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01/08/2024 | FRANCE | N°18/05191

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 01 août 2024, 18/05191


N° RG 18/05191 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L2K2









Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 30 janvier 2018 rectifiée par décision en date du 3 juillet 2018



RG : 14/09211





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 01 Août 2024







APPELANT :



Me [S] [E]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représenté par la SCP TACH

ET, AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 609









INTIMES :



M. [M] [Z]

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 6] (RHONE)

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]



Représenté par la SELARL LX LYON, avocat au barreau d...

N° RG 18/05191 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L2K2

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 30 janvier 2018 rectifiée par décision en date du 3 juillet 2018

RG : 14/09211

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 01 Août 2024

APPELANT :

Me [S] [E]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par la SCP TACHET, AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 609

INTIMES :

M. [M] [Z]

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 6] (RHONE)

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, toque : 261

Mme [J] [Z] épouse [D]

née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 6] (RHONE)

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, toque : 261

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 19 Mai 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Juin 2022

Date de mise à disposition : 27 octobre 2022 prorogée au 26 janvier 2023, 27 avril 2023, 28 septembre 2023,26 octobre 2023,29 février 2024,28 mars 2024, 23 mai 2024, 4 juillet 2024 et 1er août 2024 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Au décès de leur mère [T] [Z], le [Date décès 1] 1999, [M] [Z], [J] [Z] et [U] [Z] épouse [O] sont devenus propriétaires indivis de la maison de leurs parents qui, mariés sous le régime de la communauté, s'étaient réciproquement consenti la donation des quotités disponibles.

Leur père [R] [Z] a opté pour l'usufruit de l'universalité des biens de la défunte.

Les indivisaires ont décidé de vendre l'immeuble à Mme [H] [O], fille de Mme [U] [Z] épouse [O], et ont chargé Me [E], notaire, de procéder à l'évaluation de l'immeuble. Celui-ci a proposé de retenir une valeur vénale de 111'000 euros. Déduction faite de l'abattement pratiqué en raison du droit d'usage et d'habitation que conservait M. [R] [Z], l'immeuble a été cédé le 25 juillet 2005 à Mme [H] [O] au prix de 89.760 euros.

Estimant que le bien avait été sous-évalué, M. [M] [Z] et Mme [J] [Z] ont sollicité un expert privé qui a conclu le 14 novembre 2012 que la valeur du bien était de 260'000 euros.

Les consorts [Z] ont assigné en responsabilité M. [S] [E] devant le tribunal de grande instance de Lyon qui, par jugement du 30 janvier 2018 rectifié par jugement du 3 juillet 2018, a rejeté la fin de non-recevoir invoquée par M. [E], l'a condamné à payer à chacun des demandeurs 10'878,50 euros en réparation de leur préjudice et 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

M. [E] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 13 juillet 2018.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 23 septembre 2019, M. [S] [E] demande à la cour d'infirmer les décisions rendues en première instance et de débouter [M] [Z] et '[U] [O]' de leurs demandes dirigées à son encontre, en l'absence de faute, de préjudice et de lien de causalité démontrés.

Subsidiairement, il demande à la cour de :

- rejeter la demande d'expertise

- déterminer le montant d'une éventuelle indemnisation en rapport des conditions de la vente et du montant de l'évaluation, qui déterminent un abattement de 19,13 % de la part effective de [M] [Z] et de '[U] [O]' dans le prix de l'immeuble vendu, soit 13,33%, et de l'importance de la perte de chance retenue,

- condamner in solidum M. [M] [Z] et Mme '[U] [O]' aux dépens et dire que, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, la SCP Tachet pourra recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision,

- condamner in solidum M. [M] [Z] et Mme '[U] [O]' à lui verser une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du procédure civile.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 5 novembre 2019, M. [M] [Z] et Mme [J] [Z] épouse [D] demandent à la cour de débouter M. [S] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal et confirmant partiellement les jugements, ils demandent de

- constater, dire et juger que Me [E] a commis une faute dans l'évaluation de la maison et donc de son prix au mètre carré,

- condamner Me [E] à leur payer à chacun la somme de :

- 50'014 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5 août 2014 au titre de leur préjudice matériel,

- 5000 euros au titre de leur préjudice moral,

À titre subsidiaire,

- désigner un expert chargé de fixer la valeur vénale de l'immeuble au 30 mars 2005, de dire si Me [E] a commis une erreur dans l'évaluation de la valeur vénale de l'immeuble, donner au tribunal tous les éléments paraissant nécessaires afin d'apprécier leur préjudice,

En tout état de cause

- condamner Me [E] à leur payer la somme de 7000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Me [E] aux entier dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Romain Laffly, avocat, sur son affirmation de droit,

- dire et juger que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenue en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 modifiant le décret du 12 décembre 1996 devra être supporté par les requis en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

***

M. [S] [E] fait essentiellement valoir que :

- seule la part de communauté de la défunte, soit la moitié de la communauté, était inscrite à l'actif de sa succession, cette part était grevée de l'usufruit dont bénéficiait M. [R] [Z], et les droits de chacun des enfants n'étaient que de 1/6è du bien immobilier en nue-propriété,

- M. [R] [Z] étant âgé de 82 ans au jour de la cession, son usufruit qui s'est alors éteint était de 20 % de la valeur du bien par application du barème fiscal,

- le droit d'usage et d'habitation dont il bénéficiait sa vie durant était évalué à 60 % de la valeur de l'usufruit viager, soit en l'espèce 12 % de la valeur de l'immeuble.

Il reproche au tribunal de n'avoir pas tenu compte de l'abattement de 12 % sur le prix en raison du maintien du droit d'usage et d'habitation du veuf, en omettant le fait que l'immeuble constituait un bien de communauté dont la moitié de la valeur revenait de droit à M. [R] [Z], en se méprenant sur l'importance des droits successoraux des intimés retenus pour 50 % en pleine propriété et en ignorant les conséquences de l'usufruit bénéficiant à M. [R] [Z] par l'effet duquel il percevait en outre 20 % des droits de son épouse, soit 10 % du prix. Il précise que si le tribunal avait tenu compte de ces éléments en les appliquant à l'estimation dont se prévalent les demandeurs, la part leur revenant sur le supplément de valeur de l'immeuble serait ressortie à 2.553 euros.

Il précise que le droit d'usage et d'habitation de M. [R] [Z] ne portait pas que sur le rez-de-chaussée d'un immeuble mais également sur les caves, le jardin et le garage attenant, et que les combles ne pouvaient être inclus dans la superficie de l'immeuble dès lors que aménageables mais non aménagés, ils ne pourraient correspondre à la définition d'un logement décent.

Il ajoute que les intimés ont été informés le 31 mars 2005 du prix pouvant être retenu à savoir 97'780 euros, qu'ils ont librement accepté de consentir un rabais de 19,13 % à leur nièce et de lui vendre l'immeuble au prix de 89'760 euros.

Il précise qu'il est revenu à chacun des trois enfants une somme de 11'968 euros correspondant à 13,30 % du prix de vente, et que les intimés ne peuvent prétendre à une quotité supérieure dans l'écart de réévaluation pour lequel ils réclament indemnité, dans la mesure où ils ne détenaient sur le prix aucun droit supplémentaire et ne pouvaient anticiper sur la succession de leur père qui n'a été ouverte qu'en 2012.

En ce qui concerne la faute qui lui est reprochée, il fait sienne la motivation de la juridiction qui a estimé qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée dans le cadre de la détermination du prix, de 600,71 m².

Il conteste qu'il était tenu d'intégrer les combles pour déterminer la surface habitable totale de l'immeuble, au motif que le rapport privé produit par les intimés a été établi plus de 8 ans après la vente, que l'expert privé n'a visité que le rez-de-chaussée de l'immeuble et n'a pu le décrire dans l'état qui était le sien au jour du décès alors que lui-même établissait la nécessité de nombreux travaux et aménagements et que M. [B] a évalué les biens considérés comme parfaitement habitables et rénovés, ajoutant une plus-value de 10 % pour situation des logements en maison individuelle et la possibilité de jouir des parties communes, alors que M. [Z] occupait le rez-de-chaussée.

Il soutient que les combles ne constituaient pas à la date de la vente des parties habitables de l'immeuble mais étaient à l'état de grenier et que c'est à juste titre qu'il a opéré une déduction au titre des travaux nécessaires pour mettre les surfaces en location.

Il précise que son estimation n'est pas à l'origine du préjudice dont il est demandé réparation, s'agissant pour les successibles d'une opération globale qui leur a permis de mettre fin à l'indivision tout en bénéficiant de l'exonération de toute taxation sur les plus-values réalisées dans la mesure où la cession-licitation intervenait au bénéfice d'un co-indivisaire, en l'espèce leur nièce.

Sur le manquement à son devoir de conseil, il rappelle que le préjudice allégué ne peut s'analyser qu'en la perte d'une chance d'avoir pu agir différemment avec un meilleur conseil, et que préjudice n'est évalué qu'à l'aune de la chance perdue et non à l'intégralité de l'avantage qu'aurait procuré le conseil adéquat.

Les consorts [Z] font essentiellement valoir que :

- le notaire a bien commis une faute en omettant les combles de 53 m² dont la valeur s'établit à 51'500 euros d'après M. [B], coût de la rénovation déduit,

- il a également commis une faute dans l'évaluation du bien au mètre carré qui aurait dû être retenue à 1176 euros ; ils critiquent les méthodes employées, notamment la déduction des travaux à réaliser après capitalisation des loyers ainsi que les références retenues et certains abattements pratiqués, et l'exclusion des dépendances.

- M. [B] a évalué le bien en 2012, et aucuns travaux n'a été réalisé entre 2005 et 2012,

- l'évaluation n'a pas été effectuée en vue du règlement de la succession, achevée en 2001, mais en vue d'une vente amiable,

- le droit d'usage et d'habitation de leur père ne portait que sur son appartement de 87 m², n'est applicable qu'à sa personne et ne justifie pas que l'abattement de 12 % soit appliqué sur tout le bâtiment, mais seulement sur 87/221 m² soit 39,7 % de la valeur de l'immeuble,

- ils ne contestent pas avoir consenti une réduction du prix à leur nièce, mais non d'un pourcentage de 19,3 comme la chiffre l'appelant,

- ils intègrent dans leur préjudice le montant supplémentaire que leur père aurait obtenu avec la vente de la maison si l'erreur dans l'évaluation du bien n'avait pas été commise au motif que cette somme se serait retrouvée dans son patrimoine à son décès.

***

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2020.

MOTIVATION

Les conclusions déposées le 23 septembre 2019 par le conseil de M. [S] [E] indiquent dans leur en-tête qu'elles sont dirigées contre M. [M] [Z] et Mme [J] [Z] épouse [D]. Il en va de même des motifs de ses conclusions. Toutefois, dans le dispositif qui saisit la cour, le nom de Mme [J] [Z] a été remplacé par celui de Mme [U] [O], qui n'est pas dans la cause. S'agissant manifestement d'une erreur matérielle, la cour considère à la lecture de ce qui précède le dispositif que les écritures de M. [S] [E] concernent bien Mme [Z] et non sa soeur Mme [O].

Le chef par lequel le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des consorts [Z] n'a pas été frappé d'appel, il est donc irrévocable.

1- Sur la faute commise par M. [S] [E]

Bien que n'agissant pas en qualité d'officier public dans le cadre de l'évaluation de l'immeuble, le notaire, qui était chargé de rédiger ensuite l'acte de cession du bien auquel il est tenu de conférer toute son efficacité est susceptible d'engager sa responsabilité, dans les mêmes conditions que celles rencontrées en matière d'actes authentiques, sur le fondement de l'ancien article 1382 devenu 1240 du code civil.

- sur les combles

Les consorts [Z] reprochent à M. [S] [E] de n'avoir pas valorisé les combles. Ils se prévalent des conclusions de leur expert privé et de deux attestations pour affirmer qu'ils étaient habitables et avaient été habités alors que M. [S] [E] soutient que l'état des combles tel qu'ils se présentaient à la date de son évaluation ne permettait pas de les considérer comme habitables, ni de retenir une valeur identique à celle du reste de l'immeuble.

Sur le caractère habitable des combles, les consorts [Z] produisent deux attestations dont les auteurs affirment, l'un qu'ayant visité un locataire occupant du second étage, il a constaté la présence d'occupants à l'étage supérieur et l'autre qu'il a constaté que les combles étaient aménagés en habitation. Leur expert privé n'a visité que le rez-de-chaussée de l'immeuble, soit l'appartement de [R] [Z].

La date de leur visite n'étant précisée par aucun des deux témoins et le second témoin n'ayant pas constaté d'occupation des lieux, il ne peut être retenu par la cour que les combles étaient habités en 2005, date de l'évaluation de l'immeuble par M. [S] [E].

Les intimés ne produisent aucun mesurage à l'appui de la superficie aménageable de 53 m² qu'ils invoquent, mais M. [S] [E] indiquant lui-même que les combles, de 80 m² environ sont en partie aménageables, la cour retiendra qu'à la date de l'évaluation critiquée, l'immeuble comportait 53 m² de combles aménageables.

Quand bien même ces combles n'étaient pas habités en 2005, il convenait de les prendre en considération dans l'évaluation de l'immeuble car ils offraient une surface potentiellement aménageable. Il est constant que les combles non aménagés peuvent être valorisés à un tiers ou un quart du prix du mètre carré habitable en fonction de leur état, de sorte qu'en ne valorisant pas les combles, M. [E] a commis une faute qui a occasionné un préjudice aux consorts [Z], ceux-ci ayant perçu une somme inférieure à celle qui devait leur revenir en raison de cette omission. Il a ainsi engagé sa responsabilité.

Le jugement critiqué mérite dès lors confirmation de ce chef.

- sur l'évaluation

M. [S] [E] a utilisé trois méthodes distinctes d'évaluation. Son rapport comporte une première partie aux termes de laquelle, en effectuant la moyenne des chiffres obtenus par chacune des trois méthodes, il évalue la valeur vénale de l'immeuble à 111'000 euros. Puis suit une évaluation lot par lot aux termes de laquelle il fait de même pour chacun des trois lots et obtient les valeurs respectives de 63'000, 32000, et 32000 euros soit au total la somme de 127 000 euros.

Les trois méthodes sont critiquées par les consorts [Z] qui produisent une évaluation effectuée par leur expert privé en 2012.

S'agissant de la méthode par capitalisation, les consorts [Z] font observer que la valeur au mètre carré dégagée par M. [S] [E], de 1122 euros, est voisine de celle de 1176 euros retenue par leur expert privé, M. [B].

Ils reprochent cependant à M. [E] d'avoir déduit le montant des travaux de réparation du prix du mètre carré qu'il a dégagé. M. [E] indique dans son rapport que la modernisation des appartements était indispensable pour les mettre en location.

La cour retient comme l'indique le notaire que la méthode de capitalisation des loyers sans minoration exige que les appartements puissent être donnés tels quels en location, ce qui n'était manifestement pas le cas des trois appartements considérés, étant précisé qu'en 2005, deux logements étaient inoccupés et le troisième habité par M. [R] [Z].

En effet, si l'expert privé indique pour la seule partie qu'il a visitée en 2012, soit l'appartement de [R] [Z], qu'il est 'en état d'usage assez peu prononcé sans traces réelles de vétusté', quoique dépourvu de chauffage central (p 6) et conclut qu'il considère les biens étudiés comme parfaitement habitables et rénovés, avec chauffage central pour le RDC (sic) et les combles, électrique pour les deux appartements du premier étage, propretés refaites, huisseries PVC double vitrage, installation électrique aux normes, sanitaires changés (fin de la p.10), ajoutant dans son rapport complémentaire que l'immeuble présente un standing correct, M. [S] [E] a relevé au contraire en mars 2005 que la toiture et le ravalement de façade étaient nécessaires, que l'ensemble des appartements devait être rénové, avec les menuiseries à changer, le chauffage à installer, l'électricité et la plomberie à mettre aux normes, l'ensemble des revêtements à changer, notamment (p.6).

La cour relève que dans son rapport complémentaire, l'expert privé est moins affirmatif sur l'état du seul appartement qu'il a visité, indiquant que 'le bien semble avoir été régulièrement entretenu' mais qu'il 'pourrait être nécessaire de prévoir l'étanchéité des huisseries et l'installation d'un véritable chauffage central'. En ce qui concerne le premier étage toujours non visité par ses soins, il note qu'il est dépourvu de chauffage central, que les huisseries sont en simple vitrage et que les prestations sont très simples, s'éloignant ainsi du standing correct qu'il avait évoqué dans son premier rapport. S'agissant des combles, il précise qu'ils sont à rénover complètement, ce qui est amplement confirmé par le constat d'huissier qu'a fait réaliser M. [S] [E] le 23 juillet 2018, dont il résulte que les murs étaient porteurs de revêtements muraux différents, à savoir du papier peint arraché et de la peinture écaillée, qu'il y a vu un petit évier et des murs dégradés par des saignées et coulées, conséquence de travaux de destruction. L'huissier qui a procédé à ce constat précise que les combles sont dans un état particulièrement vétuste, et que la toiture est apparente sur l'ensemble de la surface. L'expert privé n'a pour sa part pas évoqué l'état de la toiture de l'immeuble, ni son isolation, alors que ce poste de travaux est coûteux et que le constat de 2018 démontre que la toiture n'était nullement isolée.

Il en résulte que c'est à juste titre que M. [E] a fait état de la nécessité de grosses réparations et de mise en conformité dont le coût devait être pris en considération pour déterminer la valeur vénale de l'immeuble, et qui, en raison de leur ampleur, la minorent fortement.

La cour constate sur ce point que dans leurs écritures, les intimés conviennent qu'une éventuelle remise aux normes était nécessaire (p.8), et que dans les conditions décrites par M. [S] [E], l'évaluation des travaux à une somme représentant 40 % de la valeur de l'immeuble n'apparaît pas disproportionnée.

Enfin, les consorts [Z] font observer que M. [E] a retenu une valeur vénale totale par capitalisation de 114'000 euros (p.6) alors qu'il a retenu des valeurs par capitalisation de 60'000 euros pour le plus grand appartement et de 39'000 euros pour chacun des deux autres, ce qui confère à l'immeuble une valeur totale par capitalisation de 138'000 euros et non de 114'000 euros, après déduction des travaux et évoquent une 'faute supplémentaire et inadmissible' du notaire à cet titre. M. [S] [E] répond que trois appartements vendus séparément atteindront un meilleur prix qu'une vente globale de l'immeuble.

La cour rappelle qu'il est de règle en matière immobilière qu'un bien vendu dans son entier atteint un prix moins élevé que la somme des lots vendus chacun séparément, et que la différence entre les deux sommes ne résulte en conséquence ni d'une 'faute inadmissible' ni même d'une simple erreur.

S'agissant de la méthode par comparaison, les consorts [Z] font observer que ce paragraphe du rapport de M. [S] [E] ne comporte pas de références ni d'explications alors qu'un rapport d'expertise expose de manière claire et précise comment le bien est évalué. Ils relèvent que le notaire a retenu pour l'évaluation du bien une surface de 260 m², page 7, alors qu'il la chiffrait à 168 m² en page 5 de son rapport.

M. [S] [E] répond que la superficie de 260 m² correspond à la totalité de la surface bâtie, dépendances comprises, alors que la superficie habitable n'est que de 168 m². Il fait observer que les intimés ne démontrent pas que la valeur de 447 euros du mètre carré qu'il a retenue sur ce point serait erronée.

La cour constate que quand bien même M. [S] [E] aurait commis une erreur en retenant la surface de 260 m² au lieu de 168 m², cela n'aurait pas préjudicié aux consorts [Z] dans la mesure où le prix du mètre carré multiplié par une surface moindre aurait été moins élevé que le chiffrage qu'a retenu le notaire au terme de son évaluation.

En ce qui concerne la citation des références, la cour fait observer que les consorts [Z] ne produisent pas la lettre de mission qu'ils auraient adressée au notaire, ni même la justification du prix qu'ils ont payé pour sa prestation, et rappelle qu'aux termes des conclusions des intimés, ils ont demandé à M. [S] [E] une évaluation du bien et non une expertise détaillée, étant précisé que le notaire a fait figurer dans son rapport de nombreuses références d'appartements (pages 19, 22 et 25). A leur demande, M. [S] [E] a rappelé les caractéristiques de plus de 20 références qu'il a utilisées en 2005, ce par courrier du 10 décembre 2013 (pièce 9 des intimés). Il indique que ces références proviennent de la base Perval des notaires ainsi que des activités de vente et de gestion immobilière de l'étude. Les intimés lui reprochent de n'avoir pas indiqué l'état des biens pris pour référence. M. [S] [E] répond que les valeurs de référence retenues correspondent à des biens en meilleur état que celui de l'immeuble devant être évalué et fait observer que les deux éléments de comparaison dont ils se prévalent et qui sont situés dans la même rue, dont un concerne une maison construite en 1998 qui n'est pas comparable aux biens à évaluer, confortent son évaluation. Il explique qu'il ressort de ses références une dispersion des prix, raison pour laquelle il a procédé à l'évaluation de chacun des lots en déterminant l'axe selon lequel sont ordonnées des valeurs cohérentes en fonction de la superficie connue, ce qu'il a traduit en graphiques (p 20, 23 et 26 de son rapport) et que les intimés ne démontrent pas qu'il ait existé une référence similaire à la propriété litigieuse dans sa localisation, son organisation et son état, ni qu'une telle référence ait modifié significativement l'appréciation de la valeur qu'il en a faite.

La cour, à l'instar du tribunal, rappelle que les intimés ne rapportent pas la preuve de l'inadéquation des références et de la méthode employées, et ne démontrent donc pas que le choix effectué soit fautif, le fait qu'il existe des divergences d'appréciation ne constituant pas une faute, eu égard notamment aux travaux que nécessitait l'immeuble.

S'agissant de la méthode de réduction au prix maximal, les consorts [Z] critiquent le correctif retenu par le notaire, qui aboutit à une somme négative de 300 euros/m² alors que le barème prévoit un correctif maximal de - 230 euros/m² pour une rénovation totale. Ils s'abstiennent de justifier en quoi cette méthode, explicitée par le notaire dans ses écritures (p. 18) serait inadaptée et en quoi les coefficients utilisés par M. [S] [E] pour parvenir au chiffrage du correctif seraient erronés, ne produisant aucun devis susceptible de contredire l'évaluation des travaux à réaliser faite par le notaire, de sorte que la faute alléguée n'est pas démontrée.

Les consorts [Z] reprochent encore à M. [S] [E] d'avoir omis dans son évaluation les dépendances, garage, sous-sol semi enterré à usage de cave, terrasse, cabanon, hangar, petit bâtiment de cave et jardin.

M. [S] [E] répond que dans le cadre de l'évaluation à partir du prix maximal du marché d'un lot à usage d'habitation, la valeur des dépendances est incluse dans le prix au mètre carré au même titre que les parties communes d'un immeuble en copropriété.

Les consorts [Z] ne justifiant pas du contraire, il n'est en conséquence pas démontré par les intimés que l'omission qu'ils déplorent soit fautive.

En conséquence, les consorts [Z] ne démontrant pas que la mise en oeuvre par le notaire de la méthode d'évaluation qu'il a employée soit fautive, la cour confirmera le jugement critiqué sur ce point.

- sur le préjudice

Les consorts [Z] font observer que pour calculer leurs droits sur le prix de vente, M. [S] [E] a affecté le prix de l'entier immeuble d'un abattement de 12 % correspondant au droit d'usage et d'habitation de leur père [R] [Z] alors que ce droit ne portait que sur le rez-de-chaussée de l'immeuble.

M. [S] [E] répond que le droit d'usage et d'habitation de [R] [Z] a été évalué conformément au barème fiscal à 60 % de la valeur de l'usufruit viager, soit en l'espèce 12% de la valeur de l'immeuble.

La cour observe que le droit d'usage et d'habitation de [R] [Z] sur l'appartement du rez-de-chaussée se confond avec celui qu'il a reçu lors de la succession de son épouse par l'effet de la donation entre époux qu'ils s'étaient consentis suivant acte du 19 janvier 1996 puisqu'il a opté pour l'usufruit de l'universalité des biens et droits immobiliers et immobiliers composant la succession de son épouse. Il en résulte que l'usufruit de l'entière succession de son épouse, qui porte sur l'immeuble entier, a absorbé son droit d'usage et d'habitation sur le rez-de-chaussée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à une seconde déduction de 12 % en sus de celle de 20%.

Enfin, l'évaluation ayant été effectuée en 2005 et M. [R] [Z] étant décédé sept ans après l'évaluation contestée et le transfert de propriété de l'immeuble, le préjudice des intimés ne peut inclure le supplément de prix dont aurait bénéficié le défunt en cas de meilleure évaluation de l'immeuble, la réparation d'un préjudice ne pouvant prendre en considération un événement futur et hypothétique à la date à laquelle il s'est constitué.

En conséquence, le seul préjudice résultant pour les intimés d'un manquement fautif du notaire dans son obligation de conseil consiste, comme l'a jugé le tribunal, dans l'omission par ce dernier de l'évaluation des combles dans l'évaluation de l'immeuble.

Sur ce point, la cour rappelle que les droits des intimés ne portaient que sur la part de leur mère, diminuée de l'usufruit de leur père, le bien étant commun aux deux époux, de sorte que leurs droits ne peuvent être calculés que sur la moitié de la nue-propriété de l'immeuble, contrairement à ce qu'a fait le tribunal dont le calcul est erroné sur ce point.

Ainsi que le fait valoir M. [S] [E], le préjudice des consorts [Z] s'analyse en la perte d'une chance d'avoir pu faire évaluer différemment l'immeuble si la superficie aménageable des combles avait été prise en considération.

Au regard de l'état des combles tel que rappelé ci-dessus, de leur superficie de 53 m², et du prix du mètre carré évalué par M. [S] [E] à 600,71 euros, la différence de prix ressort au plus à (53 x 600,71) : 2, dont à déduire 20% résultant de la cession de son usufruit par [R] [Z], soit 12.735,05 euros. La cour n'appliquera pas à ce résultat un abattement supplémentaire correspondant à la minoration de prix consentie à l'acquéreur du bien, en l'absence de tout élément permettant de connaître le mode de calcul de l'avantage ainsi consenti.

La perte de chance des trois successibles pouvant en conséquence être évaluée à 75 % de cette somme, soit 8914,53 euros, il serait revenu à chacun des intimés un tiers du montant obtenu, soit 2.971,51 euros chacun, et le préjudice de chacun des intimés sera fixé à ce montant, le jugement étant infirmé sur ce seul point.

Les intimés ne justifiant pas que la faute commise par M. [S] [E] leur ait occasionné un préjudice moral, leur demande de dommages et intérêts sera rejetée.

M. [S] [E] obtenant partiellement gain de cause en appel, les consorts [Z] supporteront in solidum les dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Tachet, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile et seront condamnés à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune circonstance ne justifie qu' en cas de recouvrement forcé, le droit proportionnel prévu par l'article 10 du décret du 8 mars 2001 qui est à la charge du créancier soit mis à la charge du débiteur, la demande sur ce point sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement dans les limites de l'appel, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 30 janvier 2018 rectifié par jugement du 3 juillet 2018 en ce qu'il a condamné M. [S] [E] à payer à

M. [M] [Z] et à Mme [J] [Z] épouse [D] la somme de 10'878,50 euros chacun et, statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne M. [S] [E] à payer à M. [M] [Z] et à Mme [J] [Z] épouse [D] la somme de 2971,51 euros chacun ;

Confirme les décisions déférées sur le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute M. [M] [Z] et Mme [J] [Z] épouse [D] de leur demande de dommages et intérêts ;

Rejette la demande de condamnation de M. [S] [E], en cas de recouvrement forcé, au paiement du droit proportionnel mis à la charge du créancier ;

Condamne in solidum M. [M] [Z] et Mme [J] [Z] épouse [D] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Tachet, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement à M. [S] [E] d'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/05191
Date de la décision : 01/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-01;18.05191 ?
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