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04/09/2024 | FRANCE | N°22/01133

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 04 septembre 2024, 22/01133


Arrêt n°24/00296



04 septembre 2024

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N° RG 22/01133 -

N° Portalis DBVS-V-B7G-FXMN

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

28 avril 2022

20/00662

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatre septembre deux mille vingt quatre







APPELANTS :
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M. [D] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Wa Lwenga Blaise ECA, avocat au barreau de METZ



SA ARCELORMITTAL [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 3]
...

Arrêt n°24/00296

04 septembre 2024

------------------------

N° RG 22/01133 -

N° Portalis DBVS-V-B7G-FXMN

----------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

28 avril 2022

20/00662

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatre septembre deux mille vingt quatre

APPELANTS :

M. [D] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Wa Lwenga Blaise ECA, avocat au barreau de METZ

SA ARCELORMITTAL [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me François MAUUARY, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

SA ARCELORMITTAL [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me François MAUUARY, avocat au barreau de METZ

M. [D] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Wa Lwenga Blaise ECA, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, en présence de M. [T] [C], greffier stagiaire

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [X] a été embauché à durée indéterminée à compter du 1er mai 2007 par la société Arcelomittal [Localité 5] en qualité d'ouvrier professionnel, 1er échelon, coefficient 180, avec reprise de son ancienneté à compter du 24 mars 2006.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la sidérurgie.

Par courrier du 24 janvier 2020 la société ArcelorMittal [Localité 5] a convoqué M. [X] à un entretien préalable fixé au 10 février 2020. Par lettre recommandée datée du 14 février 2020, M. [X] a été licencié pour cause réelle et sérieuse. Les relations contractuelles ont pris fin le 14 avril 2020.

Par requête enregistrée au greffe le 15 décembre 2020 M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz en contestant le bien-fondé de son licenciement et en sollicitant la somme de 24 727 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire rendu le 28 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Metz a statué comme suit :

« Dit et juge la demande de M. [D] [X] recevable et fondée ;

Juge le licenciement notifié le 14 février 2020 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Par conséquent.

Condamne la SA Arcelor Mittal [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] [X] la somme de 12 363,50 € nets à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts aux taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Condamne la SA Arcelor Mittal [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] [X] la somme de 1 250 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [D] [X] du surplus de ses demandes

Déboute la SA Arcelor Mittal [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,

Condamne la SA Arcelor Mittal [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens d'instance en vertu des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, y compris aux éventuels frais d'exécution du présent jugement ; ».

Par déclarations transmises par voie électronique le 6 mai 2022 et le 9 mai 2022, M. [X] puis la société ArcelorMittal [Localité 5] ont régulièrement interjeté appel.

Dans la première procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01122, M. [X] a transmis le 22 juin 2022 par voie électronique des conclusions d'appel datées du 21 juin 2022 aux termes desquelles il demande à la cour de statuer comme suit :

« Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [X] sans cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [X] la somme de 12 363,50 € nets

Statuant à nouveau :

Condamner la société ArcelorMittal de [Localité 5] à payer à M. [X] la somme de 24 727 € nets à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2021, date de la tentative de conciliation

Vu le paiement intervenu, dire que la société ArcelorMittal de [Localité 5] ne versera à M. [X] que la moitié de cette somme, soit 12 363,50 € à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société ArcelorMittal de [Localité 5] à payer à M. [X] la somme de 4 000 € HT à hauteur de cour, en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens. ».

S'agissant des griefs retenus par l'employeur au titre du licenciement, M. [X] explique que ses propos caractérisant les insultes et diffamation proférées à l'encontre de son ancien supérieur hiérarchique, M. [I] qui a été traité de 'bâtard et consanguin', ont été tenus dans un contexte particulier.

Il évoque son exaspération à l'égard de son ancien responsable en raison du gel de toute promotion durant ses années d'embauche, et considère que cette situation traduit une discrimination de la part de son ancien chef. Il explique qu'il a tenu les propos 'consanguin' à l'occasion d'un conflit collectif de travail, plus précisément lors d'une manifestation et prise de parole du syndicat CGT dont il est adhérent qui avait pour objet de dénoncer le blocage d'évolution de carrière et le gel des augmentations salariales.

M. [X] indique qu'après 14 ans d'ancienneté dans la société et ce malgré ses efforts il n'a jamais évolué dans sa carrière, alors qu'il était un agent polyvalent et qu'il formait les nouveaux salariés ainsi que les agents intérimaires.

M. [X] soutient qu'il a été augmenté de manière sporadique et injuste malgré ses compétences. Il se prévaut de ce que ses propos ont été tenus sur la voie publique, alors qu'il se trouvait hors de l'enceinte de l'entreprise, et que M. [I] n'a pas porté plainte. Il reconnaît avoir employé le terme 'consanguin' et explique que M. [I] a embauché plusieurs proches (notamment son fils et son neveu [Y] [N]) qui ont bénéficié d'avantages dont lui-même n'a pas profité.

M. [X] précise que le 9 janvier 2020, jour de la manifestation intersyndicale, les salariés étaient « remontés contre leur direction » (sic) pour ce genre d'agissements.

En ce qui concerne le grief tenant au harcèlement, M. [X] retient que si l'employeur évoque des tags à l'encontre de M. [I] ainsi que des messages/insultes sur le réseau informatique professionnel AS400, il ne produit aucune preuve.

Au soutien de ses demandes chiffrées, M. [X] indique qu'il n'a pas retrouvé de travail depuis son licenciement et que le contexte économique lié à l'épidémie à Covid-19 ne s'y prête pas. Il rappelle son ancienneté de 14 ans qui lui permet de percevoir une indemnité de 12 mois de salaire.

Il fait valoir qu'il n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire depuis son embauche, et observe que l'unique lettre de rappel versée aux débats par l'employeur date de 2016.

Dans la deuxième procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01133, M. [X] a transmis le 10 octobre 2022 des conclusions d'intimé par voie électronique, aux termes desquelles il formule les prétentions suivantes :

« A titre principal :

Débouter purement et simplement la société SA ArcelorMittal [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

Ordonner la jonction de cette instance avec celle enregistrée sous le RG ° 22/01122.

A titre reconventionnel :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [X] sans cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [X] la somme de 12 363,50 € nets

Statuant à nouveau :

Condamner la société ArcelorMittal de [Localité 5] à payer à M. [X] la somme de 24 727 € nets à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2021, date de la tentative de conciliation ;

Vu le paiement intervenu, dire que la société ArcelorMittal de [Localité 5] ne versera à M. [X] que la moitié de cette somme, soit 12 363,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société ArcelorMittal de [Localité 5] à payer à M. [X] la somme de 4 000 € HT à hauteur de cour, en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens ».

Par ses conclusions d'intimée et d'appel incident du 4 août 2022 la société ArcelorMittal [Localité 5] demande à la cour de statuer comme suit :

« Dire et juger la société ArcelorMittal [Localité 5] recevable et bien fondée en son appel incident

Dire et juger M. [X] mal fondé en son appel,

Prononcer la jonction de l'affaire enregistrée sous le n° RG 11/01133 avec la présente instance

À titre principal

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il (a) :

Dit et juge la demande de M. [D] [X] recevable et fondée,

Juge le licenciement notifié le 14 février 2020 dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA ArcelorMittal [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [D] [X] la somme de 12.363,50 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

Condamne la SA ArcelorMittal [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] [X] la somme de 1 250 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA ArcelorMittal [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,

Condamne la SA ArcelorMittal [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens d'instance en vertu des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, y compris aux éventuels frais d'exécution du présent jugement.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que le licenciement de M. [X] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Débouter M. [X] de ses entières demandes, fins et prétentions,

À titre subsidiaire,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il a condamné la SA ArcelorMittal Gandrange prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [D] [X] la somme de 12 363,50 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

En conséquence,

Limiter les dommages et intérêts pouvant être accordés à M. [X] à hauteur de 6 181,74 €

En tout état de cause

Condamner M. [X] à payer à la Société ArcelorMittal [Localité 5] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [X] aux entiers frais et dépens. ».

Au soutien du grief tenant aux propos insultants et diffamants tenus par M. [X], la société intimée rappelle qu'en vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Elle évoque le contenu du règlement intérieur, et plus précisément :

- l'article 33 qui précise que chacun doit veiller au respect de tous (membres du personnel, clientèle visiteur) en s'interdisant toute attitude incorrecte, rixe, bagarre, voie de fait et en ne proférant ni injure, ni menace, ne pas discréditer l'entreprise par des actes inconsidérés ou fallacieux,

- l'article 21 qui prévoit que « tout acte de nature à troubler le bon ordre et la discipline est interdit. Sont notamment considérés comme tels, bien que cette liste ne présente pas un caractère exhaustif [...] se livrer à des plaisanteries, insultes, injures, rixes, incivilités ou à des violences de nature à provoquer des accidents de personnes ou de matériels, se livrer à des comportements racistes, xénophobes, sexistes et/ou discriminations au sens des dispositions du code du travail et du code pénal, [...]. »

Elle fait valoir que le salarié a le 9 janvier 2020 volontairement et délibérément insulté son ancien supérieur hiérarchique, M. [I], de « bâtard » et de « consanguin » devant une quarantaine de salariés, alors que M. [X] ne participait pas à la prise de parole organisée par les militants de la CGT ce jour-là et qu'il ne travaillait plus avec M. [I] depuis au moins trois ans.

Elle souligne que contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges les faits se sont déroulés sur le site industriel ArcelorMittal [Localité 5] et non sur la voie publique, et que M. [X] était en train de quitter son poste de travail à bord de son véhicule aux alentours de 6 heures du matin, moment où cinq militants CGT salariés de la Société ArcelorMittal [Localité 5] bloquaient l'entrée de l'entreprise et empêchaient l'accès à l'usine à une quarantaine de salariés qui devaient prendre leur poste parmi lesquels M. [I], et que M. [X] avait interrompu la prise de parole des manifestants en sortant de son véhicule « afin de crier des insultes gratuites et de manière agressive envers M. [I] ».

Elle précise :

- que l'espace dans lequel la quarantaine de salariés était bloquée est bien dans l'enceinte du site industriel, entre l'entrée dudit site et le portier d'accès où sont contrôlées les entrées.

- que la prise de parole organisée par les militants CGT se déroulait sans incident ni altercation avant l'intervention de M. [X], qui a profité de ce rassemblement pour proférer des injures à l'encontre de M. [I] avec lequel il n'avait plus depuis trois ans aucun lien hiérarchique ni même aucun lien de subordination.

- que contrairement à ce qu'il soutient, M. [X] a depuis son embauche progressé puisqu'il est passé de coefficient 180 au coefficient 240, augmentation de classification démontrant largement la prise en compte de l'évolution de sa technicité et de ses compétences en évoluant du statut d'ouvrier professionnel niveau II coefficient 180 au statut de technicien niveau III coefficient 240 au terme de son contrat de travail.

- que M. [X] ne peut valablement prétendre qu'il n'a bénéficié que d'une augmentation de 241,34 euros en 14 ans de carrière, alors que celle-ci est en réalité de 556,52 euros brut, et qu'en définitive son salaire a augmenté de 41,23 % en 14 ans, soit une moyenne de 2,94 % par an.

- que l'obligation pesant sur l'employeur visant à assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail et le maintien de sa capacité à occuper un emploi a été respectée.

- que M. [X] n'apporte la preuve d'aucun contexte particulier le concernant et justifiant sa prétendue exaspération.

Au soutien des faits de harcèlement moral, la société ArcelorMittal fait état de ce que M. [X] a en 2016 puis en 2018 fait l'objet de plusieurs recadrages et d'un rappel à la loi en raison d'insultes et de propos diffamatoires émis à l'encontre de sa hiérarchie et notamment à l'encontre de M. [I], et de plus a réalisé des tags à l'encontre de M. [I] ainsi que des messages insultants via le réseau informatique professionnel AS400.

Dans la deuxième procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01133, la société ArcelorMittal s'est prévalue de conclusions d'appel datées du 4 août 2022 transmises le même jour par voie électronique, aux termes desquelles elle formule les mêmes demandes que dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01122 dans laquelle elle est partie intimée, et dont elle sollicite la jonction.

Les ordonnances de clôture ont été rendues le 1er février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la jonction des procédures

Conformément à l'article 367 du code de procédure civile, la jonction de plusieurs instances pendantes peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les faire instruire ou juger ensemble.

En l'espèce au regard de l'identité du litige, il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction de la procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01133 avec la procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01122.

Sur le licenciement

En vertu des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, le doute profitant au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c'est-à-dire l'imputation au salarié d'un fait ou d'un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs, et qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail.

En l'espèce, la société ArcelorMittal a licencié M. [X] par lettre recommandée datée du 14 février 2020 rédigée comme suit :

« 'nous sommes dans l'obligation de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse caractérisée par les éléments suivants :

- Insultes et diffamations

Lors d'une prise de parole de la CGT ArcelorMittal [Localité 5] du 09 janvier 2020 de 05h00 à 07h00, vous avez publiquement insulté un membre du personnel de « bâtard » et ensuite de « consanguin ». Ces insultes diffamatoires étaient nominativement destinées envers votre ancien chef de poste, M. [I], avec lequel vous ne travaillez plus depuis près de trois ans. Cette même personne, tout comme l'ensemble des personnes présentes, étaient présentes dans l'assemblée et ont entendu clairement vos propos. Ceci alors que vous aviez été changé d'équipe suite à des problèmes de comportement que nous rappelons ci-dessous (p. 3).

Nous vous rappelons les insultes et la diffamation sont contraires au règlement intérieur d'ArcelorMittal [Localité 5] et à la charte éthique d'ArcelorMittal. Vous avez violé de nombreux articles du règlement intérieur notamment :

Article 21 ' Discipline générale

« Tout acte de nature à troubler le bon ordre et la discipline est strictement interdit.

Sont notamment considérés comme tels, bien que (la) liste ci-dessous ne présente pas un caractère exhaustif :

'

Se livrer à des plaisanteries, insultes, injures, rixes, incivilités ou à des violences de nature à provoquer des accidents de personnes ou de matériels,

Se livrer à des comportements racistes, xénophobes, sexistes et/ou discriminants au sens des dispositions du code du travail et du code pénal, ... »

Article 33 ' Respect des personnes et des biens

« Chacun doit :

Veiller au respect de tous (membres du personnel, clientèle, visiteurs) en s'interdisant toute attitude incorrecte, rixe, bagarre, voie de fait et en ne proférant ni injure, ni menace,

Ne pas discréditer l'entreprise par des actes ou des propos inconsidérés ou fallacieux, ' ; »

Article 35 ' Respect du code éthique

« Notre code éthique définit et présente les valeurs et principes essentiels du groupe permettant d'encadrer l'activité professionnelle et le comportement des personnes au sein de l'entreprise.

Le non-respect des principes du code éthique est sanctionnable, conformément aux dispositions prévues dans le règlement intérieur. »

- Harcèlement

Les propos que vous avez tenus sont de nature répétée et ciblée envers un membre du personnel. Outre les propos tenus le 09 janvier 2020, nous avons été informés de tags à l'encontre de M. [I] ainsi que de messages/insultes le visant sur le réseau informatique professionnel AS400.

Article 36 ' Dispositions relatives au harcèlement sexuel, au harcèlement moral et à la violence au travail et aux agissements sexiste(s)

Article 36.1. ' Harcèlement moral

« Article L 1152-1 du code du Travail

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Article 36.3 ' Violence au travail et agissement sexiste

« Selon l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 : la violence au travail se produit lorsqu'un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l'incivilité à l'agression physique. La violence au travail peut prendre la forme d'agression verbale, d'agression comportementale, notamment sexiste, d'agression physique... »

Article 36.4 ' Sanctions disciplinaires et sanctions pénales

« Les sanctions disciplinaires applicables aux auteurs d'agissements - de harcèlement moral, de harcèlement sexuel ou de violence au travail - sont celles prévues au chapitre 3 du présent règlement intérieur.

Les fausses accusations délibérées ne doivent pas être tolérées et peuvent entraîner les mesures disciplinaires prévues au Chapitre 3 du présent règlement intérieur.

En plus des sanctions disciplinaires, les agissements de harcèlement ou de violence sont susceptibles de faire l'objet de sanctions pénales dans les conditions définies par la législation en vigueur.

Article L 1142-2-1 du Code du Travail

Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Nous regrettons votre comportement malgré le recadrage dont vous aviez bénéficié en 2018. En effet, lors d'une précédente prise de parole de la CGT, le 06 juin 2018, vous aviez déjà proféré des propos diffamatoires et insultants, à savoir « la hiérarchie au LCB c'est tous des fachos et des consanguins ». Nous avions alors opté pour la pédagogie en vous expliquant qu'il n 'était pas acceptable de tenir de tels propos. Vous vous étiez engagé oralement à ne plus tenir ce genre de propos.

En outre en 2016, nous vous avons entendu lors d'un entretien disciplinaire et (vous) aviez reçu un courrier de rappel concernant plusieurs points dont des insultes envers votre supérieur hiérarchique. A l'époque il s 'agissait alors de M. [I].

En résumé, malgré un changement d'équipe et nos efforts d'accompagnement, vous continuez à avoir un comportement non adapté à la vie en entreprise. Les insultes, propos diffamatoires et le harcèlement ne sont pas tolérables au travail et sont contraires à l'éthique de l'entreprise.

C'est pourquoi par la présente lettre, nous vous notifions, un licenciement pour causer réelle et sérieuse. [']. ».

S'agissant des insultes proférées par M. [X] à l'encontre de son ancien supérieur hiérarchique M. [I], le salarié reconnaît qu'au moment où il quittait le site à bord de son véhicule à l'issue de son travail le 9 janvier 2020 à 6 heures, et alors qu'une prise de parole syndicale organisée par le syndicat CGT ralentissait l'entrée du personnel, il a proféré le terme 'consanguin' en nommant le destinataire de ses propos, qui était son ancien chef M. [I].

M. [X] soutient dans ses écritures que son comportement est dû au fait qu'il a été victime de « discriminations » qui « ont été essentiellement l''uvre de M. [I] » qui « a tout fait pour bloquer sa carrière », et qu'il avait accumulé « beaucoup de frustrations pendant des années » au point qu'il « s'est, indiscutablement, trouvé dans un état de colère irrésistible » (sic).

La cour relève que si M. [X] produit plusieurs témoignages faisant état de ses compétences professionnelles et confirmant son « état d'exaspération » résultant d'une situation qu'il qualifie 'discriminatoire' au regard du comportement de son ancien chef, le salarié ne justifie d'aucune démarche auprès de sa hiérarchie mettant en cause son responsable - notamment durant la période au cours de laquelle il était placé sous les ordres de M. [I] qu'il ne conteste pas être ancienne de plusieurs années au moment des faits ', et que le salarié n'a formulé aucune prétention concernant l'exécution de son contrat de travail que ce soit au titre de faits de discrimination dont il aurait été victime ou au titre de son niveau de qualification et de sa rémunération.

M. [X] soutient que les propos qui lui sont reprochés ont été tenus non pas dans l'enceinte de l'entreprise mais sur la voie publique, et considère ainsi qu'il n'a commis aucun manquement durant l'exécution du contrat de travail.

Or la société ArcelorMittal [Localité 5] explique cependant ' photographies à l'appui (pièce n° 9 rassemblant plusieurs clichés du site) - sans être efficacement contredite par le salarié :

- que l'entrée de l'entreprise est matérialisée tout d'abord par une barrière orange, puis à une trentaine de mètres plus loin par un portier contrôlant les entrées et sorties des véhicules à l'aide de badges ;

- que la prise de parole des salariés membres du syndicat CGT s'est déroulée entre la barrière d'entrée orange d'accès au site et le portier de contrôle des entrées/sorties, donc à l'intérieur de l'enceinte de l'entreprise.

Si les premiers juges ont considéré que le grief reproché à M. [X] n'était pas constitué car les faits se sont déroulés à l'extérieur de l'entreprise et que les articles du règlement intérieur cités par l'employeur ne sont pas applicables qu'à l'intérieur de l'entreprise, ils se sont, pour ce faire, rapportés au témoignage de M. [I] qui est rédigé comme suit :

« ['] en me présentant au portier de l'usine le 9 janvier 2020 à 6H00, une prise de parole syndicale était organisée par la CGT. Le portier était bloqué par 2 voitures il ne m'a pas été possible de rentrer sur le site, je suis donc resté devant l'usine pour assister à la prise de parole. Cette prise de parole a débuté vers 6H00 quand le poste de nuit commençait à sortir. Pendant cette prise de parole j'ai entendu M. [X] [D] qui sortait de son poste de nuit interrompre l'interlocuteur en criant « [I] bâtard consanguin ». De là, l'interlocuteur a réagi en se retournant et en disant « c'est notre [D] » ce qui a fait rire beaucoup de monde dans l'assemblée et choqué beaucoup d'autres. Pour ma part j'ai été très choqué de cette intrusion gratuite et publique, du fait que je n'avais plus aucun contact avec M. [X] depuis au mois 3 ans et que je n'avais eu aucune parole avec lui ce jour-là.

Quelques jours après des agents sont venus me voir en me disant que la prise de parole avait été filmée par la CGT et mise à disposition sur leur blog facebook. Je suis allé la visionner et me suis aperçu que l'intervention de M. [X] avait été filmée.

A partir de ce moment étant capable de prouver ce qui s'était passé, j'ai décidé d'avertir ma hiérarchie de cet incident. ».

Il s'avère que ce témoignage de M. [I] n'est nullement contradictoire avec les autres éléments factuels dont se prévaut l'employeur, qui démontrent que M. [X] a proféré des injures à l'encontre de son ancien chef non pas sur la voie publique mais avant d'atteindre la sortie de l'entreprise, alors qu'il arrivait au niveau de l'attroupement créé par la prise de parole syndicale organisée dans l'enceinte du site.

Si M. [X] reconnaît avoir employé le terme 'consanguin', le témoignage de M. [I] mentionne également celui de « bâtard » proféré par le salarié à son encontre, tout comme les attestations rédigées par deux autres salariés (pièces n° 1, 2 et 3 de l'employeur).

Les explications données par M. [X] tenant à son état d'''exaspération'' sont d'autant moins pertinentes que le salarié n'était plus en contact avec son ancien chef depuis plusieurs années, et qu'il avait déjà manifesté un comportement similaire auparavant en ayant proféré des propos déplacés en juin 2018 à l'encontre de sa hiérarchie en présence de son responsable de service ' sans toutefois livrer des noms - (« la hiérarchie au LCB, c'est tous des fachos et des consanguins ! » - témoignage de M. [M] [S] pièce n° 4 de l'employeur), et qu'il avait préalablement été visé par une lettre de rappel du 20 mai 2016 qui mentionnait notamment « les mots que vous avez eu envers votre chef d'équipe le vendredi 20 mai à 6h00 du matin. Vos paroles ne peuvent être tolérées sur le site. Nous prenons en considération votre engagement oral à ne plus réitérer des propos à caractère injurieux envers le personnel de l'entreprise. ['] » (pièce n° 5 de l'employeur).

En conséquence la cour retient le caractère réel et sérieux de ce premier grief reproché à M. [X].

S'agissant du harcèlement caractérisé par des propos insultants et injurieux tenus à plusieurs reprises, par des tags et par des messages/insultes diffusés sur le réseau informatique professionnel à l'encontre de M. [I], la société ArcelorMittal ne se prévaut d'aucun élément de preuve autre que ceux faisant état des comportements de M. [X] en 2016 ' qui ont fait l'objet d'une lettre de rappel - puis en 2018 (propos impersonnels à l'encontre de la hiérarchie).

De plus M. [I] n'évoque à aucun moment dans son témoignage une situation de harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de M. [X], et précise au contraire qu'il n'avait « plus aucun contact depuis au moins 3 ans » (pièce n° 1 de l'employeur).

En conséquence la cour retient que la réalité de ce deuxième grief n'est pas démontrée.

En définitive, seul le grief tenant aux propos injurieux et diffamants tenus par M. [X] à l'encontre de M. [I] dans l'enceinte de l'entreprise et en présence d'une quarantaine de salariés est constitué.

Au regard du contexte dans lequel ont été tenus les propos insultants de M. [X] à l'encontre de son ancien supérieur hiérarchique ' qui leur donne une portée délétère recherchée et d'une autre nature qu'un débordement verbal au cours d'une conversation entre deux collègues -, ce grief revêt un caractère de gravité justifiant la rupture du contrat de travail aux torts du salarié.

En conséquence la cour retient que le licenciement de M. [X] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et rejette les prétentions de l'appelant au titre de la rupture. Le jugement déféré est infirmé en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Le jugement entrepris est infirmé dans ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens.

Il est contraire à l'équité de laisser à la charge de la société ArcelorMittal [Localité 5] ses frais irrépétibles. M. [X] est condamné à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

M. [X] qui succombe est débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Ordonne la jonction de la procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01133 avec la procédure enregistrée sous le numéro RG 22/01122,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de M. [D] [X] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Rejette la demande de M. [D] [X] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [D] [X] à payer à la société ArcelorMittal [Localité 5] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [D] [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [X] aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 22/01133
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;22.01133 ?
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