RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/02238 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMM4
Minute n° 23/00032
[E], S.A. SADE
C/
[E], S.A. ALLIANZ IARD, S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE, S.A. ALLIANZ, S.A. BATIGERE D'HLM EST
Tribunal de Grande Instance de BRIEY,
Jugement du 29 Juin 2017, enregistrée sous le n° 15/00408
Arrêt Cour d'Appel de Nancy
08 Janvier 2019
Arrêt Cour de cassation
08 Octobre 2020
Arrêt Cour de cassation
11 Mars 2021
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
RENVOI APRES CASSATION
ARRÊT DU 24 JANVIER 2023
DEMANDEURS A LA REPRISE D'INSTANCE :
Monsieur [R] [E]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représenté par Me Déborah BEMER, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sanae IGRI, avocat plaidan au barrreau de Luxembourg,
S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE représentée par son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Laetitia MARINACCE, avocat plaidant au barreau de PARIS
DEFENDEURS A LA REPRISE D'INSTANCE:
Monsieur [R] [E]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représenté par Me Déborah BEMER, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sanae IGRI, avocat plaidan au barrreau de Luxembourg,
S.A. ALLIANZ IARD représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ
S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE rerésentée par son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Laetitia MARINACCE, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.A. BATIGERE D'HLM venant au droit de BATIGERE NORD EST, Représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 6] / FRANCE
Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 12 Mai 2022 , l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 24 Janvier 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR:
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [E] était locataire d'un logement d'habitation sis [Adresse 3]), propriété de la SA d'HLM la Familiale du Nord-Est, devenue la S.A. Batigère Nord-Est, et aujourd'hui la S.A. Batigère d'HLM (la SA Batigère).
Le 28 septembre 2011 un incendie s'est déclaré dans la cuisine du logement et a été maitrisé avant de s'étendre aux autres pièces. La MACIF, assureur de M. [E], a fait diligenter une expertise et plusieurs réunions d'expertise auxquels ont participé les assureurs d'autres parties, ont été organisées, et ont donné lieu à un rapport final le 25 juin 2012.
Par ordonnance de référé du 17 décembre 2012, le Président du tribunal de grande instance de Briey a ordonné une expertise judiciaire afin notamment de déterminer les circonstances du sinistre et son origine et de procéder à l'évaluation contradictoire des dommages subis par M. [E] en précisant s'il s'agit de dommage mobiliers ou immobiliers, expertise étendue à la SA Sade-CGTH et à ERDF par ordonnance du 29 avril 2013.
M. [S], expert judiciaire commis, a déposé son rapport le 30 novembre 2013.
Par acte d'huissier du 24 et du 25 novembre 2014, M. [E] a fait assigner la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique (Sade - CGTH, ou SA Sade) et la S.A. Batigère Nord-Est devant le tribunal de grande instance de Briey aux fins de :
- Voir condamner la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à lui verser les sommes de :
- dégâts mobiliers : 71 592,00 euros,
- dégâts immobiliers : 35 447,86 euros,
- loyers : 25 740,00 euros,
- résistance abusive : 5 000,00 euros,
- article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 euros,
- Voir condamner la S.A. Batigère Nord Est lui payer les sommes de :
- en réparation du préjudice subi : 10 000,00 euros,
- au titre des loyers : 4 428,11 euros,
- résistance abusive : 5000,00 euros,
- article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 euros.
La S.A. Allianz IARD, assureur de la S.A. Batigère Nord-Est, est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement du 29 juin 2017, le tribunal de grande instance de Briey a :
Débouté la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique de sa demande tendant à la nullité du rapport d'expertise judicaire,
Déclaré être incompétent pour statuer sur les demandes formées par M. [E] et la S.A. Batigère Nord-Est concernant le bail immobilier conclu entre les parties le 18 octobre 1982, les comptes entre les parties en application de l'article 1722 du code civil, les indemnités fondées sur l'article 1382 du code civil et les indemnités concernant les loyers à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Renvoyé la cause et les parties, M. [E], la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique, la S.A. Batigère Nord-Est et la S.A. Allianz IARD devant le tribunal d'instance de Briey concernant ces demandes,
Dit que le dossier de l'affaire est aussitôt transmis par le greffe de ce siège à celui du tribunal d'instance de Briey, avec une copie de la décision de renvoi,
Déclaré la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique responsable de l'incendie intervenu le 28 septembre 2011 dans l'immeuble situé au [Adresse 3],
Condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à payer à M. [E], la somme de 57 273,60 euros au titre du préjudice concernant ses pertes mobilières,
Condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à payer à M. [E] la somme de 13 583,00 euros concernant les pertes immobilières (embellissements),
Débouté M. [E] de sa demande d'indemnités concernant la résistance abusive de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Rappelé que les demandes de M. [E] et de la S.A. Batigère Nord-Est à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique relative aux loyers est de la seule compétence du tribunal d'instance de Briey,
Condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à régler à la S.A. Allianz IARD la somme de 15 500,21 euros,
Donné acte à la S.A. Allianz IARD de ce qu'elle se réserve le droit de formuler une réclamation complémentaire lors du règlement de l'indemnité différée, de la TVA et des pertes indirectes,
Condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à régler à la S.A. Batigère Nord-Est la somme de 3 046 euros correspondant au montant de sa franchise,
Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Pour rejeter la demande d'annulation du rapport d'expertise présentée par la S.A. Sade' Compagnie générale de travaux d'hydraulique, les premiers juges ont souligné que les derniers dires transmis par cette dernière le 25 novembre 2013 l'ont été après la date fixée par l'expert pour que les parties formulent leurs observations, le 31 octobre 2013.
Concernant la « responsabilité » de la S.A. Batigère Nord-Est, le tribunal a relevé qu'une instance était pendante devant le tribunal d'instance de Briey tendant notamment à la résiliation du contrat de bail et que la demande de comptes entre les parties ne pouvait relever que de la compétence du tribunal d'instance.
S'agissant de la responsabilité de l'incendie, les premiers juges ont retenu que tous les rapports d'expertise amiable et judiciaire produits aux débats concluaient de manière convergente à la seule responsabilité de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique, laquelle ne rapportait pas la preuve des autres causes de l'incendie qu'elle évoquait. Le tribunal en a conclu que l'incendie survenu dans le logement de M. [E] était dû à une surtension du réseau électrique, causée par la rupture d'un câble par la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique qui effectuait des travaux de terrassement en vue de remplacement d'une conduite de gaz.
Concernant les demandes de la S.A. Allianz IARD, assureur de la S.A. Batigère Nord-Est, les premiers juges ont retenu le décompte produit duquel ils ont déduit le montant des embellissements et n'ont pas intégré le montant des honoraires réglés à l'expert, faute de preuve.
Concernant la condamnation de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique envers la S.A. Batigère Nord-Est, le tribunal a pris en compte le montant de la franchise supportée par cette dernière.
M. [E] a interjeté appel de la décision du tribunal de grande instance de Briey le 16 août 2017.
Par arrêt du 8 janvier 2019, la cour d'appel de Nancy a :
Confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Briey le 29 juin 2017, sauf en ce qu'il a :
déclaré la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique responsable de l'incendie intervenu le 28 septembre 2011 dans l'immeuble situé au [Adresse 3],
condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à payer à M. [E] les somme de 57 273,60 euros au titre des pertes mobilières et de 13 583,00 euros concernant les pertes immobilières (embellissements),
condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à régler à la S.A. Allianz IARD la somme de 15 500,21 euros,
condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à régler à la S.A. Batigère Nord-Est la somme de 3 046,00 euros correspondant au montant de sa franchise,
condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique aux dépens de l'instance,
Débouté M. [E], la S.A. Batigère Nord-Est et la S.A. Allianz IARD de l'ensemble de leurs demandes présentées à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Condamné M. [E] aux dépens de première instance,
Débouté les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;
Condamné M. [E] aux dépens d'appel.
Pour se déterminer ainsi, la cour d'appel a confirmé que, s'agissant de la demande de nullité du rapport d'expertise, les derniers dires transmis par S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique le 25 novembre 2013 l'ont été après la date fixée par l'expert pour que les parties formulent leurs observations, le 31 octobre 2013. L'expert n'était donc pas tenu d'y répondre. Quant au dire du 30 octobre 2013, l'expert judiciaire y a apporté une réponse aux pages 44 à 46 de son rapport.
S'agissant de la responsabilité concernant l'incendie, la cour d'appel a considéré que le lien de causalité entre l'intervention de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique et l'incendie n'était pas établi de manière certaine. La cour d'appel a ainsi observé que l'examen des divers rapports d'expertise amiable conduisait à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, dès lors qu'aucun de ces rapports ne prétendait apporter la preuve formelle de ce que l'incendie du four à micro-ondes serait nécessairement la conséquence d'une surtension provoquée par la rupture d'un câble imputable à la société Sade. Citant des extraits du rapport CET du 14 décembre 2011 elle a ainsi relevé que selon les experts « la zone et les circonstances de la coupure du câble de neutre responsable de la surtension ne sont pas clairement identifiées. Il ne nous est donc pas possible de prouver avec certitude que le câble a bien été endommagé par la société Sade. Cependant une autre hypothèse est fort peu probable ». De même, les rapports CET ultérieurs indiquent chacun que, compte tenu de la simultanéité des choses, il est très fortement probable que l'incendie soit consécutif à la surtension, mais qu'il est impossible d'en apporter la preuve.
S'agissant des demandes formées entre M. [E] et la société Batigere, la cour d'appel a relevé qu'il était indifférent que M. [E] fonde ses demandes sur l'article 1382 du code civil et qu'il prétende que la S.A. Batigère Nord-Est a commis des fautes extérieures à ses obligations de bailleur, dès lors qu'il résulte de la lecture des conclusions de M. [E] que le contrat de bail est bien la cause de ces prétentions de sorte que le tribunal de grande instance s'est à juste titre déclaré incompétent.
M. [E] a régulièrement formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision, en ce qu'elle l'a débouté de toutes ses demandes dirigées contre la société Sade CGTH. La SA Batigère Nord-Est a formé un pourvoi incident, et la SA Allianz IARD a formé un pourvoi provoqué contre la même décision.
Par un premier arrêt du 8 octobre 2020, la Cour de cassation a :
Cassé et annulé l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties par la cour d'appel de Nancy, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] et la S.A. Allianz IARD de leurs demandes dirigées contre la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz,
Condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique aux dépens,
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la S.A. Allianz IARD et condamné la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à payer à M. [E] la somme de 3 000,00 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.
Pour se déterminer ainsi, la Cour de cassation a considéré qu'en ne recherchant pas si le lien de causalité entre l'incendie survenu le 28 septembre 2011 et l'intervention de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique n'était pas établi par des présomptions graves, précises et concordantes, la cour d'appel de Nancy a privé sa décision de base légale.
Par un second arrêt du 11 mars 2021, la cour de cassation s'est saisie d'office et a rabattu son précédent arrêt, dès lors qu'il n'avait pas été tenu compte du pourvoi incident de la société Batigère. La cour a donc ordonné la rectification des paragraphes concernés de l'arrêt du 8 octobre 2020 ainsi que le dispositif, en ce que l'arrêt casse et annule mais seulement en ce qu'il déboute M. [E], la société Batigère Nord-Est et la S.A. Allianz IARD de leurs demandes dirigées contre la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 entre les parties par la cour d'appel de Nancy. En application de l'article 700 du code de procédure civile la société Sade a été également condamnée à verser une somme de 3.000 € à la société Batigère.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 8 décembre 2020, M. [E] a saisi la cour d'appel de Metz aux fins de reprise d'instance après cassation.
Cette déclaration a été enrôlée sous référence RG 20/02238.
La SA Sade ' CGTH a également saisi la cour par une déclaration du 8 décembre 2020 enrôlée sous référence RG 20/02259, et la SA Allianz IARD a ultérieurement également effectué une déclaration de saisine le 9 février 2021 enrôlée sous référence RG 21/00380.
En suite de l'arrêt du 11 mars 2021, la SA Sade-CGTH a effectué une nouvelle déclaration de saisine le 17 mars 2021 enrôlée sous référence RG 21/00714.
Les quatre procédures ont été jointes par ordonnances successives des 8 juin et 6 juillet 2021 sous la référence RG 20/02238.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 février 2021 dans la procédure RG 20/02238, ainsi que dans ses dernières conclusions du 17 mai 2021 prises dans la procédure RG 21/00714, M. [E] demande à voir :
« Dire recevable et en tout état de cause fondée la demande de Monsieur [E] tendant à voir déclarer responsable la société Sade-Compagnie générale de travaux d'hydraulique de l'incendie survenu le 28 septembre 2011 sur base de l'article 1242 alinéa 1 du Code Civil (ancien 1384 alinéa1 du Code Civil),
Infirmer l'arrêt de la Cour d'Appel de Nancy du 8 janvier 2019 déboutant Monsieur [E] de sa demande en indemnisation.
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la société Sade-Compagnie générale de travaux d'hydraulique est responsable de l'incendie survenu le 28 septembre 2011 conformément à l'article 1242 alinéa 1 du Code Civil (ancien 1384 alinéa 1 du Code Civil).
En conséquence,
Condamner la société Sade-Compagnie générale de travaux d'hydraulique à indemniser Monsieur [E] pour les préjudices subis suite à l'incendie du 28 septembre 2011, à savoir :
- Dégâts mobiliers : 71592. euros
- Dégâts immobiliers : 35447,86. Euros
La condamner en outre au paiement d'une indemnité de procédure de 5000.- euros en application de l'article 700 du NCPC
La condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
Dire que les sommes porteront intérêt à compter du 30 septembre 2011 et que la capitalisation de ces intérêts sera ordonnée à compter du 30 septembre 2012 ».
Au soutien de ses prétentions, M. [E] fait valoir que l'origine d'un incendie ne pouvant être généralement établie que par présomptions, la preuve du lien de causalité est faite lorsque les indices nombreux et concordants tendent vers une cause de sinistre et que toute autre cause a été écartée.
Se prévalant des dispositions de l'article 1242 alinéa 1 anciennement article 1384 alinéa 1 du code civil, il soutient que la faute commise par la société Sade est démontrée, notamment par le rapport d'expertise judiciaire, dès lors que cette société n'a pas pris toutes les précautions nécessaires lors de ses travaux de terrassement et a endommagé le câble appartenant à ERDF.
Il en conclut qu'il appartiendra à la cour d'apprécier si le lien de causalité entre l'incendie et l'intervention de la société Sade-CGTH est établi, sur la base des rapports d'expertise versés aux débats, et souligne que tous les rapports d'expertise, amiables ou judiciaire, concluent de manière convergente à la seule responsabilité de la société Sade à raison de la surtension électrique provoquée par l'endommagement d'un câble imputable à la société Sade, après avoir écarté toute autre cause.
Il relève que le rapport d'expertise judiciaire conclut sans équivoque que l'incendie a été provoqué par la blessure du câble ERDF et que de même l'expert affirme que le départ de feu est une conséquence de la surtension due à la rupture de neutre. Il en conclut qu'il appartient à la société Sade-CGTH de prouver qu'il n'y a pas de lien entre la rupture de câble et la surtension ayant causé l'incendie.
Quant à l'allégation d'un prétendu dysfonctionnement de son four à micro-ondes, M. [E] considère que l'argument est dépourvu de pertinence dès lors que la personne responsable sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 doit dédommager la victime, à charge pour elle de se retourner contre l'un des éventuels co-responsables.
Il en conclut que le lien de causalité est démontré en l'espèce et que la société Sade échoue à faire la preuve d'une cause exonératoire de sorte qu'elle doit être déclarée entièrement responsable de son préjudice.
Enfin, il se prévaut du principe de réparation intégrale du préjudice, qui doit conduire à lui allouer les sommes de 71.592 € et 35.447,86 €.
Dans ses dernières conclusions du 09 avril 2021 déposées dans la procédure RG 20/2259, M. [E] formule des prétentions identiques à celles précitées.
Ajoutant à ses arguments précédents il fait valoir que les divers rapports émanant des experts d'assurance sont opposables à la société Sade qui n'avait jamais relevé de prétendues contradictions à leur sujet, et souligne que les parties avaient convenu d'un commun accord de la mise hors de cause du fournisseur du four à micro-ondes ainsi qu'en atteste le rapport d'expertise judiciaire. En tout état de cause il réitère que l'existence d'une éventuelle défaillance de ce four est inopérante et ne peut exonérer la société Sade de sa propre responsabilité.
Il fait valoir ensuite que les critiques et allégations de la société Sade ne résistent pas aux constatations et conclusions des divers rapports d'expertise, lesquels établissent qu'il y a bien eu une surtension dans le logement de M. [E], laquelle a été ressentie au même moment par d'autres occupants dans la même rue, et établissent de même que le câble a été endommagé en deux endroits ce qui a occasionné deux interventions de ERDF et explique que le logement de M. [E] ait été atteint malgré sa situation en amont du point d'un des dommages sis devant le logement n°15. Il se prévaut notamment des conclusions concordantes du rapport d'expertise judiciaire. Il en conclut qu'il existe bien des présomptions graves, précises et concordantes, et qu'à l'inverse la société Sade ne peut prétendre à l'existence d'une pluralité de causes hypothétiques, toutes autres causes ayant été exclues.
Dans ses conclusions du 20 avril 2021 prises dans la procédure RG 21/00380, M. [E] conclut à voir :
« Dire recevable et en tout état de cause fondée la demande de Monsieur [E] tendant à voir déclarer responsable la société Sade-Compagnie générale de travaux d'hydraulique de l'incendie survenu le 28 septembre 2011 sur base de l'article 1242 alinéa 1 du Code Civil (ancien 1384 alinéa 1 du Code Civil) ;
Confirmer le jugement rendu le 29 juin 2017 par le Tribunal de Grande Instance de BRIEY en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SADE dans la survenance du sinistre ;
Infirmer l'arrêt de la Cour d'Appel de Nancy du 8 janvier 2019 déboutant Monsieur [E] et la société ALLIANZ IARD de leurs demandes en indemnisation ».
M. [E] reprend son précédent argumentaire en considérant que les différents rapports d'expertise démontrent la responsabilité de la société Sade dans la survenance du sinistre. Il rejoint donc les conclusions de la société Allianz.
Par conclusions déposées le 14 juin 2021 dans la procédure RG 21/00714, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la S.A. Batigère Grand Est demande à la cour de :
Statuer ce que de droit sur la responsabilité civile de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Constater de ce qu'il n'est formulé aucune demande à l'encontre de la S.A. Batigère Grand Est,
Condamner la partie défaillante à payer à la S.A. Batigère Grand Est la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la partie défaillante aux entiers frais et dépens.
La S.A. Batigère Grand Est, après avoir rappelé les diverses procédures initiées par M. [E] ou consécutives à son refus de quitter les lieux malgré la résiliation amiable intervenue, indique que le bail a finalement été résilié par jugement du 15 octobre 2019 et que les travaux de remise en état de l'appartement ont pu être réalisés et ont été pris en charge par la S.A. Allianz IARD, les époux [E] ayant réglé la franchise de 3 076,00 euros à laquelle ils avaient été condamnés par jugement du tribunal d'instance de Briey du 15 octobre 2019.
Elle constate qu'elle n'est pas mise en cause dans le cadre de cette procédure et fait valoir qu'elle a engagé des frais irrépétibles.
Dans ses conclusions prises le 19 avril 2021 dans la procédure RG 21/00380 avant la jonction ordonnée le 06 juillet 2021, la SA Batigere avait formulé des prétentions identiques et développé les mêmes arguments.
Dans ses dernières conclusions déposées les 11 et 16 juin 2021 dans les quatre procédures précitées, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la S.A. Allianz IARD demande à la cour de :
Recevoir en la forme les appels principal et incident,
Confirmer le jugement rendu le 29 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Briey en ce qu'il a retenu la responsabilité de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique dans la survenance du sinistre,
Faire droit à l'appel incident et condamner la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique à payer à la S.A. Allianz IARD la somme de 34 465,21 euros avec les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
Condamner la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique aux entiers dépens de première instance et d'appel outre le paiement de la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A. Allianz IARD fait valoir qu'il résulte des rapports d'expertise amiables et judiciaire qu'il existe une grande probabilité d'un lien de causalité entre l'endommagement du câble ERDF par la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique et le départ de feu dans le domicile de M. [E], sans qu'aucune autre cause ne soit susceptible d'être retenue.
Elle estime que le lien de causalité est établi et qu'aucun élément sérieux contraire ne s'oppose aux indices existants.
Elle rappelle qu'elle est intervenue à l'instance pour permettre à la S.A. Batigère Grand Est d'entreprendre les travaux de réparation, à savoir les dommages immobiliers et les embellissements.
Elle conclut que le principe de la réparation intégrale est opposable à la partie responsable sans restriction ni réserve, de sorte qu'elle est fondée à réclamer remboursement de la somme de 29.083,21 € au titre du montant versé par elle à Batigere, majoré des honoraires versés au cabinet d'expertise Elex.
Par conclusions déposées le 3 décembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique demande à la cour de :
Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Briey du 29 juin 2017 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Confirmer l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 8 janvier 2019 en ce qu'il a débouté M. [E], la S.A. Batigère Nord-Est et son assureur la S.A. Allianz IARD de l'ensemble de leurs demandes présentées à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Il est donc demandé à la cour de :
Juger qu'aucun lien de causalité n'est établi entre l'incendie du pavillon de M. [E] et les travaux de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Juger qu'il n'existe aucune présomptions graves, précises et concordantes tendant à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre l'incendie du pavillon de M. [E] et les travaux de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique,
Juger qu'au contraire des présomptions graves, précises et concordantes tendent à démontrer un rôle causal du four à micro-ondes,
En conséquence,
Juger que la responsabilité de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique ne peut être recherchée à quelque titre que ce soit au titre de l'incendie du pavillon de M. [E],
Juger que la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique sera mise hors de cause,
Rejeter l'intégralité des demandes de M. [E] dont notamment celles en lien avec les dégâts mobiliers d'un montant de 71 592,00 euros et immobiliers d'un montant de 35 447,86 euros, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Rejeter l'intégralité des demandes de la S.A. Allianz IARD, dont notamment la somme de 34 465,21 euros avec les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Rejeter les appels incidents de la S.A. Allianz IARD et de M. [E] et tout appel incident dirigé à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique par l'une quelconque des parties à la présente instance,
Rejeter les demandes d'article 700 du code de procédure et de condamnation aux entiers frais et dépens formulées par la S.A. Batigère Nord-Est,
Rejeter toutes demandes en lien avec les dégâts mobiliers et immobiliers, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Rejeter toute demande dirigée à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique formulée par l'une des quelconques parties à la présente instance,
À titre subsidiaire,
Juger que les théories émises dans le cadre des expertises amiables et judiciaire sont purement hypothétiques,
Juger qu'il existe à minima une pluralité de causes hypothétiques pouvant expliquer la survenance de l'incendie,
En conséquence,
Juger non seulement que le lien de causalité entre l'incendie du pavillon de M. [E] et les travaux de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique n'est pas établi, mais encore qu'il n'existe pas des présomptions graves, précises et concordantes,
Juger que la responsabilité de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique ne peut être recherchée à quelque titre que ce soit au titre de l'incendie du pavillon de M. [E],
Juger que la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique sera mise hors de cause,
Rejeter l'intégralité des demandes de M. [E] dont notamment celles en lien avec les dégâts mobiliers d'un montant de 71 592,00 euros et immobiliers d'un montant de 35 447,86 euros, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Rejeter l'intégralité des demandes de la S.A. Allianz IARD, dont notamment la somme de 34 465,21 euros avec les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Rejeter les appels incidents de la S.A. Allianz IARD et de M. [E] et tout appel incident dirigé à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique par l'une quelconque des parties à la présente instance,
Rejeter les demandes d'article 700 du code de procédure et de condamnation aux entiers frais et dépens formulées par la S.A. Batigère Nord-Est,
Rejeter toutes demandes en lien avec les dégâts mobiliers et immobiliers, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Rejeter toute demande dirigée à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique formulée par l'une des quelconques parties à la présente instance,
À titre infiniment subsidiaire, et à supposer par extraordinaire que la cour d'appel de céans caractériserait un lien de causalité par des présomptions graves, précises et concordantes,
Juger que la présente instance se limiterait la réparation des dommages mobiliers et immobiliers (embellissements),
Rejeter les prétentions de M. [E] au titre des dégâts mobiliers évalués indûment à 71 592,00 euros et des dégâts immobiliers évalués également indûment à 35 447,86 euros,
En conséquence,
Juger que la responsabilité de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique ne pourrait être recherchée que pour la réparation des dommages mobiliers et immobiliers (embellissements),
Juger que les dégâts mobiliers seraient limités à la somme de 57 273,50 euros,
Juger que les dégâts immobiliers seraient limités à la somme de 29 083,21 euros,
Rejeter la demande que les sommes porteront intérêts à compter du 30 septembre 2011 et que la capitalisation de ces intérêts sera ordonnée à compter du 30 septembre 2012.
Rejeter la demande de la S.A. Allianz IARD d'un montant de 5.382 euros correspondant aux honoraires du cabinet ELEX,
Rejeter les demandes d'article 700 du code de procédure et de condamnation aux entiers frais et dépens formulées par la S.A. Batigère Nord-Est,
Rejeter toute autre demande dirigée à l'encontre de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique par l'une quelconque des parties à la présente instance,
En tout état de cause,
Condamner M. [E] et toute partie succombant à payer à la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique rappelle d'abord que c'est à l'appelant de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le fait allégué et les préjudices dont il demande réparation. Elle ajoute que, en matière de responsabilité du fait des choses, il incombe aux juges du fond d'apprécier souverainement la valeur probante des éléments de faits produits par le demandeur pour établir le lien de causalité allégué et que cette appréciation souveraine comprend la valeur des faits allégués comme présomptions.
Elle soutient que la cause réelle de l'incendie est un dysfonctionnement du four à micro-ondes, mais que c'est en raison de l'impossibilité d'identifier le fabricant que la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique a été mise en cause. Elle estime que des indices confirment un départ de feu interne à la cuisine au niveau du four à micro-ondes et qu'aucun élément n'a été produit permettant de déterminer l'état du four avant le sinistre, aucune indication n'a été fournie sur la marque ou la date d'achat.
La S.A. Sade ' CGTH fait valoir que les hypothèses, allégations et suppositions émises dans les rapports d'expertise amiables et judiciaire ne correspondent pas à la réalité des constats opérés à la suite de l'incendie. Elle souligne que la surtension dont il est question n'a en réalité pas été mesurée au moment de l'incendie, mais en fin de journée chez un voisin, et fait également valoir que le câble endommagé n'alimentait pas le domicile de M. [E], ce point étant confirmé par le rapport CET du 14 décembre 2011 et ne peut donc avoir joué aucun rôle.
Elle affirme en outre qu'un seul câble a été lésé, ce qui est attesté par le courrier adressé par le concessionnaire de réseau, et que l'hypothèse d'une seconde blessure par traction sur le câble, ayant rendu inefficace l'intervention d'ERDF, n'est ni justifiée ni étayée par une quelconque preuve, et que notamment la société ERDF n'a jamais fait état d'une seconde blessure sur ce câble.
Elle rappelle que la surtension ne s'est manifestée qu'après intervention de la société ERDF en fin de journée à un moment où la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique n'était plus présente sur les lieux.
La S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique en conclut qu'il n'existe aucune présomption grave, précise et concordante tendant à démontrer un quelconque lien de causalité entre ses travaux et l'incendie. Elle soutient qu'une simple concomitance entre l'incendie et les travaux ne saurait suffire à caractériser une présomption grave, précise et concordante pour établir un lien de causalité.
Elle rétorque qu'il existe au contraire des présomptions graves, précises et concordantes d'un départ de feu depuis l'intérieur du pavillon, au niveau du four à micro-ondes et que le rôle causal joué par le four dans la survenance de l'incendie est totalement éludé par l'expert judiciaire.
Elle ajoute qu'il existe une potentielle pluralité de causes hypothétiques de l'incendie et que les théories émises par les experts sont toutes éventuelles et incertaines. Elle estime donc que ne peut être retenu l'établissement d'un quelconque lien de causalité, même par des présomptions graves, précises et concordantes, entre l'incendie et les travaux de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique.
Subsidiairement sur les montants réclamés la SA Sade -CGTH conteste les montants actuellement réclamés par M. [E] sans aucune preuve et fait valoir que le rapport d'expertise avait évalué les dégâts immobiliers à 57.273,60 € vétusté déduite. Quant aux dégâts immobiliers elle estime que M. [E] tente de récupérer des sommes auxquelles il ne peut prétendre et observe qu'il résulte des dernières conclusions de la société Allianz que le montant du préjudice immobilier s'est élevé à 29.083,21 €, somme qui a été réglée par Allianz à Batigère, de sorte qu'il conviendra de limiter les montants réclamés par M. [E], étant observé que celui-ci ne justifie pas des dates qu'il retient comme point de départ des intérêts moratoires ou de leur capitalisation.
Sur le remboursement des frais du cabinet ELEX demandé par la S.A. Allianz IARD, l'intimé fait valoir que la valeur probante des nouvelles pièces produites par Allianz est nulle, s'agissant de preuves que celle-ci s'est constituées à elle-même.
MOTIFS DE LA DECISION
I-Observations liminaires
En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et « constater » ne sont pas, sauf cas particulier, des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.
Sur l'étendue de la saisine de la cour, il est relevé que l'arrêt de la cour d'appel de Nancy n'a pas été cassé en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Briey se déclarant incompétent pour connaître de diverses demandes en rapport avec le contrat de bail et a renvoyé sur ce point les parties devant le tribunal d'instance de Briey. La cassation ne s'étend pas non plus à la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy ayant confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société Sade de sa demande en nullité du rapport d'expertise.
Ces dispositions sont donc définitives et hors de la saisine de la cour.
Enfin il est demandé à la cour par M. [E] d'infirmer l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy, la société Sade demandant de son côté la confirmation de cet arrêt. Ceci n'entre pas dans les prérogatives d'une cour d'appel à laquelle se trouve dévolu le jugement de première instance rendu par le tribunal de grande instance de Briey et il ne sera donc pas statué sur ces prétentions spécifiques.
II- Sur la preuve d'un lien de causalité entre le fait imputé à la société Sade -CGTH et les dommages résultant de l'incendie
Aux termes de l'article 1384 alinéa 1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, revendiqué par M. [E], on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
C'est à celui qui se prétend victime d'un dommage, qu'il incombe de faire la preuve du lien de causalité entre ce dommage et le fait qu'il impute à autrui, et il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement la valeur probante des éléments de fait qui leurs sont soumis.
Il est par ailleurs admis que dans les hypothèses où une causalité totalement certaine est objectivement et matériellement impossible à établir, le lien de causalité puisse être déduit de la réunion de présomptions graves, précises et concordantes, rendues d'autant plus pertinentes qu'aucune autre explication n'est possible.
En l'espèce, sont versés aux débats :
Trois rapports d'expertise émanant du cabinet d'expertise CET Nancy, expert mandaté par la MACIF assureur de M. [E], à savoir un rapport de reconnaissance incendie du 5 octobre 2011, un rapport intermédiaire du 14 décembre 2011 et un rapport d'expertise final du 25 juin 2012 comportant en annexe le procès-verbal de constatations relative aux causes et circonstances ainsi qu'à l'évaluation des dommages, signé des différents experts présents et comportant leurs observations,
Un rapport d'expertise émanant du laboratoire Lavoue, mandaté par la MACIF, en date du 10 novembre 2011,
Le rapport d'expertise judiciaire de M. [S], déposé le 30 novembre 2013.
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire, mais également des rapports amiables, que le 28 septembre 2011 au matin la société Sade-CGTH effectuait des travaux de terrassement sur le réseau gaz dans la [Adresse 4], et a à cette occasion sectionné un câble électrique appartenant au réseau ERDF, entre les numéros 15 et 17 de la rue.
Le même matin M. [E] avait constaté, ainsi que relaté au rapport de reconnaissance incendie du 5 octobre 2011, des variations importantes de luminosité d'une lampe. S'étant enquis auprès des ouvriers de la société Sade des travaux en cours il avait appris qu'un câble ERDF venait d'être sectionné et avait constaté que son disjoncteur avait déclenché. Il indiquait être parti faire des courses peu avant dix heures. Peu de temps après des voisins avaient vu de la fumée s'échapper de sa cuisine et avaient prévenu les pompiers qui étaient arrivés rapidement sur place en même temps que lui. Le feu avait ravagé la cuisine sans s'étendre aux autres pièces, néanmoins atteintes par les fumées.
Selon les conclusions de l'expert judiciaire, et au vu des éléments qui lui ont été soumis, il est avéré que le feu est d'origine électrique et accidentelle, et a pris naissance au niveau du four à micro-ondes situé dans la cuisine de M. [E].
Ce départ de feu à dire d'expert est consécutif à la rupture accidentelle, par les employés de la société Sade-CGTH, du câble de neutre faisant partie du réseau ERDF et desservant la rue des coquelicots. Cette rupture intervenue peu de temps avant le début de l'incendie, « a provoqué une surtension sur le réseau ERDF ayant occasionné des dégâts matériels dans plusieurs habitations de la rue ». Cette surtension s'est manifestée notamment chez M. [E], et, si « une telle surtension crée généralement la destruction de l'appareil », « un échauffement consécutif à la surtension peut être à l'origine d'un départ de feu, ce qui s'est manifestement produit dans le sinistre ayant affecté l'appartement de M [E] ».
Selon l'expert, l'installation électrique du logement était conforme aux normes en vigueur, et n'est donc pas à incriminer dans la survenance du sinistre.
Il a également éliminé toute cause tenant à un problème causé par la multi-prise à laquelle était relié le micro-ondes, et n'a pas tiré de conclusions particulières du fait que les fiches et fils de la prise murale ne présentaient pas d'indices de surchauffe.
Quant au four micro-ondes, l'expert a constaté que compte tenu de son état de destruction quasi total et de l'absence de facture, il n'était pas possible de déterminer sa marque et de mettre en cause son fournisseur.
Les différents rapports émanant du CET, cabinet d'expertise mandaté par la MACIF, aboutissent aux mêmes conclusions, quoique énoncées de façon moins catégorique.
Dès le premier rapport de reconnaissance du 5 octobre 2011 l'origine du départ de feu a été localisée au niveau du four à micro-ondes compte tenu des constatations matérielles et des déductions effectuées sur place. Dans le même rapport est rappelé le fait que peu de temps avant le déclenchement de l'incendie, et après l'endommagement du câble, M. [E] de même que son voisin M. [Y], avaient remarqué chez eux sur certains appareils des anomalies électriques.
Il est également mentionné dès ce rapport que « en fin de journée ERDF, qui avait réparé le câble à l'endroit de la coupure, a remis une partie des logements sous tension », et que « immédiatement les gens ont constaté des dysfonctionnements (sur ou sous-tension) », M. [J] ayant déclaré à l'expert d'assurance qu'il avait « mesuré lui-même une tension de 360 volts aux bornes d'une prise ».
Dès lors et selon l'expert de la MACIF,« le réseau est alors de nouveau coupé et ERDF est revenu le lendemain pour réalimenter les logements par un câblage provisoire, n'utilisant plus alors le câble endommagé ».
Le rapport d'expertise judiciaire relate le même déroulement des faits.
Le rapport d'expertise dressé le 10 novembre 2011 par M. [L] expert du laboratoire Lavoue arrive aux mêmes conclusions, à savoir que l'incendie s'est déclaré dans la cuisine au niveau d'un four à micro-ondes et que « concernant la cause, la seule hypothèse possible est celle d'un incendie d'origine électrique ayant affecté le micro-ondes. Compte tenu de la concomitance entre cet incendie affectant l'appareil et un problème de surtension ayant affecté le réseau ERDF dans la rue durant la matinée, il est établi que ce départ de feu est la conséquence de la surtension due à une rupture de neutre sur le réseau ERDF. Cette surtension provoqua d'ailleurs la destruction de nombreux appareils électriques dans les pavillons voisins (lit médicalisé, machine à laver...)
Il résulte du second rapport du 14 décembre 2011 que les experts du cabinet CET ont effectué plusieurs réunions sur place et ont également rencontré de nombreux locataires dans la même rue lors de la réunion du 7 décembre 2011, ce qui leur a permis de constater que, en dehors de M. [E] et parmi les 15 autres locataires de pavillons rencontrés, huit avaient constaté des dégradations sur des appareils électriques. (Les occupants des logements n° 5,7,16,19,20,21,23 et 24).
Le même rapport expose quelles sont les bases techniques d'un phénomène de surtension et énonce effectivement que dans l'hypothèse d'un réseau triphasé avec neutre, et d'une rupture du câble de neutre, seules les installations situées en aval du point de rupture du câble sont victimes d'une sur ou d'une sous-tension. Or la section du câble par les employés de la société Sade a eu lieu au niveau des numéros 15 et 17 de la rue des coquelicots alors que M. [E] demeurait au numéro 14, lequel est situé en face du n° 3 de la même rue.
Il est alors mentionné dans le rapport que pour l'expert de ERDF, il n'y a pas eu de surtension dans le logement de M. [E], situé en amont du point de rupture.
Cependant une telle énonciation est uniquement la conclusion logique des précédentes explications données par les experts de la MACIF, et ne constitue pas une information donnée par ERDF à partir de constatations objectives ou de mesures de surtension que ERDF aurait pu lui-même effectuer.
Or les experts de la MACIF ont contredit ce raisonnement en observant que, en suite de la section de câble au niveau des n° 15 et 17 de la rue, rapportée par les ouvriers de la société Sade eux-mêmes, la société ERDF a fait effectuer une première intervention le 28 septembre jour même des faits dans l'après-midi pour raccorder ce câble, intervention qui ne fut pas concluante puisque dès que le câble coupé a été réparé, une nouvelle surtension a été constatée, obligeant ERDF à interrompre à nouveau l'alimentation électrique. ERDF est alors intervenu à nouveau le lendemain « et un câble neutre réalimentant la totalité des logements de la rue a été mis en place (suivant bons de travaux 219913 et 219916) . Après ces travaux les logements ont été réalimentés normalement ». (cf. rapport intermédiaire du 14 décembre 2011).
Ces circonstances autorisent les experts de la MACIF à déduire que le câble ERDF a été sectionné en deux endroits, la réparation d'une seule des deux blessures ayant été insuffisante . Ils indiquent également dans le même rapport qu'ils n'ont pas de certitude sur le point de savoir si le câble sectionné au niveau des n° 15 et 17 était bien un câble de neutre, mais qu'en revanche il apparaît qu'un câble de neutre a en tout état de cause été sectionné en amont du logement de M. [E].
Ils précisent encore que les plans du réseau ERDF ne définissent que la position des câbles principaux mais pas des alimentations de chacun des logements. En toute logique les alimentations des logements sont prises perpendiculairement aux câbles généraux d'alimentation, mais elles sont groupées et il n'est pas possible aux experts de savoir si le numéro 14 est alimenté avec le numéro 16 ou le numéro 12. Il n'était par conséquent pas exclus que M. [E] soit relié au cable de neutre avec le n°12.
Ainsi, l'affirmation de l'expert d'ERDF sur laquelle se fonde la société Sade, et qui n'est mentionnée que dans le rapport des experts de la MACIF, apparaît être une déduction opérée à partir du schéma d'alimentation réalisé par les experts de la MACIF, mais ne constitue pas une information objective fournie par ERDF à partir de ses propres informations ou mesures. En outre, ce raisonnement peut effectivement se trouver invalidé à raison du fait que la première intervention d'ERDF sur le câble sectionné à hauteur des n° 15 et 17 n'a pas permis d'apporter une solution, preuve que le câble était également endommagé à un autre endroit.
La société Sade ne peut donc tirer de ces éléments ainsi qu'elle le fait, ni l'affirmation qu'il serait établi avec certitude qu'aucune surtension n'a affecté le logement de M. [E], ni l'affirmation que le câble sectionné n'aurait pas été relié à ce logement. Il résulte au contraire des schémas figurant au rapport que le câble de neutre desservait toute la rue et que les différents logements individuels y étaient raccordés, seule restant incertaine la localisation exacte du raccord de l'habitation de M. [E].
A cet égard il apparaît que l'expert judiciaire, auquel les bons d'intervention de ERDF ont été soumis, (annexe n°13) a validé cette analyse en considérant également que la société Sade « avait endommagé à deux reprises » un câble ERDF, et en reprenant la chronologie des faits telle que précité. Il réitère que ERDF a du réintervenir le 29 septembre « pour réalimenter les logements par un câblage provisoire n'utilisant plus le câble endommagé », et conclut que «la réparation effectuée n'ayant pas résolu les problèmes de surtension, il apparaît donc que le câble de neutre a été sectionné à un autre endroit (traction sur l'ensemble du câble) lors de la première blessure occasionnée lors des travaux effectués par la société Sade ».
Cette hypothèse se trouve également validée par le fait que les experts de la MACIF, ayant interrogé le voisinage de M. [E], ont pu constater que plusieurs autres occupants résidant à divers niveaux de la rue des coquelicots, ont eu des appareils électriques endommagés, y compris les occupants des n° 5 et 7, également situés en amont des n° 15 et 17, preuve que le câble de neutre n'a pas pu être endommagé uniquement au niveau des maisons n°15 et 17.
D'autre part, la société Sade-CGTH ne peut ainsi qu'elle le fait soutenir que la surtension ne se serait produite qu'après la première réparation effectuée par ERDF, en se fondant sur les indications du rapport CET comme du rapport d'expertise, selon lesquelles « immédiatement » après ces réparations un des occupants M. [J] a mesuré une surtension de 380 volts sur une prise.
Il résulte en effet des rapports du cabinet CET qu'au cours de la matinée et avant même l'incendie ayant affecté l'habitation de M. [E], au moins deux personnes à savoir M. [E] et M. [Y], avaient constaté des anomalies révélatrices d'une sur ou d'une sous tension sur certains appareils. Le même rapport mentionne d'ailleurs que M. [J] avait également constaté à ce moment des variations importantes dans le fonctionnement de son aspirateur, et ce avant de mesurer une surtension de 360 ou 380 volts aux bornes d'une prise, ce qu'il ne fera qu'en fin de journée. Il apparaît donc au vu de ces constatations, que des problèmes de surtension se sont manifestés dès le matin.
Pour contester l'hypothèse selon laquelle le câble de neutre aurait été endommagé en deux endroits, la société Sade se fonde sur le courrier que lui adressait la société ERDF le 27 octobre 2011, lequel indiquait « nous venons vers vous suite au sinistre survenu le 28/09/2011, face au [Adresse 4]. Circonstance du sinistre : lors de travaux de terrassement, vous avez endommagé notre réseau BT ».
La référence au [Adresse 4] ne concerne que l'endroit où creusaient les ouvriers de la société Sade lorsqu'ils ont constaté qu'ils avaient sectionné un câble. Il ne contient en revanche aucune prise de position expresse sur le point de savoir si le câble aurait été endommagé en un ou plusieurs points, puisqu'il est question d'un endommagement du « réseau », et ne remet pas en cause les indications des experts selon lesquelles ERDF a été dans l'obligation de poser un autre câblage n'utilisant plus le câble endommagé. Il a en outre été rédigé avant toute discussion sur le point de savoir si une ou plusieurs blessures avaient été occasionnées à ce câble, et n'avait pas pour vocation de définir plus précisément et techniquement le sinistre.
Il ne peut donc être tiré aucune conclusion d'un tel document.
A l'inverse, la société Sade ne fournit aucune autre explication au fait que la première réparation, effectuée par ERDF sur le câble à hauteur du n° 15 de la rue des coquelicots, n'a pas permis de résoudre le problème et qu'une seconde intervention a été nécessaire.
Son argumentation sur ce point n'est donc pas de nature à remettre en cause les conclusions des experts.
Quant à l'argument selon lequel l'endommagement du câble par les ouvriers de la société Sade et l'incendie ne pourraient être qualifiés d'événements « concomitants » compte tenu du fait qu'ils sont séparés par un intervalle d'une heure, il sera observé que l'incendie n'a été détecté par les voisins de M. [E] que lorsqu'il a eu atteint une ampleur suffisante pour que les fumées soient visibles de l'extérieur, mais que son point de départ dans le temps se situe nécessairement bien avant l'alerte donnée par les voisins. Ceci peut également se déduire du fait que l'incendie bien qu'ayant pris naissance dans le micro-ondes, a totalement détruit ou gravement endommagé d'autres éléments d'équipement de la cuisine et endommagé à des degrés divers l'ensemble de la cuisine à telle enseigne que des vitres ont éclaté sous l'effet de la chaleur (cf. Rapport de reconnaissance incendie).
L'intervalle de temps allégué n'est donc pas de nature à remettre en cause le caractère concomitant des deux événements.
S'agissant enfin du rôle joué par le four micro-ondes, il n'est contesté par personne que le départ de feu s'est situé dans cet appareil. La question est cependant de déterminer ce qui a provoqué ce départ de feu.
Or à l'exception d'une surtension, aucune autre explication n'est fournie par les experts, et la société Sade n'en fournit pas davantage, étant rappelé qu'il n'est pas davantage contesté que l'incendie a débuté alors que personne ne se servait de l'appareil, M. [E] étant parti faire des courses.
S'il est constant qu'il appartient au demandeur de faire la preuve du fait dommageable et du lien de causalité dont il se prévaut, la cour constate qu'en l'état nombre d'éléments sont apportés en ce sens alors qu'à l'inverse la société Sade n'apporte aucun argument probant au soutien de ses dénégations. A cet égard et concernant le rôle qu'elle attribue au four à micro-ondes, elle relève le fait que les fils de la prise murale de la cuisine n'auraient pas été endommagés, alors que la multi-prise a totalement disparu. Pour autant elle n'en tire aucune conclusion technique argumentée permettant de mettre à mal l'hypothèse selon laquelle le four à micro-ondes aurait été victime d'une surtension non supportée.
Par ailleurs il n'a pas été possible d'examiner l'appareil qui a été entièrement détruit, même la marque étant restée inconnue.
L'expert du laboratoire Lavoué indique en outre que les appareils électriques domestiques sont donnés pour une tension de fonctionnement de 230 V avec une tolérance maximale de tension à + 10% soit 253 V. En cas de rupture de neutre la surtension affectant un appareil peut atteindre 300 à 400 V, tension pour laquelle les appareils électriques ne sont pas conçus, raison pour laquelle ils sont détruits (appareil « grillé »), mais dans certains cas l'échauffement consécutif à la surtension peut être à l'origine d'un départ de feu.
Cependant et à supposer même que cet appareil puisse être incriminé pour n'avoir pas correctement résisté à la surtension, ce qui ne semble pas confirmé par le laboratoire Lavoué, il en résulterait que le sinistre subi par M. [E] aurait pour origine deux faits dommageables, à savoir la rupture du câble de neutre par les employés de la société Sade, et le défaut de sécurité affectant le four à micro-ondes. Cette circonstance autoriserait en tout état de cause M. [E] à demander réparation à l'un des deux-co-auteurs de son préjudice, sauf à celui-ci à exercer son recours contre l'autre.
Ainsi le rôle causal imputable le cas échéant au four à micro-ondes n'est pas de nature à décharger la société Sade de sa responsabilité.
La cour constate dès lors que les conclusions de l'expert judiciaire, celles de l'expert du cabinet CET et celles du laboratoire Lavoué sont convergentes et étayées quant à l'origine du sinistre.
Il est constant que le rapport du cabinet CET n'aboutit pas à une conclusion catégorique à l'instar de l'expertise judiciaire, puisqu'il est effectivement mentionné dans le rapport intermédiaire du 14 décembre 2011 que « la zone et les circonstances de la coupure du câble de neutre responsable de la surtension en sont pas clairement identifiées. Il ne nous est donc pas possible de prouver avec certitude que le câble a bien été endommagé par la société Sade. Cependant une autre hypothèse est fort peu probable » et dans le rapport définitif : « compte tenu des éléments relevés tous les indices laissent à penser que l'incendie dans le four micro-ondes est consécutif à la surtension. Nous ne sommes cependant pas en mesure d'en apporter la preuve formelle ».
Cependant la cour constate que ces experts, comme l'expert judiciaire ou l'expert du laboratoire Lavoué, ont dégagé un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, permettant de déduire l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention de la société Sade-CGTH et l'incendie survenu au domicile de M. [E]. Il en est ainsi du fait que la société Sade a avec certitude endommagé un câble, que la première intervention d'ERDF sur celui-ci n'a pas permis de remédier au phénomène de surtension engendré par une rupture de câble de neutre, qu'il en résulte que ce câble a été à cette occasion endommagé à un autre endroit notamment par traction ainsi que l'envisage l'expert judiciaire, étant observé qu'aucune anomalie n'avait été signalée avant l'intervention de la société Sade, et que, alors que personne n'utilisait le four à micro-ondes, la seule explication au départ de feu sur cet appareil est une surtension, laquelle a été constatée par plusieurs personnes dans une période de temps voisine de l'endommagement par la société Sade du câble ERDF.
A l'inverse, la société Sade n'est pas en mesure d'émettre une autre hypothèse crédible expliquant le départ de feu dans le four à micro-ondes de M. [E], et il résulte des développements qui précèdent que ses différentes objections ou critiques ne sont pas fondées.
Enfin les objections de la société Sade tenant à l'existence d'une pluralité de causes hypothétiques rendant impossible l'établissement d'un lien de causalité entre la rupture accidentelle du câble et l'incendie, ne peuvent davantage être retenues. Il n'existe en l'état qu'une seule hypothèse argumentée, et à supposer que le four à micro-ondes ait joué un rôle, ceci ne dédouane pas pour autant la société Sade.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Sade-CGTH dans l'incendie ayant affecté le domicile de M [E].
III- Sur le montant des dommages et les réclamations de M. [E] et de la SA Allianz IARD
Sur la réclamation au titre des dommages mobiliers
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le montant total du préjudice mobilier subi par M. [E] a été chiffré à la somme de 71.592,00 € « valeur à neuf » et à la somme de 57.373,60 € « valeur vétusté déduite ».
L'expert indique fonder son estimation sur les différents chiffrages dont il a été destinataire à savoir, pour M. [E], celui du cabinet CET et celui de M. [P], expert d'assuré. Ce dernier chiffrage n'est pas produit mais est évoqué dans le rapport CET duquel il résulte que le chiffrage initial de M. [P] s'établissait à 135.068 € mais a été vivement critiqué par l'expert du cabinet CET (réclamation au titre de biens mobiliers qui pouvaient être nettoyés notamment) de sorte que le cabinet CET a proposé un chiffrage à 59.314 € TTC « valeur à neuf » et 43.885 € TTC « vétusté déduite ».
Les premiers juges ont retenu la somme de 57.273,60 € correspondant à l'estimation de l'expert judiciaire après déduction de la vétusté.
M. [E] revendique cependant à juste titre le principe de réparation intégrale du préjudice, la notion de coefficient de vétusté n'ayant à s'appliquer que dans les relations contractuelles entre un assuré et son assureur.
Par conséquent, et sauf à la société Sade à démontrer que tout ou partie des pertes mobilières de M. [E] pourrait donner lieu à un remplacement par des biens d'occasion dans le même état, il convient de retenir au titre de l'indemnisation intégrale du préjudice subi par celui-ci la somme de 71.592,00 € telle que fixée par l'expert, étant relevé que dans son quantum et dans son détail, cette somme ne fait l'objet d'aucune contestation, la société Sade se bornant à revendiquer l'évaluation à hauteur de 57.273,60 € sans plus s'en expliquer.
Il convient donc d'infirmer sur ce point le jugement dont appel et de condamner la SA Sade-CGTH à payer à M. [E] la somme de 71.592,00 € à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation de son préjudice mobilier.
Aucune disposition ne permet à M. [E] de revendiquer des intérêts moratoires sur une somme allouée à titre de dommages et intérêts, à compter du jour du sinistre, ou en l'occurrence deux jours plus tard. En application de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts moratoires seront dus à compter du jugement du 29 juin 2017.
Sur l'indemnisation du préjudice immobilier
M. [E] revendique à ce titre la somme de 35.447 € retenue par l'expert au titre des dégâts immobiliers, sans plus argumenter sur son droit, en tant que locataire, à réclamer une telle indemnisation.
Il résulte du rapport d'expertise que les dégâts immobiliers, y compris les embellissements réalisés par le locataire, ont été évalués par l'expert « lors de la réunion de chiffrage au cours de laquelle un large consensus s'est dégagé », à la somme de 35.447,86 € y compris les frais de garde-meuble.
M. [E], qui n'était pas propriétaire du bien immobilier endommagé, ne peut donc certainement pas prétendre à la totalité de cette somme, mais tout au plus aux frais de réfection des embellissements réalisés par ses soins, et non acquis au bailleur, sous réserve que ceux-ci constituent pour lui un préjudice.
Il résulte cependant des pièces versées aux débats, que M. [E] en suite de l'incendie, est allé vivre dans un logement appartenant à son fils, que ce dernier lui louait, puis a ensuite résidé à [Localité 10].
Toutefois, au vu des indications figurant aux jugements des 23 mai 2017 et 15 octobre 2019 rendus par le tribunal de grande instance de Briey dans la procédure opposant Batigère à M. [E], celui-ci n'a pas vidé son ancien logement des meubles s'y trouvant, faisant ainsi obstacle à toute possibilité de remise en état des locaux par le bailleur, et ne s'est pas non plus acquitté du montant des loyers de sorte que le bail le liant à la société Batigère a finalement été résilié à ses torts par jugement du 15 octobre 2019, le tribunal ayant notamment relevé son obstruction persistante face à la nécessité pour le bailleur de réaliser des travaux de réfection.
Il résulte encore du jugement précité, que M. [E], bien qu'ayant laissé des meubles dans le logement sis [Adresse 3], ne l'a en réalité jamais réintégré jusqu'à la date de résiliation du bail, et n'a donc eu à y entreprendre aucune remise en état au titre des embellissements, cette charge ayant in fine incombé au bailleur la société Batigère.
Les faits tels que relatés laissent également douter de ce qu'il ait eu à exposer des frais de garde-meuble, alors au contraire que la société Batigère lui faisait grief de continuer à entreposer son mobilier dans des lieux qu'il n'occupait plus, étant observé qu'il n'est fourni avec le rapport d'expertise ni facture ni devis, et que M. [E] n'en produit pas davantage devant la cour.
Enfin il résulte des déclarations de la société Batigère que celle-ci a pu finalement entreprendre les travaux de remise en état, qui ont été pris en charge par son assureur la société Allianz IARD, sous déduction de la franchise que M. [E] a été condamné à lui régler en application de l'article 1733 du code civil.
La société Allianz indique sans être contredite sur ce point, qu'elle a versé à la société Batigère une somme de 29.083,21 € embellissements compris, et elle verse aux débats pour preuve l'historique des mouvements comptables. Bien qu'aucune quittance subrogative ne soit produite, ses droits sur ce point ne sont pas contestés.
Seule la société Allianz peut donc par conséquent prétendre au remboursement auprès de la société Sade-CGTH, de la somme de 29.083,21 € au titre des dommages immobiliers, embellissements compris. Pour les raisons qui précèdent M. [E] ne peut prétendre à aucun dédommagement sur ce point.
Il convient donc d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Sade CGTH à payer à M. [E] la somme de 13.583 € et à la société Allianz la somme de 15.500,21 €, et de condamner la société Sade à rembourser à la SA Allianz IARD la somme de 29.083,21 €, outre intérêts à compter du jugement dont appel.
Sur la franchise restée à la charge de la société Batigère
Le jugement de première instance avait condamné la société Sade à payer à la société Batigère la somme de 3.046 € au titre de la franchise restée à sa charge. La cour d'appel de Nancy a, notamment, débouté la société Batigère de toutes ses demandes à l'encontre de la société Sade, mais l'arrêt de la cour de cassation en date du 11 mars 2021, étendant les dispositions de son précédent arrêt à la société Batigère à raison du pourvoi formé par celle-ci, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, notamment en ce qu'il avait débouté la société Batigère de ses demandes.
Devant la présente cour la société Batigère ne réclame plus une somme qui lui a été réglée par ailleurs, et compte tenu des conclusions de débouté prises par la société Sade, il convient d'infirmer le jugement dont appel sur ce point et de constater que la société Batigère ne réclame plus cette somme à la société Sade.
Sur la demande de la SA Allianz IARD en paiement de la somme de 5.382 €
Cette somme représente selon la société Allianz la somme versée à l'expert mandaté par ses soins dans le cadre du sinistre précité.
Il est justifié par la production du rapport d'expertise du cabinet ELEX, de la réalité de cette prestation.
Par ailleurs, si la « facture d'honoraire à la vacation » est effectivement un document édité par la société Allianz elle-même, il apparaît qu'elle comporte notamment l'indication des « références expert » et notamment du numéro de dossier 11ECI16069/MEZ/BJ qui se retrouve également sur le rapport émanant du cabinet Elex.
Il est également produit la facture émanant de la plateforme nationale ADENES SAS, étant relevé que le rapport d'expertise Elex est également établi sur un document portant les références ADENES.
Au vu de ces éléments et de l'extrait d'historique des mouvements comptables, mentionnant aux mêmes dates le paiement effectué à destination de Batigère et celui effectué à destination de ADENES, il est suffisamment rapporté la preuve que la SA Allianz IARD a exposé des frais d'expert en rapport avec le sinistre, à hauteur de la somme de 5.382 €.
La société Sade-CGTH doit donc également être condamnée au paiement de cette somme, les intérêts légaux étant dus à compter du jugement dont appel.
La cour constate par ailleurs que la société Allianz ne demande plus comme en première instance la réserve de ses droits, étant relevé que le paiement effectué par ses soins est aujourd'hui ancien et qu'il n'est pas allégué que d'autres sommes puissent encore être versées.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
Il apparaît que M. [E] ne forme plus de demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et n'émet aucune contestation à l'encontre de la disposition du jugement qui l'a débouté de sa demande au titre d'une résistance abusive de la société Sade.
Le jugement dont appel est dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande sur ce point.
IV - Sur les demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement du tribunal de grande instance de Briey étant confirmé pour sa plus grande part, il convient de confirmer ses dispositions relatives aux dépens.
Aucune des parties n'émet de critique à l'encontre de la disposition du jugement de première instance ayant considéré que l'équité n'imposait pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, et ayant donc débouté l'ensemble des parties de leurs demandes sur ce point.
Par ailleurs dans le cadre de leurs conclusions devant cette cour, aucune des parties ne forme de demande spécifique relativement aux frais irrépétibles exposés en première instance, seule étant formée une demande indifférenciée.
Dès lors et en l'absence de tout argumentaire sur ce point, les dispositions de première instance sont confirmées.
A hauteur d'appel, l'équité commande d'allouer à M. [E] un montant de 4.000 € au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'une somme de 2.000 € à la société Allianz, ces sommes étant supportées par la société Sade.
Il est également équitable d'allouer à la société Batigère une somme de 1.500 € au titre de ses frais irrépétibles. La mise en cause de la société Batigère en première instance était opportune dès lors qu'il était dans son intérêt de voir trancher la responsabilité quant à l'origine du sinistre. La somme de 1 .500 € sera donc également mise à la charge de la société Sade.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant sur renvoi après cassation et dans la limite de sa saisine :
Confirme le jugement rendu le 29 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Briey en ce qu'il a :
Déclaré la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique responsable de l'incendie intervenu le 28 septembre 2011 dans l'immeuble situé au [Adresse 3]
Débouté M. [E] de sa demande d'indemnité concernant la résistance abusive de la S.A. Sade ' Compagnie générale de travaux d'hydraulique
Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
Condamné la société Sade - CGTH aux entiers dépens de l'instance et autorisé Me [C] à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
Infirme pour le surplus le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Constate que la SA Allianz IARD ne demande plus qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve le droit de réclamer de plus amples montants,
Condamne la SA Sade - CGTH à payer à M. [R] [E] la somme de 71.592,00 € assortie des intérêts légaux à compter du 29 juin 2017, au titre de son préjudice mobilier,
Déboute M. [E] de sa demande au titre d'un préjudice immobilier,
Condamne la SA Sade - CGTH à payer à la SA Allianz IARD les sommes de 29.083,21 € au titre du montant versé par la société Allianz IARD à la société Batigère, et de 5.382 € au titre des honoraires versés au cabinet d'expertise Elex, avec intérêts légaux à compter du 29 juin 2017,
Constate que la société Batigère ne forme plus de demande au titre de la franchise à l'encontre de la SA Sade - CGTH,
Ajoutant,
Condamne la SA Sade - CGTH aux entiers dépens d'appel,
Condamne la SA Sade - CGTH à payer à M. [E] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Sade - CGTH à payer à la SA Allianz IARD la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Sade - CGTH à payer à la SA Batigère d'HLM la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre