ARRET N° R.G : 00/01635 C.p.h. montpellier 26 juin 2000 Encadrement BACH C/ GE CAPITAL BANK VENANT AUX DROITS DE LA STE BANQUE SOVAC IMMOBILIER LG/AP COUR D'APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 19 DECEMBRE 2001 APPELANTE : Madame Valérie X... ... Représentant : Me D... de la SA FIDAL(avocat au barreau de MONTPELLIER) INTIMEE : GE CAPITAL BANK VENANT AUX DROITS DE LA STE BANQUE SOVAC IMMOBILIER ... Représentant : la SCPA Z... etamp; MOUCHON (avocat au barreau de PARIS) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. Louis GERBET, Président M Eric SENNA, Conseiller Mme Christine DEZANDRE, Conseiller GREFFIER : Mme Chantal COULON, Greffier, DEBATS : A l'audience publique du 28 Novembre 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au19 Décembre 2001 ARRET :
Contradictoire, prononcé et signé par M. Louis GERBET, Président, à l'audience publique du 19 Décembre 2001, date indiquée à l'issue des débats. * * *
FAITS ET PROCEDURE.
Valérie X... a été engagée le 7 août 1986 par la Société SOVAC en qualité d'attaché commercial immobilier et affectée à l'agence de Montpellier.
Le 20 mai 1998, Samira Y... B... Business Leader lui a adressé le courrier suivant :
etlt;etlt;Chère MADAME BACH CHANUT,
J'ai le plaisir de vous confirmer que, sur proposition de vos responsables, et au titre de votre performance en 1997:
* votre salaire de base et augmenté de 4,9% correspondant à 60 points supplémentaires. Cette augmentation prend effet au 1er mai 1998.
* vous percevrez une prime de 20.000 francs avec vos appointements de mai 1998.
D'autre part vous êtes nommée Directeur d'agence.
Je tiens à vous remercier de votre contribution importante aux résultats de l'entreprise en 1997 et vous souhaite une activité pleine de succès en 1998.etgt;etgt;
Le 11 juin 1998, un courrier interne à l'entreprise avisait les directeurs régionaux immobiliers de la création du titre de directeur d'agence et responsable d'agence et précisait que 3 personnes étaient nommées à Nice, Lyon, Saint Denis et Chelles, sans évoquer la nomination de Valérie X... .
Le 30 septembre 1998 Claude C..., de la direction régionale du Sud Est adressait un courrier à Valérie X... , en sa qualité de responsable d'agence, pour lui faire remarquer que du 01/01 au 31/08/98 les résultats de l'agence de Montpellier étaient en évolution négative : -3,6% par rapport à 1997, et lui rappelait que l'objectif de progression qui avait été fixé pour 1998 était de 25%. Le 10/11/1998, le même Claude C... lui écrivait à nouveau pour évoquer des résultats de -40,1% en septembre, et -44,5% en octobre.
Le 10/12/1998 il lui adressait un nouveau courrier avec le chiffre de novembre, soit -55,3%.
Après déroulement de la procédure légale, Valérie X... a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 février 1999, ainsi motivée :
etlt;etlt;Je fais suite à notre entretien du lundi 1er février 1999 et vous informe de notre décision de mettre un terme à votre contrat de travail.
Cette décision a été prise pour le motif personnel non économique suivant:
Depuis le début de l'année 1998, vos responsables ont été amenés à vous recevoir afin d'attirer votre attention quant à l'insuffisance des résultats quantitatifs de votre agence.
Courant 1998, ils ont été amenés à réitérer leurs griefs à plusieurs reprises; ces entretiens ont été confirmés par lettre en date du 30/09/98, du 10/11/98 et du 10/12/98.
Outre la dégradation des résultats quantitatifs de votre agence, nous avons été amenés à constater la remise en cause de votre part de la stratégie commerciale de la Société Banque Sovac Immobilier.
Ces deux éléments ont également nuit au management des collaborateurs de votre agence.
Les arguments que vous avez développés lors de notre entretien du 1er février 1999 ne sont pas de nature à modifier notre appréciation de la situation.
En conséquence, nous vous confirmons notre décision de rupture de votre contrat de travail pour résultats insuffisants et pour perte de confiance.
En raison de votre ancienneté et de votre qualité de cadre, la fin de votre contrat de travail est fixée au 4 mai 1999 et vous dispensons de toute activité professionnelle à compter de ce jour.
Votre solde de tout compte d'appointements arrêté au 4/05/99 vous sera transmis courant mai 1999 à votre domicile; Il comprendra au prorata, les gratifications conventionnelles, l'indemnité compensatrice des congés payés et une indemnité conventionnelle de licenciement.
Je vous informe que nous retiendrons de votre solde de tout compte d'appointements, l'avance sur frais de déplacement de F.5000 et le solde de votre véhicule à usage mixte arrêté au 4/05/99 de F.86 159,97.
En ce qui concerne votre véhicule à usage mixte, vous voudrez bien
procéder à son assurance à titre personnel à compter du 05/05/99.
Vous pourrez continuer à bénéficier de la mutuelle du groupe en isolée pendant un an, les cotisations étant à votre charge(le coût mensuel étant actuellement de F.211,27) . Ci-joint une demande d'adhésion à compléter et à retourner à la DRH si vous souhaitez y adhérer.
Du fait de votre départ du groupe, votre compter de participation peut être débloqué si vous le souhaitez à compter du 05/05/99. Vous trouverez, si joint, une demande de liquidation à compléter et à nous retourner dans les meilleurs délais.
J'attire votre attention sur votre clause de non concurrence qui vous interdit, pendant une période de trois ans, de prendre un emploi dans une banque ou une Société financière sur le territoire de votre dernière affectation et dans les départements limitrophes.
Comme nous ne levons pas cette clause de non concurrence, j'insiste pour que celle-ci soit respectée tant par vous que par votre futur employeur pour nous éviter d'avoir à recourir à une procédure pour concurrence déloyale, cette clause de non concurrence étant tout à fait licite. J'espère donc ne pas avoir à intervenir sur ce point.etgt;etgt;
Valérie X... a alors saisi le Conseil de Prud'hommes de Montpellier pour contester son licenciement et le Conseil de Prud'hommes par jugement en date du 26/06/2000 a rejeté toutes ses demandes. Elle a interjeté appel.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
L'appelante sollicite la réformation du jugement déféré à son bénéfice.
Elle rappelle qu'après qu'elle ait bénéficié d'une promotion avec une augmentation de salaire, quelques mois s'étant à peine écoulés, elle a reçu des courriers constituant à l'évidence la préparation d'un
dossier.
Elle fait valoir qu'avant sa nomination du 20/05/98, aucune remarque ne lui avait été faite su ses résultats et qu'après cette nomination, le meilleur élément de l'équipe, EBEDU a été placée en congé de maternité, et une autre attachée commerciale s'est trouvée également en congé de maternité, alors que restait un élément classé au plus bas des performances.
Elle ajoute que l'année de comparaison 1997 retenue par l'employeur avait été une année en forte évolution, alors que 1998n'a été en diminution avec que 13,9% par rapport à 1997 .
Elle précise en outre que la conjoncture a été défavorable en 1998 et en veut pour preuve une note adressée par la SOVAC à son personnel le 22/04/99.
Ainsi soutient-elle, aucune insuffisance professionnelle ne peut lui être valablement imputée, pas plus que le grief de perte de confiance, subjectif par avance.
Elle demande à titre de dommages et intérêts une somme de 500 000 francs outre une somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société GE Capital Bank venant aux droits de la Société Banque SOVAC Immobilier, pour sa part, demande la confirmation du jugement déféré.
Après avoir longuement rappelé les faits, elle soutient que l'insuffisance professionnelle de Valérie X... est établie et est imputable à la seule salariée qui avait été mise en garde à plusieurs reprises sur la dégradation de l'activité de l'agence de Montpellier. L'employeur précise que Valérie X... qui avait accepté les objectifs et accepté un contrat de progrès sur 3 mois aurait du se ressaisir ce qu'elle n'a pas fait.
Il ajoute qu'elle n'a pas non plus attiré l'attention de la Direction sur les difficultés relatives à son personnel.
Sur la perte de confiance, la Société SOVAC soutient qu'elle ne pouvait plus avoir confiance en un salarié" ayant perdu toute motivation.
Enfin à titre subsidiaire la Société SOVAC fait valoir que si le licenciement était considéré comme sans cause réelle et sérieuse le montant des dommages et intérêts ne saurait être supérieur à la somme de 109074 francs.
Au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile elle demande une somme de 10 000 francs.
DISCUSSION DECISION.
Attendu que la perte de confiance même si elle repose sur des éléments objectifs, n'est jamais en tant que telle une cause réelle et sérieuse ; que dès lors, seule l'insuffisance professionnelle est le seul motif de licenciement qui doit être examiné;
Attendu que si l'insuffisance professionnelle peut être considérée comme une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit pour être établie par l'employeur, reposer sur des données objectives, et ne résulter ni du fait de l'employeur, ni de la conjoncture économique;
Attendu qu'en outre, au cas présent, compte tenu des termes du courrier du 20 mai 1998, les résultats des 5 premiers mois de l'année ne peuvent être imputés à Valérie X...;
Attendu que pour établir la réalité de l'insuffisance professionnelle de Valérie X... , la Société Sovac Immobilier s'est bornée à verser au dossier des tableaux non authentifiés comptablement, faisant état du suivi de "la production immobilier" de 9 agences; que l'examen de ces documents relativement à l'évolution 98/97 révèle que :
-au 31/05/98 4 agences Nantes Bordeaux, Toulouse, et Montpellier
étaient en négatif, Montpellier à -8,4% et Bordeaux à -4,5% ,
-au 30/06/98, 7 agences étaient en négatif, Montpellier à -15,9% Toulouse à -28,4% , Bordeaux à -29,9% et Aix en Provence à -69,4%
-au 31/07/98 6 agences étaient en négatif, Montpellier à -46,3% Marseille à -65,6 %, Cannes à -138,1%
-au 31 août 1998, 4 agences étaient en négatif, Montpellier à- 6,1% Toulouse à -37,1%
- au 30/09/98 3 agences étaient en négatif, Montpellier à -40,1% Toulouse à - 29,7%
- au 31/10/98 6 agences étaient en négatif, Montpellier à -44,5% Bordeaux à -24,6% , Toulouse à -36,7%,
-au 30/11/98 5 agences étaient en négatif Montpellier à -55,3% Toulouse à - 31%, Cannes à -43%
-au 31/12/98 3 agences étaient en négatif, Nice à -2%, Montpellier à -21% , et Toulouse à -66% .
Qu'il résulte de cet examen que sur les 9 agences du Sud de la France de la Société Sovac Immobilier la moitié ont en entre mai et décembre 1998 des résultats négatifs, souvent plus négatifs que ceux de l'agence de Montpellier; que de tels résultats permettent d'une part de constater que la mauvaise conjoncture économique évoquée par la salariée est établie et ce au regard de résultats de grandes villes telles que Toulouse Marseille, Cannes, d'autre part de constater également que les objectifs fixés par l'employeur au regard de ceux de 1997 n'étaient pas réalistes, en outre, que les résultats imputés à Valérie X..., s'inscrivaient normalement dans une période difficile pour la Société SOVAC dont la presse économique rappelait le 24 avril 1999 la mauvaise santé nécessitant un plan social;
Attendu enfin que la conjoncture défavorable de la Société SOVAC, a été portée à la connaissance des salariés par un courrier du 22 avril 1999 rédigé et signé par Samira Y... A... Général, auteur de
la lettre laudative du 20/05/98, comportant notamment le passage suivant :
etlt;etlt;Comme vous le savez, nos résultats pour 1998 tels que je les ai présentés sont en forte baisse par rapport à l'année dernière et les prévisions sur l'année en cours et les deux années à venir font apparaître une aggravation de la situation, nos comptes devenant structurellement déficitaires. En effet, notre entreprise, qui a vu se terminer deux grands partenariats au cours de l'année 1998(PPR et Crédipar), souffre à la fois d'une baisse de ses marges, d'une diminution de près de 50% de ses encours et de coûts de structure trop élevés qui pèsent sur sa compétitivité.etgt;etgt;
Attendu qu'eu égard à l'ensemble de ces documents et pièces l'insuffisance professionnelle de Valérie X... n'est pas établie, les mauvais résultats de l'agence de Montpellier pour 1998 s'inscrivant dans les mauvais résultats globaux de la Société Sovac Immobilier, indépendants de la volonté de la salariée; qu'en conséquence le licenciement de Valérie X... est sans cause réelle et sérieuse;
Attendu qu'eu égard à l'ancienneté de la salariée, 12 ans, à son salaire, plus de 24 000 francs par mois, à son âge 39 ans au jour du licenciement, aux conditions de la rupture du contrat de travail, et aux effets de la clause de concurrence tels que rappelés dans la lettre de licenciement, il convient de lui allouer à titre de dommages et intérêts la somme de 300 000 francs;
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais exposés pour sa défense et non compris dans les dépens, dont le montant sera précisé au dispositif de la présente décision au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
PAR CES MOTIFS.
LA COUR.
En la forme reçoit Valérie X... en son appel,
Au fond,
Réformant la décision déférée,
Condamne la Société GE CAPITAL BANK venant aux droits de la Société BANQUE SOVAC IMMOBILIER à payer à Valérie X... la somme de 300 000 francs (soit 45 734,71 Euros) à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 6000 francs (soit 914,69 Euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La condamne à rembourser à L'ASSEDIC les indemnités versées à la salariée dans la limite des six premiers mois,
La condamne aux dépens.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT