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22/07/2024 | FRANCE | N°22/01385

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 22 juillet 2024, 22/01385


Arrêt n° 24/00343



22 Juillet 2024

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N° RG 22/01385 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FX5M

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Pole social du TJ de METZ

06 Avril 2022

21/00146

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt deux Juillet deux mille vingt quatre







APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE M

OSELLE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [X], munie d'un pouvoir général



INTIMÉ :



Monsieur [H] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant



COMPOSITION DE LA COUR :



En applicati...

Arrêt n° 24/00343

22 Juillet 2024

---------------

N° RG 22/01385 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FX5M

------------------

Pole social du TJ de METZ

06 Avril 2022

21/00146

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt deux Juillet deux mille vingt quatre

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [X], munie d'un pouvoir général

INTIMÉ :

Monsieur [H] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [N] , employé pour le compte de l'association [5] a déclaré avoir été victime sur son lieu de travail le 08/07/2020 d'un fait accidentel lui occasionnant selon le certificat médical initial du 09/07/2020 « un état d'anxiété avec pleurs et des troubles du sommeil ».

La déclaration d'accident du travail établie le 20/07/2020 par l'employeur indiquait « fragilité émotionnelle » suite à une « lecture de mails de transmission à la reprise d'une période d'absence » , cette déclaration était accompagnée d'un courrier de réserves.

Par courrier du 07/08/2020, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle (CPAM ou Caisse ) a informé Monsieur [H] [N] de l'instruction du dossier et le 27/10/2020 la caisse refusa de reconnaitre le caractère professionnel du fait accidentel allégué.

Le 24/11/2020, Monsieur [H] [N] a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la caisse, d'une contestation qui fit l'objet d'un rejet implicite.

Par requête du 16/02/2021, Monsieur [H] [N] a saisi le pôle social du Tribunal Judiciaire de Metz afin de contester la décision rendue par la caisse le 27/10/2020 rejetant sa demande de voir reconnaitre l'accident allégué au titre de la législation professionnelle.

Par jugement du 06/04/2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

Dit que l'accident dont a été victime Monsieur [H] [N] le 08/07/2020 doit être pris en charge au titre de la législation des risques professionnels,

Annulé la décision de rejet de la CPAM de Moselle du 27/10/2020,

Condamné la caisse aux frais et dépens engagés à compter du 01/01/2019.

La CPAM de Moselle a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 14/04/2022, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13/05/2022.

L'affaire a été plaidée après renvoi lors de l'audience du 28/05/2024.

La CPAM de Moselle, régulièrement représentée s'est référée à ses conclusions du 16/01/2023 par lesquelles elle demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la caisse le 11/05/2022,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau :

Déclarer Monsieur [H] [N] mal fondé en son recours et l'en débouter,

Confirmer la décision implicite de rejet de la CRA près la CPAM de Moselle,

Condamner Monsieur [H] [N] aux entiers frais et dépens.

Monsieur [H] [N] qui était comparant s'est référé à ses conclusions datées du 11/04/2024 par lesquelles il demande à la cour :

De confirmer le jugement entrepris et donc reconnaître le bien fondé de la requête en reconnaissance d'accident du travail,

De condamner la CPAM aux entiers frais et dépens,

De condamner la CPAM « à m'indemniser au titre du manque de diligence dont ils ont fait preuve dans l'instruction de mon dosser et du caractère abusif de leur appel ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures oralement reprises à l'audience conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la matérialité de l'accident

La CPAM de Moselle sollicite l'infirmation de la décision entreprise. Elle soutient que les lésions décrites dans le certificat médical de Monsieur [N] à savoir un état anxieux ne sont pas caractéristiques de lésions survenues de manière soudaine et anormale mais sont la conséquence d'une répétition de facteurs perturbant le travail, et d'évènements personnels. Elle ajoute qu'il convient de ce fait de retenir l'existence d'une cause totalement étrangère au travail relevant d'un état pathologique antérieur.

Monsieur [N] sollicite quant à lui la confirmation du jugement critiqué et la reconnaissance de l'accident survenu le 08/07/2020 au titre de la législation sur les risques professionnels. Il précise que l'accident soudain et brutal consistant en une atteinte psychique était bien intervenu sur le lieu et pendant les horaires de travail

***************

Selon l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail quelle qu'en soit la cause un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail provoquant une lésion physique ou psychique à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

En application de cette disposition légale, une lésion externe ou interne qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail doit être présumée comme résultant de cet accident, étant précisé que la présomption d'imputabilité couvre non seulement les lésions survenues au temps du travail mais également les lésions différées ou les symptômes apparus ultérieurement lorsqu'ils peuvent être rattachés à l'accident soit parce qu'ils sont apparus dans un temps voisin soit parce qu'il y a eu continuité des soins depuis l'accident de travail.

Pour que la présomption d'imputabilité au travail puisse s'appliquer, la victime doit au préalable établir la réalité du fait accidentel ainsi que sa survenance au temps et au lieu du travail. Cette preuve peut être établie par tout moyen ou résulter de présomptions graves, précises et concordantes notamment lorsque les déclarations du salarié sont corroborées par des éléments objectifs et vérifiables, par la teneur des documents médicaux produits ou par les déclarations de témoins.

Les seules déclarations du salarié sur l'accident qu'il a subi sont, en principe, insuffisantes pour établir le caractère professionnel de l'accident.

Il lui appartient d'établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

La cour rappelle que la qualification d'accident du travail peut être retenue en cas de lésion psychologique dès lors que les troubles psychologiques présentés par le salarié sont la conséquence d'un choc émotionnel provoqué par un fait accidentel survenu au temps et lieu de travail.

Le fait générateur d'un accident du travail ayant provoqué un traumatisme psychologique doit en outre être défini comme « anormal » par sa brutalité, son imprévisibilité, son exceptionnalité ou son écart avec le cours habituel des relations de travail.

En l'espèce, Monsieur [N] fait valoir qu'il a subi un choc psychologique sur son lieu de travail le 08/07/2020. Il avait été choqué par la lecture d'un compte rendu de réunion dénigrant qu'il a considéré à charge contre lui et il qu'il avait eu une rencontre avec sa hiérarchie le jour même au cours duquel il était tremblant et en pleurs.

Le certificat médical initial du 09/07/2020 fait état « d'un état d'anxiété avec pleurs, troubles du sommeil rattaché par le patient à des problèmes ressentis sur le lieu de travail »( pièce N°1 CPAM).

La déclaration d'accident du travail mentionne l'activité de la victime lors de l'accident en ces termes : « lecture des mails de transmission à la reprise d'une période d'absence. Fragilité émotionnelle » (pièce N°2 CPAM).

Dans le questionnaire assuré, Monsieur [N] précise que l'entretien qu'il a eu avec sa hiérarchie le jour de l'accident a « contribué à renforcer son état d'anxiété puisqu'il ne m'a pas été précisé ce que l'on me reproche ' et le poste pour lequel j'ai été nommé remis en question »

Monsieur [N] produit aux débats l'attestation de Madame [T] sa collègue de travail et témoin direct , datée du 27/02/2021 et complétée le 20/07/2021qui relate que M. [N] est arrivé à son poste le 08/07/2020 de bonne humeur et qu'après lecture du compte rendu de réunion sur l'ordinateur , « son sourire a vite disparu' il s'est absenté pour solliciter un entretien avec la direction dès que possible ' à son retour il avait les yeux rouges et la respiration saccadée ' il était en pleurs , effondré. »

Par ailleurs, le docteur [S] dans son certificat médical du 05/11/2020 atteste avoir reçu en consultation Monsieur [N] le 21/07/2020 , qu'il a noté un syndrome post traumatique pris en charge par un médecin psychiatre. Les éléments rapportés par Monsieur [N] « ainsi que la temporalité pourraient correspondre à mon sens à la définition d'un accident du travail en lien avec un risque psychosocial ».

Le docteur [D] , dans son attestation du 23/11/2020 indique que « ces troubles apparus au décours d'un choc psychologique s'est produit sur le lieu de travail, j'ai rédigé un certificat initial d'accident du travail à la date du 09/07/2020. »

Le docteur [O], psychiatre atteste le 06/11/2020 que « Monsieur [N] a recommencé un suivi spécialisé avec moi-même depuis le 02/09/2020. La rechute anxio-dépressive a été déclenchée dans les suites d'un évènement professionnel vécu comme traumatisant. A ce jour , persistance des angoisses , humeur fluctuante. »

Il convient de rappeler que pour pouvoir bénéficier de la présomption de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, il faut la réunion de ces trois conditions :

Un évènement soudain au temps et au lieu du travail

Une lésion médicalement constatée

Un lien de causalité entre les deux.

Au vu de l'ensemble des pièces produites au débat, la cour est en mesure de confirmer l'existence d'un fait accidentel et soudain au temps et au lieu de travail à l'origine des lésions médicalement constatées chez Monsieur [N] [H].

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz le 06/04/2022.

Sur la demande de dommages et intérêts

En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme , qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour justifier de l'attribution de tels dommages et intérêts, il doit être rapporté l'existence d'une faute , d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux. L'appréciation de la faute ou du préjudice est de l'appréciation souveraine des juges.

Monsieur [N] sollicite le versement de dommages et intérêts au titre du manque de diligence de la caisse dans l'instruction de son dossier.

Il explique qu'il avait attendu de faire appel de son licenciement , ne sachant pas que le délai de prescription était d'un an. Il fait état d'un préjudice moral et financier ( soit « plus de 20000 euros + 6 mois de salaire minimum.»

La cour constate que Monsieur [N] n'a pas chiffré la demande de dommages et intérêts correspondant au préjudice dont il fait état.

Par ailleurs , Monsieur [N] invoque le caractère abusif de l'appel de la caisse.

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne saurait dégénérer en abus susceptible de donner lieu à indemnisation, sauf circonstances particulières.

Monsieur [N] ne rapporte pas la preuve que l'appel de la caisse était uniquement motivé par le fait de retarder l'exécution du jugement de première instance.

En conséquence Monsieur [N] est débouté de sa demande de dommages intérêts.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Partie perdante, la CPAM de Moselle est condamnée aux dépens d'appel.

Il convient de plus de confirmer la condamnation aux dépens de première instance pour la période à compter du 16/02/2021 date du recours et non à compter du 01/01/2019.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'espèce, la demande de Monsieur [N] n'étant pas chiffrée , il n'y a pas lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Metz du 06/04/2022 sauf en ce qu'il a condamné la caisse aux frais et dépens engagés à compter du 01/01/2019.

Statuant à nouveau

DEBOUTE Monsieur [H] [N] du surplus de demandes ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Moselle aux dépens de première instance pour la période à compter du 16/02/2021 date du recours ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Moselle aux dépens d'appel;

REJETTE la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01385
Date de la décision : 22/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-22;22.01385 ?
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