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03/09/2024 | FRANCE | N°22/02362

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/02362


N° RG 22/02362 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGU5









Décision du Tribunal Judiciairede SAINT ETIENNE

Au fond du 02 mars 2022

(1ère chambre civile)



RG : 20/01502







[V]

[V]



C/







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET AVANT DIRE DROIT DU 03 Septembre 2024







APPELANTS :



M. [H] [V]

né le

[Date naissance 1] 1944 à [Localité 22]

[Adresse 10]

[Localité 14]



Représenté par Me Stéphanie PALLE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





M. [R] [V]

né le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Localité 18]



Représenté par Me Stéphanie P...

N° RG 22/02362 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGU5

Décision du Tribunal Judiciairede SAINT ETIENNE

Au fond du 02 mars 2022

(1ère chambre civile)

RG : 20/01502

[V]

[V]

C/

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET AVANT DIRE DROIT DU 03 Septembre 2024

APPELANTS :

M. [H] [V]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 22]

[Adresse 10]

[Localité 14]

Représenté par Me Stéphanie PALLE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

M. [R] [V]

né le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Localité 18]

Représenté par Me Stéphanie PALLE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTERVENANTS :

M. [E] [V], en qualité d'héritier de M. [V] [G]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 14]

[Adresse 19]

[Localité 11]

Représenté par Me Célia DUMAS de la SELAS LEX LUX AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

M. [A] [V] en qualité d'héritier de M. [V] [G]

né le [Date naissance 6] 1975 à [Localité 14]

[Adresse 12]

[Localité 15]

Représenté par Me Célia DUMAS de la SELAS LEX LUX AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Avril 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mr [P] [V] est décédé le [Date décès 17] 2012 et son épouse Mme [K] [D], est décédée à son tour le [Date décès 9] 2019, laissant pour lui succéder ses deux fils, [H] et [G] [V].

Par exploit d'huissier du 4 mai 2020, monsieur [H] [V] et son fils monsieur [R] [V], ci-après les consorts [H] et [R] [V], ont fait assigner monsieur [G] [V] devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne aux fins de rapport de diverses sommes à la succession et reconnaissance d'un recel successoral et le paiement de dommages intérêts pour préjudice moral.

Par jugement du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :

- ordonné la liquidation et le partage de la succession de [K] [D] veuve [V] décédée le [Date décès 9] 2019,

- désigné Maître [B] [Z], notaire demeurant [Adresse 8] [Localité 14], pour y procéder,

- commis pour surveiller les opérations le juge chargé de la surveillance des opérations de partage par l'ordonnance de roulement en vigueur au sein de ce tribunal,

- condamné Mr [G] [V] à rapporter à la succession la somme de 85.600 € et dit qu'il est exclu du partage sur cette somme,

- débouté Mr [H] [V] et Mr [R] [V] de leur demande d'expertise, du surplus de leur demande au titre du recel successoral, de celle relative à la modification de la clause bénéficiaire et de leur demande de dommages et intérêts,

- débouté Mr [G] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Mr [G] [V] à payer à Mr [H] [V] et Mr [R] [V] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mr [G] [V] aux dépens

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Par déclaration du 28 mars 2022, Mr [H] [V] et Mr [R] [V] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 15 juin 2022, Maître [I], notaire à [Localité 25] a été désigné en lieu et place de Maître [Z].

Mr [G] [V] est décédé le [Date décès 7] 2023.

MM [E] et [A] [V] en qualité d'héritiers de ce dernier sont intervenus volontairement à l'instance et ont repris pour leur compte les écritures déposées au nom de leur père Mr [G] [V].

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 5 mars 2024, MM [H] et [R] [V] demandent à la cour de :

réformant, éventuellement, avant dire droit,

- désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission :

- d'entendre les parties ou leurs représentants,

- de se faire remettre toutes pièces qu'il estimera utiles et ce, entre quelques mains qu'elles se trouvent afin d'établir une estimation du patrimoine de Mme [K] [V] née [D] après le décès de son époux et au jour de son propre décès,

- de déterminer la masse partageable de la succession et les droits respectifs des parties,

- d'une manière générale, apporter à la juridiction tout élément utile à la solution du litige,

- éventuellement s'adjoindre un sachant expert en graphologie pour ce qui concerne la signature de la clause modificative de l'assurance vie attribuée à la défunte.

- confirmer que Mr [G] [V] s'est rendu coupable du délit de recel successoral, en conséquence, et réformant sur le montant,

- condamner les intimés venant au droit de Mr [G] [V] à rapporter à la succession de Mme [K] [V] née [D] l'ensemble des sommes recelées, à savoir un montant total de 268.800 €,

- constater la nullité de la clause modificative de l'assurance vie,

- rapporter par conséquent les sommes versées au titre de l'assurance-vie, elles aussi détournées,

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes incidentes,

- condamner les mêmes in solidum à leur payer et porter la somme de 5.000 € chacun au titre de leur préjudice moral,

- condamner les mêmes in solidum à leur payer et porter la somme de 2.500 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner enfin aux dépens, en ceux compris les éventuels frais d'expertise et en tout état de cause les frais rendus nécessaires pour les besoins de la cause (pour mémoire 1.535€).

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 27 avril 2023, MM [A] et [E] [V] demandent à la cour de :

- dire que l'instance est reprise volontairement par eux en leur qualité d'héritier de Mr [G] [V] décédé le [Date décès 7] 2023 à [Localité 21],

- constater qu'ils déclarent reprendre pour leur compte les écritures déposées au nom de Mr [G] [V] dans cette procédure par laquelle il demande à la cour d'appel de Lyon de:

- confirmer le jugement rendu le 2 mars 2022 en ce qu'il a :

- ordonné la liquidation et le partage de la succession de [K] [D] veuve [V] décédée le [Date décès 9] 2019,

- désigné Me [B] [Z], notaire demeurant [Adresse 8] -[Localité 14], pour y procéder,

- commis pour surveiller les opérations le juge chargé de la surveillance des opérations de partage par l'ordonnance de roulement en vigueur au sein de ce tribunal,

- débouté Mr [H] [V] et Mr [R] [V] de leur demande d'expertise, du surplus de leur demande au titre du recel successoral, celle relative à la modification de la clause bénéficiaire et de leur demande de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement rendu le 2 mars 2022 en ce qu'il a :

- condamné Mr [G] [V] à rapporter à la succession la somme de 85.600 € et dit qu'il est exclu du partage sur cette somme,

- débouté Mr [G] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Mr [G] [V] à payer à Mr [H] [V] et Mr [R] [V] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mr [G] [V] aux entiers dépens,

et statuant de nouveau,

- constater que les éléments constitutifs du recel successoral ne sont pas caractérisés,

- constater que la modification de la clause bénéficiaire de l'assurance-vie souscrite par Mme [K] [D] est régulière,

en conséquence,

- débouter Mr [H] [V] et Mr [R] [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum Mr [H] [V] et Mr [R] [V] à verser à Mr [G] [V] (sic) 5.000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner in solidum Mr [H] [V] et Mr [R] [V] à verser à Mr [G] [V] (sic) 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Mr [H] [V] et Mr [R] [V] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2024.

Le conseil des appelants a demandé à l'audience des plaidoiries d'écarter la pièce N° 16 produite par les consorts [E] et [A] [V] le jour même de la clôture et celui des consorts [E] et [A] [V] s'en est rapportée à la décision de la cour sur ce point.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de constater au préalable l'intervention volontaire de MM [E] et [A] [V] en leur qualité d'héritier de Mr [G] [V].

Il y a lieu par ailleurs d'écarter des débats la pièce N° 16 produite par les consorts [E] et [A] [V] le 7 mars 2024 à 10h53, soit postérieurement à la clôture intervenue le même jour et en tout cas à une date où il était impossible pour les appelants d'en prendre connaissance et de pouvoir y répondre.

Le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a ordonné les opérations de liquidation-partage de la succession de Mme [K] [D] et en ses dispositions relatives aux modalités de ces opérations de liquidation et partage, sauf à constater que le notaire désigné a été remplacé par Maître [I], notaire à [Localité 25], ce point ne faisant pas non plus difficultés.

Devant la cour, les parties s'opposent sur la nécessité d'une demande d'expertise, la demande de rapport des consorts [H] et [R] [V] et de constatation d'un recel successoral et enfin la validité de la modification de la clause d'assurance vie.

1° sur la demande d'expertise judiciaire avant dire droit :

MM [H] et [R] [V] sollicitent avant dire droit une expertise judiciaire aux fins d'estimer le patrimoine de Mme [K] [V] née [D] et déterminer la masse partageable de la succession, estimant que l'intervention d'un expert aurait pour conséquence un accès facilité à l'intégralité des documents bancaires et MM [A] et [E] [V] concluent au rejet de cette demande, reprenant à leur compte les motifs du jugement et, pour le cas où la cour y ferait droit demandent que la consignation des frais d'expertise soit supportée par les appelants.

Sur ce :

La demande d'expertise serait, selon les appelants, justifiée notamment pour démontrer l'existence d'autres retraits que Mr [G] [V] aurait effectués sur le compte de Mme [D].

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont constaté que les demandeurs ne produisaient pas les bordereaux d'opérations correspondant à ces autres retraits et qu'une mesure d'instruction ne saurait pallier leur carence dans la charge de la preuve, la cour ajoutant que la production de courriers de leur conseil à la banque afin d'obtenir la copie de chèques ne pouvant suffire, faute de connaître la réponse de l'établissement bancaire, à établir une impossibilité d'obtenir les dites copies.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [H] et [R] [V] de leur demande d'expertise.

2° sur le rapport à la succession et le recel successoral :

MM [H] et [R] [V] demandent à la cour d'ordonner le rapport à la succession de sommes recelées par [G] [V] pour un total de 268.800 € .

Ils font valoir que :

- ils ont retracé de nombreux retraits en espèces et par virements ou par chèques qui ont été opérés sur le compte de Mme [D] depuis le décès de son époux par [G] [V], que les sommes ainsi retirées ne s'expliquent pas par le train de vie de la défunte qui réglait toutes ses factures par prélèvement et qu'elles excèdent les dépenses nécessaires à l'entretien d'une personne âgée, que Mme [D] avait une mauvaise vue et une mauvaise condition physique l'empêchant de se déplacer seule et qu'il est peu probable que Mr [G] [V] ait pu obtenir procuration de sa part, ou qu'elle se soit déplacée elle-même pour effectuer les retraits,

- ils ont pu en appel obtenir de nouveaux bordereaux et copie de chèques démontrant des détournements pour une somme de 48.400 € et le total des sommes ainsi prélevées s'élève à 193.800 €,

- par ailleurs, Mr [G] [V] doit rapporter également le montant du chèque de 75.000€ fait à l'ordre de Mr [Y] [V] et dont il a été le destinataire final,

- Mr [G] [V] a ainsi perçu un total minimal de 268.800 € sans en justifier, caractérisant un recel, dont ses héritiers doivent le rapport.

MM [A] et [E] [V] soutiennent que le tribunal a à bon droit retenu que les demandeurs n'établissent pas que le chèque de 75.000 € libellé à l'ordre de Mr [Y] [V] a été rétrocédé à Mr [G] [V].

Ils font valoir pour le surplus que les éléments constitutifs du recel successoral se sont pas établis et que le tribunal a renversé la charge de la preuve en considérant que Mr [G] [V] ne prouvait pas l'usage des sommes retirées.

Ils déclarent que :

- il n'existe pas d'élément matériel dès lors qu'il n'est pas démontré que les retraits ont été effectués par Mr [G] [V] ni qu'il aurait conservé ces sommes, que Mme [D] disposait pleinement de ses capacités cognitives et n'était placée sous aucun régime de protection, qu'en réalité les sommes retirées étaient déposées par elle dans un coffre bancaire ouvert par ses soins afin d'en disposer librement, que Mr [G] [V] habitait à 3 heures de route de sa mère et ne se rendait qu'une fois par trimestre auprès d'elle, qu'elle gérait son quotidien seule et avait l'habitude de régler en espèce ses dépenses quotidiennes, ce qui était déjà le cas avant le décès de son mari, et que de fait à son entrée en EHPAD les retraits ont cessé,

- Mme [D] avait donné procuration sur ses comptes à son fils [G] [V] mais aussi à son beau-frère [Y] [V] qui lui résidait tout près, ne pouvant plus se déplacer seule et n'ayant pas l'habitude de gérer l'administratif,

- les appelants ne démontrent pas qui est à l'origine des retraits se contentant d'affirmer qu'il s'agit de [G], les bordereaux de retrait portant le nom de ce dernier ne permettent pas non plus d'affirmer qu'il conservait ces sommes, et pour les retraits de sommes importantes Mme [D] était présente ainsi qu'en attestent les bons de retrait,

- le quantum sollicité au titre du recel successoral n'est pas justifié et les tableaux produits contiennent des contradictions et des sommes non justifiées,

- la preuve de l'élément intentionnel n'est pas plus rapportée, Mr [G] [V] n'ayant pas cherché à dissimuler les relevés bancaires de sa mère qui ont pu être obtenus sans difficulté par le notaire.

Sur ce :

Selon l'article 825 du code civil, la masse partageable qui comprend les biens existant à l'ouverture de la succession, est augmentée des valeurs soumises à rapport et selon l'article 843 du même code, tout héritier venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement et ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

L'article 778 du code civil dispose par ailleurs que sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Le recel existe dés que sont établis des faits matériels manifestant l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage et ce, quels que soient les moyens mis en oeuvre.

Il peut, ainsi que l'ont justement rappelé les premiers juges, s'exercer par l'abus d'une procuration sur un compte bancaire obtenue du défunt.

* sur le chèque de 75.000 € :

Par une exacte appréciation des éléments de la cause, une analyse détaillée des pièces et des motifs pertinents adoptés par la cour, les premiers juges ont considéré que Mme [K] [D] veuve [V] qui avait reçu le bénéfice de contrats d''assurances vie souscrits par son époux, avait émis un chèque de 75.000 € au profit de son beau frère, Mr [Y] [V], que ce chèque avait été manifestement rédigé par Mr [Y] [V], que les consorts [H] et [R] [V] ne produisaient aucun élément de nature à démontrer que cette somme avait été rétrocédée à Mr [G] [V] et que Mr [Y] [V] avait confirmé sur sommation interpellative qu'il avait perçu cette somme sur son compte bancaire, la cour ajoutant que lors de cette même sommation, Mr [Y] [V] a également confirmé n'avoir rien rétrocédé à Mr [G] [V].

Si la valeur probatoire de cette sommation peut être discutée puisqu'elle émane d'un homme âgé, résidant en Ehpad et qui s'est manifestement trompé sur d'autres questions posées en déclarant aussi ne pas avoir de procurations alors que les pièces de la banque attestent du contraire, force est de constater comme le relève le tribunal qu'il appartient aux consorts [H] et [R] [V] de rapporter la preuve que le bénéficiaire final de ce versement a été Mr [G] [V], ce qu'ils ne font manifestement pas par aucune autre pièce.

Il convient d'ailleurs de relever, ainsi que les appelants l'indiquent en page 19 de leurs conclusions que la question de ce chèque paraît réglée par le projet du notaire puisqu'il a été rapporté à la succession, en raison sans doute de ce que les intéressés sont eux même héritiers de Mr [Y] [V].

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [H] et [R] [V] de leur demande tendant au rapport du montant de ce chèque à la succession et à constater l'existence d'un recel sur ce même montant.

* sur les retraits en espèces :

Par une exacte appréciation des éléments de la cause, une analyse détaillée des pièces et des motifs pertinents adoptés par la cour, les premiers juges ont constaté que :

- il ressortait des relevés de compte détenus à la [23] et à la [26] produits par les appelants qu'il avait été procédé à divers retraits en espèces et qu'entre janvier 2013 à mars 2017 la somme totale de 175.800 € avait été retirée en espèces des comptes de la de cujus, soit une moyenne mensuelle de 3.400 €,

- ces retraits avaient cessé lorsque Mme [D] avait intégré une Ehpad en mars 2017,

- il ressortait des bordereaux d'opérations produits de la [23] et de la comparaison des signatures apposée sur les bordereaux et la pièce d'identité jointe de Mr [G] [V] que celui-ci avait lui même procédé à divers retraits entre février et août 2013 pour un total de 76.000 € et encore de 3.600 € en avril 2014 et mars 2017,

- de la même façon, les consorts [H] et [R] [V] établissaient encore par la copie des chèques et les relevés de compte que trois retraits d'espèces par chèques avaient été effectués par Mr [G] [V] sur le compte [26] de Mme [D] les 1er et 2 août 2013 et 30 décembre 2014 pour un total de 6.000 €,

- Mr [G] [V] n'apportait aucun élément probant pour démontrer que sa mère était présente à ses côtés lors de ces opérations, la preuve étant rapportée que le titulaire d'une procuration pouvait procéder à des retraits en espèces sans limitation ni présence obligatoire du titulaire et que le nom du titulaire du compte ne faisait pas la preuve de sa présence,

- Mr [G] [V] ne donnait aucune précision sur l'usage des sommes ainsi prélevées sur les comptes de sa mère pour un montant total de 85.600 €, ni a fortiori n'avait apporté aucune justification,

- il ne s'expliquait pas notamment sur l'ampleur des sommes prélevées par lui de janvier à mars 2013 alors que sa mère disposait déjà de 50.000 € en espèces depuis un retrait opéré en janvier 2013 à la [26] et ne s'expliquait pas davantage sur le train de vie de sa mère qui aurait pu expliquer de tels retraits et ce alors même que du vivant de son époux, ils vivaient tous deux et avec les même charges d'entretien de la maison, par ailleurs prélevées directement sur le compte, avec une somme de 1.800 € par mois.

La cour ne retient pas la tentative d'explication fantaisiste des intimés selon laquelle Mme [K] [D] veuve [V] aurait pu déposer les dites sommes dans son coffre et que l'on ne voit pas en effet quel aurait été son intérêt de procéder de la sorte, alors qu'elle avait déjà établi des procurations à son fils et à son beau frère, sans doute pour des raisons de commodité liées à son âge.

C'est sans renverser la charge de la preuve que les premiers juges, après avoir constaté que les retraits avaient été opérés par Mr [G] [V] personnellement, ont considéré qu'il appartenait à celui-ci d'apporter des précisions sur l'utilisation des sommes ainsi prélevées d'un montant tout à fait hors de proportion avec le train de vie de la titulaire du compte .

Les premiers juges ont justement déduit de ce que les prélèvements avaient débuté le mois suivant le versement le 24 janvier 2013 par Mme [K] [D] veuve [V] des sommes venant de la succession de son mari et de ce qu'ils avaient été effectués par Mr [G] [V], sans rapport avec les besoins de sa mère, et ce, en les dissimulant à son frère qui s'était légitimement interrogé sur l'ampleur des sommes prélevées en quelques mois, la preuve d'une intention frauduleuse de porter atteinte à l'égalité du partage dans cette dissimulation de sommes rapportables à la succession ce qui était constitutif d'un recel successoral.

En cause d'appel, les consorts [H] et [R] [V] se prévalent de nouvelles pièces à la suite de recherches auprès de la [23] et de la [26] à savoir:

- la copie de 5 chèques de 2.000 € chacun, de retrait du compte [26], datés des 27 septembre 2013, 22 mars et 23 mars 2014, 31 mars 2015 et 10 septembre 2015, tous signés par Mr [G] [V], et de la justification du débit de ces sommes sur le compte de Mme [K] [D] veuve [V] pour un total de 10.000 €,

- la justification par les bordereaux d'opérations de 17 retraits d'espèces de 1.800 € chacun du compte [23] de Mme [K] [V] effectués par Mr [G] [V] personnellement entre le 27 septembre 2013 et le 31 décembre 2016, soit un total de 30.600 €,

- la justification par les bordereaux d'opérations de 3 retraits d'espèces de 2.000 € chacun du compte [23] de Mme [K] [V] effectués par Mr [G] [V] personnellement les 12 avril, 11 et 14 mai 2013, soit un total de 6.000 €.

Elles démontrent ainsi que Mr [G] [V] a personnellement retiré des comptes de sa mère, sur une période d'un peu plus de trois ans, un total de 46.600 €.

Pour les mêmes raisons ci-dessus exposées, et alors que Mr [V] ne s'est pas davantage expliqué sur l'utilisation des sommes ainsi retirées par lui et que le montant de retraits n'est pas compatible avec le train de vie de Mme [K] [V], la cour intègre ces sommes dans le total de celles à rapporter à la succession.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné Mr [G] [V] à rapporter des sommes à la succession et l'a exclu du partage de ces sommes mais infirmé sur le montant des sommes ainsi rapportées et objet de la condamnation au recel.

Il convient de condamner les consorts [E] et [A] [V] en leur qualité d'héritiers de Mr [G] [V] à rapporter à la succession de Mme [K] [D] veuve [V] la somme de 85.600 € + 46.600 € soit 132.200 € et de dire qu'ils ne pourront prétendre à aucune part sur la totalité de la somme ainsi rapportée.

3° sur la validité de la clause modificative d'assurance-vie :

MM [H] et [R] [V] demandent à la cour de constater la nullité de la clause modificative de l'assurance vie et d'ordonner le rapport des sommes versées au titre de cette assurance-vie.

Ils soutiennent que :

- le courrier écrit au masculin et tapé à l'ordinateur demandant la modification de la clause bénéficiaire de l'assurance-vie ne peut avoir été écrit par Mme [D] qui avait une mauvaise vue et ne s'occupait pas de l'administratif habituellement,

- un expert graphologue a analysé la signature apposée sur ce document et a conclu qu'il ne s'agissait pas de celle de Mme [D] et il est possible en cas de doute de demander à un sachant d'expertiser ce document.

MM [A] et [E] [V] font valoir en réplique que :

- en vertu de l'article L.132-9 du code des assurances, Mme [D] était libre de choisir le bénéficiaire de son assurance vie et pouvait en modifier la clause dès lors que le bénéficiaire initial n'avait pas accepté la clause, ce qu'elle a fait en adressant un courrier à l'organisme d'assurance-vie le 31 juillet 2013 pour désigner [G] [V] bénéficiaire, soit 6 ans avant son décès, elle était parfaitement alerte et c'est bien sa signature qui figure au bas du courrier,

- si Mme [D] avait des problèmes de vues elle n'était pas aveugle et a pu lire le courrier de confirmation de modification de la clause bénéficiaire,

- l'expertise graphologique dont les appelants se prévalent est non contradictoire et la graphologue émet elle-même des réserves quant à sa conclusion faute d'avoir pu analyser la signature originale.

Sur ce :

Il ressort des pièces produites que par courrier dactylographié en date du 31 juillet 2013, Mme [K] [D] veuve [V] a modifié le contrat d'assurance vie Multavie ([20]) dont elle était titulaire et a désigné son fils Mr [G] [V] comme bénéficiaire exclusif de son contrat d'assurance vie et à défaut ses trois petits-fils [E], [A] et [R] [V].

Les appelants soutiennent que la signature figurant au bas de ce document n'est pas celle de Mme [K] [D] veuve [V].

Les premiers juges ont retenu que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve de ce que la modification constituait un faux.

Les consorts [H] et [R] [V] versent en cause d'appel un rapport d'avis technique établi par un expert graphologue qui conclut qu'en l'état des documents en sa possession, et sous réserve de voir l'original de la pièce de question, ce n'est pas Mme [K] [V] qui a signé la demande de clause bénéficiaire enregistrée auprès de Multavie en date du 31 juillet 2013 mais une autre personne.

Selon l'article 287 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.

En l'espèce, au vu de l'avis expertal ci-dessus évoqué et alors que la fausseté de la signature alléguée n'apparaît de prime abord évidente, la cour estime nécessaire d'ordonner une vérification d'écriture dans le cadre d'une mesure d'expertise graphologique qui aura lieu aux frais avancés des consorts [H] et [R] [V].

4° sur les demandes de dommages et intérêts :

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont retenu que les demandeurs ne caractérisaient pas de faute dans le comportement de Mr [G] [V] au delà du recel successoral qui comporte sa propre sanction par l'éviction de l'héritier des sommes recelées et que ses demandes relevaient de la défense en justice et ils ont en conséquence justement débouté les consorts [H] et [R] [V] de leurs demande en dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral.

Par ailleurs, ils ont également à bon droit rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mr [G] [V] au titre d'un abus de procédure dés lors qu'il a été fait partiellement droit aux prétentions des demandeurs.

5° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la charge des dépens d'appel sont réservés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Constate l'intervention volontaire de MM [E] et [A] [V] en leur qualité d'héritier de Mr [G] [V].

Ecarte des débats la pièce N° 16 produite par les consorts [E] et [A] [V] le 7 mars 2024.

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- fixé le montant des sommes à rapporter et exclues du partage au titre d'un recel à la somme de 85.600 €,

- statué d'ores et déjà sur la validité de la modification de la clause bénéficiaire,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne les consorts [E] et [A] [V] en leur qualité d'héritiers de Mr [G] [V] à rapporter à la succession de Mme [K] [D] veuve [V] la somme de 132.200 €.

Dit que les consorts [E] et [A] [V] ne pourront prétendre à aucune part sur la totalité de la somme ainsi rapportée.

Avant dire droit, sur la validité de la modification de la clause d'assurance vie,

Ordonne une vérification d'écriture dans le cadre d'une mesure d'expertise graphologique ;

Désigne pour y procéder :

Mr [O] [U]

[Adresse 16] [Localité 13]

Port. : [XXXXXXXX02]

Mèl : [Courriel 24]

avec pour mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles, et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de :

- se faire communiquer l'original de la pièce de question, à savoir la demande de clause de bénéficiaire du contrat d'assurance vie du 31 juillet 2013 dont la signature est attribuée à Mme [K] [D] veuve [V] ;

- donner son avis sur l'authenticité de la signature figurant au bas du document et dire si elle peut être attribuée ou non à Mme [K] [D] veuve [V] ;

Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu à son remplacement.

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de leur choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert ;

Dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels ils devront répondre dans leur rapport définitif ;

Dit qu'après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées dans le délai imparti ci-dessus, l'expert devra déposer son rapport au greffe de la 1ère chambre civile B de la cour d'appel de Lyon avant le 30 avril 2025, sauf prorogation de délai expressément accordée par le magistrat chargé du contrôle.

Fixe à 2.000 € la provision mise à la charge de Mr [H] [V] et de Mr [R] [V] que ceux-ci devront consigner à la régie d'avance et recettes de la cour avant le 15 octobre 2024.

Dit qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque par application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile à moins que le juge chargé du suivi à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité.

Dit qu'en cas de caducité, l'instance se poursuivra sauf à ce qu'il soit tiré toute conséquence de droit du refus de consigner.

Dit que lors de la première réunion ou en tout cas au début de ses opérations, l'expert fera connaître au juge chargé du suivi et aux parties le montant prévisible du coût de leurs opérations et sollicitera le cas échéant une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile.

Dit que l'expert informera le juge de l'avancement des ses opérations et de ses diligences.

Désigne le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre civile B comme magistrat chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations d'expertises.

Rappelle que l'article 173 du code de procédure civile fait obligation à l'expert d'adresser une copie de son rapport à chacune des parties ou, pour elles, à leur avocat;

Réserve l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la charge des dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/02362
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.02362 ?
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