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04/09/2024 | FRANCE | N°21/02929

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 septembre 2024, 21/02929


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 21/02929 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRGO



Société BSF

S.E.L.A.R.L. BCM

C/

[H]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Avril 2021

RG : 19/02689





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024







APPELANTES :



Société BSF anciennement dénommée ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12]

[Adresse 3]



[Localité 5]



représentée par Me Jean-marc HOURSE de la SELARL CABINET JEAN MARC HOURSE, avocat au barreau de LYON





Société BCM représentée par Me [G] ou Me [K], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la s...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/02929 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRGO

Société BSF

S.E.L.A.R.L. BCM

C/

[H]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Avril 2021

RG : 19/02689

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024

APPELANTES :

Société BSF anciennement dénommée ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-marc HOURSE de la SELARL CABINET JEAN MARC HOURSE, avocat au barreau de LYON

Société BCM représentée par Me [G] ou Me [K], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société BSF

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-marc HOURSE de la SELARL CABINET JEAN MARC HOURSE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[E] [H] épouse [R]

née le 09 Juin 1983 à [Localité 10] (CHINE)

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Florent JOUBERT de la SELARL JOUBERT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

Association UNEDIC AGS CGEA D'[Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON substituée par Me Carla SORO, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Avril 2024

Présidée par Anne BRUNNER, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [E] [H] épouse [R] a été embauchée par contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 2 janvier 2017, en qualité de responsable du département Institut Franco-Chinois des Affaires, statut cadre, au sein de l'Ecole de Commerce de [Localité 12], rémunérée « sur la base mensuelle du SMIC, laquelle sera augmentée de 20% après la période d'essai, puis passée à 2 500 euros bruts à compter du 1er octobre 2017 si objectifs commerciaux atteints ».

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment de la rupture des relations contractuelles.

Le 4 août 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 21 août 2017.

Le 17 août 2017, la société EC[Localité 12] a adressé une nouvelle convocation à un entretien prévue pour le 24 août 2017.

Le 10 septembre 2017, Mme [R] a été licenciée pour faute grave.

Par Ordonnance en date du 13 décembre 2017, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon a condamné l'EC[Localité 12] à verser à Mme [E] [H] épouse [R] les sommes suivantes :

- rappel de salaire pour le mois de juin 2017 (nets) : 1 381,84 euros

- rappel de salaire pour le mois de juillet 2017 (nets) : 1 381,84 euros

- rappel de salaire pour le mois d'août 2017 (nets) : 587,77 euros

- indemnité compensatrice de congés payés : 614,89 euros

- indemnité de l'article 700 du code de procédure civile : 300 euros

Le 8 janvier 2018, Mme [E] [H] épouse [R], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon, aux fins de voir dire qu'elle devait bénéficier de la classification C1 échelon A et voir la société EC[Localité 12] condamnée à lui verser :

un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et l'indemnité de congés payés afférente, eu titre de la classification

une indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés afférente,

le remboursement de frais au titre du mois de mai ;

des dommages et intérêts pour manquement de la société EC[Localité 12] à ses obligations et résistance abusive ;

des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, au paiement des intérêts au taux légal.

La société EC[Localité 12] a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception.

Par jugement en date du 5 juin 2019, la société Ecole De Commerce de [Localité 12] devenue BSF a été placée en redressement judiciaire par décision du Tribunal de Commerce de Lyon.

La SELARL BCM a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire tandis que Maître [D] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire de la société BSF.

Par jugement en date du 7 juillet 2020, le Tribunal de commerce de LYON a adopté un plan de redressement, nommant la SELARL BCM, représentée par Maître [U] [G] ou Maître [P] [K], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 8 avril 2021, le Conseil de Prud'hommes de Lyon a :

mis hors de cause l'AGS-CGEA d'[Localité 9], la société BSF ayant fait l'objet d'un plan de continuation ;

dit que Mme [E] [H] épouse [R] doit être repositionnée au niveau C 1, échelon A, de la convention collective nationale de l'enseignement indépendant applicable ;

dit que le salaire de référence de Mme [E] [H] épouse [R] est de 2 331 euros ;

dit que le licenciement Mme [E] [H] épouse [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la société BSF à verser à Mme [E] [H] épouse [R] les sommes suivantes :

* 5 018,03 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à août 2017, compte tenu de son repositionnement conventionnel ;

* 501,83 euros au titre des congés payés afférents ;

* 4 662 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de préavis) ;

* 466,20 euros au titre des congés payés afférents ;

* 743,00 euros à titre de remboursement de frais professionnels ;

* 2 331 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 331 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 1 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,

ordonné la rectification des bulletins de salaires et de l'attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision, sans astreinte,

rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R1454-28 du code du Travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R1454-14 du code du Travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois est fixée à la somme de 1 766,36 euros.

débouté Mme [E] [H] épouse [R] du surplus de ses demandes,

débouté la société BSF de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société BSF aux entiers dépens de l'instance.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 22 avril 2021, la SELARL BCM et la SAS BSF ont interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui leur a été notifié, respectivement, les 8 et 9 avril 2021, aux fins d'infirmation en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS-CGEA d'[Localité 9], la société BSF ayant fait l'objet d'un plan de continuation, dit que Madame [E] [R] doit être repositionnée au niveau C1, échelon A, de la convention collective nationale de l'enseignement indépendant applicable, que le salaire de référence est de 2 331,00 euros, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, En conséquence, l'a condamnée à verser à Madame [E] [R] les sommes de 5 018,03 euros au titre des rappels de salaire pour la période de janvier à août 2017, compte tenu de son repositionnement conventionnel, de 501,83 euros au titre des congés payés afférents, de 4 662,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de préavis), de 466,20 euros au titre des congés payés afférents, de 2 331,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 743,00 euros à titre de remboursement de frais professionnels, de 2 331,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et de 1 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, rappelé que les intérêts courent de plein droit aux taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées, ordonné la rectification des bulletins de salaire et de l'attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision, sans astreinte.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 23 décembre 2021, société BSF anciennement dénommée ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] et la SELARL BCM, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société BSF, demandent à la cour de :

dire et juger l'appel de la société BSF recevable et bien fondée,

réformer le jugement en ce qu'il a dit que Mme [E] [H] épouse [R] doit être repositionnée au niveau C1, échelon A, de la convention collective nationale de l'enseignement indépendant applicable au cas d'espèce, que le salaire de référence de Mme [E] [H] épouse [R] est de 2 331 euros, que le licenciement de Mme [E] [H] épouse [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société BSF à verser les sommes de 5 018,03 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à août 2017, compte tenu de son repositionnement conventionnel, de 501,83 euros au titre des congés payés afférents, de 4 662 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de préavis), de 466,20 euros au titre des congés payés afférents, 743 euros à titre de remboursement de frais professionnels, 2 331 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de1 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées, a ordonné la rectification des bulletins de salaires et de l'attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision, sans astreinte ;

Et, statuant à nouveau :

dire que Mme [E] [H] épouse [R] ne justifie pas de la revalorisation de la classification professionnelle qu'elle revendique,

dire que le licenciement pour faute grave de Mme [E] [H] épouse [R] est fondé,

débouter Mme [E] [H] épouse [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En toute hypothèse,

condamner Mme [E] [H] épouse [R] à verser à l'EC[Localité 12] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [E] [H] épouse [R] aux entiers dépens d'appel ;

déclarer la décision à intervenir commune et opposable à l'AGS CGEA qui devra sa garantie.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 22 décembre 2021, l'AGS CGEA d'[Localité 9], intervenante forcée demande à la cour de :

confirmer sa mise hors de cause compte tenu du plan de redressement par voie de continuation,

à titre subsidiaire et en toute hypothèse,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a été fait droit aux demandes de Madame [R],

- statuant à nouveau, débouter Mme [E] [H] épouse [R] de ses demandes,

- plus subsidiairement, minimiser dans de sensibles proportions les sommes octroyées,

En tout état de cause,

- dire et juger que la garantie de l'AGS-CGEA d'[Localité 9] n'intervient qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles ;

- dire et juger que l'AGS-CGEA d'[Localité 9] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du Code du Travail ;

- dire et juger que l'obligation de l'AGS CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des éventuelles créances garanties, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-20 du Code du Travail ;

- dire et juger que l'AGS CGEA d'[Localité 9] ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- dire et juger l'AGS-CGEA d'[Localité 9] hors dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 24 septembre 2021, Mme [E] [H] épouse [R] demande à la cour de :

Sur le positionnement conventionnel :

confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle aurait dû être positionnée, dès son embauche, au niveau C1, échelon A, de la convention collective nationale de l'enseignement indépendant ;

infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BSF à lui verser la somme de 5 018,03 euros à titre de rappel de salaire de janvier à août 2017, outre 501,80 euros au titre des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

fixer au passif du redressement judiciaire de la société BSF sa créance au montant de 5 018,03 euros à titre de rappel de salaire de janvier à août 2017, outre 501,80 euros au titre des congés payés afférents ;

juger que l'AGS/CGEA doit garantir cette créance.

Sur le licenciement

confirmer le jugement en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement ;

infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BSF à verser à les sommes suivantes de 4 662 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 466,20 euros au titre des congés payés afférents et de 2 331 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

fixer au passif du redressement judiciaire de la société BSF sa créance telle que ci-après chiffrée :

- 4 662 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 466,20 euros de congés payés afférents, à titre principal, si la Cour confirmait le chef jugement ayant ordonné le repositionnement conventionnel tel que précédemment formulé ;

- 3 552,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 355,27 euros de congés payés afférents, à titre subsidiaire, si la Cour réformait le jugement ayant ordonné son repositionnement conventionnel tel que précédemment formulé ;

- 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tout état de cause ;

juger que l'AGS/CGEA doit garantir cette créance.

Sur le remboursement de frais professionnels

infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BSF à verser la somme de 743 euros à titre de frais professionnels correspondant aux frais de voyage en Chine exposés au mois de mai 2017 ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

fixer au passif du redressement judiciaire de la société BSF la créance d'un montant de 743 euros à titre de frais professionnels correspondant aux frais de voyage en Chine exposés au mois de mai 2017 ;

juger que l'AGS/CGEA doit garantir cette créance.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société BSF a exécuté déloyalement le contrat de travail ;

infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BSF à verser à la somme de 2 331 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

fixer au passif du redressement judiciaire de la société BSF sa créance au montant de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

juger que l'AGS/CGEA doit garantir cette créance.

confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la rectification des bulletins de salaire et de l'attestation POLE EMPLOI dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal ;

fixer au passif du redressement judiciaire de la société BSF la créance d'un montant de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Sourbé

La clôture des débats a été ordonnée le 14 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel de salaire :

La société BSF, anciennement dénommée EC[Localité 12] et la SELARL BCM, commissaire à l'exécution du plan de la société BCM rappellent qu'il appartient à Mme [E] [H] épouse [R] de démontrer qu'elle exerçait des fonctions de cadre et soulignent que cette dernière ne produit aucun élément.

Elles ajoutent que le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve.

L'AGS CGEA fait valoir que la salariée ne démontre pas pouvoir prétendre à la classification demandée.

La salariée objecte que :

l'article 1er du contrat de travail stipule qu'elle est engagée en qualité de responsable de département Institut Franco-Chinois des Affaires- statut cadre ;

la classification n'est pas précisée au contrat de travail et il est prévu un salaire inférieur au minimum conventionnel ;

les bulletins de salaire mentionnent des cotisations de retraite et prévoyance cadre ;

la convention collective de l'enseignement privé indépendant prévoit 3 niveaux de classification, le niveau C1, échelon A étant le seuil d'accueil et correspondant aux missions qui lui étaient confiées, à son autonomie et à sa formation ; 

en sus de ses fonctions de responsable de département, elle devait assurer 15 heures hebdomadaire de cours de chinois ;

il lui est dû, à titre de rappel de salaire , une somme de 5 018,03 euros outre congés payés afférents ;

cette créance étant antérieure à l'ouverture de la procédure collective, elle doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire et garantie par L'AGS-CGEA

***

Selon l'article 3.3 de la convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant, le contrat de travail doit indiquer l'emploi, la filière de métiers, la catégorie professionnelle, le niveau et l'échelon.

Selon l'article 6.2.4 « définition des catégories professionnelles » de la convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant :

 le cadre est un salarié qui, par ses compétences appuyées par une formation supérieure ou une expérience équivalente, exerce par délégation de l'employeur des responsabilités élevées en bénéficiant d'une grande, voire d'une totale autonomie selon sa fonction. Il existe 2 à 3 niveaux de cadres selon les filières de métier. Le personnel de direction relève du 3e niveau.

le positionnement professionnel du salarié est établi par l'employeur lors de l'embauche puis dans le cadre des entretiens annuels ou biannuels tels que prévus par la loi du 4 mai 2004 en tenant compte de son niveau d'intervention, de sa formation et de son expérience.

Mme [R] a été embauchée en qualité de responsable du département Institut Franco Chinois des Affaires, statut cadre. Le niveau et l'échelon n'ont pas été indiqués.

Selon l'avenant n°31 à la convention collective, du 12 janvier 2016, relatif à la négociation annuelle obligatoire, le salaire de l'échelon A de la classification C1, qui est la première classification de cadre, est de 2 331 euros.

Le contrat de travail n'a pas prévu cette rémunération mais le SMIC, majoré de 20% après la période d'essai. Ce n'est qu'à compter du 1er octobre 2017 qu'il était prévu une rémunération de 2 500 euros, qui aurait été supérieure au minimum conventionnel.

Dès lors, les premiers juges ont pertinemment considéré que la salariée devait bénéficier du salaire conventionnel minimum et être positionnée au niveau C1. Le jugement qui a fait droit à la demande de rappel de salaire est confirmé.

Sur les frais professionnels :

La société BSF et la société BCM sollicitent l'infirmation de la décision et font valoir qu'il n'est pas démontré que le voyage dont la salariée demande le remboursement a été accompli au bénéfice de l'employeur. Elles soutiennent qu'il s'agit d'un voyage familial, les deux passagers étant des membres de la famille de la salariée, à laquelle il incombe de démontrer le caractère professionnel des frais.

L'AGS CGEA fait les mêmes observations.

La salariée objecte que :

elle a effectué un dernier voyage au bénéfice de son employeur en mai 2017 dont les frais de déplacement ne lui ont jamais été réglés alors qu'elle a déposé une note de frais auprès du comptable de l'école ;

elle n'a pas conservé l'ensemble des justificatifs joints à cette note de frais ;

elle dispose de la copie de la facture des frais d'avion.

***

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due.

La salariée verse aux débats :

un mail, dont l'objet est « travaille (sic) en Chine » qu'elle a expédié le 12 mai 2017 à [V] [X] « Bonjour, Je vous écris un mail pour vous prévenir que je serais travailler en Chine entre 13/05 au 29/05/2017. Merci de votre compréhension' »

une facture, datée du 3 avril 2017, de la société Via Chine pour trois billets d'avion pour un vol [Localité 12]-[13]-[Localité 14]-[Localité 15]-[Localité 14]-[13]-[Localité 12], départ le 13 mai 2017 et retour le 16/08/02017, pour trois passagères ainsi dénommées : [E] [H], [L] [R], [Z] [R].

La salariée était donc accompagnée de deux membres de sa famille, pour un voyage en Chine et a prévenu son employeur la veille de son départ, de ce qu'elle allait travailler en Chine les 15 jours suivants, sans que l'on sache si ce voyage s'imposait ou relevait du choix de la salariée. Elle n'établit pas que les frais exposés l'ont été pour les besoins de l'activité professionnelle.

En conséquence, la cour infirme le jugement et déboute Mme [E] [H] épouse [R] de sa demande de remboursement des frais professionnels.

Sur la demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

La société BCS et la SELARL BCM font valoir que :

le non-paiement de sommes d'argent se résout par l'intérêt moratoire ;

les difficultés financières de l'école expliquent les retards de paiement ;

Mme [E] [H] épouse [R] ne démontre pas son préjudice.

L'AGS CGEA fait les mêmes observations.

La salariée objecte que :

elle a subi un préjudice économique car son salaire a été amputé de 850 euros par mois, a été réglé en retard à de nombreuses reprises ;

ses frais professionnels ne lui ont pas été remboursés ;

ses salaires des mois de juin à août 2017 ne lui ont pas été payés et elle a dû saisir la formation des référés du conseil de prud'hommes ;

l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ne lui a pas non plus été payée ;

l'employeur n'a pas exécuté les condamnations mises à sa charge par l'ordonnance de référé ;

ce comportement révèle une volonté de lui porter préjudice.

***

Selon l'article 1231-6 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

La salariée ne démontrant pas avoir subi un préjudice indépendant du retard dans le paiement, il y a lieu de la débouter de sa demande en dommages-intérêts, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail :

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

« - Préalablement audit entretien préalable au licenciement, votre employeur l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] vous a signifié DEUX avertissements au sujet des liens que avez entretenus avec les concurrents de ladite École.

- Malgré un premier avertissement univoque, vous vous êtes rendue à un second rendez-vous alors que vous aviez l'interdiction de le faire (après avertissement et interdiction formelle et univoque de prendre des rdv avec nos concurrents pour quelque motif que ce soit) ; vous m'aviez répondu que ce rendez-vous avait eu pour objet d'établir un potentiel partenariat avec un concurrent, sachant que vous n'aviez ni la qualité nécessaire ni l'autorisation formelle pour le faire.

- Par la suite vous avez agi positivement et activement pour présenter une université partenaire de l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] à un concurrent direct de cette dernière : vous vous êtes défendue à l'époque d'avoir agi ainsi et avez bénéficié du doute instauré par vos démentis véhéments. ».

L'employeur affirme que la salariée, en dépit de l'interdiction qui lui a été faite, a entretenu des liens avec des entreprise concurrentes ; qu'il lui a adressé deux avertissements oraux.

La salariée conteste avoir fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire et souligne que l'employeur n'apporte pas la preuve de lui avoir adressé oralement des avertissements.

Aux termes de l'article L.1332-1 du code du travail, aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.

Force est de constater que l'employeur n'a pas informé la salariée des deux sanctions qu'il prétend avoir prises à son encontre.

« Indépendamment des faits sus présentés, l'entretien préalable au licenciement m'a permis de vous exposer ce qui constitue le motif de la mesure envisagée à votre égard :

1/ Il vous est tout d'abord reproché d'avoir emmené en CHINE un stagiaire non seulement sans autorisation préalable de votre Employeur mais en connaissance de l'interdiction qui vous avait été faite préalablement de prendre cette initiative. Dans le cadre de ce déplacement, vous avez volontairement dissimulé à votre Employeur cette situation et de plus organisé activement et positivement cette infraction : durant l'entretien préalable au licenciement vous avez justifié d'avoir agi ainsi activement sachant que je « n'étais pas d'accord » (SIC) et avez justifié en outre de présenter les frais supportés par le jeune stagiaire [F] car vous « saviez que je n'étais pas d'accord » (SIC).

Ces frais ont été portés à la connaissance de la direction fin juillet 2017 pendant vos congés alors que le même stagiaire a été surpris dans un train [Localité 12] [Localité 11] accompagnant un groupe d'étudiant chinois à [Localité 11] (à votre demande expresse et impérative), sans autorisation préalable de l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] (autorisation que vous n'auriez jamais pu obtenir car les déplacements des stagiaires dans un cadre professionnel sont formellement interdits, en conformité avec les Textes du Code du Travail) ; ces étudiants stagiaires n'étant pas liés contractuellement à l'ECOLE DE COMMERCE et n'effectuant pas (au sens de la Loi) une activité salariée, la Société n'avait pas à supporter financièrement de quelque façon que ce soit ce déplacement.

Le stagiaire s'est par ailleurs plaint, de manière informelle à un salarié de l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] d'être réquisitionné le week-end par Mme [H] et de devoir en outre supporter les frais de ce déplacement. Monsieur [T] [M], salarié de l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12], a porté cette information à la connaissance du Comité de Direction de l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] le lundi suivant, a convoqué ledit stagiaire pour l'entendre dans un cadre formalisé : il s'est plaint d'avoir « beaucoup de frais pour l'école » (SIC). Il a également informé la Direction de l'École qu'il s'était déplacé en CHINE à ses frais, sans que l'École en soit informée, ainsi que d'autres griefs. ».

La société BSF et la SELARL BCM font valoir que :

en dépit de l'interdiction qui lui avait été faite, la salariée a emmené en Chine un stagiaire ;

elle en a informé Mme [I], laquelle n'est pas responsable pédagogique mais assistante pédagogique, et n'avait donc aucun pouvoir hiérarchique sur Mme [E] [H] épouse [R] contrairement à ce que cette dernière indique ;

le mail adressé le 9 mars 2017, à Mme [O], qui occupe un poste au services comptabilité et n'avait aucun pouvoir de direction sur Mme [E] [H] épouse [R], ne saurait valoir information de l'employeur ;

c'est à tort que le conseil de prud'hommes a considéré que l'employeur ne pouvait nier avoir eu connaissance de la participation de M. [F] [A] au voyage en Chine ;

la salariée savait que l'école n'autorisait pas les voyages des stagiaires.

La salariée objecte que :

elle a informé Mme [I], responsable pédagogique, le 9 mars 2017, que M. [F] [A] venait en Chine avec elle, entre le 17 et le 29 mars 2017 ;

elle a transmis, par mail du 9 mars 2017 à Mme [O] les réservations des billets d'avion, nominatives et comportant le nom de chacun des participants (Mme [N] [N] et son fils, Mme [R], M. [F] [A]), en lui demandant de bien vouloir procéder à leur remboursement ;

l'employeur a eu connaissance de ce fait qui est donc prescrit ;

aucune consigne faisant interdiction de faire participer M. [F] [A] à un voyage ne lui a été donnée ;

M. [F] [A] n'était pas stagiaire mais alternant ;

dès le 9 mars 2017, elle a demandé à son employeur d'organiser le remboursement des frais et a réitéré sa demande le 2 mai 2017 ;

M. [F] [A] a participé au voyage en Chine pour le compte de la société BSF et a réalisé une prestation de travail ;

Le grief selon lequel elle aurait fait travailler M. [F] [A] pendant un week-end, au mois de février 2017, est prescrit, le directeur en ayant été informé le lundi suivant ;

elle conteste avoir demandé à M. [F] [A] de la remplacer.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

La procédure a été engagée le 4 août 2017, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a eu connaissance des faits concernant le voyage en Chine en présence de M. [F] [A], postérieurement au 4 juin 2017.

Par mail du 9 mars 2017, Mme [R] a écrit Mme [I], assistante pédagogique « suite à notre conversation tout à l'heure, je te confirme pour M. [F] [A] viens en Chine avec moi pour un travail entre le 17 mars jusqu'au 29 mars. Il sera absent des cours pendant ces jours-là. ».

L'employeur verse aux débats une attestation de M. [T] [M] qui témoigne :

avoir appris de M. [F] [A], qu'il a croisé à son retour de [Localité 11], dans le train en direction de [Localité 12], que ce dernier « avait dû payer les billets d'avion pour aller en Chine ainsi que les billets de [H], train avion plus d'une professeur, Mme [S] » ;

en avoir avisé « dès le lundi » M. [C] « il était stupéfait, ayant interdit aux stagiaires et en particulier à M. [F] de se rendre en Chine ».

Le témoin ne précisant pas la date à laquelle il a appris de [F] [A] que celui-ci s'était rendu en Chine ni la date à laquelle il en a averti M. [C], directeur de l'Ecole, il n'est pas établi que l'employeur a eu connaissance de ces faits moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.

Il en va de même de l'accompagnement par M. [F] [A] de stagiaires à [Localité 11], par le train, que le témoin dit avoir constaté, sans préciser la date de ces faits ni celle à laquelle il en a avisé M. [C].

Dès lors, le premier grief est prescrit.

« 2/ Il apparait également que, lors de ce déplacement en CHINE, vous avez exigé de ce stagiaire étudiant à l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12], à l'aide d'une pression sur lui frôlant le harcèlement, le paiement des billets d'avion puis les billets de train ainsi que les frais d'hôtel pour 2 autres personnes :

- une enseignante, Mme [N] [N] ;

- le fils mineur de Mme [N] [N].

Lors de l'entretien préalable vous vous êtes défendue de cette situation en arguant que Mme [N] [N] était récemment divorcée et que cette situation pouvait se comprendre et se justifier... Chose que je ne comprends pas ni ne justifie pas car il s'agit de détournement de fonds et d'un abus de biens sociaux (puisque les frais engagés, payés par un tiers non lié à l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12], devaient être remboursés par cette dernière).

Vous vous êtes également défendue par la suite en annonçant avoir remboursé le jeune stagiaire, tout en précisant « en espèces ». Ce stagiaire, convoqué pour s'en expliquer, a affirmé en votre présence que c'était faux : vous ne lui auriez pas remboursé ses frais mais un IPhone qu'au surplus ce jeune stagiaire avait procédé au paiement lors de son acquisition.

Vous avez, lors de l'entretien préalable, confirmé ces éléments en arguant du fait « mais quand même un iPhone cela ne vaut pas 2 000 € j'ai remboursé 2 000 € pour l'IPhone et pour les frais » (SIC).

Vous vous êtes également défendue en arguant que le stagiaire était « consentant » (SIC).

Vous m'avez même reproché d'interdire à Mme [N] [N] d'emmener son fils en déplacement professionnel en me disant « tu n'es pas mon Roi » (SIC), et d'avoir eu mon autorisation pour emmener cette intervenante de l'école (tout en reconnaissant ne jamais avoir obtenu d'autorisation formelle ou informelle pour le stagiaire).

A la lecture d'un mail que vous considérez comme autorisation, il apparait sans équivoque que ce mail a été émis unilatéralement à une secrétaire administrative (et la direction en copie) pour PROPOSER un budget de déplacement pour Mme [N] [N] =$gt; cette demande n'a jamais fait l'objet de réponse ni d'autorisation formelle. »

L'employeur soutient que :

la salariée a contraint M. [F] [A] à payer les billets d'avion, de train et l'hôtel pour deux personnes puis ne l'a pas remboursé, ainsi que cela ressort de l'attestation de ce dernier ;

lors de ce déplacement en Chine, la salariée s'est fait accompagner d'une enseignante, Mme [N] [N], et de son fils mineur, sans que cela ait été autorisé par l'école ;

la salariée a tenté de se faire rembourser des frais qu'elle n'a pas exposés ;

la salariée a invité les universités chinoises partenaires à rompre toutes relations avec l'employeur, ce qui caractérise un manque de loyauté.

La salariée réplique que

elle a informé son employeur du voyage en Chine le 28 février 2017 et de la présence de Mme [N] [N] ;

M. [F] [A] s'est joint à elles car il était son assistant ;

elle a remis à l'école une note de frais, correspondant au voyage, à laquelle étaient joints les justificatifs ;

l'employeur avait donc connaissance de l'existence, des conditions et des participants de ce voyage dès le mois de mars 2017, de sorte que le grief est prescrit ;

en aucune manière, elle n'a demandé à l'école de rembourser des frais engagés pour le fils de Mme [N] [N] ;

M. [F] [A] a fait l'avance de frais mais elle l'a remboursé ;

elle-même n'avait pas été remboursée des frais de M. [C] et des siens dont elle avait fait l'avance lors du précédent voyage en Chine.

Il est constant que Mme [E] [H] épouse [R] s'est déplacée en Chine du 17 mars au 29 mars 2017, en compagnie de Mme [Y] [N][N], du fils de cette dernière et de M. [F] [A].

Le 9 mars 2017, Mme [E] [H] épouse [R] a transmis à Mme [O], le détail de sa réservation, qui incluait les 4 passagers, et dans le mail elle a écrit « Bonjour [B], je te donne tous les réservations (sic) de billets d'avion, tu me rembourses que pour moi et [N][N] pour un montant de 900 € et plus les transports en Chine. Je te remercie par avant. ».

Le 18 février 2017, elle avait par mail adressé à Mme [O] et à M. [C], précisé le détail du voyage en Chine et le montant des frais « le billet d'avion c'est 450 euros par personne moi et [N][N], donc 900 euros plus les frais de transports en Chine, p-près 500 € pour les 2. Notre partenaire, Université Normal de [Localité 15] va prendre tous les charges des hôtels et l'alimentation. ».

M. [C] avait donc connaissance du voyage en Chine de la salariée, avec Mme [Y] [N][N], dès le 18 février 2017.

Ensuite, s'agissant des déclarations de M. [F] [A] selon lesquelles il a payé les frais de déplacement et d'hébergement de ce voyage qui s'est déroulé au mois de mars 2017, l'employeur ne rapporte pas la preuve de la date à laquelle il en a été averti.

En conséquence, ces faits sont prescrits.

« 3/ Pour finir, vous avez clairement tenté de vous faire rembourser des frais que vous n'avez pas supporté (en l'occurrence les frais exposés dans le paragraphe 2/).

Ainsi vous avez produit dans votre demande de remboursement :

- 4 billets d'avion

- 2 billets de train

Tout en justifiant le déplacement de 4 personnes en vols internationaux mais seulement 2 personnes en vols intérieurs (dont 1 mineur). Vous m'avez expliqué lors de l'entretien préalable au licenciement que Mme [N] [N] ne se déplaçait pas, organisant des concours pour 17 étudiants (concours non facturables car GRATUITS). Je vous ai répondu que cela n'existe dans aucune de nos procédures, l'Ecole n'a pas vocation à générer des frais pour des étudiants invités.

Au surplus et sans que cela n'ait été évoqué lors de l'entretien préalable au licenciement, à la suite de l'entretien, vous vous êtes présentée au bureau de la Direction de l'Ecole pour dire que vous « alliez chercher un arrêt maladie » (SIC), chose à laquelle il vous a été répondu que l'Ecole ne goûtait pas les arrêts de complaisance et qu'il était pour le moins surprenant que vous ayez établi par vous-même un diagnostic médical préalablement à une visite médicale faite par votre Médecin traitant .... Vous avez pourtant ramené quelques heures plus tard un arrêt maladie.

ENFIN, et au risque d'être surabondant, à la suite de l'entretien préalable au licenciement (et sans que cela ne soit une cause à ce dernier mais pour simple information), vous avez pris attache avec les universités chinoises avec lesquelles l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] est en partenariat, pour annoncer de votre propre chef que l'ECOLE DE COMMERCE DE [Localité 12] « ne souhaitait plus travailler avec la chine et les chinois » (SIC) : une université chinoise nous a d'ailleurs contacté pour obtenir des explications et nous a alerter sur vos agissements pendant la période de votre arrêt maladie. Ce comportement démontre une volonté manifeste de nuire à l'Ecole ou d'en détourner les partenariats commerciaux au profit de concurrents.

De ces faits je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave du fait de votre :

- tentative de détournement de fonds

- insubordination

- harcèlement exercé auprès du stagiaire [F] et des différentes infractions énumérées ci-dessus qui ont été portées à notre connaissance cet été 2017.

Pour votre information la faute Grave est qualifiée dans la mesure où elle a eu une répercussion sur le fonctionnement normal de l'entreprise.

La Jurisprudence de la Cour de Cassation, par l'appréciation de la Cour, retient la définition de la faute grave comme celle « qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ». Un dernier arrêt du 27 septembre 2007 fait la synthèse des deux situations. Pour que l'employeur puisse fonder le licenciement sur la faute grave, la rupture immédiate du contrat de travail est requise ; l'article L. 1234-1 du Code du travail permet de dispenser l'employeur de respecter le droit du salarié à un préavis, dans la perspective de protéger les intérêts de l'entreprise...».

Les sociétés BSF et BCM font valoir que

la salariée a produit 4 billets d'avion et deux billets de train, justifiant du déplacement de 4 personnes en vols internationaux, mais seulement deux personnes en vol intérieur dont un mineur ;

le mail du 9 mars 2017 de Mme [E] [H] épouse [R] à Mme [O] démontre qu'elle a cherché à se faire rembourser pour Mme [N] [N] alors que cette dernière a remboursé M. [F] ;

la lettre de licenciement évoque surtout les circonstances dans lesquelles elle s'est fait délivrer un arrêt maladie ;

la salariée a pris attache avec les universités chinoises pour les inviter à rompre toutes relations avec l'employeur.

La salariée objecte que :

elle n'a demandé le remboursement que de deux billets d'avion, le sien et celui de Mme [N] [N] et de deux billets de train, conformément à ce qu'elle avait annoncé par courriel du 28 février 2017 ;

elle a effectivement, après l'entretien préalable, consulté son médecin, qui lui a prescrit un arrêt de travail, et le grief ainsi fait est discriminatoire ;

elle n'a jamais contacté les universités chinoises avec lesquelles l'EC[Localité 12] est partenaire pour leur annoncer que l'EC[Localité 12] ne souhaite plus travailler avec la Chine et les chinois.

La société BSF et la société BCM ne produisent aucune pièce pour établir que Mme [R] a sollicité le remboursement de 4 billets d'avion et il ressort de son mail du 9 mars 2017 que, si elle transmet 4 billets d'avion, elle ne demande le remboursement que pour elle et « [N] [N] ».

Le 2 mai 2017, elle a fait un rappel car les frais qu'elle avait avancés au mois de novembre 2016 ne lui étaient pas remboursés et que s'agissant des frais du mois de mars, il lui restait dû la somme de 675,68 euros.

Ensuite, le fait d'être placée en arrêt maladie, même s'il fait suite à une annonce de la salariée est insuffisant à en faire un arrêt de complaisance.

Enfin, il n'est aucunement établi que la salariée aurait pris attache avec des universités chinoises pour que celles-ci cessent leur relation avec l'EC[Localité 12].

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture :

La salariée fait valoir que l'article 5 de la convention collective de l'enseignement privé prévoit un préavis de deux mois pour une ancienneté comprise entre 6 mois et deux ans.

Elle ajoute que :

elle n'avait fait l'objet d'aucun reproche, ni difficulté disciplinaire lorsqu'elle a été évincée de la société, et ce de manière brutale et déshonorante, dont il est résulté une dégradation subite de l'état de santé ;

elle a subi un préjudice économique, ayant dû créer sa propre structure pour enseigner à titre libéral ;

elle demeure indemnisée par pôle emploi eu égard à la faiblesse de ses revenus.

La société BSF et la SELARL BCM objectent que rien ne démontre la recherche active d'emploi et soutiennent que le préjudice n'est pas établi.

L'AGS CGEA demande que les dommages-intérêts doivent être minimisés.

***

Selon article 3.6.2.1 de la convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007, tout licenciement, sauf faute grave ou lourde, donne lieu à un préavis, dont la durée varie en fonction de la catégorie professionnelle établie par la présente convention ainsi que de l'ancienneté dans l'entreprise. Pour les cadres ayant entre 6 mois et deux années d'ancienneté comme c'est le cas de Mme [R], le préavis est de deux mois. En tenant compte du salaire minimum conventionnel, le conseil de prud'hommes a justement retenu la somme de 4 662 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 466,20 euros pour congés payés afférents.

Mme [R] avait moins de deux ans d'ancienneté au moment du licenciement.

Selon les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait du licenciement abusif.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (34 ans) et de son ancienneté (8 mois) au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice résultant de la rupture abusive de la relation de travail en le fixant à la somme de 2331 euros.

Sur la mise hors de cause de l'AGS-CGEA

La salariée fait valoir que :

l'adoption d'un plan de redressement n'a pas pour conséquence modifier le sort des créances salariales nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;

la société BSF a été placée en redressement judiciaire par jugement du 5 juin 2019 du tribunal de commerce de Lyon ;

par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté un plan de continuation, désigné la SARL BCM en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mis fin la procédure de redressement judiciaire ;

elle a été licenciée le 10 septembre 2017 et les demandes qu'elle formule portent toutes sur des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

c'est à tort que le conseil de prud'hommes a mis hors de cause l'AGS CGEA et condamné la société BSF alors qu'il aurait dû inscrire les créances au passif.

L'AGS CGEA réplique que :

la société BSF n'est plus en redressement judiciaire mais en plan de continuation ;

elle doit être mise hors de cause.

La société BSF et la SELARL BCM, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan soulignent que les créances revendiquées étant antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective, l'AGS CGEA doit sa garantie.

***

Selon l'article L. 622-22 du code de commerce, « sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci. ».

Selon l'article L. 625-3 du code de commerce, « les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés.

Le mandataire judiciaire informe dans les dix jours la juridiction saisie et les salariés parties à l'instance de l'ouverture de la procédure. ».

Les sommes dues par l'employeur résultant de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, au régime de la procédure collective.

En l'espèce, les créances, objet de la demande en fixation au passif du redressement judiciaire concernent des salaires et des indemnités résultant de la rupture intervenue avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire. C''est dès lors à tort que les premiers juges ont condamné la société BCM au paiement de sommes alors qu'ils auraient dû fixer ces créances au passif du redressement judiciaire.

Le jugement sera infirmé en ce sens et les créances de Mme [E] [H] épouse [R] seront fixées au passif du redressement judiciaire ainsi qu'il suit :

la somme de 5 018,03 euros au titre du rappel de salaire pour la période de janvier à août 2017, outre la somme de 501,83 euros pour congés payés afférents ;

la somme de 4 662 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 462,20 euros pour congés payés afférents ;

la somme de 2 331 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Selon l'article L. 3253-8 1° du code du travail, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les créances, objet de la demande en fixation au passif de la société, concernaient des salaires et des indemnités résultant de la rupture du contrat de travail intervenue avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et, qu'à ce titre, elles étaient couvertes par l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 du code du travail.

En conséquence, les premiers juges ont, à tort, prononcé la mise hors de cause de l'AGS CGEA. Le jugement sera infirmé en ce sens et l'AGS CGEA tenu de garantir dans les conditions prévues par la loi.

Sur les intérêts :

Les créances de Mme [E] [H] épouse [R] trouvant leur origine dans son licenciement, lequel est antérieur au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société BSF prononcé le 5 juin 2019, trouvent à s'appliquer à l'espèce les dispositions des articles L. 622-28 et L 641-3 du code de commerce selon lesquelles le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.

La société BSF, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée aux dépens.

Il est équitable de condamner la société BSF à payer à Mme [E] [H] épouse [R], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 1800 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société BSF au paiement des sommes de 5 018,03 euros à titre de rappel de salaire et de 501,83 euros pour congés payés afférents, de 4 662 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 466,20 pour congés payés afférents et de 2 331 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a fait droit aux demandes de frais professionnel et dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau,

FIXE les créances de Mme [E] [H] épouse [R] au passif du redressement judiciaire d la société BSF ainsi qu'il suit :

la somme de 5 018,03 euros au titre du rappel de salaire pour la période de janvier à août 2017, outre la somme de 501,83 euros pour congés payés afférents ;

la somme de 4 662 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 462,20 euros pour congés payés afférents ;

la somme de 2 331 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

DÉBOUTE Mme [E] [H] épouse [R] de sa demande en remboursement de frais professionnels et de sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

DIT que l'AGS CGEA d'[Localité 9] devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société BSF aux dépens de l'appel ;

CONDAMNE la société BSF à verser à Mme [E] [H] épouse [R] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de distraction au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 21/02929
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;21.02929 ?
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