FAITS ET PROCEDURE Avec les autorisations administratives nécessaires, Monsieur X..., agriculteur à Saint Saturnin de Lenne, a créé en 1992 une maternité de porc sur ses terrains sis dans le hameau de la Guiraldie, puis en 1995, malgré une première procédure de référé-expertise pour les émanations d'odeurs insupportables intentée par ses voisins, il a développé son activité en créant une porcherie d'engraissement de porcs, forte de plus de 900 têtes. Se plaignant d'odeurs nauséabondes très fortes rendant insupportable toute activité à l'extérieur, les époux Y..., Madame Z..., exploitants des chambres d'hôtes et un gîte rural ainsi que les époux A..., voisins de la porcherie, ont assigné Monsieur X... en suppression des troubles anormaux de voisinage par fermeture des installations et en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice commercial et d'agrément subi. Après avoir ordonné un transport sur les lieux effectué le 18.11.1999, le tribunal de grande instance de Millau a, par jugement du 28.7.2000, au motif qu'il n'avait pas le pouvoir d'ordonner la fermeture des installations, débouté les époux Y..., Madame Z... et les époux A... de leurs demande et les a condamnés solidairement à payer à Monsieur X... la somme de 6 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les époux Y..., Madame Z... et les époux A... ont régulièrement interjeté appel. Vu les conclusions du 9.3.2001 des appelants, tendant par infirmation du jugement à la constatation de troubles anormaux de voisinage, à la fermeture des installations et à l'interdiction pour Monsieur X... de continuer à les exploiter sous astreinte de 1 000 francs par jour outre sa condamnation à payer à Madame Z... la somme de 100 000 francs et aux époux Y... celle de 500 000 francs en réparation de leur préjudice commercial et à Madame Z..., aux époux Y... et aux époux A... la somme de 100 000 francs chacun en réparation
de leur préjudice d'agrément outre celle de 20 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Vu les conclusions du 30.1.2002 de Monsieur X..., tendant au débouté de toutes les demandes et la condamnation solidaire des appelant à lui rembourser la provision de 10 000 francs et à lui payer la somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIVATION Monsieur X... a obtenu le permis de construire et les autorisations administratives nécessaires à la construction en 1992 de la "maternité " pour 136 porcs et en 1995 ceux nécessaires à la construction et à l'exploitation du bâtiment d'engraissage de 800 porcs, conformément à la réglementation des établissements classés pour la protection de l'environnement. Monsieur X... conteste l'existence de troubles anormaux de voisinage dus aux nuisances olfactives, seules nuisances dont se plaignent ses voisins. Or l'expert commis par ordonnance de référé du 9.10.1997 a constaté que : -
les odeurs viciées dégagées par la porcherie sont des plus nauséabondes et par instant insoutenables ( page 10 du rapport) et sont répandues par les nombreux ventilateurs (débit par unité de 5000 m3/heure) installés sur les toits des bâtiments et portées par les vents. Les nuisances olfactives existent et sont reconnues de tous ( page 18 du rapport), -
Les odeurs transportées par les vents peuvent être très sensibles à une distance de 800 minimum, les nuisances sont aggravées par l'installation des deux élevages dans la même direction des vents par rapport aux habitations des voisins, -
Il n'existe à ce jour sur le marché aucun système efficace de désodorisation des élevages de porcs, -
l'erreur consiste à avoir installé les bâtiments d'élevage abritant les porcs à une trop faible distance des habitants des lieux par
économie de structures et malgré l'application de traitements coûteux, Monsieur X... ne peut avec 1000 porcs supprimer efficacement les nuisances olfactives émises par les animaux. L'expert a donc constaté l'existence de nuisances olfactives, contrairement aux dénégations de Monsieur X..., qui s'appuie sur les constatations du tribunal lors du transport sur les lieux et de nombreuses attestations d'habitants du hameau. Si effectivement le juge, lors du transport sur les lieux du 8.11.1999, a constaté que " l'odeur est faible ", c'est parce qu'en hiver les odeurs sont moindres et qu'elles n'étaient pas portées par le sens du vent soufflant ce jour là, mais également parce que Monsieur X..., prévenu de la date du transport, avait conduit la veille plus de cinquante bêtes à l'abattoir et que les installations étaient très propres. L'importance des odeurs est effectivement fonction des données météorologiques et il est établi qu'elles ne sont pas portées par les vents dominant dans la région. Mais l'étude d'impact de la porcherie prévoyait une ventilation mécanique dynamique conçue par assurer un renouvellement d'air suffisant avec une évacuation de l'air vicié par le toit, ce qui permet une dilution de l'odeur à l'intérieur des bâtiments et une meilleure " dispersion de l'air à l'extérieur dans l'atmosphère ". En conséquence la conception des bâtiments de la porcherie outre la fosse à lisier en plein air et les indispensables épandages diffusent des odeurs pestilentielles, qui se répandent dans l'atmosphère dans un périmètre de 800 mètres d'après les conclusions de l'expert. Les attestations produites par Monsieur X... proviennent de personnes du hameau ou de membres de sa famille ou de salariés, qui déclarent que les odeurs émanant de la porcherie ne sont pas supérieures à celles provenant d'autres élevages pratiqués dans le hameau notamment les agneaux et les bovins. De telles attestations doivent donc être prises avec
circonspection, d'autant que les exploitants des chambres d'hôtes versent des témoignages de leurs clients en sens contraire. Cependant si les nuisances olfactives ont une composante subjective indéniable, il est incontestable que l'élevage intensif dans un même lieu de plus de 1000 porcs comprenant des fosses à ciel ouvert, quelques soient les systèmes d'élimination chimique des odeurs utilisés, est source d'odeurs nauséabondes et pestilentielles ressenties dans le périmètre immédiat de l'exploitation. Or les époux Y... sont propriétaires du château de Grun du XIVème Siècle dans lequel ils ont aménagé dès 1985 des chambres d'hôtes et il est situé à 295 m de la " maternité " et à 492 m de la porcherie ; Madame Z... est propriétaire d'une maison de maître du XIX ème siècle et d'une ferme des XVII et XIX ème siècles dans lesquels elle a également aménagé en 1996 des chambres d'hôtes et ils sont situés à 110 m de la " maternité " et à 304 m de la porcherie ; et les époux A... sont propriétaires d'une ferme fortifiée du XVII ème siècle qu'ils occupent personnellement et est située à 605 m de la maternité et à 405 m de la porcherie. En effet cette zone rurale a non seulement une vocation agricole mais encore une vocation touristique marquée par des bâtiments historiques situés dans un environnement vert sans zone commerciale, artisanale ou industrielle. Or Monsieur X... a installé son exploitation intensive de porcs à moins de 500 mètres d'immeubles d'habitation et d'hébergement touristiques. Si Monsieur X... a obtenu le permis de construire et toutes les autorisations nécessaires pour l'exploitation d'une porcherie de 800 animaux, établissement classé pour la réglementation de l'environnement conformément à la loi n°76-663 du 19.701976 modifiée par les lois n° 92-654 et 92-646 du 13.7.1992, ces autorisations administratives sont toujours délivrées sous réserve des droits des tiers et notamment l'arrêté du 30.5.1995 a été délivré par le préfet de l'Aveyron en rappelant à l'article 13
que " les odeurs provenant de la porcherie ou des installations annexes (fosses de stockage) ne doivent pas constituer une gêne pour le voisinage ". Les autorisations administratives délivrées ne permettent donc pas à Monsieur X... de s'exonérer de sa responsabilité pour troubles de voisinage. Indépendamment de toute appréciation subjective, il est établi par les constatations de l'expert, l'importance de la porcherie de plus de 1 000 bêtes et la proximité des habitations de plaignants que les nuisances olfactives dépassant les inconvénients normaux de vie en milieu rural. Monsieur X... est donc responsable des troubles anormaux de voisinage générés par l'exploitation de sa porcherie. Les appelants demandent principalement une réparation en nature de leur trouble par la fermeture de la porcherie. Cependant s'agissant d'installations classées dont l'exploitation a été autorisée par l'autorité administrative, le juge judiciaire ne peut en ordonner la fermeture en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ( Tribunal des conflits 23.5.1927), il lui appartient seulement d'ordonner les mesures propres à faire cesser le préjudice que la porcherie cause aux demandeurs. En conséquence il convient d'ordonner la suspension des activités de la porcherie, jusqu'à ce que Monsieur X... procède aux aménagements de ses installations nécessaires pour faire cesser toutes émanation d'odeurs nauséabondes provenant de l'exploitation tant de l'établissement d'engraissement que de la " maternité ". Monsieur X... doit définir lui-même les mesures adéquates indispensables pour le traitement des odeurs pestilentielles qu'il rejette dans l'atmosphère, ces mesures pouvant aller jusqu'à un déplacement du bâtiment d'engraissage, solution préconisée par l'expert, car Monsieur X... ne démontre pas qu'une réinstallation sur un autre terrain lui appartenant suffisamment éloigné de toute habitation, revêtirait une ampleur si considérable,
qu'elle mettrait en péril la pérennité de son entreprise, d'autant que Monsieur X... a pris le risque d'installer son bâtiment d'engraissage dans un site à peine plus éloigné que " la maternité " qui avait déjà été source de nuisance pour ses voisins et l'objet d'une procédure antérieure entre les parties. Ces aménagements étant conséquents il y a lieu de n'assortir cette condamnation d'une astreinte de 120 euros par jour de retard, qu'à compter d'un délai d'un an après la signification de l'arrêt. Les époux Y... et Madame Z... ne justifient pas d'un préjudice commercial en établissant une perte de fréquentation de leurs chambre d'hôtes due à la proximité de la porcherie. Ils seront déboutés de ce chef de demande. Les époux Y..., Madame Z... et les époux A... subissent un préjudice d'agrément incontestable, puisque certains jours les odeurs nauséabondes sont telles qu'il est impossible de rester dehors et qu'ils doivent rester fenêtres fermées à l'intérieur des habitations pour ne pas être incommodés. Dans ces conditions, il convient d'allouer pour le préjudice d'agrément subi depuis 1995, date d'installation de l'établissement d'engraissement des porcs, la somme de 800 euros chacun. PAR CES MOTIFS Reçoit l'appel régulièrement en la forme, Réforme le jugement déféré, Vu les conclusions du rapport d'expertise du 20.11.1998, Constate que les installations de porcherie de Monsieur X... entraînent des troubles anormaux de voisinage pour les appelants, Ordonne la suspension des activités de porcherie de Monsieur X..., sous peine d'une astreinte de 120 euros par jour de retard si passé un délai d'un an à compter de la notification de l'arrêt, il n'a pas mis en ouvre les mesures nécessaires pour faire cesser toutes nuisances olfactives entraînées par l'exploitation de la " maternité " et de l'établissement d'engraissage, Dit que cette astreinte courra pendant une durée de six mois, au terme