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12/01/2023 | FRANCE | N°20/01933

France | France, Cour d'appel de Metz, 3ème chambre, 12 janvier 2023, 20/01933


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













RG 20/01933 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLTG

Minute n° 23/00015





[Y], [F], [Y], [G], [D], [G], [N]

C/

[H]









Arrêt Cour de Cassation de PARIS, du 10 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 520F-D



Arrêt du 3 décembre 2018 , Cour d'appel de NANCY, enregistrée sous le n°17/03045



Jugement du 15 décembre 2017 du Tribunal Paritaire Baux Ruraux d'EPINAL, enregistrée s

ous le n°16/00019





COUR D'APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE - Baux Ruraux

RENVOI APRES CASSATION DU 12 JANVIER 2023







DEMANDEURS A LA REPRISE



Monsieur [R] [Y]

[Adresse 24]

[Localité 21]



non c...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

RG 20/01933 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLTG

Minute n° 23/00015

[Y], [F], [Y], [G], [D], [G], [N]

C/

[H]

Arrêt Cour de Cassation de PARIS, du 10 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 520F-D

Arrêt du 3 décembre 2018 , Cour d'appel de NANCY, enregistrée sous le n°17/03045

Jugement du 15 décembre 2017 du Tribunal Paritaire Baux Ruraux d'EPINAL, enregistrée sous le n°16/00019

COUR D'APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE - Baux Ruraux

RENVOI APRES CASSATION DU 12 JANVIER 2023

DEMANDEURS A LA REPRISE

Monsieur [R] [Y]

[Adresse 24]

[Localité 21]

non comparant, représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Monsieur [S] [F]

[Adresse 28]

[Localité 19]

non comparant, représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Madame [Z] [Y]

[Adresse 18]

[Localité 16]

non comparante, représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Madame [X] [G]

[Adresse 1]

[Localité 20]

non comparante, représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Monsieur [O] [D]

[Adresse 17]

[Localité 2]

non comparant, représenté par Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Madame [V] [G]

[Adresse 7]

[Localité 20]

non comparante, représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Monsieur [C] [N]

[Adresse 11]

[Localité 23]

non comparant, représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

DEFENDEUR A LA REPRISE

Monsieur [L] [H]

[Adresse 4]

[Localité 22]

non comparant représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat postulant au barreau de METZ, Me AUGUET, avocat plaidant au barreau de Chalons en Champagne

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 08 Septembre 2022 tenue par M. MICHEL, Magistrat Rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 24 novembre 2022 à cette date le délibéré a été prorogé au 12 Janvier 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sophie GUIMARAES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madamae BASTIDE, Conseiller

Monsieur MICHEL, Conseiller

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme GUIMARAES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [F], Mme [Z] [Y] et M. [R] [Y] sont propriétaires indivis de parcelles situées à [Localité 22] ayant pour références cadastrales section C n°[Cadastre 5] et n°[Cadastre 6], section ZH n°[Cadastre 12] et n°[Cadastre 13].

Mme [Z] [Y], M. [R] [Y], M. [O] [D], M. [C] [N] et Mmes [V] et [X] [G] sont propriétaires indivis de parcelles situées à :

- [Localité 22] : section ZE n°[Cadastre 10] et section ZH n°[Cadastre 8], n°[Cadastre 9], n°[Cadastre 10]

- [Localité 27] : section ZH n°[Cadastre 3]

- [Localité 29] : section ZP n°[Cadastre 14]et n°[Cadastre 15]

La location de ces terrains a été consentie à M. [L] [H].

Par lettre du 30 avril 2016, Maître [T], notaire, a informé M. [H] de l'intention des propriétaires de procéder à la vente des parcelles pour le prix de 52.405 euros. Par courriers adressés aux co-indivisaires le 16 juin 2016, le preneur a accepté l'offre de vente sous réserve de la révision judiciaire du prix et précisé qu'il entendait exploiter lui-même les terrains.

Par requête enregistrée au greffe le 24 juin 2016, M. [H] a fait convoquer devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal les consorts [Y], [D], [N], [G] et [F]. Au dernier état de la procédure, il a demandé au tribunal de les débouter de leurs prétentions, fixer la valeur vénale des parcelles à la somme de totale de 38.567,30 euros, subsidiairement désigner un expert pour donner un avis sur la valeur vénale des parcelles, en tout état de cause condamner les bailleurs à lui payer une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les bailleurs se sont opposés aux prétentions et ont demandé au tribunal d'annuler l'acte introductif d'instance et la préemption de M. [H], reconventionnellement prononcer la résiliation du bail, débouter M. [H] de ses demandes et le condamner à leur verser des dommages et intérêts et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 novembre 2017, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal a :

- rejeté la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance

- vu la déchéance du droit de préemption, rejeté la demande de fixation du prix des parcelles situées à [Localité 22], [Localité 27] et [Localité 29]

- condamné M. [L] [H] à payer aux consorts [Y], [D], [N], [G] et [F] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties de leurs autres demandes

- condamné M. [L] [H] aux entiers dépens, y compris le coût du constat d'huissier du 2 décembre 2016 d'un montant de 445,27 euros.

Par acte du 15 décembre 2017, M. [L] [H] a formé appel de ce jugement.

Un autre litige a opposé M. [W] [H] à M. [S] [F] donnant lieu à un second jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal le 15 novembre 2017, également frappé d'appel.

Par arrêt du 3 décembre 2018, la cour d'appel de Nancy a :

- ordonné la jonction de la procédure opposant M. [L] [H] aux consorts [Y], [D], [N], [G] et [F], à la procédure parallèle opposant M. [W] [H] à M. [S] [F]

- confirmé les jugements rendus par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal le 15 novembre 2017 en toutes leurs dispositions

- débouté MM. [H] de leur demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel

- condamné M. [L] [H] à payer aux consorts [Y], [D], [N], [G] et [F] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel

- condamné M. [W] [H] à payer à M. [S] [F] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel

- condamné MM. [H] aux entiers frais et dépens d'appel.

Par arrêt du 10 septembre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation des baux consentis à MM. [H], l'arrêt rendu le 3 décembre 2018 par la cour d'appel de Nancy, remis sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz.

Par déclaration du 27 octobre 2020, les consorts [Y], [D], [N], [G] et [F] ont saisi la cour de renvoi aux fins d'infirmation du jugement du tribunal des baux ruraux d'Epinal du 15 novembre 2017 en ce qu'il les a déboutés de leur demande de résiliation du bail des terres louées à M. [L] [H] pour défaut d'exploitation et sous-location prohibée et de leur demande en paiement de la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Ils demandent à la cour de :

- ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les RG 20/1933 et 20/1934

- déclarer recevables les demandes en résiliation des baux

- faire droit à la fin de non-recevoir formalisée

- déclarer les consorts [H] irrecevables en toutes leurs contestations applicables aux fautes qu'ils ont commises constituant un abandon des terres

- ordonner la résiliation du bail rural consenti à M. [L] [H] et à M. [W] [H] au jour de la demande faite par conclusions du 13 janvier 2017 et du 10 novembre 2016 et ordonner la prise d'effet de la résiliation à cette date

- déclarer irrecevables les prétentions des consorts [H] à mobiliser l'article L.411-34 du code rural

- débouter toutes autres parties de toutes demandes plus amples ou contraires et les débouter de tout appel incident irrecevable en présence d'une cassation partielle

- condamner M. [L] [H], M. [U] [H] et Mme [I] [H] à verser à M. [S] [F] une somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile du même code au profit de Me Millot-Logier, avocat aux offres de droit.

Sur la jonction, les intimés exposent que la présente instance concerne les mêmes faits et soulève les mêmes questions de droit que l'instance opposant parallèlement M. [W] [H] à M. [F].

Sur la résiliation des baux et la fin de non recevoir issue de la chose jugée, ils font valoir que la demande de préemption étant définitivement rejetée pour défaut d'exploitation des fonds en raison de la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, le preneur ne peut être déclaré comme un locataire régulier bénéficiant du statut du fermage ou transmette le bail dans le cadre d'une cession quelconque. Ils précisent que la situation d'abandon des fonds entraîne l'anéantissement des contrats au jour où l'abandon a été commis et que celui qui ne peut préempter faute d'exploitation personnelle des terres, ne peut pas plus les louer ou céder son bail. Ils en déduisent que les consorts [H] sont irrecevables à soutenir que le motif de résiliation doit être à nouveau apprécié par la cour de renvoi et qu'en application de l'article 1355 du code civil, l'abandon des fonds et les agissements de nature à justifier la résiliation du bail sont définitivement consacrés par la cour d'appel de Nancy. Ils ajoutent que [W] [H] n'a pu transmettre ses droits à ses fils puisque le bail a été anéanti avant son décès et que les demandes de M. [U] [H] au visa de l'article L.411-34 du code rural sont irrecevables, de sorte que par application de l'article 122 du code de procédure civile, la discussion instaurée sur la nature et l'existence des fautes est entachée d'irrecevabilité.

Sur le fond, ils exposent que les motifs de la résiliation s'apprécient au jour de la demande, les événements postérieurs étant sans incidence sur la faute du preneur dont la matérialité résulte de l'arrêt définitif du 3 décembre 2018. Ils font valoir qu'il n'est pas démontré qu'au jour où ils ont sollicité la résiliation du bail devant le tribunal, M. [L] [H] était en règle vis à vis du contrôle des structures, ni qu'il bénéficiait d'une autorisation d'exploiter et qu'il ne peut régulariser a posteriori sa situation irrégulière. Ils ajoutent qu'il appartient au preneur de justifier d'une exploitation effective et permanente des terres mises à disposition par le bail, que cette notion ne se limite pas à la direction et à la surveillance de l'exploitation, que l'existence d'une décision définitive sur les fautes et manquements du preneur a pour effet de sceller le sort du bail qui n'a pu se poursuivre dans les mêmes conditions et rappellent que M. [H] n'est pas en mesure d'exploiter 'à titre personnel' puisqu'il ne réside pas, ni ne travaille sur place mais à 650 kilomètres dans une coopérative agricole, de sorte que son statut d'agriculteur à [Localité 22] n'est qu'une fiction.

Ils soutiennent par ailleurs que le bail a fait l'objet d'une cession prohibée au profit de M. [U] [H], qui s'est substitué à son frère pour la totalité des travaux de la ferme, qu'il ne s'agit pas d'une simple entraide familiale mais d'une substitution totale au mépris des droits du bailleur qualifiée d'abandon par la Cour de cassation et que la cession illicite constitue un manquement qui justifie la résiliation. Ils ajoutent que ce motif de résiliation n'est pas nouvellement invoqué puisqu'il a été visé dans les conclusions régularisées devant le tribunal paritaire des baux ruraux au visa de l'article L.411-35 du code rural et qu'en tout état de cause, il est parfaitement recevable devant la cour de renvoi puisqu'il tend aux mêmes fins que les moyens précédents.

M. [L] [H] demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la demande de résiliation sur le fondement d'une cession prohibée

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 15 novembre 2017 en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en résiliation de bail

- condamner les intimés au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la demande en résiliation du bail pour défaut d'exploitation effective et permanente, il expose que les manquements du preneur à ses obligations n'entraînent pas nécessairement la résiliation du bail, celle-ci n'étant prononcée que si les agissements incriminés sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Il soutient que la Cour de cassation a interprété de façon excessive la décision de la cour d'appel qui a constaté, non pas un abandon du fonds par les preneurs, mais l'insuffisance d'exploitation effective et permanente du preneur au sens de l'article L.412-5 du code rural relatif au droit de préemption et que l'arrêt du 10 septembre 2020 ne remet pas en cause le fait que le manquement constaté doit compromettre la bonne exploitation du fonds. Il souligne que cette preuve doit être rapportée par les bailleurs qui n'établissent ni le préjudice, ni le lien de causalité, se contentant de reprendre la motivation de la cour d'appel sur le droit de préemption sans apporter de pièces nouvelles sur le défaut d'exploitation des terres au visa de l'article L.411-31 du code rural, alors qu'il justifie que les terres ne sont pas abandonnées et qu'elles sont bien entretenues.

M. [H] fait valoir qu'il est agriculteur et agréé comme tel par tous les organismes de la profession, que son exploitation agricole est effective depuis plus de trois ans, qu'il dispose du matériel, des terrains et de baux nécessaires à cette exploitation et qu'il est propriétaire de 99 bovins. Il précise que depuis 1986, il est cumule une activité d'acheteur de bétail pour des coopératives et une activité d'exploitant agricole secondaire, que pour son employeur il parcourt très régulièrement la région Grand Est et revient régulièrement à [Localité 22]. Il ajoute qu'il ne lui est pas interdit en tant que chef d'exploitation d'avoir des ouvriers agricoles, mais qu'il a pour habitude d'effectuer la majeure partie des travaux agricoles sur ses terres et précise que les parcelles en cause sont pour l'essentiel des près, de sorte qu'il n'a pas besoin d'être présent constamment mais qu'il doit simplement accorder quelques jours pour la fenaison, voire les regains. Il observe que l'enquête diligentée par les bailleurs ne démontre pas qu'il ne participe pas personnellement aux travaux agricoles sur ses terrains et qu'il se fait aider par sa famille.

Sur la demande en résiliation du bail pour cession prohibée, il soutient au visa de l'article 564 du code de procédure civile que cette demande nouvelle est irrecevable puisqu'il ne ressort ni des conclusions des parties, ni de la décision du tribunal ou de la cour que les bailleurs se sont prévalus de ce motif de résiliation. Il indique que l'irrecevabilité de sa demande a déjà été soulevée devant la Cour de cassation qui n'a pas tranché ce point lequel ne peut être valablement débattu devant la cour de renvoi. Il ajoute que l'aide à l'action familiale ne constitue pas une cession de bail, que M. [U] [H] a uniquement joint ses efforts à ceux de sa famille pour exploiter ses parcelles et que la demande en résiliation au motif d'une cession prohibée est donc en tout état de cause mal fondée.

A l'audience du 8 septembre 2022, les parties, représentées par leurs avocats, ont repris et développé oralement leurs conclusions déposées à l'audience auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jonction

Selon l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

En l'espèce, il est relevé que les deux procédures n'opposent pas exactement les mêmes parties, ne portent pas sur les mêmes parcelles et ont donné lieu à deux jugements différents avec des demandes et des moyens différents. En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de jonction.

Par voie de conséquence, il n'y pas lieu de statuer dans le présent arrêt sur les prétentions relatives à la procédure n° RG 20/1934, tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions des consorts [H] à mobiliser l'article L.411-34 du code rural et ordonner la résiliation du bail rural consenti à [W] [H].

Sur la demande d'irrecevabilité de l'appel incident

En l'absence d'appel incident formé par M. [L] [H], il n'y a pas lieu à statuer sur l'irrecevabilité invoquée par les intimés.

Sur la demande de résiliation pour défaut d'exploitation effective et permanente du preneur

Sur la recevabilité des contestations émises, l'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose jugée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif et les motifs, même s'ils sont le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas autorité de la chose jugée.

En l'espèce, c'est en vain que les bailleurs font valoir que les contestations de M. [L] [H] quant à l'abandon du fonds sont irrecevables au motif qu'elles se heurtent à la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée. En effet, il est rappelé que sur la demande de résiliation du bail à ferme, la Cour de cassation a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy le 3 décembre 2018, étant observé que les constatations relatives au défaut d'exploitation du fonds s'évincent non du dispositif de la décision mais de ses motifs et n'ont donc pas autorité de la chose jugée. En conséquence la demande d'irrecevabilité est rejetée.

Sur le fond, l'article 1766 du code civil dispose que si le preneur d'un héritage ne le garnit pas des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s'il abandonne la culture, s'il ne cultive pas raisonnablement, s'il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée ou, en général, s'il n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

Il résulte de l'article L.411-31 2° du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation.

En application de ces dispositions, la résiliation du bail est encourue lorsque le défaut d'exploitation effective et permanente du preneur est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Les motifs de résiliation doivent s'apprécier au jour de la demande et la preuve des manquements du preneur qui peut être rapportée par tous moyens, incombe à celui qui les allègue.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats, notamment du contrat de travail à effet du 12 octobre 2015 conclu avec la société Corali située à [Localité 25], que M. [L] [H] exerce un emploi de 'commercial bovins'en Dordogne et qu'il demeure à [Localité 26] dans l'Allier. L'exercice de cet emploi salarié à temps complet et l'éloignement géographique de plusieurs centaines de kilomètres du preneur sont incompatibles avec l'exploitation effective et permanente des terres faisant l'objet du bail à ferme situées dans les Vosges, à [Localité 22], [Localité 27] et [Localité 29], à laquelle il est tenu.

L'immatriculation du preneur en qualité de chef d'exploitation à titre secondaire auprès de la MSA qui n'est conditionnée ni par la présence de l'intéressé sur place, ni par son implication personnelle dans les travaux de l'exploitation, n'est pas de nature à contredire cette incompatibilité. La propriété d'un cheptel de 99 bovins et du matériel suffisant, la facturation de marchandises au nom du preneur et la disposition des terrains nécessaires, qui ne sont pas plus significatives d'une exploitation effective et permanente de l'intimé, sont tout aussi indifférentes à la solution du litige. Il en est de même des attestations délivrées par les maires des communes de [Localité 22] et de Raubecourt qui ne se prononcent aucunement sur la présence effective de M. [L] [H] sur les parcelles concernées et les modalités de sa participation à leur exploitation.

S'il résulte par ailleurs des différents témoignages produits par l'appelant (pièces n°22 à 34) qu'il se rend régulièrement à [Localité 22] durant les fins de semaine et les congés annuels, qu'il réalise les travaux de fenaison, semis et récolte des fourrages, qu'il entretient ses parcelles, qu'il suit son cheptel et fait inséminer ses vaches allaitantes, ces attestations ne remettent pas en cause le caractère épisodique de la présence du preneur sur son exploitation et le fait qu'il passe l'essentiel de son temps dans une autre région. Ces attestations sont en outre d'une valeur probante relative pour être contredites par les déclarations de M. [K] [H] au détective mandaté par les bailleurs selon lesquelles M. [L] [H] 'n'est pas souvent là' et les témoignages produits par les intimés affirmant que le preneur ne vient que de manière très ponctuelle dans la commune de [Localité 22] (une fois par mois et pendant les congés) 'aider' aux travaux de la ferme et que ceux-ci sont réalisés en majeure partie par son frère M. [U] [H] (pièces n°12 et 13, n°15 et 16 et n°18), étant relevé que ces témoignages n'émanent pas de MM. [J] et [A] qui se proposent d'acquérir les parcelles litigieuses comme le soutient M. [L] [H].

La nature des terres constituées pour la majeure partie de prairies, n'a pas pour effet d'amoindrir l'obligation d'exploitation permanente et effective, laquelle comporte notamment les travaux de fenaison, la récolte des fourrages et l'entretien des parcelles d'une superficie de 15 hectares environ, outre le fait que le preneur doit également assurer le suivi d'un cheptel de presque 100 bovins. Ces travaux nécessitent une présence plus effective qu'un ou deux week-end par mois et six semaines de congés par an et l'intervention de M. [U] [H] qui, selon son témoignage, consiste en l'absence de son frère à surveiller son cheptel, effectuer quelques travaux et mettre de l'eau dans les parcelles, n'est pas de nature à pallier l'insuffisance d'exploitation effective et permanente du preneur lui-même qui ne peut se limiter à la direction et à la surveillance du domaine.

Enfin, le fait non démontré que l'exercice d'une double activité par M. [L] [H] existe depuis plus de 30 ans et qu'il est de notoriété publique dans la commune de [Localité 22], est sans incidence sur le sort du bail dès lors qu'il n'est pas établi que les bailleurs en étaient informés avant le renouvellement de ce contrat.

Il s'ensuit que le défaut d'exploitation effective et permanente des parcelles par le preneur est établi. La renonciation de M. [L] [H] à son activité commerciale à la fin de l'année 2022 pour se consacrer à son exploitation agricole à plein temps est sans incidence sur la solution du litige, puisque les motifs de la résiliation s'apprécient à la date de la demande présentée par conclusions déposées le 13 Janvier 2017 devant le tribunal (les conclusions du 10 novembre 2016 invoquées par les bailleurs ne figurent pas au dossier).

Toutefois, ce manquement n'est susceptible de fonder la résiliation du bail que s'il compromet la bonne exploitation du fonds et les bailleurs, sur lesquels repose la charge de la preuve, ne versent aux débats aucune pièce faisant apparaître la mise en péril du fonds, notamment un défaut d'entretien.

C'est donc à juste titre que le tribunal a débouté les consorts [Y], [D], [N], [G] et [F] de leur demande en résiliation du bail fondée sur les dispositions de l'article L.434-11 2° du code rural et de la pêche maritime.

Sur la demande de résiliation pour cession du bail

Sur la recevabilité de la demande, selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Aux termes de l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, s'il ressort des conclusions de première instance que les bailleurs ont demandé au tribunal de prononcer la résiliation du bail à ferme également au motif d'une 'sous location prohibée', ils n'ont pas invoqué la cession du bail. Cependant ce moyen invoqué pour la première fois en appel n'est pas irrecevable puisqu'il tend aux mêmes fins que la demande en résiliation du bail formée devant le tribunal, sur un fondement juridique différent.

Sur le fond, il résulte de l'article L.411-35 du code rural que toute cession de bail est interdite, sauf si elle est consentie avec l'agrément du bailleur au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés.

Le tribunal a exactement relevé que la preuve d'une cession ou d'une sous-location du bail au profit d'un tiers n'est pas rapportée. En effet, les consorts [Y], [D], [N], [G] et [F] ne démontrent pas comme ils le soutiennent, que M. [U] [H] s'est substitué totalement à son frère, alors que ci celui-ci n'exploite pas les parcelles de manière effective et permanente, les témoignages produits font état d'un exercice épisodique de ses activités agricoles. Si plusieurs attestations indiquent que M. [U] [H] réalisait des 'travaux de la ferme', la consistance de ces travaux et la désignation des parcelles concernées ne sont pas précisées alors qu'il existe plusieurs exploitations familiales. Il est tout au plus établi, en particulier au regard de sa propre attestation, que M. [U] [H] participe aux travaux de l'exploitation de son frère (surveillance du cheptel, entretien du cheptel, approvisionnement en eau), toutefois cette situation n'est pas de nature à caractériser à elle seule une cession ou une sous location, étant rappelé que l'entraide familiale n'est pas prohibée.

Enfin, si les bailleurs font valoir que M. [L] [H] ne justifie pas être en règle vis à vis du contrôle des structures, ce moyen est sans emport puisque la méconnaissance en cours de bail du dispositif de contrôle des structures ne constitue pas un motif de résiliation prévu par la loi.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [Y], [D], [N], [G] et [F] de leur demande de résiliation du bail rural conclu avec M [L] [H].

Sur la demande de dommage et intérêts

Il est constaté que dans leurs conclusions déposées à l'audience, les intimés ne critiquent pas la disposition du jugement les ayant déboutés de leur demande de dommages et intérêts et ne reprennent pas cette demande devant la cour de renvoi, aucune demande complémentaire n'ayant été faite oralement. En conséquence le jugement est confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.

Chaque partie succombant partiellement en ses demandes en cause d'appel, il convient de partager les dépens par moitié et de rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles. L'article 699 du code de procédure civile n'étant pas applicable aux procédures sans représentation obligatoire, il n'y a pas lieu à distraction des dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REJETTE la demande de jonction des procédures RG 20/1933 et RG 20/1934 ;

DIT n'y avoir lieu à statuer dans le présent arrêt sur les prétentions relatives à la procédure RG 20/1934, tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions des consorts [H] à mobiliser l'article L.411-34 du code rural et de la pêche maritime et ordonner la résiliation du bail rural consenti à [W] [H] ;

DÉBOUTE M. [S] [F], Mme [Z] [Y], M. [R] [Y], M. [O] [D], M. [C] [N], Mmes [V] et [X] [G] de leur demande d'irrecevabilité des prétentions de M. [L] [H] ;

DÉBOUTE M. [L] [H] de sa demande d'irrecevabilité des prétentions de M. [S] [F], Mme [Z] [Y], M. [R] [Y], M. [O] [D], M. [C] [N], Mmes [V] et [X] [G] ;

CONFIRME le jugement rendu le 15 novembre 2017 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal en ce qu'il a :

- débouté M. [S] [F], Mme [Z] [Y], M. [R] [Y], M. [O] [D], M. [C] [N], Mmes [V] et [X] [G] de leur demande en résiliation du bail à ferme consenti à M. [L] [H] et de leur demande de dommages et intérêts

- condamné M. [L] [H] à payer à M. [S] [F], Mme [Z] [Y], M. [R] [Y], M. [O] [D], M. [C] [N], Mmes [V] et [X] [G] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [L] [H] aux entiers dépens, y compris le coût du constat d'huissier du 2 décembre 2016 d'un montant de 445,27 euros ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [S] [F], Mme [Z] [Y], M. [R] [Y], M. [O] [D], M. [C] [N], Mmes [V] et [X] [G] d'une part, et M. [L] [H], d'autre part, à supporter la moitié des frais et dépens d'appel, sans distraction des dépens.

Le Greffier Le Président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01933
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.01933 ?
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