Mohamed Y... et Zahra X... se sont mariés le 9 septembre 1972 à ROMMANI.
Sept enfants sont nés de cette union, dont :
- Fahd, né le 26 septembre 1987,- Badr, né le 9 novembre 1993,
Après ordonnance de non-conciliation en date du 7 mai 2004, Zahra X... a assigné son mari en divorce, le 4 novembre 2004 sur le fondement des articles 242 et suivants du Code Civil.
Par jugement rendu le 16 janvier 2007, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de METZ a :
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de METZ du 14 mars 2006,- prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari,- condamné Mohamed Y... à payer à Zahra X... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 25. 000 euros,- dit que l'autorité parentale sur Badr sera exercée en commun, avec résidence chez la mère,- fixé le droit de visite et d'hébergement du père selon les modalités habituelles,- fixé à 200 euros la pension alimentaire mensuelle et indexée due par le père au titre de la contribution à l'éducation et l'entretien des enfants, soit 150 euros pour l'enfant mineur Badr et 50 euros pour l'enfant Fahd,- condamné Mohamed Y... aux dépens.
Le 20 février 2007, Mohamed Y... a interjeté appel du jugement précité.
Par ordonnance en date du 7 mai 2008, le Conseiller de Mise en Etat saisi par Mohamed Y... a déclaré irrecevable la requête en suppression de pension alimentaire et a dit que les frais de l'incident suivront le sort de la procédure principale.
Mohamed Y... demande à la Cour, dans ses dernières conclusions déposées le 16 septembre 2008 de :
- recevoir son appel,- infirmer le jugement,- débouter Madame X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre principal
Déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître de la demande en divorce de Madame X....
Dire et juger la juridiction marocaine compétente pour connaître de la présente procédure en divorce, juridiction saisi la première par Mohamed Y..., le 8 avril 2003.
A titre subsidiaire
Vu l'article 9 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981,
Déclarer que la procédure de divorce introduite par Madame X... est soumise à la Loi Marocaine,
Par conséquent, renvoyer l'affaire devant la juridiction de première instance qui statuera selon la Loi Marocaine.
A titre infiniment subsidiaire
Prononcer le divorce des époux Y...- X... aux torts partagés,
Dire n'y avoir lieu au versement d'une prestation compensatoire,
Supprimer le montant des pensions alimentaires dues aux enfants à compter du 31 décembre 2007,
Condamner Madame X... à verser la somme de 600 euros à Mohamed Y... au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner Madame X... aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.
Selon ses dernières écritures déposées le 3 septembre 2008, Zahra X... qui a formé appel incident demande de :
- rejeter l'exception de litispendance,- dire que la juridiction française est compétente,- dire que le divorce des époux Y...- X... est soumis à la Loi Française,
En conséquence,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a prononcé le divorce des époux Y... aux torts exclusifs de Monsieur Y... avec toutes ses conséquences de droit,- inviter Monsieur Y... à produire aux débats une attestation sur l'honneur et à défaut de sa production,- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fait droit à la demande de prestation compensatoire de Madame X..., mais l'émondant sur le quantum,- condamner Monsieur Y... à payer à Madame X... une prestation compensatoire en capital d'un montant de 50. 000 euros,- fixer la résidence de Badr chez la mère avec autorité parentale conjointe,- accorder au père un droit d'hébergement à l'amiable à défaut de meilleur accord entre les parties, lui accorder un droit d'hébergement habituel,- confirmer la décision déférée sur ce point,- confirmer la décision déférée en ce qui concerne la pension alimentaire pour Fahd et pour Badr Y...,
Subsidiairement et dans l'hypothèse où Fahd aurait trouvé un emploi lui permettant d'être autonome,
Porter alors la pension alimentaire pour l'enfant Badr à la somme de 250 euros par mois, à compter de la suppression de la pension alimentaire pour Fahd,
Maintenir la même indexation,
Condamner Monsieur Y... aux entiers dépens, outre 1. 200 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 octobre 2008.
***
Vu le dossier de la procédure, les pièces y annexées et les mémoires précités des parties auxquelles il est référé pour plus ample exposé des faits et des moyens,
SUR CE
1) Sur l'exception de litispendance
Attendu que Mohamed Y... soutient avoir saisi la juridiction marocaine d'une demande en divorce avant le dépôt de la requête en divorce présentée par Zahra X... devant le juge français ;
Qu'il en déduit que seule la juridiction marocaine est compétente pour statuer sur la demande en divorce des parties ;
Attendu qu'il ressort du dossier de la procédure que Zahra X... a saisi le Juge aux Affaires Familiales de METZ par requête en date du 14 avril 2003 ;
Qu'en revanche Mohamed Y... ne verse pas aux débats l'acte ayant saisi le juge marocain ;
Qu'en tout état de cause l'examen combiné des convocations adressées à chacun des époux Y... par le Consulat Général du MAROC à STRASBOURG pour le 8 avril 2003 aux fins de " tentative de conciliation " et du " procès-verbal portant non-comparution de l'épouse pour conciliation " dressé le 27 juin 2003 se rapportent à une demande du mari tendant à être autorisé à répudier son épouse ; qu'ainsi l'action en divorce invoquée par Mohamed Y... a donné lieu à une autorisation de divorce accordée le 1er novembre 2005 par le Tribunal de première instance de ROMANI (MAROC), puis à un " acte de divorce révocable " en date du 22 novembre 2005 émanant du Juge Notaire de ROMANI ;
Qu'or ce " divorce " qualifié de " révocable " intervenu conformément à la seule volonté de l'époux, sans qu'aucune cause de divorce ne soit examinée s'analyse en une répudiation, laquelle est contraire au principe d'égalité des époux durant le mariage et lors de la dissolution du mariage, énoncé par l'article 5 du protocole n° 7 du 22 novembre 1984, additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
Attendu qu'en conséquence la demande en divorce introduite au MAROC par Mohamed Y... et le jugement subséquent ne sont pas conformes à l'ordre public français et ne peuvent pas être pris en compte par le juge français ;
Que dès lors, l'exception de litispendance présentée par Mohamed Y... sera rejetée ;
Qu'il appartient à la présente juridiction de statuer sur les demandes en divorce présentées par les parties ;
2) Sur le droit applicable
Attendu que Mohamed Y... est de nationalité marocaine ;
Qu'il ressort des pièces produites que Zahra X... a la double nationalité marocaine et française, en vertu du décret de naturalisation intervenu le 10 octobre 2003 ;
Qu'ainsi à la date de l'assignation en divorce, soit le 4 novembre 2004, l'épouse bénéficiait de la nationalité française ;
Qu'en conséquence et par application de l'article 9 de la convention franco-marocaine du 10 août 2001 entré en vigueur le 13 mai 1983, sont l'une et l'autre applicables, la loi marocaine puisque les deux époux sont de nationalité marocaine (article 9 alinéa 1), ainsi que la loi française puisque l'un des époux à la nationalité française et l'autre la nationalité marocaine et qu'il est constant que leur dernier domicile commun était sur le territoire français (... à WOIPPY-MOSELLE) ;
Que dès lors, l'article 9 de la convention franco-marocaine ne permettant pas de trancher le conflit de loi, en raison de double nationalité de l'épouse, il convient de revenir à la règle de conflit française édictée par l'ancien article 310 du Code Civil, applicable en l'espèce, compte tenu de la date de l'introduction de l'instance ;
Que ce texte prévoit que le divorce est régi par la loi française lorsque les époux ont l'un et l'autre leur domicile sur le territoire français ;
Que tel étant le cas des époux Y...- X..., leur demande en divorce doit être tranchée selon le droit français ;
3) Sur le fond
Sur le divorce
Attendu qu'au soutien de sa demande en divorce aux torts exclusifs du mari, Zahra X... reproche à ce dernier :
- d'avoir un comportement injurieux et violent et notamment de l'avoir mise à la porte avec les deux enfants alors mineurs dans la nuit du 12 mars 2003,- de n'avoir pas informé l'épouse de la gestion de la famille et de l'acquisition ou non d'immeubles,- de s'être remarié au MAROC et d'avoir refondé une famille,
Que les trois témoignages émanant de Barbara B..., compagne de Nouredine Y..., fils des parties, doivent être écartés des débats par application de l'article 205 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Que la violence du mari, contestée par ce dernier, n'est pas établie ; que si l'épouse à séjourné à compter du 13 mars 2003 au gîte Sainte Croix avec les deux enfants alors mineurs, aucun élément ne permet d'imputer cet état de fait au mari et notamment à des violences de ce dernier ;
Qu'en revanche, Mohamed Y... qui ne conteste pas le bien-fondé des autres griefs allégués conclut au prononcé du divorce aux torts partagés, ce dont il se déduit qu'il reconnaît expressément la réalité desdits griefs ;
Qu'au demeurant, il ressort de la notification de la CAF produite par Zahra X... que Mohamed Y... a eu le 8 décembre 2006 un enfant avec Madame Nina Y..., ce qui corrobore les allégations selon lesquelles il a refait sa vie en cours de procédure ;
Attendu qu'au soutien de sa demande en divorce aux torts partagés des époux, Mohamed Y... n'articule toutefois aucun grief à l'encontre de Zahra X... ;
Attendu que dans ces conditions, seule Zahra X... rapportant la preuve d'un manquement grave ou renouvelé du conjoint aux devoirs et obligations découlant du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie commune, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari ;
Sur les mesures accessoires concernant les enfants
Attendu que les dispositions du jugement déféré ayant statué concernant l'enfant mineur Badr sur l'exercice de l'autorité parentale, la résidence habituelle de l'enfant et le droit de visite et d'hébergement ne sont pas critiquées et seront dès lors confirmées ;
Attendu que l'article 371-2 du Code Civil prévoit que chacun des parents contribue à l'entretien et l'éducation des enfants en proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ;
Que Zahra X... perçoit un salaire mensuel de 1. 029 euros environ ;
Qu'outre les charges courantes, elle paie un loyer mensuel de 500 euros ;
Qu'elle assume la charge de l'enfant mineur Badr, scolarisé au lycée, ainsi que celle de l'enfant majeur Fahd, âgé de 21 ans, demandeur d'emploi non indemnisé ;
Que, de son côté, Mohamed Y..., lequel en qualité d'agent SNCF a perçu un revenu de substitution à hauteur de 1. 243 euros par mois, bénéficie de la retraite au taux plein depuis le 31 décembre 2007 ; qu'à ce titre il perçoit de la CRAV un montant mensuel de 924, 41 euros mais reste taisant concernant ses droits à retraite complémentaire ; que de plus, il est établi par le témoignage de Naïma C... qu'il perçoit des revenus locatifs au MAROC ;
Qu'outre les charges courantes, il paie un loyer résiduel de 181, 79 euros ;
Qu'en considération de ces éléments, la pension alimentaire mise à la charge du père au titre de la contribution à l'éducation et l'entretien des enfants a été correctement appréciée en son principe ainsi qu'en son quantum et sera donc confirmée, Mohamed Y... devant en outre être débouté de sa demande en suppression de la pension alimentaire à compter du 31 décembre 2007 ;
Sur la prestation compensatoire
Attendu que l'existence du droit à prestation compensatoire de et la fixation de son montant doivent être appréciées en fonction de la situation des parties au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
Qu'en application des articles 271-272 du Code Civil, il sera relevé au vu de la déclaration sur l'honneur et des pièces produites par les parties les éléments suivants :
Que le mariage a duré 36 ans ;
Que 7 enfants en sont issus dont 1 est toujours mineur et scolarisé ;
Que Mohamed Y..., âgé de 57 ans, ancien agent SNCF, bénéficie d'une retraite aux taux plein, à hauteur de 924, 41 euros versés par la CRAV ; que toutefois il reste taisant concernant le versement d'une retraite complémentaire ;
Qu'il ressort en outre du témoignage circonstancié de Naïma C... et des certificats établis par le conservateur foncier marocain que Mohamed Y... est propriétaire de trois terrains et propriétaire indivis (pour moitié) d'un quatrième terrain ainsi que de plusieurs appartements, ces derniers donnés en location ; qu'il s'ensuit qu'il perçoit donc des revenus locatifs au MAROC, ainsi qu'allégué par Zahra X... ;
Qu'outre les charges courantes, Mohamed Y... paie un loyer résiduel de 181, 39 euros et une pension alimentaire mensuelle de 200 euros au titre de la contribution à l'éducation et l'entretien des enfants ;
Que Zahra X..., âgée de 51 ans, qui n'a pas exercé d'activité professionnelle durant la mariage et s'est consacrée à son foyer et à l'éducation de 7 enfants du couple, travaille depuis septembre 2007 en qualité d'agent de service moyennant un salaire mensuel de 1. 029 euros ;
Que ses droits à la retraite seront très limités ;
Qu'outre les charges courantes, elle paie un loyer mensuel de 500 euros ;
Que l'épouse n'a aucun patrimoine personnel ;
Qu'il n'existe aucun patrimoine commun entre les parties ;
Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, il existe indiscutablement, du fait de la rupture du mariage, une disparité dans les conditions de vie respectives des parties, au sens de l'article 270 du Code Civil ;
Que le tribunal a justement apprécié la prestation compensatoire mise à la charge de Mohamed Y... sous la forme d'un capital de 25. 000 euros ; qu'il y a donc lieu à confirmation de ce chef ;
Sur les dépens
Attendu que Mohamed Y..., partie succombante, doit être condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers comprenant les frais de la procédure incidente ;
Sur les frais irrépétibles
Attendu que pour des motifs tirés de l'équité, chacune des parties, au demeurant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en Chambre du Conseil, contradictoirement, après débats en Chambre du Conseil,
Déclare les appels recevables,
Au fond :
Rejette l'exception de litispendance présentée par Mohamed Y...,
Dit que la juridiction française est compétente pour statuer sur les demandes en divorce formées par les parties,
Dit que le droit français est applicable au présent litige,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Y ajoutant,
Déboute chaque partie de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Mohamed Y... aux entiers dépens d'appel, lesquels comprendront les frais de la procédure incidente n° AI 07 / 00613.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2009, par Monsieur D'ALIGNY, Président de Chambre, assisté de Madame BELARDI, greffier et signé par eux.