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04/09/2024 | FRANCE | N°21/03006

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 septembre 2024, 21/03006


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 21/03006 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRLZ



Société KEOLIS [Localité 12]

C/

[B]

Syndicat CGT DES TCL



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 29 Mars 2021

RG : 18/00733



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024







APPELANTE :



Société KEOLIS [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 5]

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représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Nazanine FARZAM de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/03006 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRLZ

Société KEOLIS [Localité 12]

C/

[B]

Syndicat CGT DES TCL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 29 Mars 2021

RG : 18/00733

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

Société KEOLIS [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Nazanine FARZAM de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Laetitia PIERRE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

[T] [B]

née le 18 Mars 1965 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Fatima TABOUZI, avocat au barreau de LYON

Syndicat CGT DES TCL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Fatima TABOUZI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Avril 2024

Présidée par Anne BRUNNER, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [B] (la salariée) a été engagée à compter du 22 avril 1999 par la société Keolis [Localité 12] (la société) par contrat à durée indéterminée en qualité de conducteur receveur.

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment de la rupture des relations contractuelles

Le 6 octobre 2014, Mme [T] [B] a été victime d'un accident du travail. Elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 7 décembre 2014 puis du 28 février 2015 au 6 juillet 2016.

Le 11 juillet 2016, le médecin du travail l'a déclarée inapte, en une seule visite, au poste de conducteur pour situation de danger immédiat et apte à un poste sans conduite.

La salariée a été convoquée à un entretien de reclassement pour le 22 juillet 2016.

L'avis des délégués du personnel a été sollicité lors de la réunion du 18 août 2016.

Par courrier du 23 août 2016, la société a proposé 5 postes de reclassement à Mme [T] [B]. La salariée a refusé les postes proposés.

Le 31 août 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 8 septembre 2016.

Par lettre du 12 septembre 2016, la société lui a notifié son licenciement pour inaptitude.

Le 16 mars 2018, Mme [T] [B], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon, aux fins de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et voir la société Keolis Lyon condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat CGT des TCL a sollicité la condamnation de la société Keolis [Localité 12] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Keolis [Localité 12] a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 19 mars 2018.

La société Keolis [Localité 12] s'est opposée aux demandes de la salariée et du syndicat et a sollicité à titre reconventionnel leur condamnation solidaire au versement de la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a notamment :

condamné la société Keolis [Localité 12] à verser à Mme [T] [B] la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Keolis [Localité 12] à payer au syndicat CGT des TCL la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession outre la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

rappelé que les condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, du salaire et de l'indemnité conventionnelle de licenciement sont assortis de plein droit de l'exécution provisoire selon les dispositions de l'article R. 1454-28 du Code du Travail,

fixé pour l'application de ce texte la moyenne des salaires à la somme de 2 500,42 euros ;

ordonné d'office le remboursement par la société Keolis [Localité 12] des indemnités chômage perçues par Mme [T] [B] dans la limite de 3 mois ;

condamné la société Keolis [Localité 12] aux dépens.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 26 avril 2021, la société Keolis [Localité 12] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 30 mars 2021, aux fins d'infirmation en ce qu'il a fixé la moyenne de salaire de Mme [T] [B] à 2 500,42 euros, dit et jugé qu'elle a violé son obligation de reclassement, l'a condamnée à verser à Madame [T] [B] les sommes de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à verser au Syndicat CGT des TCL les sommes de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rappelé qu'au terme des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail...). Ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 2 500,42 euros, dit et jugé qu'en application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la SA KEOLIS [Localité 12] aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Madame [T] [B] licenciée, dans la limite de trois mois, l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 janvier 2022, la société Keolis [Localité 12] demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter Mme [T] [B] et le Syndicat CGT des TCL de l'ensemble de leurs demandes et des condamner solidairement Mme [T] [B] et le syndicat CGT des TCL au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon les dernières conclusions de leur avocat, remises au greffe de la cour le 14 octobre 2021, Mme [B] et le syndicat CGT des TCL, demandent à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la SA Keolis [Localité 12] a manqué à son obligation de reclassement, que le licenciement pour inaptitude notifié le 12 septembre 2016 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, a condamné la société Keolis [Localité 12] à verser à Mme [B], la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au syndicat CGT des TCL la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, et la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

condamner la SA KEOLIS [Localité 12] à verser à Mme [B] la somme de 50 000 euros à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant

condamner la SA KEOLIS à verser à Mme [B] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

condamner la SA KEOLIS à verser au Syndicat CGT des TCL la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

ordonner l'exécution provisoire de l'entier jugement.

condamner la SA KEOLIS [Localité 12] aux entiers dépens de l'instance.

La clôture des débats a été ordonnée le 14 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

SUR CE,

Sur la rupture du contrat de travail :

La société fait valoir que :

le médecin du travail n'a formulé aucune contre-indication relative aux postes de reclassement, si ce n'est un poste sans conduite ;

la salariée, qui n'a pas contesté l'avis d'inaptitude, ne peut considérer que les postes qui lui ont été proposés, notamment ceux d'agents d'exploitation et de stationnement au sein de la société Effia impliquaient des contraintes physiques non conformes à son aptitude restante ;

elle a sollicité l'ensemble des sociétés du groupe ;

la grande majorité des postes disponibles à l'époque de la recherche de reclassement ne correspondait pas aux aptitudes médicales de Mme [T] [B] ni à ses compétences professionnelles ;

l'unique poste susceptible de correspondre aux souhaits professionnels de Mme [T] [B], assistant administratif, était à pourvoir dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée et exigeait une formation de niveau bac+2, qui n'est pas détenue par la salariée ;

l'ensemble des postes disponibles au sein des sociétés du groupe étaient incompatibles avec l'état de santé et la qualification de Mme [T] [B] ;

les autres postes administratifs à pourvoir l'étaient dans le cadre d'apprentissage ou d'alternance ;

elle n'a pu identifier que 5 postes pouvant correspondre à l'aptitude et aux capacités de Mme [T] [B] sur lesquels elle a consulté les délégués du personnel en leur donnant les informations nécessaires leur permettant d'émettre un avis utile ; 

elle n'avait pas à étendre les recherches de reclassement au sein de la SNCF, quand bien même il existe un lien capitalistique, dans la mesure où aucune permutabilité du personnel ne peut être effectuée.

La salariée objecte que :

elle aurait pu être reclassée sur un poste de type administratif correspondant à sa qualification ;

le registre unique du personnel mentionne l'embauche de trois salariés en contrat de professionnalisation pour occuper les fonctions d'employé administratif les 5 et 12 septembre 2016 ;

9 embauches en contrat d'apprentissage sur le poste d'employé administratif ont été conclues entre le 1er septembre et le 5 septembre 2016 ;

elle est titulaire d'un CAP et d'un BEP en sténodactylographie et avait indiqué qu'elle souhaitait un poste administratif ;

après son licenciement, elle a suivi une formation d'assistante administrative ;

la société Keolis [Localité 12] aurait dû lui proposer en priorité les emplois aidés conclus pendant sa période de reclassement dans le cadre du dispositif prévus aux articles L. 5213- 6 et L. 5213- 6 du code du travail qui permettent au travailleur handicapé de conserver un emploi tout en bénéficiant des aides financières accordées aux stagiaires de la formation professionnelle ;

depuis de nombreuses années, la société Keolis [Localité 12] embauche des travailleurs précaires en contrat de travail à durée déterminée ou en intérim afin de pourvoir des postes d'employés ou de technicien qu'elle aurait pu occuper ;

la société Keolis [Localité 12] a refusé de communiquer les éléments sur la nature des emplois pourvus en intérim pour la période du 11 juillet 2016 au 12 septembre 2016 ;

la société Keolis [Localité 12] lui a proposé 5 postes de reclassement dont les contraintes étaient « travailleur isolé, station debout prolongée, port de charges lourdes, tâche de nettoyage et maintenance » ;

elle a refusé ces postes car elle n'était pas en capacité de les assumer ;

elle a été déclarée inapte au poste de conductrice dans la mesure où elle ne pouvait plus solliciter son épaule gauche, or, les fonctions d'agent d'exploitation au sein des parcs de stationnement de la société EFFIA impliquait des opérations de maintenance et de nettoyage des sols et des sanitaires, le port de charges lourdes constituées par les sacs de recette des horodateurs, ainsi que la station debout prolongée ;

l'avis d'inaptitude ne précise pas quel poste elle était susceptible de pourvoir dans le cadre de son reclassement ;

l'employeur n'a pas sollicité l'avis du médecin du travail ;

en application de l'article 44b de la convention collective, l'employeur ne pouvait lui proposer un poste de reclassement avec une rémunération inférieure ;

la société Keolis [Localité 12] aurait dû étendre ses recherches à la SNCF, or, elle ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité de reclassement au sein du groupe SNCF.

***

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, le licenciement qui repose sur une inaptitude d'origine professionnelle n'est légitime que si l'employeur a préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte, après avis des délégués du personnel.

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2017, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doivent s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en 'uvre de façon loyale et personnalisée.

L'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne porte que sur les emplois salariés, disponibles au jour du licenciement et en rapport avec les compétences du salarié, l'employeur n'étant pas tenu d'assurer au salarié dont le licenciement est envisagé une formation initiale ou qualifiante.

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

« Vous avez été victime d'un accident du travail le 06/10/2014 A l'issue de l'arrêt de travail qui s'en est suivi, vous avez rencontré le médecin du travail.

Lors de votre visite médicale de reprise du 11/07/2016, le médecin du travail a déclaré « Inaptitude totale en une seule visite au poste de conducteur pour situation de danger immédiat. Apte à un poste hors conduite. ».

A la suite de nos recherches de reclassement au sein de Keolis [Localité 12] ainsi que sur l'ensemble du groupe nous avons été en mesure de vous proposer, par courrier recommandé du 23/08/2016, des propositions de reclassement sur un poste d'Agent d'exploitation chez EFFIA à temps complet à [Localité 8], [Localité 9], [Localité 12] ou [Localité 6] et un poste de Téléopérateur PCI chez Keolis [Localité 10].

Par mail du 30/08/2016, vous nous avez informés de votre refus d'accepter cette proposition de reclassement.

A ce jour, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous proposer d'autres solutions de reclassement compatibles avec vos aptitudes restantes.

C'est pourquoi, en raison de cette impossibilité de reclassement et après consultation des délégués du personnel, nous sommes dans l'obligation de vous notifier par la présente la rupture de votre contrat de travail qui prend effet immédiatement dès envoi de la présente.

Votre préavis de 2 mois ne pouvant être effectué en raison de votre inaptitude vous sera néanmoins rémunéré sous la forme d'une indemnité compensatrice.

Vous percevrez votre indemnité spéciale de licenciement, votre certificat de travail, ainsi que toutes les sommes qui vous sont dues lors de l'établissement de votre solde de tout compte. »

La société Keolis [Localité 12] justifie avoir interrogé par mail du 22 juillet 2016, 60 sociétés Keolis ou Effia, sur l'ensemble du territoire français.

Il est constant que la SNCF est actionnaire de la société Keolis. La salariée se borne à affirmer que « le groupe Keolis reconnaît la permutabilité de son personnel et notamment des cadres avec le groupe SNCF ».

Ainsi, il n'est pas établi l'existence de possibilités de permutation de tout ou partie du personnel entre les salariés du groupe Keolis et ceux de la SNCF.

Dès lors, la salariée n'est pas fondée à reprocher à la société Keolis [Localité 12] de n'avoir pas recherché au sein de la SNCF de postes de reclassement.

Le médecin du travail a émis, le 11 juillet 2016, l'avis suivant « inaptitude totale en une seule visite au poste de conducteur pour situation de danger immédiat. Apte à un poste sans conduite ».

D'une part, la salariée n'a pas contesté l'avis du médecin du travail, et d'autre part, contrairement à ce qu'elle affirme, l'avis d'inaptitude précise quel poste elle était susceptible de pourvoir dans le cadre de son reclassement, puisqu'il est préconisé « un poste sans conduite ».

L'employeur consulte utilement les délégués du personnel en leur fournissant toutes les informations nécessaires quant à l'état de santé de la salariée et à la recherche de reclassement.

Peu importe que certains des délégués consultés décident ne pas devoir s'exprimer.

La société Keolis [Localité 12] a consulté les délégués du personnel le 18 août 2016 sur 5 postes de reclassement : agent d'exploitation de stationnement et voirie à [Localité 8], agent d'exploitation [Localité 9], téléopérateur à [Localité 10], agent d'exploitation à [Localité 12] et agent d'exploitation à [Localité 6].

Elle verse aux débats, en pièce n°14, un document intitulé « consultation des délégués du personnel sur les mesures de reclassement dans le cadre d'une inaptitude suite AT/MP », qui précise le nom de la salariée, sa date d'embauche, sa fonction, sa qualification, la date et les circonstances de l'accident du travail, l'avis du médecin du travail, les postes disponibles et les souhaits de la salariée.

Il ressort du compte-rendu de la réunion qu'« un dossier a été remis aux délégués du personnel relatif à la situation d'un salarié reconnu inapte suite à un accident ou maladie professionnelle ».

Les délégués du personnel ont ainsi reçu les informations nécessaires pour se prononcer sur la situation de Mme [T] [B].

Aucun d'eux n'a formulé de préconisation. Les délégués du personnel CGT ont émis un avis défavorable sur le projet de reclassement de Mme [T] [B] car « selon eux, une recherche de poste « maîtrise » aurait dû être faite ». Les autres délégués du personnel n'ont pas souhaité se prononcer sur le projet de reclassement de Mme [T] [B].

Il s'en déduit que l'employeur a satisfait à son obligation de consulter les délégués du personnel.

La société Keolis [Localité 12] a ensuite écrit à la salariée pour lui proposer les 5 postes disponibles. Au courrier était joint un tableau précisant, pour chaque poste, la description de la mission, les contraintes/particularités du poste proposé, le lieu de travail, le temps de travail et la rémunération.

S'agissant du poste situé à [Localité 8] les contraintes sont « travail en autonomie sur le site (travail isolé), station debout prolongée (ronde sur le site, nettoyage de premier niveau), port de charges lourdes (collecte des horodateurs) », celles du poste situé [Localité 9] sont « connaissance bureautique obligatoires (Word Excel) », celles du poste de [Localité 10] « expérience de la relation cliente requise. Poste en milieu clos et souterrain », celles du poste de [Localité 12] et du poste situé à [Localité 6] « connaissance bureautique obligatoires Word Excel. Connaissance de la gestion d'un parc sous barrières indispensable ».

Aucun de ces postes ne comporte, dans les contraintes, la conduite d'un véhicule.

Le contenu de la mission de chacun de ces postes ne prévoit aucunement la conduite d'un véhicule.

Ainsi, les postes proposés respectent la seule restriction posée par le médecin du travail, l'employeur ayant proposé exclusivement des postes sans conduite.

Enfin, il est constant que la société Keolis [Localité 12] n'a pas proposé des postes pourvus le 1er septembre 2016, d'assistant marketing et le 22 août 2016 d'assistante administrative mais d'une part les sept assistants marketing recrutés étaient tous titulaires du baccalauréat et préparaient un DUT à l'IUT [11] et d'autre part, la fiche de poste « assistante administrative » prévoit, au titre des compétences requises un niveau bac+2, (BTS secrétariat de Direction ou DUT Gestion du personnel) ou expériences professionnelles équivalentes, or, Mme [T] [B] est titulaire d'un BEP, obtenu en 1983 et ne justifie pas d'une telle expérience.

La société Keolis [Localité 12] n'était pas tenue de proposer ces postes à Mme [T] [B], au regard de la qualification de cette dernière.

En conséquence, par dispositions infirmatives, la cour dit que la société Keolis [Localité 12] a rempli de façon loyale et personnalisée son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement de Mme [T] [B] repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute Mme [T] [B] de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes :

La société Keolis [Localité 12] fait valoir que :

aucune preuve d'un atteinte à l'intérêt collectif de la profession n'est rapportée ;

le manquement à l'obligation de reclassement n'est pas établi ;

elle a respecté les dispositions de l'article 44 de la convention collective.

Le syndicat CGT soutient que le non-respect par la société Keolis [Localité 12] de l'obligation de reclassement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession. Elle ajoute que la société Keolis [Localité 12] n'a pas respecté l'article 44 de la convention collective.

***

Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Keolis [Localité 12] a respecté son obligation de reclassement.

L'article 44 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986, prévoit que « Indépendamment des dispositions légales, les agents victimes d'un accident du travail, survenu dans les établissements ou autres lieux du travail, reçoivent le complément de leur solde pendant leur incapacité de travail jusqu'au moment de la consolidation.

Les accidentés du travail et les mutilés de guerre en service sont maintenus dans l'entreprise aux conditions suivantes :

a) Dans leur emploi et avec le salaire de leur catégorie, lorsque leurs blessures ne les mettent pas en état d'infériorité manifeste pour l'occuper ;

b) (1) Dans un emploi de moindre fatigue dans la limite des places disponibles et compte tenu de leur capacité professionnelle, mais avec priorité pour leur affectation à des places lorsque leurs blessures les empêchent de reprendre leur emploi précédent. Leur salaire est celui des agents de la catégorie dans laquelle ils entrent avec le maintien de leur ancienneté.

En ce qui concerne la retraite, si l'intéressé continue à accepter la même retenue que précédemment, l'entreprise verse la part patronale correspondante. ».

Le syndicat n'établit pas que la société Keolis [Localité 12] n'aurait pas respecté les dispositions de l'article 44 de la convention collective, la société n'ayant pas l'obligation de maintenir le salaire antérieur de Mme [B].

En conséquence, par dispositions infirmatives, la cour déboute le syndicat de sa demande en dommages-intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront infirmées et Mme [T] [B] condamnée aux dépens de première instance.

Mme [T] [B], qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de société Keolis [Localité 12], les sommes, non comprises dans les dépens, qu'elle a dû exposer au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

INFIRME le jugement

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE Mme [T] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

DÉBOUTE la syndicat CGT des TCL de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [T] [B] aux dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE la société Keolis [Localité 12] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 21/03006
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;21.03006 ?
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