Minute no 11/ 00262
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE METZ
CONTESTATION D'HONORAIRES D'AVOCATS
ORDONNANCE DU 09 Mai 2011
RG : CH 10/ 03536
Décision Au fond, origine Bâtonnier de l'ordre des avocats de METZ, décision attaquée en date du 24 Août 2010,
Madame Florence X...
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57150 CREUTZWALD
Comparante
DEMANDERESSE
Maître Michel Y...
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57000 METZ
Représenté par : Me David ZACHAYUS (avocat à la Cour d'Appel de METZ)
DÉFENDEUR
Les débats ayant eu lieu en chambre du conseil, à l'audience du 11 Avril 2011, tenue par Monsieur STAECHELE, Président de Chambre, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de METZ, assisté de Mme LAUER, f. f. de Greffier, l'affaire a été mise en délibéré et le prononcé a été fixé au 09 Mai 2011.
Et, le jour dit :
Nous, Monsieur STAECHELE, Président de Chambre à la Cour d'Appel de METZ, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de METZ, assistée de Mme LAUER, f. f. de Greffier,
FAITS ET PROCEDURE
Florence X... a confié à Me Michel Y... la défense de ses intérêts dans une procédure correctionnelle.
Par lettre reçue le 17 mai 2010, elle a saisi le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Metz en sollicitant la restitution des honoraires qu'elle avait payé à Me Michel Y... à concurrence de 2000 €.
Par lettre du 26 mai 2010, le bâtonnier a demandé ses observations à Me Y.... Par lettre du même jour, il a accusé réception de sa réclamation à Florence X...,
Par décision du 24 août 2010, notifiée le 6 septembre 2010 à Florence X..., le Bâtonnier de l'Ordre des avocats a rejeté la contestation de Florence X..., motif pris de que :
1. Florence X... a réglé la facture de Me Michel Y... sans la contester ;
2. le fait qu'elle ait finalement confié le dossier à un autre avocat est sans emport sur la prestation réalisée par Me Michel Y... ;
3. que celui-ci indique que l'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois ; qu'il a préparé ce volumineux dossier d'escroquerie et que sa facture est conforme au barème affiché en salle d'attente.
Par lettre du 30 septembre 2010, reçue à la Cour d'appel le 1er octobre, Florence X... a formé un recours contre cette décision en faisant valoir :
4. que, contrairement à ce que Me Michel Y... soutient, elle n'a jamais été informée des tarifs pratiqués par Me Michel Y... ;
5. que celui-ci ne l'a jamais défendue au fond ;
6. qu'elle n'a été reçue par lui qu'une seule fois pendant 10 mn ; qu'il n'était pas alors en possession du dossier pénal et qu'il n'a pas été possible d'en discuter ;
7. que selon elle, les honoraires qu'il peut réclamer à ce titre n'excèdent pas 250 €.
Les deux parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 11 mars 2011, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 février 2010.
oOo
LES MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
A l'audience du 11 avril 2011, Florence X... a fait valoir au soutien de son recours :
8. qu'elle a été citée à comparaître à l'audience du tribunal correctionnel de Metz du 26 mars 2009 ; que quelques jours avant l'audience, elle s'est rendue au cabinet de Me Y... pour lui demander d'assurer sa défense ;
9. que Me Y... n'avait pas alors connaissance du dossier, de sorte qu'il n'a pas été possible d'en discuter utilement ; qu'elle lui a suggéré de demander un renvoi afin de lui permettre de se préparer tranquillement et d'examiner le dossier pénal ;
10. que cet avocat l'a reçue pendant 10 minutes mais lui a demandé le versement immédiat de 2000 € hors-taxes, soit 2392 € d'honoraires ; qu'elle a immédiatement demandé à son banquier de procéder à un virement de ce montant, ce qui a été fait sur-le-champ ;
11. que quelques jours plus tard, Me Y... l'a informée que l'affaire était renvoyée au 22 octobre 2009 ; qu'elle n'a cependant jamais revu cet avocat ; qu'aucune convention d'honoraires n'a été passée avec lui ; qu'elle a finalement décidé de confier la défense de ses intérêts à un autre avocat ; que Me Y... ne l'a n'a finalement pas assistée à l'audience ; qu'elle a été relaxée des fins de la poursuite ;
12. que, contrairement à ce qu'il prétend, elle n'a jamais été informée des tarifs de me Y... ;
13. Qu'elle n'a sollicité le renvoi qu'à une seule reprise ;
14. Que le travail de Me Y... ne justifie pas plus de 250 € de rémunération.
Me Hervé C... a demandé la confirmation de la décision entreprise pour les motifs qu'elle contient, en en soulignant :
15. que ses tarifs étaient affichés en salle d'attente ;
16. que la cause a été renvoyée une première fois au 22 octobre, puis sur la demande de Me D..., au 11 mars 2010 ;
17. que le 26 février, Me D... l'a informé qu'il assurerait la défense de Florence X... ;
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MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité du recours
Le recours, régulièrement formé dans le délai réglementaire d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée, est recevable.
Sur le recours de Florence X...
Me Y... indique :
18. que l'étude de ce dossier, concernant deux prévenus, lui a demandé trois heures d'étude et deux heures de rendez-vous ;
19. que ses tarifs étaient affichés en salle d'attente ;
20. que leur application se traduit par cinq heures de travail, rémunérées à 800 € de l'heure, soit 4000 € hors-taxes, ou 4784 € toutes taxes comprises ;
21. qu'il a été payé par les deux prévenus.
Cependant, Me Y... ne prouve pas, que ces tarifs étaient affichés en salle d'attente. Nul n'étant recevable à se constituer une preuve à soi-même, son affirmation ne saurait être acceptée de plano alors surtout qu'elle est contestée par le client. En toute hypothèse, l'affichage de tarifs dans une salle d'attente d'un avocat ne saurait tenir lieu de convention d'honoraires.
En second lieu, le paiement par le client d'un avocat d'une somme réclamée verbalement par ce dernier lors d'un premier contact, ne peut s'analyser que comme une demande de provision en l'absence de convention d'honoraires signée par les deux parties.
Dès lors, le fait par Florence X... de verser cette provision avant toute intervention de l'avocat ne saurait faire présumer qu'elle renonçait à contester ultérieurement les honoraires qui lui étaient réclamés, alors surtout que la mission confiée à l'avocat à ce moment-là ne sera pas menée à son terme.
Le versement au dossier d'une facture acquittée mentionnant la somme versée, sans plus de précisions, ne modifie pas cette analyse.
Il s'ensuit que la demande de remboursement de Florence X... est recevable.
Aux termes du Règlement Intérieur National du Barreau, la rémunération de l'avocat est fonction, notamment, de chacun des éléments suivants conformément aux usages :
le temps consacré à l'affaire ;
le travail de recherche ;
la nature et la difficulté de l'affaire ;
l'importance des intérêts en cause ;
l'incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient ;
sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire ;
les avantages et le résultat obtenu au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci ;
la situation de fortune du client.
Dans le cas d'espèce, Me Y... a accepté de défendre, non seulement Florence X..., mais également son coprévenu M. E... ; Il indique qu'il a reçu ce dernier à plusieurs reprises. Il n'est donc pas contesté qu'il n'ait reçu Florence X... que pendant une dizaine de minutes, comme elle le soutient.
Or rien, en l'état des pièces versées, ne permet d'affirmer que Florence X... doit prendre en charge la rémunération du temps passé par Me Y... avec M. E....
Me Y... affirme également qu'il s'agissait d'un dossier d'escroquerie très volumineux, mais n'apporte aucun élément pour en rapporter la preuve, de sorte qu'il est impossible de se faire une idée de la complexité de l'affaire, de l'investissement et de la technicité qu'elle appelait de la part de l'avocat. Il n'est pas soutenu qu'il a dû se livrer à des recherches particulières.
Il n'est d'ailleurs même pas établi qu'il a pu prendre connaissance du dossier, et qu'il l'a étudié, dès lors que, bien avant l'audience au fond, ses clients l'ont informé qu'ils le dessaisissaient de leur affaire.
La seconde demande de renvoi, aux dires mêmes de Me Y..., a été formée par l'avocat qui lui a succédé et non par lui.
Aucune précision n'est fournie en ce qui concerne l'importance des intérêts en cause, ni l'incidence des frais et charges du cabinet de Me Y....
Le mandat de l'avocat n'ayant pas été mené à son terme, il ne peut être tenu compte des avantages du résultat obtenu au profit du client.
Il n'est pas soutenu non plus que la situation de fortune de ce dernier justifie des honoraires plus importants.
Il doit cependant être tenu compte de l'ancienneté, de l'expérience et de la notoriété de Me Y....
En l'état de ces éléments,, la somme payée par Florence X..., paraît excessive eu égard aux critères ci-dessus édictés par le conseil national des barreaux
Il convient de la ramener à de plus justes proportions, soit à 1000 € HT
DECISION
Par ces motifs, et nous, François Staechelé, président de chambre, agissant par délégation de M. le Premier Président de la Cour d'appel, statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance rendue après avoir contradictoirement entendu les parties ou leur représentant,
Vu les articles 174 et suivant du décret No 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
Déclarons recevable le recours de Florence X... ;
Au fond, y faisant droit partiellement, fixons les honoraires que Me Y... était en droit de réclamer à Florence X... à la somme de 1000 € HT.
Condamnons en conséquence Me Y... à lui rembourser la différence, soit 1196 € TTC
Le Greffier Le Premier Président par délégation