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05/07/2022 | FRANCE | N°19/02755

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 19/02755


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 19/02755 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FEZW

Minute n° 22/00171





[P]

C/

[A]









Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 08 Décembre 2017, enregistrée sous le n° 2019/00058





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 05 JUILLET 2022








r>APPELANT :



Monsieur [X] [P]

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ









INTIMÉ :



Monsieur [D] [A]

[Adresse 5]

[Localité 6]



Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de ME...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 19/02755 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FEZW

Minute n° 22/00171

[P]

C/

[A]

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 08 Décembre 2017, enregistrée sous le n° 2019/00058

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022

APPELANT :

Monsieur [X] [P]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

Monsieur [D] [A]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 22 Mars 2022 tenue par Mme Aline BIRONNEAU , Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 05 Juillet 2022, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Flores, Présidente de Chambre et par Mme Cindy Nondier, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [P] et M. [D] [A] sont propriétaires de terrains respectivement situés [Adresse 3] (département de la Moselle), terrains sur lesquels sont édifiées leurs maisons d'habitation.

Par acte introductif d'instance du 15 décembre 2015, déposé au greffe le 6 janvier 2016, M. [P] a fait citer M. [A] devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, au visa des articles 678, 1382 et 545 du code civil, afin notamment de faire enlever une gouttière débordant sur sa propriété, de faire supprimer un empiètement représenté par une couvertine, de faire ordonner à son voisin de faire procéder à l'entretien de son pignon, de faire ordonner la suppression d'un abri de jardin et d'un garage et afin de faire supprimer des vues non réglementaires.

M. [A] a constitué avocat. Il a contesté la recevabilité de certaines demandes, a conclu au débouté des prétentions de M. [P] et il a présenté des demandes reconventionnelles au titre de la mise en conformité d'une cheminée et de la taille des arbres.

Par jugement du 8 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a :

constaté qu'il n'avait pas été saisi régulièrement de la demande principale ;

déclaré en conséquence l'intégralité des demandes principales émises par les parties irrecevables ;

condamné M. [P] à payer à M. [A] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Au visa de l'article 757 du code de procédure civile et des articles 31, 32 et 33 de l'annexe du code de procédure civile relative à l'Alsace et à la Moselle, le tribunal a considéré que si le dépôt de l'acte d'instance au secrétariat-greffe entraîne la saisine de la juridiction, c'est sous réserve de la signification de cet acte au défendeur au moins quinze jours avant l'audience fixée par le président et que l'absence de signification dans le délai de l'article 33 entraîne la caducité de l'acte introductif d'instance, en l'absence de tout lien juridique d'instance.

Il a relevé que depuis le dépôt de l'acte introductif d'instance survenu le 15 décembre 2015, aucune assignation régulière en la forme n'a été déposée au greffe, que le cabinet du conseil du demandeur a été joint en cours de délibéré mais qu'aucune communication du procès-verbal de signification de l'acte n'est intervenue.

Le tribunal a indiqué qu'en l'absence d'assignation qui ne peut être suppléée par la constitution spontanée de l'avocat de la défense, la procédure s'est trouvée affectée d'une irrégularité de fond pouvant être invoquée en tout état de cause, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief.

Il en a déduit que l'acte d'instance était caduc.

Par déclaration reçue au greffe le 17 mai 2018, M. [P] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 15 mars 2022, M. [P] demande à la cour, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 676, 678, 1382, 544, 545 et 1382 du code civil, de :

prononcer l'annulation du jugement du 8 décembre 2017, et statuer par l'effet dévolutif de l'appel, subsidiairement infirmer le jugement du 8 décembre 2017 ;

sur le fond,

en tant que besoin et avant dire droit, ordonner une expertise judiciaire, aux fins de déterminer si le mur dressé par M. [A] et les couvertines posées sur le mur par ce dernier ou la gouttière empiètent sur la propriété de M. [P], à défaut ordonner une vue des lieux ;

déclarer M. [A] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes ;

condamner M. [A], à mettre fin à l'empiètement sur la propriété de M. [P], en procédant au retrait des couvertines installées sur le mur séparatif et débordant sur la propriété de M. [P], sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner M. [A] à mettre fin à l'empiètement sur la propriété de M. [P], en procédant à l'enlèvement de la gouttière et de la rive débordant sur la propriété de M. [P], sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner M. [A] à procéder à l'entretien de son mur et au retrait de l'ensemble des morceaux d'enduits et autres matériels qui proviendraient de son fait sur la toiture du garage de M. [P], sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner M. [A] à supprimer la vue ainsi illégalement créée sur la propriété de M. [P] en installant des fenêtres à fer maillé et verre dormant, garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d'ouverture au plus et d'un châssis à verre dormant, (soit sans possibilité d'ouverture), sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner M. [A] à procéder à l'enlèvement des palettes de pierre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

condamner M. [A] à payer à M. [P] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et en réparation de ses préjudices ;

déclarer M. [A] irrecevable, notamment comme étant prescrit en ses demandes afférentes à la cheminée de M. [P] et subsidiairement l'en débouter, et le débouter de sa demande de dommages et intérêts ;

déclarer M. [A] irrecevable comme prescrit et pour défaut de succombance en ses demandes afférentes à la suppression de l'empiètement du mur, du toit et du chéneau du garage de M. [P] et subsidiairement l'en débouter ;

en tant que besoin, ordonner également une expertise sur le garage et la cheminée, de nature à déterminer leur date de construction et si des travaux modificatifs auraient été réalisés, depuis l'acquisition du bien par M. [P] ;

débouter M. [A] de ses demandes relatives à la taille et à la coupe des arbres de M. [P] situés à moins de deux mètres de la limite séparative du fonds;

déclaré irrecevable M. [A] en ses moyens d'irrecevabilité des demandes présentées par M. [P] tendant à le voir condamné à supprimer la vue illégale, la demande de dommages et intérêts soulevés pour la première fois dans le dispositif ses conclusions du 06 novembre 2020, ce en application de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

déclarer M. [A] irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes ;

condamner M. [A] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ;

condamner M. [A] à payer à M. [P] une somme de 3 500 euros par instance, soit [Cadastre 7] 000 euros au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] considère que le tribunal n'a pas respecté le principe du contradictoire, car si cette juridiction entendait se prévaloir du fait qu'elle n'avait pas été régulièrement saisie, il lui appartenait de rouvrir les débats pour obtenir la communication de l'assignation et les observations des parties sur ce point.

Il en déduit que le jugement doit être annulé et il indique justifier de l'existence de l'assignation délivrée dans le délai prévu par les textes.

Il ajoute que la cour statuera par l'effet dévolutif de l'appel et que subsidiairement, le jugement devra être infirmé.

Sur le fond, M. [P] expose que M. [A] a installé, sur le mur arrière délimitant les deux propriétés, des couvertines qui empiètent de quatre centimètres tout le long du mur, étant précisé que l'empiètement est plus prononcé lorsque l'on s'éloigne des deux habitations.

Il indique qu'il en est de même pour la gouttière de l'immeuble voisin, qui empièterait de vingt centimètres environ.

L'appelant indique se fonder sur un plan d'arpentage réalisé le 27 juin 2007 ainsi que sur un procès-verbal de constat et il précise que la réalité de ces empiètements a été confirmée par les services de la mairie.

Il estime que M. [A] a lui-même reconnu l'empiètement des couvertines, dans un courrier du 23 mai 2014 adressé à son voisin.

En réponse aux contestations de M. [A], il fait valoir que l'huissier de justice est assermenté et que M. [A] a indiqué au géomètre qu'il ne voulait pas assister aux opérations d'arpentage en raison de la procédure judiciaire en cours.

L'appelant ajoute qu'il importe peu que le mur en question soit privatif à M. [A], l'empiètement étant matérialisé par le dépassement des couvertines. Il assure que ce mur de jardin est bien construit en limite de propriété.

Il indique également qu'il est prêt à se soumettre à une vue ou à une mesure d'expertise si la cour l'estime nécessaire.

M. [P] soutient que l'empiètement des couvertines lui cause un préjudice, dans la mesure où il ne peut pas édifier d'abri de jardin le long du mur séparatif alors qu'il dispose des autorisations nécessaires pour ce faire. Il ajoute que compte tenu de l'expiration du précédent permis de construire, il a dû en obtenir un nouveau qu'il a fait afficher et qui n'a pas été contesté par son voisin.

Il précise que du fait de la pente de ces couvertines, l'eau de pluie se déverse sur sa propre propriété.

S'agissant de la façade de son voisin, M. [P] assure que M. [A] ne l'entretient pas et que des pierres provenant du pignon de la façade de l'immeuble [A] tombe sur la toiture de son garage, causant des trous et donc des infiltrations.

Il estime que les explications de M. [A] selon lesquelles ces dégradations seraient consécutives à la grêle sont risibles et il ajoute que ce dernier n'a pas effectué les démarches nécessaires auprès de son assureur.

Il conteste les affirmations de M. [A] selon lesquelles M. [P] aurait refusé l'accès au chantier à une entreprise et il explique qu'il a seulement posé des conditions à cet accès, notamment en ce qui concerne les plages horaires de travail.

Il conteste également l'attestation produite par M. [A] et provenant de l'entrepreneur sur les difficultés d'accès au chantier, la qualifiant de faux grossier.

M. [P] explique également que M. [A] a procédé à l'installation d'une ouverture irrégulière sur le mur séparatif situé au-dessus du garage [P].

Il conteste les allégations de M. [A] selon lesquelles il s'agirait d'un simple jour de tolérance, ainsi que l'attestation établie par une personne dénommée [N] [M].

Il maintient que c'est bien M. [A] qui a posé un châssis permettant l'ouverture sur quatre carreaux et que la couleur de ce châssis démontre qu'il s'agit d'une installation neuve, de sorte que la partie adverse ne peut pas se prévaloir d'une prescription trentenaire.

Sur les dommages causés à son jardin, M. [P] indique qu'ils sont consécutifs à l'empilement très aléatoire d'agglos sur le terrain de M. [A], agglos qui sont tombés et qui ont endommagé en 2015 le grillage de M. [P] ainsi qu'un repère de géomètre.

Il admet que M. [A] a effectivement retiré les pierres, en passant par la propriété des époux [P] sans leur autorisation et en laissant le grillage et les piques de clôture pliées.

L'appelant justifie sa demande de dommages et intérêts par l'ancienneté du litige, la mauvaise foi de M. [A], l'empêchement dans lequel il se trouve de poursuivre ses propres travaux et les dégradations subies par sa propriété.

Concernant les demandes reconventionnelles de M. [A], M. [P] considère que la prétention au titre de la cheminée est prescrite, dans la mesure où la maison a été édifiée en 1898 et puisqu'une photographie de 1978 démontre que la cheminée était déjà présente.

Il ajoute que dans ses conclusions du 10 mai 2021, M. [A] a abandonné ses demandes sur ce point.

Sur le fond, il considère cette demande comme étant infondée, en précisant qu'aucune modification de la cheminée n'est intervenue depuis sa construction sinon la pose d'un chapiteau, qu'elle est régulièrement entretenue mais qu'elle ne sert que ponctuellement, les époux [P] l'ayant utilisée une ou deux fois au cours du dernier hiver.

Il estime qu'il s'agit juste d'une mesure de représailles en réaction à la présente procédure, car ses fumées ne se dirigent pas vers la propriété de M. [A].

M. [P] indique que ses thuyas sont situés à plus de deux mètres de la limite séparative et sont taillés et il s'en réfère à un constat d'huissier sur ce point.

S'agissant des empiètements allégués du mur, toit, terrasse et chéneau de son garage sur la parcelle [A], M. [P] fait valoir que les allégations de la partie adverse ne reposent sur aucun fondement et que cette demande présentée pour la première fois dans les conclusions du 23 mai 2016 est de toute façon prescrite, le premier garage ayant été construit en 1898 et le deuxième en 1973 avec deux emplacements, l'un étant réservé à M. [C].

M. [P] verse aux débats l'acte d'achat de l'immeuble mentionnant la date de construction du garage et l'attestation complétée par un voisin quant à la configuration de ce garage. Il assure qu'il ne l'a jamais modifié, sinon pour des travaux sur la toiture exigés par M. [A] qui avait subi un dégât des eaux.

Il indique qu'il est prêt à subir une expertise de manière à déterminer la date de construction du garage.

Il estime qu'en tout état de cause, cette demande est irrecevable dans la mesure où M. [A] y avait renoncé en première instance.

Subsidiairement, l'appelant fait valoir que l'empiètement allégué est minime, de sorte que la demande de démolition apparaît excessive.

Enfin, M. [P] soutient que les moyens d'irrecevabilité présentés pour la première fois dans le dispositif des conclusions de M. [A] du 6 novembre 2020 doivent être rejetés en application de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2022, M. [A] demande à la cour de :

lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel de M. [P] en ce qu'il tend à l'annulation du jugement entrepris ;

le recevoir en son appel incident et provoqué et le dire bien fondé ;

Statuant au fond par l'effet dévolutif de l'appel,

recevoir M. [A] dans l'ensemble de ses moyens de défense et fins de non-recevoir soulevés et les dire également bien fondés ;

Et de ce fait,

déclarer irrecevable comme prescrite la demande de M. [P] tendant à la condamnation de M. [A] à supprimer la vue illégalement créée sur sa propriété ;

déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de dommages et intérêts de M. [P] ;

Subsidiairement, rejeter ces demandes et les dires mal fondées ;

débouter M. [P] de ses autres demandes.

Y faisant droit,

condamner M. [P] à réaliser les travaux de mise en conformité de la cheminée de son immeuble afin que le conduit soit mis aux normes de l'arrêté du 2 août 1977 (réglementé par l'article 53 du règlement sanitaire départemental) et du 22 octobre 1969, la hauteur devant être supérieure de 0,40 mètre de tout obstacle situé dans un rayon de huit mètres autour du conduit et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

condamner M. [P] à procéder à la taille et à la coupe de ses arbres situés à moins de deux mètres de la limite séparative des fonds ;

ordonner la suppression de l'empiètement du mur, du toit et du chéneau du garage [P] sur la propriété de M. [A] et ce, sous astreinte non comminatoire de 50 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner M. [P] à payer à M. [A], à titre de dommages et intérêts compte-tenu des préjudices liés aux fumées, la somme de 5 000 euros, outre 1 000 euros par année à compter du 1er janvier 2019 et jusqu'à la mise en conformité de la cheminée de son immeuble avec la législation actuelle ;

condamner M. [P] en tous les frais et dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [A] indique tout d'abord qu'il n'y a pas eu d'opérations de bornage, mais un simple procès-verbal d'arpentage réalisé en juillet 2007, à l'initiative de M. [A] qui a fait diviser l'immeuble en deux lots distincts dont l'un a été revendu en octobre 2011.

Il précise qu'à l'époque, il n'avait pas été informé de ce que le garage de M. [P] empiétait sur sa propriété, ce que son voisin aurait en revanche appris à l'occasion des travaux de M. [B], autre géomètre, qui a posé une marque sur la façade du garage de M. [P] côté jardin.

M. [A] fait valoir que M. [P] ne peut se servir de ce repère pour se plaindre des empiètements causés par la gouttière et les couvertines de M. [A] et dans le même temps, la réfuter pour nier l'empiètement de son garage sur le fonds [A]. L'intimé considère que les deux procès-verbaux d'arpentage réalisés respectivement par son voisin et lui-même confirment que la limite de propriété est bien à huit centimètres du mur pignon [A].

Il indique que lui-même n'était pas présent lors des opérations d'arpentage effectuées par M. [B], que M. [P] ne justifie pas que M. [A] y ait été convoqué, que cette délimitation lui est inopposable et ne peut en aucun cas être invoquée à l'appui de l'empiètement allégué.

Il estime que le procès-verbal de constat d'huissier établi par Maître [F] n'est pas probant, pas plus que les photographies versées aux débats par M. [P], car une simple estimation visuelle ne permet pas de caractériser l'empiètement par surplomb d'une gouttière située à dix mètres de hauteur.

Il ajoute que le type de gouttière qu'il a fait poser ne dépasse pas des tuiles et il produit les factures correspondantes.

L'intimé conteste également un quelconque empiètement par les couvertines posées sur le mur de jardin, en produisant un schéma annoté par ses soins et en indiquant que le mur en litige est privatif et qu'il n'est même pas construit en limite de propriété.

Il assure qu'aucun débordement n'est établi par rapport à la limite de propriété qui est située à huit centimètres du nu du mur de jardin.

Il conteste avoir jamais reconnu un quelconque empiètement sur la propriété voisine, mais seulement le fait que les chaperons qu'il a posés sur le mur dépassent de part et d'autre de l'axe de l'ouvrage.

Sur la demande d'expertise, M. [A] considère que la cour ne doit pas suppléer la carence de M. [P] dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

Il conteste également le fait que les couvertines soient posées en pente vers le fonds [P] et il assure que c'est M. [P] qui a causé des désordres, en réalisant les fondations d'un mur en 2016 sans attendre l'obtention d'un permis de construire et en décollant et soulevant les couvertines pour monter ce double mur.

Il ajoute que M. [P] a déplacé le tuyau de descente de son toit, créant ainsi des infiltrations et que lui-même a posé des couvertines pour éviter de récupérer les eaux en provenance du toit du garage de M. [P].

M. [A] assure que sa façade est parfaitement entretenue et que M. [P] est mal fondé à se plaindre, dans la mesure où il a refusé l'accès au chantier à l'entrepreneur en dépit de la servitude du tour d'échelle.

Il indique ne pas avoir été informé de la chute de gravats dont se plaint M. [P].

Il admet que les photographies versées aux débats confirment la présence de morceaux d'enduit sur le toit du garage de M. [P], mais il considère que leur origine n'est pas déterminée.

L'intimé conteste l'existence d'une vue irrégulière, en indiquant qu'il ne s'agit que d'un jour de tolérance et il considère qu'en toute hypothèse, il peut se prévaloir de la prescription extinctive, dès lors que le fils de l'ancien propriétaire atteste du fait que cette ouverture a toujours existé.

Il en conclut que la demande de M. [P] en suppression de la vue est prescrite.

Il soutient que ce moyen est bien recevable, dès lors qu'il s'agit d'un moyen nouveau qui n'est pas prohibé par l'article 910-4 du code de procédure civile et puisque les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause.

M. [A] conteste avoir volontairement dégradé le jardin de M. [P] et il explique que la palette d'agglos qui est tombée dans le jardin de son voisin était parfaitement entreposée, mais qu'une partie du sol sous la palette a été excavée.

Il assure que le grillage n'est pas endommagé et que de toute façon, M. [P] a commencé à édifier des poteaux béton.

L'intimé considère que la demande de dommages et intérêts de son adversaire est irrecevable, car présentée pour la première fois à hauteur de cour.

M. [A] expose également que M. [P] a installé un conduit de cheminée à hauteur de ses fenêtres, de sorte que l'intimé ne peut pas laisser ses fenêtres ouvertes. Il produit un constat d'huissier dont il résulte que la cheminée en cause se situe à une hauteur inférieure à celle de l'immeuble [A].

Il soutient que cette cheminée ne respecte pas les prescriptions de hauteur et de distance prévues aux arrêtés du 2 août 1977 et du 22 octobre 1969.

Il indique que puisque M. [P] a fait valoir la prescription de sa demande de suppression de la cheminée, il demande désormais la mise en conformité de l'ouvrage.

Il relève que M. [P] admet avoir modifié la cheminée puisqu'il y a rajouté un chapeau à une date indéterminée. Il estime qu'en admettant avoir posé ce chapeau pour réduire les émanations de fumée, M. [P] fait un aveu judiciaire de la réalité de ce désagrément, aveu sur lequel il ne peut revenir.

Sur la nécessité pour son voisin de tailler ses arbres, M. [A] s'en réfère au procès-verbal de constat de Maître [O].

S'agissant de sa demande au titre de l'empiètement du mur, du toit et du chéneau du garage de son voisin, M. [A] fait valoir que le repère visuel de délimitation dont se prévaut M. [P] caractérise de manière probante l'empiètement du garage de M. [P] sur la parcelle voisine.

Il conteste la prescription de cette prétention, en faisant valoir que l'acte d'acquisition de l'immeuble de 1999 ne détaille pas la configuration du garage construit en 1973 et en soutenant que M. [P] a modifié l'emprise du mur de son garage en l'accolant au mur pignon de M. [A]. Il ajoute que M. [P] a refait le crépi de son garage après 2010 puis son toit en 2020 et que ces travaux ont considérablement modifié la façade de ce garage.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les conclusions déposées le 15 mars 2022 par M. [P] et le 21 mars 2022 par M. [A], auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 22 mars 2022 ;

Sur les empiètements dénoncés par M. [P] et M. [A]

M. [P] et M. [A] sont en désaccord quant à la position de la limite de propriété entre leurs deux fonds.

M. [A] conteste le rapport de délimitation établi le 6 mai 2016 par M. [B] pour le compte de M. [P] en faisant valoir que lui-même ne l'a pas signé, ce qui est exact.

Néanmoins, M. [A] indique également qu'il reconnaît la marque apposée par M. [B] sur la façade du garage de M. [P], en ce qu'elle matérialise la limite de propriété, puisqu'elle correspond très exactement à la marque déjà retenue en 2007 par le géomètre qu'il avait mandaté dans le cadre de la division avant revente de sa parcelle.

Or, le rapport de délimitation établi par M. [B] matérialise précisément la limite de propriété entre les deux parcelles à partir de ce marquage au mur (marquage intitulé « croix écrimétal »).

Du plan ainsi établi par M. [B], il en résulte que le mur de jardin de M. [A] se situe bien à l'intérieur de son fonds, dans sa partie proche des maisons d'habitation, jusqu'à se situer à quatre centimètres de la limite séparative de propriété, de sorte qu'à cet endroit du jardin les couvertines qui ne débordent que de trois centimètres du mur n'empiètent pas sur la propriété de M. [P].

Mais lorsque l'on s'éloigne vers le fond du jardin, le mur de M. [A] se rapproche progressivement de la limite séparative de sorte qu'à cet endroit, les couvertines qui débordent de trois centimètres du mur empiètent bien sur la propriété de M. [P].

L'appelant serait donc partiellement fondé à se plaindre d'un empiètement sur sa propriété en raison des couvertines posées sur le mur de jardin de son voisin.

Mais il résulte également du rapport de délimitation établi par M. [B], qui fait apparaître l'implantation des bâtiments, que c'est l'immeuble de M. [P] qui empiète sur le fonds de M. [A] en partie avant de la parcelle, le décrochage entre le garage de M. [P] et le bâtiment [A] étant matérialisé, non à la limite de propriété, mais à l'intérieur de la parcelle [A].

Dans ces conditions, il apparaît que M. [A] subirait un empiètement du fait de la présence de ce garage sur son propre fonds.

Toutefois, le plan établi par M. [B] ne fait pas mention des mesures et donc, des superficies représentées par ces empiètements, de sorte que si la cour ordonnait d'ors et déjà des démolitions, les parties rencontreraient des difficultés dans l'exécution de la décision.

En conséquence, il y a bien un motif légitime à l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire, afin de confirmer l'ampleur des empiètements et d'en déterminer les éventuelles conséquences.

Ainsi, la cour ordonne une expertise judiciaire confiée à M. [T] [W], expert inscrit près la cour d'appel de Metz, expertise dont les modalités seront précisées au dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

ORDONNE la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture,

ORDONNE une expertise judiciaire concernant l'éventuel empiètement des constructions de M. [D] [A] sur le fonds de M. [X] [P] et l'éventuel empiètement des constructions de M. [X] [P] sur le fonds de M. [D] [A] et commet pour y procéder [T] [W], expert inscrit près la cour d'appel de Metz, avec pour mission, dans les conditions prévues aux articles 232 et suivants et 263 et suivants du code de procédure civile, de :

se rendre sur les lieux situés [Adresse 3],

entendre les explications des parties,

se faire communiquer par celles-ci tous documents utiles à son information, et notamment le rapport de délimitation établi le 6 mai 2016 par M. [B] et le croquis établi par M. [U], géomètre, le 27 juin 2007,

s'adjoindre si nécessaire tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts,

relever et mesurer la situation des constructions appartenant à M. [D] [A] par rapport à la limite séparative des fonds cadastrés section [Cadastre 7] parcelle n°[Cadastre 7] et section [Cadastre 7] parcelle n°[Cadastre 1],

dire si les constructions édifiées sur le fonds appartenant à M. [D] [A] empiètent sur le fonds appartenant à M. [P] et dans l'affirmative sur quelle superficie exactement,

relever et mesurer la situation des constructions appartenant à M. [X] [P] par rapport à la limite séparative des fonds cadastrés section [Cadastre 7] parcelle n°[Cadastre 7] et section [Cadastre 7] parcelle n°[Cadastre 1],

dire si les constructions édifiées sur le fonds appartenant à M. [X] [P] empiètent sur le fonds appartenant à M. [A] et dans l'affirmative sur quelle superficie exactement,

en cas d'empiétement, indiquer les solutions appropriées pour y remédier,

préciser et évaluer les préjudices et chiffrer les coûts induits par les solutions possibles pour y remédier,

fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues,

dit que M. [P] devra consigner, dans le délai de deux mois à compter du présent arrêt, la somme de 3 000 euros TVA déjà incluse à valoir sur les frais et honoraires de l'expert, faute de quoi la désignation du technicien sera caduque, 

invite M. [P] à justifier auprès du greffe de l'envoi d'un chèque de ce montant, à l'ordre de la Caisse des Dépôts et Consignations auprès du comptable du Trésor pris en sa qualité de préposé  à la Caisse des Dépôts et Consignations, Direction régionale des Finances Publiques Auvergne-Rhône-Alpes et département du Rhône - Pôle de gestion des consignations - [Adresse 2] ([Courriel 8]), chèque qui devra être accompagné de la déclaration de consignation originale dûment complétée et signée, disponible sur le site internet de la Caisse des dépôts et consignations et de la copie intégrale du présent arrêt, en rappelant impérativement la référence de l'affaire et la juridiction concernée ;

dit que l'expert devra adresser aux parties un document de synthèse de ses opérations, leur impartir un délai pour lui adresser leurs dires, y répondre et déposer son rapport écrit, accompagné de sa demande de rémunération au greffe, dans le délai de six mois à compter du jour où il aura été avisé du versement de la consignation,

dit que l'expert devra adresser à chacune des parties, par tout moyen permettant d'en établir la réception, un exemplaire de son rapport accompagné de sa demande de rémunération,

dit que dans le délai de quinze jours suivant la réception de la demande de rémunération, les parties pourront adresser à l'expert et au juge chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction leurs observations écrites aux fins de fixation de la rémunération de l'expert,

dit qu'en cas d'observations écrites sur sa demande de rémunération, l'expert disposera dans un délai de quinze jours à compter de la réception de celles-ci pour formuler contradictoirement ses observations en réponse,

Appelons l'attention des parties sur les dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ainsi conçues :

« A défaut de consignation dans les délais et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert est caduque à moins que le Juge, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de la caducité. L'instance est poursuivie sauf à ce qu'il soit tiré toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner » ;

Pour le surplus,

RESERVE les demandes des parties ainsi que les dépens ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 9 février 2023 à 15h00 ;

INVITE les parties à conclure sur l'opportunité d'une conciliation ou d'une médiation ;

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/02755
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;19.02755 ?
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