N° RG 21/08384 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N6N6
Décision du
Tribunal Judiciaire de BOURG-EN-BRESSE
Au fond
du 14 octobre 2021
RG : 21/01695
S.D.C. LE REGENCY
S.A.R.L. REGIE DU LEMAN
C/
[B]
[T] EPOUSE [B]
S.C.I. JOCACHAO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 03 Septembre 2024
APPELANTES :
Le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] située [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice la SARL REGIE DU LEMAN, SARL sis
[Adresse 4]
[Localité 1]
La SARL REGIE DU LEMAN
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentées par Me Eric ROZET de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST, avocat au barreau d'AIN
INTIMES :
M. [Z] [B]
né le 01 Novembre 1961 à [Localité 11] (22)
[Adresse 7]
[Localité 2]
Mme [C] [T] épouse [B]
née le 21 Juin 1964 à [Localité 8] (01)
[Adresse 7]
[Localité 2]
La SCI JOCACHAO
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentés par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 18 Avril 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mai 2024
Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024
Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Stéphanie LEMOINE, conseiller, pour le président légitimement empêché, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Par acte notarié du 18 mai 2021, M. [Z] [B] et Mme [C] [T] épouse [B] (les époux [B]) ont vendu à la SCI Jocachao (la SCI) les deux lots suivants dans l'immeuble en copropriété [Adresse 9] à [Localité 2] (Ain) :
- le lot n° 254 décrit, dans l'état descriptif de division, comme étant composé, d'une part, d'une « superficie de terrain de 700 m² [...] et le droit d'édifier toutes constructions », d'autre part, des 24 280 / 100 000° de la propriété du sol,
- le lot n° 255 décrit, dans l'état descriptif de division, comme étant composé, d'une part, d'une « maison à usage d'habitation de type villa, ensemble le sol sur lequel elle est édifiée et l'accompagnant, le tout d'une superficie de 853 m² environ », d'autre part, des 29 580 / 100 000° de la propriété du sol.
Le 25 février 2021, la mairie de [Localité 2] a accordé à la SCI un permis de construire pour la réhabilitation et le changement de destination du lot n° 255 (aménagement d'un office notarial) et l'aménagement de places de parkings sur le lot n° 254.
A la suite de l'affichage du permis de construire, une assemblée générale extraordinaire des copropriétaires s'est réunie le 19 avril 2021, qui a voté notamment les résolutions suivantes:
- la résolution n° 3 décidant « de valider le changement de destination du lot 255 habitation en bureau, avec les réserves suivantes :
aucunes modifications de volume et de surface,
aucunes augmentations de surfaces utilisables,
le respect des servitudes de canalisations existantes et l'absence de plantations en surface de celle-ci »
- la résolution n° 4 décidant « de valider les demandes concernant le lot 254 / lot transitoire terrain avec le droit d'édifier toutes constructions avec les réserves d'obtention de l'aval du syndicat des copropriétaires / et ceci dans le cadre [...] de l'article 206 de la loi ELAN qui organise la mise en conformité des règlements de copropriété avant le 23 novembre 2021 sur les lots dits transitoires à la majorité simple des copropriétaires présents ou représentés » et décidant de « définir la consistance du lot transitoire terrain lot 254 [comme suit :] une superficie de terrain de 700 m², situé en bordure de la [Adresse 10], dans l'angle sud du sol de l'ensemble immobilier et en bordure nord du lot 255. Le droit de réaliser uniquement des places de parkings en surface sans construction possible (couverture / murs / brise vue') et la conservation des arbres existants ou leurs remplacements à l'identique en nombre / hauteur / volume selon espèces en conformité avec le PC n° 00114320J0027 accordé par la mairie de [Localité 2] le 26/02/2021 »
- la résolution n° 5, décidant « de mandater le syndic en exercice afin de faire enregistrer les adaptations pour les lots 254 et 255 par actes authentiques et aux frais exclusifs d[es] propriétaires des lots ce jour, M. et Mme [B] ».
Le 8 juin 2021, les époux [B] et la SCI ont assigné le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] (le syndicat des copropriétaires) et son syndic, la société régie du Léman (le syndic), devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en nullité de ces résolutions pour abus de majorité et atteinte excessive à leur propriété.
Par jugement du 14 octobre 2021, le tribunal a :
- annulé les résolutions n° 3, 4 et 5 adoptées par l'assemblée générale extraordinaire de la copropriété le 19 avril 2021,
- débouté les époux [B] et la SCI de leur demande en paiement de dommages-intérêts compensatoires,
- condamné in solidum le syndicat des copropriétés et le syndic, personnellement, à payer aux époux [B] et à la SCI, ensemble, la somme globale de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les demandeurs copropriétaires seront dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure et des dépens, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires,
- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic, personnellement, aux dépens.
Par déclaration du 22 novembre 2021, le syndicat des copropriétaires et le syndic ont relevé appel du jugement.
Par conclusions notifiées le 25 avril 2023, ils demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et de :
- débouter purement et simplement la SCI et les époux [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner reconventionnellement et solidairement à payer au syndicat des copropriétaires, d'une part, et au syndic, d'autre part, chacun, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes, sous la même solidarité, en tous les dépens de première instance et d'appel, avec application profit de la selarl Bernasconi Rozet Monnet-Suety Forest des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 3 juillet 2023, les époux [B] et la SCI demandent à la cour de :
- juger que l'absence de communication de pièces spontanées ne constitue pas un motif de réformation de la décision de première au visa de l'article 136 du code de procédure civile,
- juger qu'ils ont produit concomitamment à leurs écritures et en application de l'article 132 du code de procédure civile les pièces dont ils font état,
- juger que le lot de copropriété n° 254 n'est pas un lot transitoire,
- juger que le lot n° 255 ne nécessitait pas une mise en conformité du règlement de copropriété,
- juger que le règlement de copropriété autorise l'exercice de profession libérale et donc l'exercice d'une étude notariale, dans la villa,
- juger que les époux [B] ont pris la précaution d'attirer l'attention du syndic et des copropriétaires sur l'illégitimité de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires en vue du 19 avril 2021,
- juger que la résolution n° 5 votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021 crée une nouvelle charge aux époux [B],
- juger que les appelants ont détourné la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite loi ELAN, destinée à la mise en conformité des règlements de copropriété,
- juger qu'en votant les résolutions 3, 4 et 5 de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 19 avril 2021, le syndicat des copropriétaires :
a commis un abus de majorité,
a porté atteinte à la propriété des copropriétaires successifs des lots n° 254 et 255,
leur a causé un préjudice,
- juger que le syndic :
a été négligent dans l'exercice de sa mission de syndic en convoquant l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 19 avril 2021 au visa de textes qui n'étaient pas applicables aux situations soumises aux votes des copropriétaires,
a commis des erreurs et a été négligent dans la convocation de l'assemblée générale du 19 avril 2021 et dans la prise en comptes d'un vote par correspondance arrivé tardivement,
a porté atteinte à leur propriété,
leur a causé un préjudice aux époux [B] et la sci jocachao
- juger qu'en raison de la mesure de tutelle dont fait l'objet M. [O] [X] :
la convocation à l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021 devait être notifiée à son tuteur,
M. [X] ne pouvait pas personnellement voter ou donner mandat,
l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021 est nulle, si M. [O] [X] a personnellement voté ou donné mandat,
- à défaut de production des procurations de vote et feuille de présence de l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021, et plus particulièrement du vote de M. [O] [X], tirer toutes les conséquences sur la validité de l'assemblée générales extraordinaire du 19 avril 2021 et la responsabilité du syndic,
En conséquence,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
jugé et prononcé la nullité des résolutions n° 3, 4 et 5 votées lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 19 avril 2021,
condamné le syndicat des copropriétaires in solidum avec le syndic à 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic aux entiers dépens d'instance et de ses suites,
jugé que les propriétaires des lots n° 254 et 255 (les époux [B] au jour de la l'assignation) seront dispensés de toute participation aux frais de procédure et condamnations prononcés à leur bénéfice dont les charges seront réparties entre les autres copropriétaires,
- réformer la décision de première instance en qu'elle a débouté les intimés de leurs demandes de dommages et intérêts,
Et par de nouveaux motifs :
- juger nulle l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021 :
n'étant pas justifié de l'identité de « Mme [I] [O] » ayant voté par correspondance,
la convocation à l'assemblée générale extraordinaire n'ayant pas été adressée aux domiciles des tuteurs légaux de M. [X],
ayant pris en compte dans le calcul des votants les tantièmes d'un vote par correspondance réceptionné tardivement,
- condamner le syndicat des copropriétaires à indemniser :
les époux [B] au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
la SCI au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner le syndic en son nom personnel à indemniser la SCI à hauteur de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout etat de cause,
- condamner le syndicat des copropriétaires in solidum avec le syndic, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
à 2 000 euros au bénéfice des époux [B],
à 5 000 euros au bénéfice de la SCI,
- condamner le syndicat des copropriétaires in solidum avec le syndic aux entiers dépens d'appel et de leurs suites.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à voir « juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Les intimés sollicitent pour la première fois en appel le prononcé de la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021, étant observé que les pièces du dossier ne permettent pas à la cour de connaître la date de notification du procès-verbal d'assemblée générale.
Il convient d'examiner cette demande en premier, dès lors que s'il y est fait droit, les demandes d'annulation des résolutions n° 3, 4 et 5 deviendront sans objet.
1. Sur la nullité de l'assemblée générale
Les époux [B] et la SCI font valoir essentiellement que l'assemblée générale encourt la nullité dès lors qu'il n'est pas justifié de l'identité de « Mme [I] [O] » ayant voté par correspondance, que la convocation n'a pas été adressée au domicile des tuteurs légaux de M. [O] [X] et qu'il a été pris en compte dans le calcul des votants les tantièmes d'un vote par correspondance réceptionné tardivement ; qu'à défaut de production, malgré leur sommation de communiquer, des procurations de vote et feuille de présence de l'assemblée générale, et plus particulièrement du vote de M. [O] [X], majeur sous tutelle, il convient d'en tirer toutes les conséquences sur la validité de l'assemblée générale ; que la seule irrégularité de la convocation rend automatiquement irrégulière l'assemblée générale et donc les résolutions votées.
Le syndicat des copropriétaires et le syndic répliquent que la demande de nullité de l'assemblée générale extraordinaire n'est pas fondée, aux motifs que M. [O] [X] était valablement représenté par sa tutrice, qu'aucun texte n'oblige le syndicat à vérifier l'identité d'un votant par correspondance, que dès lors qu'un formulaire de vote par correspondance a été adressé, cela signifie qu'il a été réceptionné, qu'enfin, le délai de trois jours de l'article 9 bis du décret de 1967 créé par le décret du 2 juillet 2020 n'est pas institué à peine de nullité ; qu'ainsi, à défaut de texte et à défaut de grief, la nullité sur ce fondement ne saurait être encourue.
Réponse de la cour
1.1. Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation d'un copropriétaire
Seul le copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué peut se prévaloir de l'absence ou de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale (en ce sens, 3e Civ., 14 novembre 2007, pourvoi n° 06-16.392, Bull. 2007, III, n° 210).
Il en résulte que le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de la convocation des tuteurs légaux de M. [O] [X], invoqué par les intimés pour obtenir l'annulation de l'assemblée générale, ne peut être accueilli.
1.2. Sur le moyen tiré de l'absence de justificatif de l'identité d'un votant
S'agissant de l'identité de la personne ayant voté pour M. [O] [X], majeur sous tutelle, il ressort de la comparaison du jugement du juge des tutelles de Nantua du 14 janvier 2016 et du formulaire de vote par correspondance versé aux débats par les appelants que la personne identifiée dans ce formulaire comme étant « Mme [I] [O] » correspond bien à Mme [I] [G], désignée en qualité de co-tutrice de M. [O] [X]. En effet, d'une part, le jugement de tutelle mentionne que Mme [G] est la fille de M. [O] [X], de sorte que son nom de famille est bien [O], d'autre part, les paraphes figurant dans le formulaire de vote par correspondance (« [I][G] ») correspondent aux initiales de ses prénom et nom d'usage ([I] [G]).
Il en résulte que le moyen soulevé par les intimés, tiré de ce qu'il n'est pas justifié de l'identité de « Mme [I] [O] » ayant voté par correspondance, est infondé.
1.3. Sur le moyen tiré de l'irrégularité du délai de réception d'un formulaire de vote par correspondance
Il résulte de l'article 17-1 A, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, applicable au litige, que les copropriétaires peuvent voter par correspondance avant la tenue de l'assemblée générale, au moyen d'un formulaire établi conformément à un modèle fixé par arrêté.
Et selon l'article 9 bis du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi précitée, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020, pour être pris en compte lors de l'assemblée générale, le formulaire de vote par correspondance est réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion. Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique à l'adresse indiquée par le syndic, il est présumé réceptionné à la date de l'envoi.
En l'espèce, les intimés reprochent au syndic et au syndicat des copropriétaires de ne pas justifier de la date de réception du formulaire de vote par correspondance adressé par Mme [O] pour le compte de son père, et, partant, de ne pas démontrer qu'il a bien été réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de l'assemblée générale et qu'il pouvait donc valablement être pris en compte dans le calcul des votants.
Il est constant que les appelants ne justifient pas de la date de réception du formulaire de vote par correspondance ou, à supposer qu'il ait été transmis par courrier électronique, de sa date d'envoi par Mme [O].
Si la violation des règles en matière de computation des voix, et plus particulièrement le fait de tenir compte de votes par correspondance alors que le formulaire n'avait pas été reçu dans les délais par le syndic, de même que la violation des règles de majorité prescrites de manière impérative par la loi du 10 juillet 1965, sont sanctionnées par la nullité des décisions adoptées sans que le copropriétaire demandeur ait à justifier d'un grief particulier, une telle irrégularité n'entraîne pas pour autant la nullité de l'ensemble de l'assemblée générale.
Au vu de ce qui précède, ajoutant au jugement déféré, il convient de débouter les époux [B] et la SCI de leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021.
2. Sur l'annulation des résolutions n° 3, 4 et 5 de l'assemblée générale
Le syndicat des copropriétaires et le syndic font valoir essentiellement que :
- à ce jour, ni les époux [B] ni la SCI n'ont subi la moindre gêne dans leur projet et le seul enjeu de la procédure est donc une prétendue atteinte aux droits de propriété par une limitation d'usage qui ne pourrait se manifester qu'à long terme au cas où l'office notarial déciderait de transformer l'immeuble en habitation et de construire sur le parking ;
- les résolutions ne sauraient être annulées car :
- le lot n° 254 qui était décrit comme « une superficie de terrain de 700 m² avec le droit d'édifier toute construction » était insuffisamment défini quant aux constructions qu'il permettait de réaliser et constituait un lot transitoire au sens de la loi dite ELAN du 23 novembre 2018, de sorte que le syndicat des copropriétaires disposait d'un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi, c'est-à-dire avant le 23 novembre 2021, pour mettre en conformité le règlement de copropriété avec les dispositions relatives aux lots transitoires ; en conséquence, le syndicat des copropriétaires et le syndic ont pleinement rempli leur rôle en convoquant une assemblée générale extraordinaire avant le mois de novembre 2021 ; il n'y a pas eu de réserves à l'usage du lot, celui-ci ayant été défini en conformité avec le permis de construire ;
- s'agissant du lot n° 255, en l'absence de clause du règlement de copropriété concernant la villa, il était sécurisant pour l'office notarial qu'une modification du règlement soit effectuée pour accepter un changement de destination d'habitation en bureau, cette modification n'empêchant pas, à terme, un retour à une occupation d'habitation compte-tenu de la clause d'occupation bourgeoise ; le fait qu'il ait été indiqué qu'il n'y aura pas de modification de volume et de surface n'est que l'application du règlement de copropriété dont il résulte que les fondations, les gros murs de façade et de refend, les murs pignons, mitoyens ou non, les gros 'uvres des planchers à l'exclusion du revêtement des sols, les couvertures des bâtiments ainsi que les terrasses accessibles ou non, même si elles sont affectées à un usage privatif, sont des parties communes ; la résolution relative à l'augmentation des surfaces utilisables est également parfaitement légitime pour des raisons de répartition des charges de copropriété et il n'y a aucune restriction ni réserve à l'usage du lot, l'autorisation donnée étant conforme au permis de construire sollicité ;
- en ce qui concerne la résolution n° 5, il est parfaitement normal et légitime que ce soient les propriétaires de la parcelle qui supportent les frais d'adaptation du règlement de copropriété ;
Les époux [B] et la SCI répliquent essentiellement que :
- l'article 206 II de la loi ELAN n'est pas applicable à l'espèce car le lot n° 254 n'est pas un lot transitoire dans la mesure où il ne correspond pas à un droit à bâtir sur un sol commun et n'est affecté d'aucune partie commune ; les appelants ont détourné la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite loi ELAN, destinée à la mise en conformité des règlements de copropriété ;
- le lot n° 255 ne nécessitait aucune mise en conformité au règlement de copropriété, celui-ci autorisant l'exercice de professions libérales et donc l'exercice d'une étude notariale dans la villa ;
- la résolution n°5 votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021 crée une nouvelle charge aux époux [B].
Réponse de la cour
2.1. Sur la résolution n° 3
Ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification de la destination de ses parties communes ou des modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
La résolution n° 3 critiquée valide le changement de destination du lot n° 255 d'habitation au bureau, avec des réserves tenant à l'absence de modification des volumes et des surfaces, d'augmentation des surfaces utilisables et de plantations en surface, et au respect des servitudes de canalisations existantes.
Au regard de la clause d'habitation bourgeoise figurant dans le règlement de copropriété et de la rédaction de son article 10 qui ne prévoit expressément une tolérance pour l'exercice de professions libérales que s'agissant des appartements de l'ensemble immobilier, sans viser la villa composant le lot n° 255, les appelants sont fondés à soutenir qu'il était « sécurisant » pour la SCI qu'une modification du règlement de copropriété soit effectuée pour accepter un changement de destination dudit lot d'habitation en bureau, étant observé qu'un retour à une occupation en habitation ne pourrait être refusé compte-tenu de la clause d'habitation bourgeoise.
En revanche, les réserves apportées à l'usage de ce lot, en ce qui concerne notamment le volume, les surfaces et les plantations, constituent une restriction à l'utilisation et à la jouissance des parties privatives du lot de copropriété, excédant celles stipulées au règlement de copropriété et contraire au principe de la liberté d'usage et de jouissance des parties privatives.
En effet, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort pas du règlement de copropriété que les fondations, les gros murs de façade et de refend, les murs pignons, mitoyens ou non, les gros 'uvres des planchers à l'exclusion du revêtement des sols et les couvertures des bâtiments constituent des parties communes, s'agissant du lot n° 255, puisqu'il est indiqué :
- à l'article 4, que « les parties communes sont celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé », au nombre desquelles figurent les éléments énoncés ci-dessus,
- à l'article 7, que « les parties privatives sont celles qui sont réservées à l'usage exclusif de chaque copropriétaire, c'est-à-dire les locaux compris dans son lot avec tous les accessoires. Elles comprennent donc : pour la villa : la totalité des constructions avec leurs dépendances et accessoires[...] »,
ce dont il résulte que titulaire du lot n° 255 est en droit de modifier les volumes et surfaces de la villa, sous réserve de respecter l'article 5 du règlement de copropriété relatif aux droits de surélever les bâtiments et d'édifier des bâtiments nouveaux dans la cour ou le jardin.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé la résolution n° 3 de l'assemblée générale.
2.2. Sur la résolution n° 4
Aux termes de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN, le lot de copropriété comporte obligatoirement une partie privative et une quote-part de parties communes, lesquelles sont indissociables. Ce lot peut être un lot transitoire. Il est alors formé d'une partie privative constituée d'un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu'il permet de réaliser et d'une quote-part de parties communes correspondante. La création et la consistance du lot transitoire sont stipulées dans le règlement de copropriété.
L'article 206 II de la loi du 23 novembre 2018 prévoit, au titre des mesures transitoires, que les syndicats des copropriétaires disposent d'un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions relatives au lot transitoire de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965.
Le syndicat des copropriétaires et le syndic soutiennent que le lot n° 254 constituait un lot transitoire insuffisamment défini et qu'il convenait donc de mettre en conformité le règlement de copropriété avec les dispositions précitées relatives aux lots transitoires.
Toutefois, ainsi que le soulignent exactement les époux [B] et la SCI, en présence d'un lot transitoire, la partie privative du lot est constituée d'un droit exclusif d'utiliser la superficie d'une partie commune, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque que le lot n° 254 est décrit, dans l'état descriptif de division, comme étant composé, s'agissant de sa partie privative, d'une « superficie de terrain de 700 m², située en bordure de la [Adresse 10], dans l'angle sud de l'ensemble immobilier et en bordure nord du lot n° 255, et le droit d'édifier toutes constructions », et dans le règlement de copropriété, comme étant « la parcelle de terrain privative créée dans l'acte modificatif du 11 août 2000 », ce dont il résulte que « le droit d'édifier toutes constructions » ne constitue pas la partie privative du lot mais n'est qu'un droit accessoire au droit de propriété exercé sur cette partie privative.
Il en résulte que l'article 206 II de la loi du 23 novembre 2018 n'a pas vocation à s'appliquer à ce lot, de sorte que l'assemblée générale des copropriétaires ne pouvait valablement adopter la résolution n° 4 contestée.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a annulé ladite résolution.
2.13. Sur la résolution n° 5
Le jugement est encore confirmé en ce qu'il a annulé la résolution n° 5 prise en application des résolutions n° 3 et 4 précédemment annulées.
3. Sur la demande de dommages-intérêts
Les époux [B] et la SCI soutiennent que :
- le syndic a été négligent dans l'exercice de sa mission en convoquant l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires au visa de textes qui n'étaient pas applicables et le syndicat des copropriétaires a commis un abus de majorité ;
- ce faisant, ils ont porté atteinte à leur propriété et leur ont causé un préjudice.
Le syndicat des copropriétaires et le syndic répliquent que la demande de dommages-intérêts n'est pas justifiée en l'absence de faute de leur part, d'abus de majorité et de préjudice.
Réponse de la cour
C'est à juste titre que le premier juge a considéré que les époux [B] et la SCI se bornent à affirmer, sans preuve objective ni justificatifs, qu'ils auraient subi un préjudice du fait du comportement supposé fautif du syndicat des copropriétaires et du syndic.
Pour confirmer le jugement attaqué sur ce point, la cour relève qu'ils ne justifient notamment d'aucun retard apporté à la réalisation de leurs projets de construction ni d'aucune atteinte effective et concrète à leur droit de propriété.
4. Sur les demandes accessoires
Le jugement est encore confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
Le syndicat des copropriétaires et le syndic, partie perdante, sont condamnés in solidum aux dépens d'appel et à payer aux époux [B], d'une part, à la SCI, d'autre part, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, la SCI est dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [Z] [B], Mme [C] [T] épouse [B] et la SCI Jocachao de leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021,
Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] et la société régie du Léman à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à M. [Z] [B] et Mme [C] [T] épouse [B] d'une part, et à la SCI Jocachao d'autre part,
Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] et la société régie du Léman aux dépens d'appel,
Dispense la SCI Jocachao de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires.
La greffière, La Conseillère pour le président empêché,