendant leur minorité à l'égard d'un parent de nationalité française.

Mme la procureure générale indique que les intimés reconnaissent implicitement le caractère apocryphe des actes de naissance initialement présentés aux autorités françaises, puisqu'ils se prévalent désormais de nouveaux actes de naissance, dressés en exécution de jugements déclaratifs de naissance du 26 septembre 2018, puis soutient que ces décisions ne sont pas opposables en France, ne remplissant pas les conditions requises par l'article 34 de l'accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun du 21 février 1974, alors qu'elles ont été prononcées sans communication préalable des dossiers au ministère public camerounais, malgré les dispositions en ce sens de l'article 24 de l'ordonnance du 29 juin 1981 sur l'organisation de l'état civil au Cameroun, ayant été rendues sans que le principe du contradictoire n'ait été respecté à l'égard du ministère public, garant de ordre public, ce qui fait qu'elles sont inopposables en France par application de l'accord de coopération du 21 février 1974, a) de l'article 34 précité.

Elle ajoute que le principe du contradictoire est un principe fondamental du droit français, qui participe de l'ordre public international français de procédure, et que sa violation constitue également une cause d'irrégularité internationale de la décision étrangère, pour contrariété à l'ordre public, selon l'alinéa f) de l'article 34 de la convention, et que la jurisprudence n'impose pas que la violation du principe du contradictoire nécessite de démontrer que cette violation a objectivement compromis les intérêts d'une partie, et que, même si tel était le cas, la violation des intérêts du ministère public est évidente, puisque les motifs réels des requêtes, visant à contourner les résultats des vérifications consulaires en obtenant de nouveaux actes d'état civil, ont été dissimulés au tribunal de premier degré d'Okola, comme au ministère public, non avisé de la procédure, et qui n'a de ce fait pas pu intervenir pour diligenter une enquête ou porter la contradiction.

De plus elle soutient que cette dissimulation de l'existence d'actes de naissance antérieurs caractérise une fraude, qui rend les jugements camerounais produits manifestement contraires à l'ordre public international français et donc inopposables en France en application du f) de l'article 34.

Elle conclut encore que le nom de famille de Mme [D] [Z], tel qu'il ressort du jugement rendu par le tribunal de premier degré d'Okola et de l'acte de naissance n°2018/CE671 1/N/155 dressé en exécution de ce jugement, a été modifié, puisqu'elle se nomme à présent [Z], et déduit de l'ensemble de ces observations que les actes de naissance dressés en exécution de ces deux jugements, contraires à l'ordre public international français, ne peuvent faire foi au sens de l'article 47 du code civil et que les intimés, qui ne justifient pas disposer d'états civils fiables et certains, ne peuvent revendiquer la nationalité française sur quelque fondement que ce soit.

À titre subsidiaire, Mme la procureure générale fait observer que le tribunal camerounais a rendu des jugements que l'on peut assimiler à des jugements déclaratifs de naissance, qui ne se bornent pas à reconnaître l'existence d'un fait juridique passé, en l'occurrence la naissance, mais fixent les éléments nécessaires à l'identification de la personne concernée (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, filiation déclarée), et permettent qu'un acte de naissance soit dressé dans un registre de l'état civil, l'état civil de la personne n'est légalement établi qu'à compter du jugement qui le détermine, et rapporte que les états civils dressés suite aux jugements du tribunal de premier degré d'Okola ont été établis postérieurement à la majorité des intimés.

Elle estime qu'il ne peut dès lors être tenu compte de ces jugements, postérieurs à la date de la majorité, qui cristallise les effets de la filiation en matière de nationalité française d'origine, pour apprécier les conditions de la nationalité française, l'article 20-1 du code civil qui énonce que ' la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité' imposant que la nationalité française d'origine soit fixée définitivement à la date de la majorité. Elle rappelle ensuite que, par application combinée de l'exigence d'un état civil certain et de l'article 20-1 du code civil, nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française d'origine s'il ne justifie pas d'un état civil certain avant que sa situation soit cristallisée dans ses effets de nationalité et qu'en conséquence, la reconnaissance par un Français n'emporte aucun effet sur la nationalité française lorsque la personne reconnue n'est pas dotée d'un acte de naissance probant permettant de l'identifier

avec certitude ou que l'acte de reconnaissance est postérieur à la majorité de la personne reconnue. Or, les états civils dont les intimés se prévalent désormais ayant été établis sur la base de jugements déclaratifs de naissance rendus postérieurement à leur reconnaissance par M. [X] [C] et bien postérieurement à leur majorité, elle estime qu'ils ont été établis tardivement et ne peuvent emporter d'effet en matière de nationalité, d'autant que les intimés ne disposent pas d'un état civil certain.

Mme [C]-[Z] et M. [C]-[H] font valoir que :

1/ pour contester la nationalité française de Mme [D] [C]-[Z], le ministère public allègue que les certificats de nationalité française qui lui ont été délivrés l'ont été sur la base d'un acte de naissance apocryphe, sans contester néanmoins son identité ; toutefois, son identité et son état civil ont été confirmés par la production d'un jugement supplétif d'acte de naissance rendu par le tribunal de premier degré d'Okola (Cameroun) le 26 septembre 2018, certifié et authentifié par le consul du Cameroun à Paris le 22 août 2019, ce jugement ayant été transcrit sur les registres d'état civil, et un acte de naissance émis par les services de l'état civil d'Okola (Cameroun) le 22 novembre 2018, ce qui a permis au consulat du Cameroun à Paris de lui délivrer une copie intégrale de l'acte de naissance le 22 août 2019, en précisant que le « président du tribunal du 1er degré d'Okola Jugement n° 008/DL/J/A0304/C/C/TPD du 26 septembre 2018 » a certifié « la sincérité de la présence déclaration ». Selon eux, cette identité, confirmée par des témoins, est incontestable, de même que la reconnaissance de paternité émise par M. [C] ou sa filiation à l'égard de celui-ci, ressortissant de nationalité française. Ils ajoutent que Mme [C]-[Z], qui s'est vue délivrer un passeport français le 6 juin 2006 et une carte d'identité française le 4 mars 2008, a rempli ses obligations au titre du code de service national, en effectuant la journée d'appel de préparation à la défense le 27 février 2008, et qu'elle a la possession d'état de ressortissant français depuis plus de 10 ans.

2/ pour contester la nationalité française de M. [C]-[H], le ministère public avance que les certificats de nationalité française qui lui ont été délivrés l'ont été sur la base d'un acte de naissance apocryphe, alors que son identité n'est pas davantage contestée que celle de sa s'ur, et qu'elle est confirmée par la production d'un jugement supplétif d'acte de naissance rendu par le tribunal de premier degré d'Okola (Cameroun) le 26 septembre 2018, certifié et authentifié par le consul du Cameroun à Paris le 22 août 2019, transcrit sur les registres d'état civil, un acte de naissance ayant été émis le 22 novembre 2018 par les services de l'état civil d'Okola (Cameroun) ; ils ajoutent que sur la base de ces documents, le consulat du Cameroun à Paris a délivré une copie intégrale de l'acte de naissance le 22 août 2019, qui précise que le « président du tribunal du 1er degré d'Okola Jugement n° 007-Bis/DL/J/A0304/C/C/TPD du 26 septembre 2018 » a certifié « la sincérité de la présence déclaration » et que dès lors, son identité, confirmée par des témoins, est incontestable, de même que la reconnaissance de paternité émise par M. [C] ou sa filiation à l'égard de celui-ci, de nationalité française, ajoutant que le requérant s'est vu délivrer le 2 mai 2006 un passeport français, et a effectué ses obligations au titre du code de service national en effectuant la journée d'appel de préparation à la défense, le 27 février 2008, lui aussi justifiant avoir la possession d'état de ressortissant français depuis plus de 10 ans.

Au surplus, ils contestent le caractère apocryphe des actes de naissance initialement produits, la production d'un nouvel acte de naissance ne signifiant pas que l'acte précédent est irrégulier au sens de la législation camerounaise, ni que leur identité serait fausse ou mensongère. Ils concluent que rien ne démontre que les jugements du 28 septembre 2018 ont été prononcés sans communication préalable du dossier au ministère public, l'absence de mention en ce sens dans les jugements ne permettant pas d'en tirer la conséquence que la procédure n'a pas été respectée, puisqu'en matière de jugement supplétif de nationalité au Cameroun, le ministère public camerounais n'est pas partie à la procédure, et n'intervient que pour donner au tribunal des éléments sur les vérifications relatives à l'existence ou non d'un précédent état civil de la personne concernée, de ce que les témoins ont bien assistés à l'événement pour lequel il est demandé un jugement supplétif, et enfin le caractère frauduleux ou non de la demande relative à l'état civil, comme cela ressort de l'article 24 de l'ordonnance du 29 juin 1981, portant organisation de l'état civil, ce qui fait que la légalité et la validité des jugements supplétifs de naissance ne peuvent être contestées par application des dispositions de l'article 34 de l'accord de coopération en matière judiciaire entre la France et le Cameroun du 21 février 1974.

Ils ajoutent que le droit camerounais prévoit que « Lorsqu'une naissance n'a pas été déclarée dans le délai de six mois, elle ne peut être enregistrée par l'officier d'état civil qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal compétent, dans les conditions définies aux articles 23 et 24 ci-dessus », par application de la loi n° 2011/011 du 6 mai 2011modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance n° 81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques, l'application de ce texte ayant permis l'enregistrement par l'officier d'état civil d'Okola d'un nouvel un acte de naissance le 22 novembre 2018.

Ils visent l'article 18 de la loi du 6 mai 2011, qui dispose notamment que « Les registres d'état civil sont arrêtés et clos au 31 décembre de chaque année par l'officier et le secrétaire d'état civil, puis transmis dans les quinze jours au procureur de la République du ressort, pour visa et oblitération des feuillets non utilisés. Dans les trois mois de leur réception et après accomplissement des formalités visées à l'alinéa 1 ci-dessus, le procureur de la République renvoie, aux fins de conservation, un exemplaire de chaque registre au délégué du gouvernement ou au maire en ce qui concerne les centres principaux, et au maire du centre principal de rattachement en ce qui concerne les centres secondaires. Le deuxième registre est transmis au bureau national de l'état civil. Le troisième registre est classé en souche au greffe du tribunal de première instance compétent. Les registres ouverts auprès des missions diplomatiques ou des postes consulaires sont, après leur clôture, renvoyés au ministère en charge des affaires étrangères qui les soumet au procureur de la République près le tribunal de première instance de [Localité 10]/centre administratif. Celui-ci, après visa, transmet un exemplaire à la Communauté urbaine de [Localité 10], pour conservation et délivrance des copies. Le deuxième registre est transmis au bureau national de l'état civil. Le troisième registre est classé en souche au greffe du tribunal ». Ils en déduisent que, dans le cadre de ces contrôles, le procureur de la République a nécessairement eu connaissance de l'existence des actes de naissance dressés le 22 novembre 2018, suite au prononcé des jugements du tribunal d'Okola du 18 novembre 2018, et que, s'il avait remarqué l'irrégularité de ces jugements, faute pour lui d'être intervenu à la procédure, il n'aurait pas manqué d'utiliser toutes les voies légales pour les faire annuler, ainsi que les actes de naissance dressés le 22 novembre 2018, ce qu'il n'a pas fait.

Selon eux, rien ne démontre non plus que les jugements du tribunal d'Okola ont été obtenus frauduleusement, puisque l'absence d'acte de naissance des intimés et d'enregistrement de leur naissance dans le délai de six mois rendait indispensable la reconnaissance et l'enregistrement de leur naissance par un jugement supplétif, peu important que des actes de naissance irréguliers aient pu précéder les jugements supplétifs, et ils ajoutent que le fait qu'il existe une erreur de frappe dans le nom de Mme [Z] [C] dans le jugement supplétif d'acte de naissance ne remet pas en cause la réalité de son état civil, cette erreur matérielle elle pouvant être rectifiée si elle se rend au Cameroun.

Ils en concluent que rien ne démontre que la procédure camerounaise n'a pas été respectée, et que les jugements supplétifs d'acte de naissance produits sont contraires à l'ordre public français en ce qu'ils ne respectent pas le principe du contradictoire, et qu'ils bénéficient dès lors d'un état civil authentique et certain et sont de nationalité française, puisque reconnus par M. [X] [C], de nationalité française, par déclaration enregistrée par l'officier d'état civil de [Localité 7] (43) le 3 avril 2006, alors qu'ils étaient âgés de 15 ans, reconnaissance qui n'est pas remise en cause.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la charge de la preuve :

Mme [C]-[Z] et M. [C]-[H] se sont vus délivrer de très nombreux certificats de nationalité française, qui indiquent qu'ils sont français par application des dispositions de l'article 18 du code civil. Tous ces certificats ont été délivrés au vu des actes de reconnaissance des deux enfants, souscrits par M. [X] [C] le 3 avril 2006, mais aussi des copies des actes de naissance de chacun d'eux, dressés le 25 décembre 1990, au centre d'état civil de [Localité 11], soit pour Mme [D] [Z] de la copie de l'acte de naissance n°23/90, et pour M. [G] [H] de la copie de l'acte de naissance n°24/90 (pièces 4 et 4 bis du ministère public).

Les vérifications opérées par l'ambassade de France au Cameroun, sur site, en décembre 2014, ont fait apparaître que ces actes d'état civil concernent en réalité d'autres personnes ([V] [W] pour Mme [C]-[Z] et [K] [J] pour M. [C]-[H]) et que la loi camerounaise n'a pas été respectée, puisqu'ils ont été dressés par un centre d'état civil qui ne correspond pas à celui du lieu de la naissance, [Localité 8] (département du Mfoundi) dépendant du centre d'état civil de [Localité 10] 1er et non de celui de [Localité 11] (département de la Lékié), ce qui fait que le poste consulaire a refusé la transcription de ces actes de naissance camerounais, comme indiqué dans deux courriers en date du 17 novembre 2015. À ces courriers sont joints les copies des actes de naissances n°23/90 et n°24/90 concernant [V] [W] et [K] [J], correspondant aux véritables actes de naissance trouvés sur site (pièces 6 et 6 bis du ministère public).

Dès lors, les copies des actes de naissance n°23/90 et n°24/90 produits par Mme [C]-[Z] et M. [C]-[H], en vue de la délivrance de ces certificats de nationalité, sont manifestement apocryphes, nonobstant leurs dénégations à ce sujet, et la charge de la preuve en est renversée, comme le soutient le ministère public, les intimés devant en conséquence rapporter la preuve de ce qu'ils disposent d'un état civil fiable, au sens de l'article 47 du code civil, et d'un lien de filiation légalement établi pendant leur minorité à l'égard d'un parent de nationalité française.

De plus, de ce fait, les certificats de nationalité dont Mme [D] [C]-[Z] et M. [G] [C]-[H] ont bénéficié, ont été délivrés à tort ce qui sera constaté au dispositif du présent arrêt.

Sur la fiabilité de l'état civil de Mme [C]-[Z] et de M. [C]-[H]

Selon l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Mme [C]-[Z] et M. [C]-[H] ne produisent et ne font désormais état que des deux jugements supplétifs d'acte de naissance, rendus par le tribunal de premier degré d'Okola (Cameroun) le 26 septembre 2018, à la demande de Mme [E] [M] pour ses enfants, alors pourtant âgés de 28 ans, et des actes dressés de façon subséquente par le centre d'état civil d'Okola (Cameroun, région du Centre) le 22 novembre 2018, et le consulat du Cameroun à Marseille le 22 août 2019, qui ne sont toutefois produits qu'en copie dans le cadre de la présente instance.

Ils produisent aussi trois témoignages, attestant que Mme [E] [M] est bien la mère de Mme [C]-[Z] et de M. [C]-[H], nés le 21 décembre 1990 à [Localité 8], pour avoir assisté à leur naissance, été la nourrice des enfants ou même les avoir gardés après le départ en France de Mme [E] [M], ces attestations étant toutefois, pour deux d'entre elles, rédigées de façon dactylographiée et pour la troisième non accompagnée de la copie de la pièce d'identité du rédacteur, (pièces 12 à 14 des intimés).

Les jugements supplétifs d'acte de naissance rendus par le tribunal de premier degré d'Okola (Cameroun) le 26 septembre 2018, dont celui concernant Mme [C]-[Z], comporte une erreur, puisqu'elle y est nommée [Z], précisent que Mme [E] [M] ne peut présenter aucun acte de naissance suite à la non inscription des enfants sur les actes de naissance, ce pourquoi elle réclame l'établissement de jugements supplétifs d'état civil les concernant.

Le tribunal d'Okala dit avoir procédé à l'audition successive de ces trois témoins (les mêmes que ceux évoqués au chapitre précédent), qui ont déclaré que la naissance des enfants n'a pu être inscrite sur les registres d'état civil, sans en préciser pour autant le motif, puis a cité différents textes, avant de rendre sa décision et d'ordonner la transcription du jugement devenu définitif sur le registre d'état civil du centre d'Okola (Lékié-Assi), où les actes auraient dû normalement être enregistrés, sans plus de motivation, et sans qu'à aucun moment ne soit mentionnée la communication du dossier au ministère public, ou son avis sur les demandes de Mme [E] [M].

Ces deux jugements sont par ailleurs strictement identiques, sauf en ce qui concerne l'identité de Mme [C]-[Z] et de M. [C]-[H], et pré-imprimés, y compris en ce qui concerne l'identité des témoins, le greffier ayant laissé vierges certains passages pour en remplir d'autres (pièces 16 et 19 des intimés).

La motivation très succincte de ces deux jugements n'évoque pas le contexte de la demande, à savoir les vérifications opérées en décembre 2014 par les services consulaires français auprès du centre d'état civil de [Localité 11], à partir des copies d'actes de naissance n°23/90 pour Mme [D] [Z] et n°24/90 pour M. [G] [H], qui ont amené le consulat de France au Cameroun à refuser la transcription de ces actes, qui avaient toutefois précédemment permis que Mme [Z] puisse bénéficier d'un passeport français le 6 juin 2006, et d'une carte d'identité française le 4 mars 2008, et M. [H] d'un passeport français le 2 mai 2006 (pièces 7, 8 et 10 des intimés).

Mme [E] [M], qui a formé ces demandes auprès du tribunal au nom de ses deux enfants majeurs, sans d'ailleurs mentionner la mesure de curatelle dont sa fille bénéficiait alors en France, a ainsi manifestement trompé le tribunal d'Okala en lui dissimulant l'utilisation antérieure d'actes de naissance apocryphes, la situation étant bien différente de celle décrite par le jugement, à savoir une simple non-déclaration des naissances sur les registres d'état civil ; cette dissimulation est en soi constitutive d'une fraude, qui rend les jugements supplétifs d'acte de naissance camerounais obtenus frauduleusement, contraires à l'ordre public international français, et donc inopposables en France par application de l'article 34 f) de l'accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun du 21 février 1974, qui régit notamment la reconnaissance et l'exécution en France des décisions rendues au Cameroun, tel que cité précédemment.

Ces mêmes jugements supplétifs d'acte de naissance sont de plus contraires à l'ordre public international français pour avoir été rendus sans que le principe du contradictoire ne soit respecté à l'égard du ministère public, malgré les dispositions en ce sens de l'article 24 de l'ordonnance du 29 juin 1981 sur l'organisation de l'état civil au Cameroun (pièce 7 du ministère public), qui prévoit que le tribunal doit systématiquement communiquer la requête au parquet, aux fins d'enquête et de vérifications diverses préalablement à sa décision, les intimés ne démontrant nullement que ladite communication ait été opérée préalablement à la décision comme prévu par ce texte.

Le principe du contradictoire étant un principe fondamental du droit français, qui participe de l'ordre public international français de procédure, sa violation constitue une cause d'irrégularité internationale de la décision étrangère, pour contrariété à l'ordre public, selon l'alinéa f) de l'article 34 de la convention du 21 février 1974 précitée.

Dès lors, ces jugements ainsi que les actes d'état civil réalisés de façon subséquente sont inopposables en France, Mme [C]-[Z] et de M. [C]-[H] ne disposent d'aucun état civil fiable et certain au sens de l'article 47 du code civil, et ils ne peuvent dès lors revendiquer la nationalité française sur quelque fondement que ce soit, et notamment pas au titre de l'article 18 du code civil, malgré les reconnaissances réalisées le 3 avril 2006 par M. [X] [C].

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé, et il sera notamment dit que Mme [D] [C]-[Z] (ou [Z]) et M. [G] [C]-[H] ne sont pas de nationalité française.

Les intimés succombant, les dépens de première instance comme ceux d'appel seront laissés à leur charge.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, dans la limite de sa saisine,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Infirme le jugement du 22 mars 2023 du tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il a débouté le ministère public de l'ensemble de ses demandes, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil et laissé les dépens à la charge du Trésor Public,

Statuant à nouveau,

Dit que les certificats de nationalité française délivrés à Mme [D] [C]-[Z] les 29 mai 2006, 14 décembre 2007, 6 février 2008, 1er avril 2008 et 14 mai 2008 l'ont été à tort,

Dit que Mme [D] [C]-[Z] (ou [Z]), se disant née le 21 décembre 1990 à [Localité 8] (Cameroun), n'est pas de nationalité française,

Dit que les certificats de nationalité française délivrés à M. [G] [C]-[H] les 29 mai 2006, 14 décembre 2007, 6 février 2008, 1er avril 2008 et 14 mai 2008 l'ont été à tort,

Dit que M. [G] [C]-[H], se disant né le 21 décembre 1990 à [Localité 8] (Cameroun), n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [D] [C]-[Z] et M. [G] [C]-[H] à supporter la totalité des dépens de première instance et d'appel, chacun pour moitié.

Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente de chambre et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre a
Numéro d'arrêt : 23/02602
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.02602 ?
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