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03/09/2024 | FRANCE | N°22/02849

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/02849


N° RG 22/02849 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OH3X









Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

Au fond du 08 mars 2022

( chambre 9 cab 09 G)



RG : 19/01637





[G]



C/



[F]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 03 Septembre 2024







APPELANTE :



Mme [M] [G]

née le [Date naissanc

e 1] 1978 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentée par Me Nathalie BOLLAND-SOLLE, avocat au barreau de LYON, toque : 101









INTIMEE :



Mme [A] [B] [L] [F]

née le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Adresse 4] ETATS U...

N° RG 22/02849 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OH3X

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

Au fond du 08 mars 2022

( chambre 9 cab 09 G)

RG : 19/01637

[G]

C/

[F]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANTE :

Mme [M] [G]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Nathalie BOLLAND-SOLLE, avocat au barreau de LYON, toque : 101

INTIMEE :

Mme [A] [B] [L] [F]

née le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Adresse 4] ETATS UNIS

Représentée par Me Marie-pierre LARONZE, avocat au barreau de LYON, toque : 1680

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Juin 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Avril 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

[W] [H] est décédée le [Date décès 3] 2016 à [Localité 8], laissant pour lui succéder ses deux filles : Mme [A] [F], issue de son union avec [R] [F] et Mme [M] [G], issue de son union avec [X] [G].

Aucun règlement amiable de cette succession n'ayant pu intervenir suite au conflit opposant les héritières, Mme [F] a par acte d'huissier de justice du 6 février 2019, fait assigner Mme [G] devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Lyon, en partage judiciaire de la succession de [W] [H].

Par jugement du 8 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- rejeté la demande de Mme [F] tendant à voir écarter les pièces 1 et 8 produites par Mme [G],

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [W] [H], décédée le [Date décès 3] 2016, en application de l'article 1361 du code de procédure civile,

- dit que Mme [G] doit rapporter la somme de 35.604 € à la succession,

- dit que la somme de 3.018,66 € relative aux frais funéraires est inscrite au passif de la succession,

- dit que Mme [G] s'est rendue coupable de recel successoral sur la somme de 35.604 €,

- renvoyé les parties devant Me [C], notaire à [Localité 8], désigné en qualité de notaire liquidateur, pour l'établissement de l'acte définitif de partage de la succession de [W] [H] en application du présent jugement,

- débouté Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 18 avril 2022, Mme [G] a interjeté appel.

Par ordonnance du 4 mai 2023, le conseiller de la mise en état a constaté que les premières conclusions, notifiées le 14 octobre 2022 pour le compte de Mme [F], ne déterminent pas l'objet du litige et ne saisissent pas la cour et a déclaré irrecevables les conclusions de Mme [F], notifiées le 12 janvier 2023, et les pièces communiquées et déposées au soutien des dites conclusions.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 16 janvier 2023, Mme [G] demande à la cour de :

- la déclarer recevable en son appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [W] [H],

- renvoyé les parties devant Me [C], notaire à [Localité 8] (Rhône), désignée en qualité de notaire liquidateur pour l'établissement de l'acte définitif de partage de la succession de [W] [H], en application du présent jugement,

- ordonné que la somme de 3.018.66 €, relative aux frais funéraires, soit inscrite au passif de la succession,

- débouté Mme [F] de sa demande de dommages-intérêts,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [G] à rapporter à la succession :

- la somme de 35.604 € correspondant à 14.000 € de virements bancaires à son bénéfice, 8.354 € de chèques à son bénéfice et 13.250 € de retraits bancaires constatés sur le compte de [W] [H],

- et en ce qu'il a fait application de la sanction du recel successoral à l'encontre de Mme [G] et dit qu'elle ne pourra prétendre à aucune part sur la somme des 35.604 € qu'elle devra rapporter,

statuant à nouveau,

- à titre principal, faire droit aux demandes initiales de Mme [G] et ordonner le rapport à la succession de la somme de 17.910 € correspondant à des virements perçus entre 2011 et 2012 pour une somme globale de 14.000 € et des chèques supérieurs à 500 € encaissés pour une somme de 3.910 €,

- à titre subsidiaire, ordonner le rapport à la succession de la somme de 20.254 € correspondant à des virements perçus entre 2011 et 2012 pour une somme globale de 14.000 € et des chèques dont la valeur est supérieure à 300 €, émis au profit de Mme [G] pour une somme globale de 6.254 €,

- rejeter la demande de rapport à la succession des retraits effectués sur le compte de [W] [H],

- ordonner qu'aucun intérêt ne sera appliqué à ces montants,

- la cour considèrera que le recel n'est pas constitué à défaut d'élément intentionnel démontré,

- il ne sera prononcé aucune sanction de recel successoral à l'encontre de Mme [G].

- toutes autres demandes contraires, présentées par Mme [F], seront rejetées par la cour.

- Mme [G] sollicite qu'une indemnité lui soit allouée par l'indivision, sur le fondement de l'article 1303 du code civil, relatif à l'enrichissement injustifié, pour un montant de 20.000 €.

- Mme [F] sera condamnée à payer à Mme [G] une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Mme [F] sera condamnée aux entiers dépens du procès qui comprendront les frais de traduction et signification aux Etats-Unis.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 juin 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le rapport à la succession

Mme [G] sollicite que sa condamnation à rapporter la somme de 35.604 € à la succession soit ramenée à la somme de 17.910 €, correspondant aux virements perçus entre 2011 et 2012 pour la somme globale de 14.000 € et à la somme de 3.910 €, correspondant aux chèques supérieurs à 500 € ou, à titre subsidiaire, à la somme de 6.254 €, correspondant aux chèques dont la valeur est supérieure à 300 €.

Elle fait notamment valoir que :

- les chèques d'un montant inférieur ou égal à 300 € qui lui ont été remis par [W] [H] ne sont pas rapportables car ils correspondaient à des dons d'usage et à des frais d'entretien dû au nom du devoir familial, en raison de ses difficultés financières, qui n'ont pas appauvri sa mère, qui pouvait toujours assumer ses charges,

- le jugement comprend une contradiction, expliquant que seuls les chèques n'excédant pas la somme de 300 € peuvent être considérés comme des dons d'usage, tout en comptabilisant ces chèques de 300 € dans la somme rapportable, soit la somme de 8.354 € au lieu de 6.254 €,

- les retraits bancaires d'un montant total de 13.250 € entre mars 2015 et le décès le [Date décès 3] 2016, ne sont pas tous de son fait et il incombe à Mme [F] de prouver que ces sommes lui ont profité, d'autant qu'à cette période [W] [H] était en capacité de gérer ses finances comme en attestent plusieurs témoignages.

Réponse de la cour

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que Mme [G] était tenue de rapporter à la succession de [W] [H] la somme totale de 35 604 euros, sauf à préciser que compte tenu des ressources de cette dernière, dont il n'est pas contesté qu'elles s'élevaient à seulement 640 euros par mois, seuls les chèques d'un montant inférieur à 300 euros peuvent être considérés comme des dons d'usage.

Il est ajouté que si en application de l'article 852 du code civil, ne sont pas rapportables à la succession des sommes constituant des frais d'entretien, c'est à la condition qu'en considération des revenus du disposant, elles n'entraînent pas pour lui un appauvrissement significatif.

Or, ainsi qu'il a été retenu pour les dons d'usage, au regard des très faibles revenus de [W] [H], seuls les chèques d'un montant inférieur à 300 euros peuvent être considérés comme permettant le règlement de frais d'entretien non rapportables à la succession, quand bien même Mme [G] justifie rencontrer également des difficultés financières.

De même, Mme [G] bénéficiant d'une procuration sur le compte de [W] [H] et ayant reconnu dans ses conclusions s'en être servie à compter de mars-avril 2015, quand sa mère a été hospitalisée, « pour payer son loyer, ses factures, gérer ses papiers et faire des achats pour elle », il y a lieu d'en déduire qu'à compter de cette période [W] [H] n'avait matériellement plus la possibilité de procéder à des retraits de sommes d'argent, la circonstance qu'elle soit en capacité intellectuelle de gérer ses comptes étant inopérante pour démontrer le contraire.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu que Mme [G] était à l'origine des retraits à compter du mois de mars 2015 et jusqu'à son décès le [Date décès 3] 2016 et devait justifier de la gestion des comptes et de la destination des sommes retirées, en application des articles 843 et 1993 du code civil, ce qu'elle n'a pas fait.

Le jugement ayant dit que Mme [G] devait rapporter à la succession de [W] [H] la somme totale de 35 604 euros est donc confirmé.

2. Sur le recel successoral

Mme [G] sollicite que le recel successoral ne soit pas retenu. Elle fait notamment valoir que :

- elle se voit reprocher sa gestion depuis 2007, or à cette époque, elle était âgée de 30 ans et aidait sa mère affaiblie, de sorte qu'il apparaît incongru qu'elle ait souhaité rompre l'égalité du partage,

- la succession de [W] [H] n'a pas été ouverte, et avant même cela Mme [G] a rapporté la somme de 17.910 € à la succession or le recel ne saurait exister s'il ne persiste pas après l'ouverture de la succession,

- l'élément intentionnel n'est pas démontré dès lors que Mme [G] n'a jamais dissimulé les sommes qu'elle a reçues de sa mère, qui a réalisé elle-même les virements dont le destinataire, Mme [G], est identifiable,

- [W] [H] a rempli et signé tous les chèques versés au débat de sa main, elle disposait de toutes ses capacités pour gérer et disposer de ses comptes et de ses biens,

- elle justifie de son état de besoin justifiant le versement de ces sommes, ainsi que sa proximité avec sa mère, s'occupant d'elle au quotidien, lui rendant visite régulièrement, assistant aux examens médicaux, etc.

Réponse de la cour

C'est également par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que le recel successoral commis par Mme [G] était caractérisé.

La cour ajoute que la circonstance que [W] [H] ait signé elle-même les chèques remis à Mme [G], qu'elle l'ait désignée en qualité de personne digne de confiance ou que la mère et la fille soient très proches et entretiennent des liens d'affection réels, ainsi qu'elle le fait valoir, est sans incidence sur sa volonté de rompre l'égalité du partage, qui intéresse non pas ses rapports avec sa mère mais les relations avec sa cohéritière.

Or, il a été démontré ci-avant qu'une somme de 35 604 euros, qui est conséquente au regard de l'actif modeste de la succession, doit être rapportée à la succession, sans que Mme [G] n'ait révélé à sa soeur les donations dont elle a été bénéficiaire, alors même qu'elle a été interrogée sur l'ensemble des mouvements bancaires litigieux qui n'ont pu être établis que par les investigations de Mme [F].

Cette dissimulation intentionnelle a été faite dans l'intention de rompre l'égalité du partage, de sorte que le jugement ayant retenu le recel est confirmé.

3. Sur l'enrichissement injustifié

Mme [G] sollicite qu'une indemnité de 20 000 euros lui soit allouée par l'indivision, sur le fondement de l'article 1303 du code civil, relatif à l'enrichissement injustifié. Elle fait notamment valoir que :

- le devoir moral d'un enfant envers ses parents n'exclut pas que l'enfant puisse obtenir une indemnisation pour l'assistance apportée dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies ont causé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif des parents,

- elle s'est toujours occupée de sa mère, elle la conduisait pour tous les actes de la vie quotidienne, elle a effectué les démarches nécessaires lorsqu'elle a pris sa retraite, elle s'est occupée des rendez-vous lorsqu'un cancer lui a été diagnostiqué, du logement, etc, après le décès elle a réglé tous les frais relatifs à l'enterrement et a géré la vente des meubles,

- elle a fait établir un devis pour le portage de repas à domicile et un devis d'aide à domicile, démontrant que si elle ne s'était pas occupé personnellement de sa mère le coût de prise en charge aurait été de près de 4 000 € par mois soit un total de 48.000 € sur une année, qu'elle aurait dû assumer avec Mme [F].

Réponse de la cour

Selon l'article 1303 du code civil, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

Mme [G] a expressément fondé sa demande d'indemnité sur ce texte.

L'action fondée sur l'enrichissement injustifié, qui a pour objet de compenser un transfert de valeurs injustifié entre deux patrimoines, au moyen d'une indemnité que doit verser l'enrichi à l'appauvri, nécessite de démontrer l'appauvrissement de celui qui la revendique.

Or, Mme [G] ne démontre ni même n'allègue qu'elle s'est appauvrie de façon injustifiée.

En conséquence, il convient de la débouter de cette demande d'indemnité.

4. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [G], qui succombe, est déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel sont à la charge de Mme [G] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [M] [G] de sa demande d'indemnité fondée sur l'enrichissement injustifié,

Déboute Mme [M] [G] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne Mme [M] [G] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/02849
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.02849 ?
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