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19/07/2022 | FRANCE | N°19/02606

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 19 juillet 2022, 19/02606


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 19/02606 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FEMV

Minute n° 22/00193





[L]

C/

[L]









Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 24 Juillet 2019, enregistrée sous le n° RG 17/02950





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 19 JUILLET 2022









APPELANT

:



Monsieur [X] [L]

[Adresse 8]

[Localité 10]



Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Alexandre DIETRICH, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG









INTIMÉ :



Monsieur [T] [L]

[Adresse 3]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 19/02606 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FEMV

Minute n° 22/00193

[L]

C/

[L]

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 24 Juillet 2019, enregistrée sous le n° RG 17/02950

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 JUILLET 2022

APPELANT :

Monsieur [X] [L]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Alexandre DIETRICH, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG

INTIMÉ :

Monsieur [T] [L]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 24 Mars 2022 tenue par, Mme Laurence FOURNEL, magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 19 Juillet 2022, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Flores, Présidente de Chambre et par Mme Cindy Nondier, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte de partage authentique du 20 avril 2001, M. [I] [L] a donné, à titre de partage anticipé, la nue-propriété des parcelles cadastrées section [Cadastre 1], n° [Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] sur la commune de [Adresse 11], à son fils [X] [L], et la nue-propriété de la parcelle cadastrée section 1 n°[Cadastre 6] à son autre fils [T] [L].

Messieurs [X] et [T] [L] ont l'un et l'autre exploité les parcelles dont ils sont nus-propriétaires, l'un et l'autre en tant qu'exploitant agricole individuel.

Le 30 septembre 2016, un incendie s'est déclaré et a détruit le bâtiment agricole située sur la parcelle n°[Cadastre 6], bâtiment ayant fait l'objet d'une extension plusieurs années auparavant.

Le 17 juin 2017 le conseil de M. [X] [L] a écrit à M. [T] [L] en indiquant que l'extension détruite avait été financées par M. [X] [L] de sorte que l'indemnité d'assurance faisant suite au sinistre devait être versée à ce dernier faute de quoi elle constituerait un enrichissement sans cause de M. [T] [L].

Puis, par acte d'huissier du 05 octobre 2017 M. [X] [L] a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Metz M. [T] [L], en soutenant avoir financé l'extension du bâtiment agricole ayant brûlé et en affirmant que toutes les pièces, tant techniques que comptables, établiraient que M. [X] [L] est propriétaire de cette extension de sorte que le versement de l'indemnité d'assurance à son frère [T] constituerait un enrichissement sans cause.

M. [T] [L] s'est opposé à la demande en soutenant être propriétaire de la totalité du bâtiment y compris l'extension, et ce en application de l'article 552 du code civil, et en faisant également valoir qu'il avait payé toutes les factures relatives à l'entretien ou à l'assurance du bâtiment. Il a soutenu également avoir lui-même financé l'extension, les pièces produites par son frère se rapportant en réalité au financement d'un autre bâtiment. Il a également fait valoir qu'il n'existait en l'espèce aucun enrichissement sans cause, dès lors que l'indemnité versée lui avait permis de reconstruire son bâtiment, et que la cause de son versement se trouvait dans le contrat d'assurance qu'il avait souscrit.

Par jugement du 24 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Metz a :

débouté M. [X] [L] de l'ensemble de ses prétentions à l'égard de M. [T] [L] ;

condamné M. [X] [L] à payer à M. [T] [L] la somme de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté M. [X] [L] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [X] [L] aux dépens de l'instance ;

prononcé l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que M. [X] [L] ne rapportait pas la preuve de ce qu'il aurait financé la construction de l'extension située sur la parcelle appartenant à son frère.

Il a observé que le rapport d'expertise produit n'était pas contradictoire, et se référait également à un certain nombre de pièces, notamment comptables, qui n'étaient pas produites à la procédure de sorte que le tribunal ne pouvait en apprécier le bien-fondé.

Se référant aux différentes pièces produites, le tribunal a observé que la demande d'acompte produite par M. [X] [L], qui constituait en réalité la facture finale puisque la totalité du montant du devis y était réclamée, était datée du 9 avril 2003 de sorte que l'on pouvait en déduire que le bâtiment objet de cette demande d'acompte était achevé à cette date, alors que l'étude d'insertion de la chambre d'agriculture produite par M. [T] [L], en vue de la réalisation de l'extension, était datée du 2 décembre 2003, et que sur les photos réalisées l'extension n'apparaît pas, preuve qu'à la date du 9 avril 2003 cette extension ne pouvait avoir été réalisée et que la demande d'acompte à hauteur de 11.771,52 € TTC concernait un autre bâtiment.

Par déclaration transmise au greffe de la Cour le 11 octobre 2019, M. [X] [L] a relevé appel du jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 03 mars 2022, M. [X] [L] demande à la Cour de :

« Recevoir l'appel de M. [X] [L]

Infirmer le jugement n° RG 17/02950 du 24 juillet 2019 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamner M. [T] [L] à verser à M. [X] [L] la somme correspondant à l'indemnité perçue au titre de l'indemnisation du sinistre du 30 septembre 2016 qui ne serait être inférieure à la dépense réalisée soit, 11 771,52 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du 19 juin 2017 ;

Réserver à M. [X] [L] de conclure plus amplement après communication du montant de l'indemnité perçue par M. [T] [L] ;

Débouter M. [X] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions,

Condamner M. [T] [L] à verser à M. [X] [L] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [T] [L] aux frais et dépens d'instance et d'appel de la procédure. »

M. [X] [L] fait tout d'abord valoir, en suite de l'argument d'irrecevabilité opposé par [T] [L], que les dispositions de l'article 555 du code civil ne sont pas applicables en l'espèce de sorte que l'enrichissement sans cause est bien le seul fondement pouvant être invoqué à l'appui de sa demande d'indemnisation.

Il maintient que le bâtiment incendié est bien celui dont il a financé la construction et en veut pour preuve le rapport du cabinet [P] qui décrit une extension aux dimensions identiques à celles mentionnées sur le devis de la société Oldriot dont il se prévaut.

Il soutient également que la preuve de ce qu'il a payé les travaux est rapportée, au vu du talon de chèque qu'il produit et affirme que ce paiement est totalement étranger aux travaux de mise aux normes des bâtiments sis [Adresse 7], lesquels ont fait l'objet d'un permis de construire distinct en décembre 2001.

A l'encontre des observations du premier juge quant à la chronologie, il affirme que le dépôt du permis de construire relatif à cette extension a été effectué après l'édification de celle-ci, pour régularisation, ce qui explique la contradiction apparente des dates, mais ne contredit nullement le fait qu'il ait lui-même financé cette construction édifiée courant 2002/2003. A l'inverse il considère qu'aucun des documents produits par son frère ne fait preuve de ce que celui-ci aurait financé l'extension litigieuse.

Il rappelle que le litige porte uniquement sur le sort de l'indemnité versée par la compagnie d'assurance et considère que le versement de celle-ci à M. [T] [L] constitue nécessairement un appauvrissement de M. [X] [L], étant rappelé que M. [T] [L] n'était pas propriétaire de l'extension.

En réponse aux arguments de M. [T] [L], il indique qu'il n'a pas agi de sa propre initiative mais à la demande de son frère, et n'y avait aucun intérêt.

Il estime que le versement de l'indemnité d'assurance constitue l'enrichissement indu dont a bénéficié M. [T] [L], et considère qu'aucune prescription n'est intervenue puisque le fait générateur de l'enrichissement sans cause est le versement de l'indemnité, intervenu en 2017.

Rappelant qu'il est en droit de prétendre à une indemnité égale à la plus faible des sommes représentant d'une part le coût des travaux réalisés et d'autre part le montant de la plus-value immobilière, il s'estime en droit de mettre en compte le prix payé pour les travaux, dès lors que M. [T] [L] n'a jamais indiqué quelle était la somme perçue de sa compagnie d'assurance.

Enfin, si la jurisprudence considère que l'enrichissement n'est pas sans cause lorsqu'il trouve sa justification dans l'exécution d'un contrat entre le bénéficiaire et l'appauvri, il fait valoir que tel n'est pas le cas en l'espèce, M. [T] [L] ne pouvant se prévaloir de l'exécution de son contrat d'assurance, qui ne lie pas les parties.

Par ses dernières conclusions récapitulatives du 23 mars 2022 M. [T] [L] conclut à voir :

« VU les dispositions des articles 552 et suivants du Code civil,

VU les anciennes dispositions de l'article 1371 du Code civil,

VU la jurisprudence précitée,

Rejeter l'appel,

Débouter M. [X] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer le jugement ;

Condamner M. [X] [L] à payer à M. [T] [L] de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour action abusive ;

Condamner M. [X] [L] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel ainsi qu'au règlement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC. »

M. [T] [L] réplique qu'aux termes de la jurisprudence applicable à la théorie de l'enrichissement sans cause antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur, et ne peut l'être notamment pour suppléer à une autre action qui ne pourrait plus être intentée à raison de tout obstacle de droit.

En l'espèce il soutient que l'action dont disposait M. [X] [L] à raison du financement qu'il allègue, relève exclusivement des dispositions de l'article 555 du code de procédure civile, de sorte que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause doit être déclarée irrecevable.

Il ajoute que la construction litigieuse datant des années 2000 , M. [X] [L] était prescrit pour engager toute action sur le fondement de ces dispositions de sorte que l'action en enrichissement sans cause ne peut suppléer une action qui ne peut plus être intentée par suite d'une prescription.

Il ajoute, à propos de l'enrichissement sans cause, que M. [X] [L] ne prouve pas que la dépense qu'il aurait effectuée constituait une impense nécessaire, ni même utile, et affirme qu'à supposer cette dépense établie ce qui est contesté, il s'agirait alors d'une dépense voluptuaire faite sur le terrain d'autrui en toute connaissance de cause et ne pouvant par conséquent donner lieu à remboursement.

Au surplus il fait valoir qu'il a perçu des indemnités pour un bâtiment incendié qui lui appartenait et conteste que son frère ait financé la construction de ce bâtiment, relevant notamment qu'il ne produit aucune facture acquittée se rapportant à une telle construction, et que globalement les documents versés aux débats ne correspondent pas à l'extension litigieuse. Il se réfère également à l'étude d'insertion de la chambre d'agriculture, datée du 2 décembre 2003 soit près de deux ans après les devis présentés par M. [X] [L], laquelle démontre qu'à cette date l'extension litigieuse n'était pas encore construite.

Il soutient par ailleurs avoir payé la totalité des frais afférents au bâtiment litigieux et rappelle qu'en application des articles 552 et 553 du code civil il est seul propriétaire de ce bâtiment.

Enfin il considère qu'il n'y a eu aucun enrichissement sans cause en l'espèce, puisque lui-même ne s'est pas enrichi à proprement parler, l'indemnité perçue lui ayant permis de reconstruire son bâtiment, et qu'en outre la cause de cette indemnisation réside dans le contrat qu'il a souscrit pour assurer le bâtiment.

Il fait enfin valoir que l'introduction d'une telle procédure, de même que l'appel ayant suivi, sont manifestement abusifs.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précités pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.

Une première ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2022.

A la demande conjointe des parties, cette ordonnance a été révoquée à l'audience du 24 mars 2022, et la procédure à nouveau clôturée par ordonnance du 24 mars 2022 après prise en compte des dernières conclusions et nouvelles pièces de M. [T] [L].

MOTIFS DE LA DECISION

1° Sur une éventuelle fin de non-recevoir

La cour constate que M. [T] [L] se prévaut dans les motifs de ses conclusions, de l'irrecevabilité de la demande de M. [X] [L] fondée sur l'enrichissement sans cause. Il évoque en outre une prescription, uniquement pour ce qui concerne l'action fondée sur l'article 555 du code civil qu'il présente comme l'unique action possible.

Cependant, le caractère subsidiaire reconnu à l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne constitue pas une fin de non-recevoir, mais une condition inhérente à l'action.

Au surplus le dispositif de ses conclusions ne comporte aucune demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de son adversaire, notamment pour prescription.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de statuer sur l'allégation d'une fin de non-recevoir non reprise au dispositif des conclusions de M. [T] [L].

2° Au fond

Sur la demande principale

M. [X] [L] considère que son actuelle demande est fondée sur l'enrichissement sans cause, alors que son adversaire évoque l'article 555 relatif à la construction sur le terrain d'autrui.

L'enrichissement sans cause ne pouvant être invoqué qu'à titre subsidiaire et à défaut de toute autre action il est nécessaire de déterminer le véritable fondement juridique de la demande de M. [X] [L].

Il résulte tant des conclusions de M. [X] [L] que du libellé de ses prétentions, que celui-ci considère que l'événement déclencheur de l'enrichissement sans cause de son frère [T], a été le paiement de l'indemnité d'assurance consécutive à l'incendie du bâtiment qu'il dit avoir financé.

M. [X] [L] considère en effet que, dès lors qu'il a lui-même financé la construction de ce bâtiment, il en est le seul propriétaire de sorte que l'indemnité d'assurance devait lui revenir, et que son versement à [T] [L] l'a appauvri et a corrélativement enrichi son frère de façon injustifiée. (Cf. notamment ses conclusions p. 7 : « extension au hangar appartenant à M. [X] [L] » .... « étant rappelé que M. [T] [L] n'était pas propriétaire de l'extension ») Il en conclut d'ailleurs que son action ne se heurte à aucune prescription compte tenu de la date du fait générateur.

En outre il sollicite expressément que lui soit réservé le droit « de conclure plus amplement après communication de l'indemnité perçue par M. [T] [L] ».

Ce faisant, M. [X] [L] ne fonde pas sa demande sur la construction d'un bâtiment dont son frère serait devenu propriétaire, ce qui l'aurait enrichi de façon injustifiée, mais sur le paiement de l'indemnité d'assurance, qui aurait été versée à un autre que le propriétaire.

Dès lors, un tel raisonnement ne recouvre pas la situation de l'article 555 du code civil, qui est celle d'un constructeur évincé par le jeu de l'accession, et auquel une indemnité serait due.

M. [X] [L] peut donc agir sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Cependant, M. [X] [L] part du postulat qu'il aurait été le propriétaire du bâtiment litigieux, à raison du fait qu'il l'aurait financé.

Outre le fait qu'il lui incombe dès lors de faire la preuve de ce financement, la cour observe que M. [T] [L] revendique également la propriété de ce bien par application des articles 552 et 553 du code civil.

Aux termes de l'article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

Aux termes de l'article 553, toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur, sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé.

S'il est possible, malgré les présomptions de l'article 552 précité, de dissocier la propriété du sol et celle de l'immeuble s'y trouvant édifié, une telle dissociation contraire au jeu normal de l'accession ne peut résulter que d'une convention spécifique entre les parties, qui doit être prouvée.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, et aucun des documents versés aux débats ne permet de considérer qu'un accord aurait existé pour que M. [X] [L] devienne propriétaire du bâtiment réalisé et que la propriété de l'immeuble soit dissociée de celle du sol.

S'il est loisible par conséquent à M. [X] [L] de renverser la présomption de l'article 553 et de faire la preuve de ce qu'il aurait lui-même financé la construction litigieuse, ceci ne lui permet pas en revanche de renverser, faute de davantage de preuves, la présomption d'accession et de propriété en faveur du propriétaire du sol, résultant des dispositions de l'article 552.

Il en résulte que M. [T] [L], indépendamment de toute discussion quant au financement du bâtiment, doit être considéré comme propriétaire de celui-ci par l'effet de l'accession.

Dès lors, les conditions posées au titre d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause, ne sont pas réunies.

D'une part, M. [X] [L], n'étant pas propriétaire, ne s'est pas appauvri à raison du versement de l'indemnité d'assurance à son frère, et d'autre part M. [T] [L] ne s'est pas enrichi, puisque cette indemnité n'avait vocation qu'à remplacer un bien détruit dont il était propriétaire.

Enfin, le versement de l'indemnité litigieuse, présenté comme un enrichissement, a bien une cause, à savoir le contrat d'assurance souscrit par M. [T] [L] et l'incendie du bâtiment.

La demande de M. [X] [L], en tant que fondée sur la notion d'enrichissement sans cause, ne peut donc prospérer.

La cour observe par ailleurs que, tout en fondant son argumentation sur le paiement injustifié à M. [T] [L] de la prime d'assurance, M. [X] [L] évoque cependant également dans ses conclusions le fait que les débats « portent exclusivement sur le droit à indemnité de M. [X] [L] en raison de l'enrichissement sans cause dont a bénéficié M. [T] [L], résultant du financement par M. [X] [L] d'une extension au hangar appartenant à M. [X] [L] ».

Bien qu'il n'ait jamais été contesté que le hangar originel, avant toute extension, appartenait à [T] et non à [X] [L], il reste que ce dernier semble alors envisager que l'enrichissement sans cause pourrait être né du financement lui-même de la construction de cette extension.

C'est cependant alors à juste titre que M. [T] [L] oppose le fait que, sur ce point, l'action ouverte à M. [X] [L] est en réalité celle découlant des dispositions de l'article 555 du code civil relatif aux constructions édifiées sur le sol d'autrui.

Contrairement à ce que soutient M. [X] [L], les travaux qu'il a financés ne s'assimilent pas à un simple agrandissement s'incorporant dans un ouvrage préexistant. En l'espèce, il a bien été réalisé une construction, certes accolée à un hangar préexistant, mais distincte et non incorporée à celui-ci, et pouvant être l'objet d'une accession par le propriétaire du sol, ce que revendique d'ailleurs ce dernier.

Dès lors, les conditions permettant d'agir sur le fondement de l'enrichissement sans cause, ne sont pas non plus réunies dans cette hypothèse, une autre action étant ouverte à M. [X] [L].

Il convient donc de confirmer par substitution de motifs la décision déférée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La situation entre les parties est de toute évidence complexe ainsi qu'il ressort tant de leurs explications que des pièces produites.

Dans ces conditions, le fait d'avoir fait usage du droit d'ester en justice et d'interjeter appel, ne revêt aucun caractère abusif.

La demande en dommages et intérêts est par conséquent rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de la présente décision conduit à confirmer les dispositions du jugement dont appel concernant l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

A hauteur d'appel M. [X] [L] qui succombe supportera les dépens.

Il est en outre équitable d'allouer à M. [T] [L], en remboursement des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la présente instance, une indemnité de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [T] [L] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE M. [X] [L] aux dépens de la procédure en appel,

CONDAMNE M. [X] [L] à verser à M. [T] [L] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLa Présidente de Chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/02606
Date de la décision : 19/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-19;19.02606 ?
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