La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2024 | FRANCE | N°22/00159

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 04 septembre 2024, 22/00159


Arrêt n° 24/00294



04 septembre 2024

---------------------

N° RG 22/00159 -

N° Portalis DBVS-V-B7G-FVAI

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

14 décembre 2021

F 19/00976

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatre septembre deux mille vingt quatre







APPELANTE :
>

Mme [O] [S]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Yassin BOUAZIZ de la SELARL HAYA AVOCATS, avocat au barreau de METZ







INTIMÉES :



SCP NOEL & [P] prise en la personne de Me [U] [P] ès qualités de ma...

Arrêt n° 24/00294

04 septembre 2024

---------------------

N° RG 22/00159 -

N° Portalis DBVS-V-B7G-FVAI

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

14 décembre 2021

F 19/00976

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatre septembre deux mille vingt quatre

APPELANTE :

Mme [O] [S]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Yassin BOUAZIZ de la SELARL HAYA AVOCATS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

SCP NOEL & [P] prise en la personne de Me [U] [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MARTOINE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Paul HERHARD, avocat au barreau de METZ

Association UNEDIC DélégationAGS CGEA de [Localité 1] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Adrien PERROT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 septembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, en présence de Mme [T] [K], greffière stagiaire

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 juin 2008, Mme [O] [S] a été embauchée à temps complet par la SAS Martoine (exerçant sous l'enseigne 'bureau équipement'), en qualité d'employée de bureau - vendeuse.

Par avenant du 1er octobre 2017, la salariée a été promue assistante commerciale, employée niveau A3 coefficient 170, moyennant une rémunération mensuelle de 1 980 euros brut.

Mme [S] a été en congé maternité du 12 novembre 2018 au 3 mars 2019, puis en congés payés du 4 mars 2019 au 29 mars 2019, puis en congé parental du 1er avril 2019 au 30 septembre 2019.

Précédemment, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Thionville a ouvert le 7 mars 2019 la procédure de sauvegarde de la SARL Martoine, convertie le 16 mai 2019 en redressement judiciaire.

Par courrier du 17 septembre 2019, la société Martoine a informé la salariée de la suppression de son poste pour motif économique et lui a soumis une proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Par lettre du 26 septembre 2019, l'employeur a licencié Mme [S] à titre conservatoire.

Mme [S] ayant finalement adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, la relation de travail a été rompue d'un commun accord le 8 octobre 2019.

Par jugement du 5 mars 2020, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Thionville a notamment prononcé la liquidation judiciaire de la société Martoine et désigné Me [U] [P] en qualité de liquidateur.

Estimant la rupture infondée, Mme [S] avait pécédemment saisi, le 28 novembre 2019, la juridiction prud'homale.

Par jugement contradictoire du 14 décembre 2021, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud'hommes de Metz a :

- jugé bien fondée la rupture du contrat de travail pour motif économique ;

- débouté Mme [S] de ses prétentions ;

- débouté Me [P], ès qualités, de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- déclaré le jugement commun à l'UNEDIC-CGEA de [Localité 1] ;

- dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens.

Le 17 janvier 2022, Mme [S] a interjeté appel par voie électronique du jugement qui lui avait été notifié le 12 janvier 2022.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 19 avril 2022, Mme [S] requiert la cour d'infirmer le jugement, puis de :

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société Martoine aux sommes suivantes :

* 3 690 euros brut à titre d'indemnité de préavis ;

* 396 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

* 13 860 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations en matière de cotisations sociales ;

- condamner Me [P], ès qualités, au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de son appel, elle expose :

- qu'en sa qualité d'assistante commerciale, elle avait pour mission d'enregistrer les commandes des clients et de gérer les communications téléphoniques ;

- qu'au cours de la procédure collective, l'employeur ne s'est pas limité à la vente de photocopieurs et a maintenu une activité générale de fournitures de bureau ;

- qu'une personne engagée le 1er octobre 2019 comme assistante de direction, Mme [A] [F], la remplaçait en réalité dans le domaine commercial ;

- que deux embauches ont été 'contemporaines' de sa reprise de travail ;

- que la société Martoine s'est abstenue de lui proposer le poste d'assistante de direction qui a été pourvu la veille de la date à laquelle elle devait reprendre le travail;

- que les motifs économiques mis en avant par l'employeur sont bien antérieurs à son licenciement ;

- que la société ne se réfère à aucun indicateur économique de l'article L. 1233-3 du code du travail.

Elle ajoute :

- que, lorsque le licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle n'a plus de cause, de sorte que l'employeur est tenu au paiement de l'indemnité de préavis ;

- qu'elle percevait des indemnités de déplacement, alors qu'elle était sédentaire ;

- que ces indemnités de déplacement permettaient l'augmentation de son revenu sans que l'employeur n'ait à supporter de charges sociales ;

- que cette fraude lui a causé un préjudice portant sur l'assiette de calcul de son indemnisation chômage.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 20 juin 2022, la SCP Noël et [P], prise en la personne de Me [P], ès qualités, sollicite que la cour rejette les demandes de Mme [S] et condamne celle-ci au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle réplique :

- que la société a été confrontée à d'importantes difficultés économiques justifiant initialement l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ;

- que l'employeur a dû procéder à une réorganisation entraînant la suppression de quatre postes de travail, y compris celui de Mme [S] ;

- que tout le secteur commercial de l'entreprise a été transféré à un agent commercial assumant l'ensemble de la gestion commerciale, de la commande jusqu'à la livraison;

- que les deux embauches sont intervenues sur des postes de chargé d'affaires et d'assistante de direction, ce qui ne correspondait pas à l'emploi de Mme [S] ;

- que le reclassement de la salariée s'est avéré impossible ;

- qu'il n'a pas été procédé au remplacement de Mme [S].

Elle ajoute :

- que du fait de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, Mme [S] a bénéficié d'une indemnité légale de licenciement et, le cas échéant, d'une indemnité compensatrice de préavis, après déduction du versement destiné au financement du contrat de sécurisation professionnelle ;

- que Mme [S] ne s'est pas 'offusqué', pendant la relation contractuelle, du paiement d'indemnités de déplacement ;

- que l'appelante ne justifie pas du montant sollicité au titre des dommages et intérêts complémentaires.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 12 juillet 2022, l'AGS CGEA de [Localité 1] sollicite que la cour :

à titre principal,

- déboute Mme [S] de l'intégralité de ses demandes et confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

à titre subsidiaire,

- minore le quantum des dommages et intérêts réclamés par Mme [S] ;

en tout état de cause,

- dise qu'elle ne garantit pas les sommes dues en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dise que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail ;

- dise qu'elle ne pourra être tenue que dans les limites de sa garantie fixées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;

- dise qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants du code du travail ;

- dise que son obligation de faire l'avance des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé établi par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains ;

- dise qu'en application de l'article L. 622-28 du code du commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective ;

- dise ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Elle expose :

- qu'elle a avancé 12 954,49 euros au profit de Mme [S] dont 5 075,50 euros à Pôle emploi au titre du préavis dit 'CSP' ;

- que l'exercice comptable 2017/2018 de la société Martoine était largement déficitaire et que la cessation des paiements a été fixée au 31 mars 2019, soit plusieurs mois avant la rupture du contrat de travail ;

- que Mme [S] ne justifie d'aucun préjudice ;

- que le conseil de prud'hommes a souligné que les trajets entre le domicile et le lieu de travail peuvent donner lieu à une indemnité de déplacement pour le cas où le salarié ne pourrait pas utiliser les transports en commun ;

- que Mme [S] ne s'est jamais opposée au versement d'indemnités de déplacement.

Par ordonnance du 7 décembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.

MOTIVATION

Sur le motif économique de la rupture

Conformément à l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail.

Le salarié peut contester, devant le conseil de prud'hommes, la régularité de la procédure suivie et le motif de son licenciement, y compris en cas d'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle.

En l'espèce, par courriers du 17 septembre 2019 (document d'information sur le CSP) et 26 septembre 2019 (licenciement à titre conservatoire), la société Martoine a énoncé le motif économique de la rupture, dans les termes suivants :

' (...) Ce projet a pour cause/Nous vous rappelons que cette mesure est justifiée en raison des graves difficultés économiques que nous rencontrons suite au ralentissement de l'activité de la société Martoine.

Ce ralentissement d'activité se traduit dans notre compte de résultat 2017/2018 par une perte d'exploitation très conséquente. En effet, notre résultat d'exploitation est passé successivement de + 69 423 € en 2015/2016, à + 33.877 € en 2016/2017, et à - 59 146 € en 2017/2018.

Pire, le résultat d'exploitation du dernier exercice n'étant pas compensé par d'autres produits, financiers ou exceptionnels, alors que nous affichions encore un bénéfice de 64 870 € en 2015/2016 puis de 15 228 € en 2016/2017, notre société enregistre une perte sur le dernier exercice de 59 370 €.

Comme la petite taille de l'entreprise ne nous permet pas de surmonter ces difficultés, une procédure de sauvegarde a été ouverte par décision du TGI de Thionville le 07 mars 2019.

Cette situation nous conduit (donc) à supprimer 4 postes de travail dont le vôtre. Trois salariés ont déjà été licenciés, et nous attentions la fin de votre congé parental pour engager la même procédure à votre endroit.

Nous avons recherché des solutions de reclassement en interne à vous proposer, mais en vain, car, d'une part, nous n'avons aucun poste disponible au sein de la SARL Martoine, d'autre part, nous n'avons pas de filiale dans laquelle nous pourrions rechercher des postes vacants, et enfin, notre holding ne compte aucun poste de travail. (...)'.

La société Martoine - dont il n'est pas soulevé par l'appelante qu'elle appartenait à un groupe - produit des éléments comptables (pièces n° 2 à 4) qui font ressortir :

- un bénéfice de 15 228 euros pour l'exercice 2016/2017 ;

- une perte de 59 370 euros pour l'exercice 2017/2018 ;

- un résultant négatif de 82 310,47 euros pour les huit mois de la période du 7 mars 2019 au 31 octobre 2019 ;

- un résultat négatif de 23 770,85 euros pour les trois mois de la période du 1er novembre 2019 au 31 janvier 2020.

L'évolution de la procédure collective, au vu de la fiche de renseignements produite par l'AGS (pièce n° 1), confirme que l'entreprise n'est pas parvenue à surmonter ses difficultés :

- sauvegarde ouverte le 7 mars 2019 ;

- cessation des paiements du 31 mars 2019 ;

- redressement judiciaire ouvert le 16 mai 2019 ;

- conversion en liquidation judiciaire le 5 mars 2020.

Le liquidateur, ès qualités, démontre donc la réalité des difficultés économiques que la société Martoine a rencontrées.

La société Martoine a embauché à compter du 1er octobre 2019, donc peu de temps avant la rupture du contrat de travail de l'appelante qui exerçait les fonctions d'assistante commerciale, statut employé niveau A3 coefficient 170 :

- M. [C] [M], chargé d'affaires réseau, statut employé niveau A4 coefficient 190 (pièce n° 5 du liquidateur) ;

- Mme [A] [F], assistante de direction, statut employé niveau A4 coefficient 190 (pièce n° 6 du liquidateur).

L'emploi de chargé d'affaires réseau n'était pas de même niveau que celui de Mme [S], car, outre la différence de coefficient, M. [M] devait, à la lecture de son contrat de travail, respecter un objectif annuel de chiffres et de marge, établir un rapport d'activité écrit journalier, ainsi que remettre chaque semaine un état de ses prévisions de visites clients, prospects et commandes. M. [M] exerçait donc des responsabilités plus importantes que Mme [S], assistante commerciale.

Au soutien de son affirmation selon laquelle elle a en réalité été remplacée par Mme [F], ce qui signifie que la suppression de l'emploi de l'appelante n'a pas été effective, Mme [S] produit :

- une attestation de M. [Y] [E], responsable administratif d'une autre société (pièce n° 8), qui relate que :

'Lors d'un rendez-vous sollicité par Monsieur [M] de la société bureau équipement, sise à [Localité 6], en date du 22 octobre 2019 - 09h00, à mon bureau, sis chez Energies et services (...), nous avons abordé les sujets suivants :

- création d'une équipe de 2 personnes pour l'accompagner dans sa mission de commercialisation d'imprimantes et de contrats de maintenance au sein de bureau équipement (secrétariat et commercial)

- remplacement d'un photocopieur devenu obsolète.

A l'issue de l'entretien Monsieur [M] m'a remis un catalogue de fournitures administratives sur lequel il avait agrafé sa carte de visite'.

- un échange de courriels des 23 et 24 octobre 2019 entre M. [E] et Mme [F] au sujet d'une facture à annuler (pièce n° 9).

Au regard de son intitulé, du coefficient appliqué et du niveau de compétences comme d'autonomie en découlant, le poste d'assistante de direction de Mme [F] ne correspondait pas à celui de Mme [S].

L'attestation de M. [E] est isolée et ne démontre pas que la 'création d'une équipe de 2 personnes' que ce témoin évoque a été effective.

L'échange de courriels des 23 et 24 octobre 2019 est à la fois ponctuel et limité. Il n'apporte aucune information utile quant à la nature du travail de Mme [F].

Il n'est donc pas établi que Mme [F], malgré l'intitulé de son poste, exerçait à titre principal des tâches de secrétariat commercial similaires de celles d'assistante commerciale de Mme [S], étant observé que la suppression d'emploi n'implique pas nécessairement que les fonctions du salarié licencié soient supprimées et que la petite taille de la structure justifiait une polyvalence des salariés.

En définitive, la rupture du contrat de travail de Mme [S] reposait sur un motif économique avéré.

Sur l'obligation de reclassement

L'article L. 1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

La recherche sérieuse et loyale de reclassement est une obligation de l'employeur préalable à tout licenciement économique, dont le non-respect prive la rupture de cause réelle et sérieuse, sauf à démontrer que l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié.

Il s'agit d'une obligation de moyens renforcée dont l'employeur peut justifier notamment en établissant l'absence de poste disponible à l'époque du licenciement.

C'est à l'employeur d'établir qu'il a satisfait à son obligation de reclassement.

En l'espèce, eu égard au très faible nombre de salariés et aux difficultés économiques de l'entreprise, étant précisé qu'il n'est pas soulevé par l'appelante que celle-ci appartenait à un groupe, c'est à juste titre que la société Martoine a estimé qu'il n'existait aucun emploi disponible et équivalent au sein de la société.

Il a été exposé ci-dessus que le poste d'assistante de direction qui a donné lieu à une embauche peu avant la rupture du contrat de travail de Mme [S] n'était ni de même nature ni de même niveau que celui de l'appelante.

En conséquence, le liquidateur, ès qualités, justifie que la société Martoine a respecté son obligation de reclassement.

Il s'ensuit que la rupture n'est pas dépourvue de cause réelle et sérieuse, de sorte que les demandes de dommages et intérêts de ce chef, d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents sont rejetées.

Sur le manquement de l'employeur à ses obligations en matière de cotisations sociales

Les cotisations de sécurité sociale sont dues sur la rémunération que l'employeur verse au salarié en contrepartie du travail fourni qu'elle qu'en soit la forme, fixe ou variable.

En l'espèce, il ressort des bulletins de salaire produits qu'à compter du mois d'octobre 2017, Mme [S] a perçu à titre d''Indemnité Kms véhicule personnel 04CV':

- 137,20 euros par mois d'octobre à décembre 2017, puis de janvier à mars 2018 ;

- 102,90 euros au mois d'avril 2018 pendant lequel la salariée a été en arrêt maladie du 23 au 28 du mois ;

- 137,20 euros par mois de mai 2018 à juillet 2018 ;

- 34,30 euros au mois d'août 2018 pendant lequel la salariée a été en arrêt maladie du 20 au 28 août 2018 ;

- 137,20 euros au mois de septembre 2018 ;

- 34,20 euros au mois d'octobre 2018 pendant lequel la salariée a été en arrêt maladie à partir du 8 octobre ;

- rien pendant les mois suivants, étant rappelé que Mme [S] n'a pas repris son poste.

Mme [S] verse aux débats le témoignage de M. [R] [D], commercial, qui atteste 'avoir assisté à la re-négociation salariale entre Melle [S] et [G] [V]. Ce dernier a envisagé à plusieurs reprises de Mlle [S] en partie avec des frais de déplacement fictifs, ce qu'il a finalement fait sans demander l'accord de celle-ci à compter d'octobre 2017 et jusqu'à son congé maternité'. (pièce n° 10)

L'indemnité a été versée pour la première fois au mois d'octobre 2017 sans modification particulière du poste de Mme [S].

Son montant mensuel était fixe, sauf diminution les mois pendant lesquels la salariée était en arrêt maladie, contrairement aux périodes de congés payés.

Le liquidateur, ès qualités, se contente de répliquer que 'Mme [S] ne s'est manifestement pas offusquée durant la relation contractuelle de cette modalité de règlement' et n'apporte aucun élément pour justifier que, comme l'ont retenu les premiers juges sans s'appuyer sur des faits précis, il s'agissait de la prise en charge de trajets domicile - lieu de travail non soumis à cotisations en raison de difficultés d'horaires ou de l'inexistence des transports en commun.

A défaut de tout élément contraire, les indemnités litigieuses ne venaient pas compenser des frais de déplacement exposés par l'appelante pour les besoins de son activité professionnelle, mais constituaient une contrepartie du travail fourni, étant observé que le caractère sédentaire du poste occupé par Mme [S] n'est pas contesté.

Mme [S] ne donne pas le détail de son préjudice, mais celui-ci est incontestable, l'absence de versement de cotisations sociales ayant minoré le montant de ses indemnités de chômage.

Le préjudice subi est estimé à un montant de 1 500 euros à inscrire au passif de la procédure collective, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur la garantie de l'AGS

Le montant ci-dessus correspondant à des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à une obligation résultant du contrat de travail, à savoir le règlement des cotisations sociales, il est couvert par la garantie de l'AGS sans que des intérêts de retard puissent être dus conformément à l'article L. 622-28 du code de commerce qui pose pour principe que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux ou conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard ou majorations.

Les dépens ne sont pas couverts par l'AGS, s'agissant d'une somme née d'une procédure judiciaire - et non de l'exécution d'un contrat de travail.

Il y aussi lieu de rappeler que la garantie de l'AGS est plafonnée, en application des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance sont confirmées.

Il n'y a pas lieu de faire application de cet article en cause d'appel.

Les dépens d'appel sont fixés au passif de la procédure collective de la société Martoine.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [O] [S] pour manquement de l'employeur à son obligation de paiement des cotisations sociales ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Martoine la créance de Mme [O] [S], à savoir un montant de 1 500 euros de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de paiement des cotisations sociales ;

Dit que ce montant est couvert par la garantie de l'AGS CGEA, sans que des intérêts de retard puissent être dus ;

Rappelle que la garantie de l'AGS CGEA est plafonnée, en application des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Fixe les dépens d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Martoine ;

Dit que les dépens d'appel ne sont pas couverts par la garantie de l'AGS CGEA.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 22/00159
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;22.00159 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award