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25/07/2024 | FRANCE | N°23/04243

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 25 juillet 2024, 23/04243


N° RG 23/04243 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7V5









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 07 avril 2023

(Référé)





RG : 2023r102





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 25 Juillet 2024







APPELANTE :



S.A.S. BATICEL CONSTRUCTION

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau d

e LYON, avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Me Karim MORAND - LAHOUAZI, avocat au barreau de PARIS









INTIMEES :



SCCV CROIX BONNET 2019

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par la SELARL DE FOURCROY AV...

N° RG 23/04243 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7V5

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 07 avril 2023

(Référé)

RG : 2023r102

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 25 Juillet 2024

APPELANTE :

S.A.S. BATICEL CONSTRUCTION

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Me Karim MORAND - LAHOUAZI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

SCCV CROIX BONNET 2019

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1102

Et ayant pour avocat plaidant l'AARPI Listo avocats, avocat au barreau de PARIS

SCCV GABIN 2019

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1102

Et ayant pour avocat plaidant l'AARPI Listo avocats, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 25 Avril 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Mai 2024

Date de mise à disposition : 13 juin 2024 prorogée au 27 juin 2024, et 25 juillet 2024 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Les sociétés civiles de construction vente Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 constituent des émanations de la société Anahome immobilier, créées pour les besoins du projet de promotion [Adresse 9] [Localité 8] 1 et 2, portant sur deux immeubles d'habitation collective.

Selon acte d'engagement du 2 novembre 2020, la société Croix Bonnet 2019 a confié à la société Baticel construction la réalisation d'un immeuble de 12 logements et 24 emplacements de stationnement (bâtiment A) au [Adresse 7] à [Localité 8] (Yvelines).

Selon acte du même jour, la société Gabin 2019 a confié à cette même entreprise générale la réalisation d'un immeuble de 12 logements et 24 emplacements de stationnement (bâtiment B) au [Adresse 7].

La réception est intervenue le 29 juin 2022 avec réserves formées par les sociétés maîtres des ouvrages.

Par lettre recommandée du 22 novembre 2022, les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 ont communiqué la liste des réserves complémentaires formées par les acquéreurs.

Par assignation signifiée le 26 janvier 2023, les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 ont fait citer la société Baticel construction devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon, afin de l'entendre condamner, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, à lever les réserves en souffrance.

La société Baticel construction a sollicité en retour une expertise judiciaire, afin de mieux cerner les responsabilités encourues, au regard notamment des prestations fournies par ses sous-traitants.

Par ordonnance du 07 avril 2023, le juge des référés du tribunal de commerce :

- a dit que la société Baticel construction n'a pas respecté les prérogatives de la garantie de parfait achèvement ;

- a ordonné à la société Baticel de réaliser tous les travaux nécessaires pour lever les réserves sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et ce dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance et qui cessera à l'établissement d'un procès-verbal établi contradictoirement par les parties constatant la réalisation des travaux ;

- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte ainsi prononcée ;

- a dit qu'à défaut de réalisation des travaux par la société Baticel dans les délais impartis, les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 seront autorisées à les réaliser par une entreprise tierce et que l'astreinte ordonnée continuera à courir jusqu'au remboursement complet des sommes payées par elles pour la réalisation des travaux ;

- a condamné la société Baticel construction à payer aux sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné la société Baticel construction aux dépens.

Le juge des référés a retenu que la société Baticel construction ne justifiait pas avoir mis en demeure ses sous-traitants prétendument responsables des désordres, non plus que d'avoir effectué la moindre démarche en vue de la levée des réserves. Il a considéré que ces circonstances justifiaient le rejet de la demande d'expertise.

Il a considéré pour le surplus que les procès verbaux de réception énonçant les réserves suffisaient à justifier la condamnation de l'entreprise générale à procéder sous astreinte à leur levée.

La société Baticel construction a relevé appel de cette ordonnance selon déclaration enregistrée le 23 mai 2023.

Aux termes de ses conclusions déposées le 11 juillet 2023, la société Baticel construction demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- juger que le premier juge a omis de statuer sur la demande d'expertise judiciaire,

- en conséquence, statuer sur cette demande d'expertise judiciaire,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire,

- nommer tel expert qu'il plaira au tribunal (sic) avec pour mission de :

prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres,

convoquer les parties,

se rendre sur place dans les immeubles réalisés lors des opérations de construction [Adresse 9] [Localité 8] 1 et 2, c'est-à-dire le bâtiment A, situé [Adresse 7] et le bâtiment B, situé [Adresse 7],

procéder à des opérations d'expertise conformément aux articles 263 et suivants du code de procédure civile,

constater l'étendue des réserves relevées sur les PV de réception du 29 juin 2022 et des constats d'huissier dressés le 25 novembre 2022 ; indiquer si elles sont bienfondées ; indiquer si des réserves ont été levées ; préciser si l'absence de levée des réserves est de nature à avoir aggravé les dommages,

décrire les désordres, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition, selon toutes modalités techniques que l'expert estimera nécessaire ; en rechercher la ou les causes,

donner son avis sur les causes et origines des désordres allégués, ainsi que sur les coûts des réparations strictement nécessaires, outre toutes sujétions indispensables et éventuels travaux d'urgence, conservatoires, ou de mise en sécurité,

préciser si les désordres constatés et les réserves à la réception concernent des travaux dont l'exécution a été confiée aux sous-traitants de Baticel construction et déterminer la part de responsabilité des sous-traitants,

fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant à la juridiction compétente éventuellement saisie, de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu, tous les préjudices subis par les parties,

fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature,

- dire que l'expert déposera, sauf conciliation des parties, son rapport d'expertise au greffe dans les six mois de sa désignation,

- dire que les frais et honoraires de l'expert commis seront supportés pour le compte de qui il appartiendra, par la société Baticel construction, demanderesse à l'expertise,

- dire que pour procéder à sa mission l'expert devra :

convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ; à l'issue de la première réunion d'expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l'actualiser ensuite dans le meilleur délai,

définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations, en les informant de l'évolution de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s'en déduisent, sur le fondement de l'article 280 du code de procédure civile, et dont l'affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l'article 269 du même code,

fixer aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées,

les informer, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse,

au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d'un projet de rapport), et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable,

fixer, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,

rappeler aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai,

Sur le fond :

- infirmer l'ordonnance de référé N°RG 2023R102 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 7 avril 2023 en ce que le juge des référés :

a dit que la société Baticel construction n'a pas respecté les prérogatives de la garantie de parfait achèvement,

a ordonné à la société Baticel construction de réaliser tous les travaux nécessaires pour lever les réserves sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et ce dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance et qui cessera à l'établissement d'un procès-verbal établi contradictoirement par les parties constatant la réalisation des travaux,

s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte ainsi prononcée,

a dit qu'à défaut de réalisation des travaux par la société Baticel construction dans les délais impartis, les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 seront autorisées à les faire réaliser par une entreprise tierce et que l'astreinte ordonnée continuera à courir jusqu'au remboursement complet des sommes payées par elles pour la réalisation des travaux,

a condamné la société Baticel construction à payer aux sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

a condamné la société Baticel construction aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- débouter la société Gabin 2019 et la société Croix Bonnet 2019 de l'ensemble de leurs demandes,

En tout état de cause :

- condamner in solidum les sociétés Gabin 2019 et Croix Bonnet 2019 à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La société Baticel construction fait valoir que le juge des référés a omis de statuer, dans le dispositif de son ordonnance, sur sa demande d'expertise, quoiqu'il ait retenu dans sa motivation qu'il convenait de la rejeter. Elle considère qu'il y a lieu de réparer cette omission et d'ordonner l'expertise sollicitée.

Elle explique en effet avoir levé un grand nombre des réserves et affirme que nombre des désordres réservés sont imputables à ses sous-traitants, qu'elle a mis en demeure d'effectuer les travaux de reprise correspondants. Elle estime que les responsabilités encourues méritent d'être précisées par voie d'expertise.

Elle ajoute que certaines des réserves sont contestées, s'agissant notamment des éclairages extérieurs, de la toiture parking intégral et du bardage parking.

Elle expose encore que les retenues opérées par les intimées sur le prix de ses marchés font obstacle à ce qu'elle puisse opérer les travaux de reprise attendus.

Elle soutient qu'au regard de ces difficultés, il apparaît nécessaire que les réserves soient levées de manière contradictoire, sous la responsabilité d'un expert, afin que les intimées ne lui imputent pas des dommages inexistants ou qui ne lui sont pas imputables.

Elle fait valoir qu'en l'absence de certitudes sur l'existence et l'imputabilité des désordres réservés, la condamnation sous astreinte prononcée par le juge des référés doit être réformée.

Par conclusions déposées le 07 août 2023, les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 demandent à la cour, au visa de l'article 1792-6 du code civil, des articles 873, 699 et 700 du code de procédure civile et de l'article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de:

- confirmer l'ordonnance rendue le 7 avril 2023 en toutes ses dispositions,

- débouter la société Baticel de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'entreprise Baticel à leur verser la somme de 3.500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 font valoir que de nombreuses réserves n'ont pas été levées, ainsi que cela résulte des procès-verbaux de constat versés aux débats. Elles s'estiment en conséquence fondées à solliciter la condamnation sous astreinte de l'entreprise générale à opérer les travaux de reprise pertinents, au titre de la garantie de parfait achèvement.

Elles ajoutent que le juge des référés a rejeté la demande d'expertise et que son ordonnance n'est pas entachée d'une omission de statuer à cet égard.

Elles contestent par ailleurs l'affirmation de la société Baticel construction selon laquelle 65% des réserves auraient été levées et expliquent au contraire que l'inaction de l'appelante les ont contraintes de mandater des entreprises tierces pour entreprendre les travaux de reprise nécessaires.

Elles rappellent que le point de savoir si les désordres sont le fait de l'entreprise générale ou de ses sous-traitants est indifférent à leur égard, dans la mesure ou l'entreprise générale doit répondre de ses sous-traitants. Elles font observer que la société Baticel construction s'est dispensée de régler certains de ses sous-traitants, sur lesquels elle tente de rejeter la responsabilité.

En parallèle à la présente instance et par ordonnance du 19 février 2024, le magistrat délégué par Mme la première présidente a :

- rejeté une demande de radiation de l'affaire présentée par les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile ;

- rejeté une demande de suspension de l'exécution provisoire formée par la société Baticel construction ;

- ordonné à la société Baticel construction de verser la somme de 45.000 euros à la Caisse des dépôts et consignations au plus tard dans le délai de 15 jours à compter de la notification de son ordonnance, à titre de garantie de l'exécution des condamnations prononcées par l'ordonnance de référé rendue le 07 avril 2023 par le président du tribunal de commerce de Lyon ;

- dit que l'exécution prvisoire pourra être reprise par les créanciers à défaut de couverture de la garantie fixée ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens et rejeté les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme la présidente de chambre a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 25 avril 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 02 mai 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 13 juin 2024. Le délibéré a été prorogé au 25 juillet 2024.

MOTIFS

Sur la condamnation de la société Baticel à la réalisation des travaux propre à mettre fin aux désordres et l'autorisation donnée aux sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 de les faire réaliser par des entreprises tierces passé un certain délai :

Vu l'article 835 du code de procédure civile ;

Vu l'article 1792-6 du code civil ;

En application du premier de ces textes, le président peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application du second, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné. En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant. L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

Les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 estiment, au visa de ces dispositions, que l'obligation de la société Baticel construction de réparer les désordres réservés à la réception des ouvrages ou signalés postérieurement par les acquéreurs de lots, n'est pas sérieusement contestable. Elles concluentt en conséquence à la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Baticel à réaliser les travaux 'nécessaires pour lever les réserves' dans un délai déterminé et autorisé les intimées à faire réaliser ces travaux par des entreprises tierces aux frais de l'appelante passé le délai imparti.

Sur ce :

La cour observe que l'ordonnance entreprise ne dresse pas la liste des réserves concernées par la condamnation prononcée au détriment de la société Baticel construction, non plus qu'elle ne renvoie au moindre document permettant de les identifier.

Elle constate également que les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 ne font pas la liste des réserves concernées par leur demande, renvoyant sur ce point à une pièce n°12 figurant à leur bordereau sous l'intitulé 'tableau de réserves non-levées'.

L'examen de la pièce en question révèle qu'elle s'entend en réalité de 12 tableaux différents, numérotés 12-1 à 12-12, constitués :

- pour le premier, d'un comparatif au 24 octobre 2022 entre le nombre de réserves relevant de la garantie de parfait achèvement et le nombre de réserves levées, faisant état de 19 réserves articulées pour le bâtiment A et 49 pour le bâtiment B, dont aucune n'a été levée,

- pour le second et le troisième, de la liste des réserves concernées par le tableau précédent,

- pour le quatrième, d'un comparatif au 20 novembre 2022 entre le nombre de réserves formées dans les 30 jours de la livraison par les acquéreurs et le nombre de réserves levées, faisant état de 231 réserves articulées pour le bâtiment A, dont une seule levée et de 235 réserves articulées pour le bâtiment B, dont 8 levées,

- pour les cinquième et sixième, de la liste des réserves concernées par le tableau précédent,

- pour le septième, d'une liste de 78 réserves afférentes aux parties communes,

- pour le huitième et le neuvième, de listes de réserves à 30 jours intéressant les parties communes,

- pour le dixième, d'un comparatif au 06 janvier 2023 entre le nombre de réserves formées par les acquéreurs et le nombre de réserves levées, faisant état de 308 réserves articulées pour le bâtiment A, dont 107 levées et de 259 réserves articulées pour le bâtiment B, dont 115 levées,

- pour le onzième et le douzième, de la liste des réserves concernées par le tableau précédent, distinguant entre les réserves formulées, les réserves levées et les réserves ayant donné lieu à quitus des acquéreurs.

Force est de constater qu'en l'état des conclusions et pièces communiquées, il est impossible de déterminer quelles sont les réserves concernées par l'ordonnance querellée, non plus que celles concernées par la demande des sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019.

La cour relève également que le nombre de désordres signalés par les acquéreurs du bâtiment A s'élève à 308 pour les appartements et à 43 pour les parties communes, alors qu'il s'élève à 259 pour les appartements et à 42 pour les parties communes du bâtiment B.

L'intitulé de ces désordres révèle qu'ils s'entendent pour l'essentiel des désordres apparents à la réception des ouvrages. Or, les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 n'ont formé que 203 réserves à réception pour le bâtiment A et 190 pour le bâtiment B.

En sus de l'indétermination des désordres sur lesquels porte la demande, s'ajoute donc le fait que nombre d'entre eux se trouvent potentiellement couverts par l'absence de réserves idoines à réception des ouvrages.

Ces circonstances constituent des difficultés sérieuses au sens de l'article 835 du code de procédure civile, faisant obstacle à ce que l'exécution de la garantie de parfait achèvement soit ordonnée en référé. Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de rejeter les demandes des sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019.

Sur la demande d'expertise :

Vu l'article 463 du code de procédure civile ;

Le premier juge a développé les moyens par lesquels il entendait rejeter la demande d'expertise dans la motivation de son ordonnance, mais a effectivement omis d'en débouter la société Baticel construction dans son dispositif. Il y a donc eu omission de statuer, qu'il appartient à la cour de réparer.

La demande d'expertise se fonde en partie sur la crainte exprimée par la société Baticel construction de se voir imputer des désordres dont elle ne serait pas l'auteure et la volonté de pouvoir exercer des recours contre ses sous-traitants. Elle se trouve en conséquence dépourvue d'objet, dans la mesure où les demandes des sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 sont rejetées.

En outre, les intimées ont fait connaître qu'elles avaient fait reprendre les désordres par des entreprises tierces. Une telle situation limite grandement l'efficacité du recours à l'expertise.

Il convient en conséquence de rejeter la demande d'expertise judiciaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;

Les intimées succombent en leurs prétentions et il convient de les condamner à supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de rejeter les demandes des parties formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

- Rejette la demande d'expertise judiciaire formée par la société Baticel ;

- Infirme l'ordonnance de référé prononcée le 07 avril 2023 entre les parties par le président du tribunal de commerce de Lyon sous le numéro 2023R102, en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déboute les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 de l'ensemble de leurs demandes;

- Condamne les sociétés Croix Bonnet 2019 et Gabin 2019 aux dépens de première instance et d'appel ;

- Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 23/04243
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;23.04243 ?
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