COUR D'APPEL DE MONTPELLIER5 Chambre Section AARRET DU 26 AVRIL 2006Numéro d'inscription au répertoire général : 05/01615
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 MARS 2005 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS No RG 04/00979
APPELANTE :Madame Madeleine X... épouse Y... le 19 Avril 1927 à LA ROCHELLE (70120)de nationalité Française4 Z... des Ligures34300 CAP D'AGDEreprésentée par la SCP CAPDEVILA - VEDEL-SALLES, avoués à la Courassistée de Me DEPLANQUE, avocat au barreau de PERPIGNAN
INTIME :Monsieur Joseph CASAGRANDE24 Z... du Docteur Calmette17000 LA A... par la SCP TOUZERY - COTTALORDA, avoués à la CourORDONNANCE DE CLOTURE DU 01 Février 2006COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 FEVRIER 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme France-Marie B..., Présidente
M. Jean-François BRESSON, Conseiller
M. Jean-Marc CROUSIER, Conseiller
qui en ont délibéré.Le Délibéré a été prorogé au 26 AVRIL 2006.
Greffier, lors des débats : Mme Christiane C... :
- CONTRADICTOIRE
.
- prononcé publiquement par Mme France-Marie B..., Présidente.
- signé par Mme France-Marie B..., Présidente, et par M.. Dominique SANTONJA, Greffier présent lors du prononcé.
*La Cour est saisie d'un appel interjeté le 14 mars 2005 par Mme
Madeleine X... épouse D... à l'encontre d'un jugement en date du 1er mars 2005 rendu par le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS qui a :vu l'arrêt de la Cour d'Appel du 15 novembre 2004 opposant les mêmes parties,-dit que doivent être écartées les dispositions invoquées par Mme Madeleine X... épouse D... qui méconnaissent les exigences tirées du protocole 1er et de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;-débouté en conséquence Mme Madeleine X... épouse D... de toutes ses demandes tendant à obtenir la suspension des poursuites en application de l'article 100 de la loi de finances du 30 décembre 1997 ;-condamné Mme Madeleine X... épouse D... à payer la somme de 1.200 ç à M. Joseph E... sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.Pour une connaissance des faits, il convient de se référer expressément à ceux exposés dans le jugement entrepris, et, pour les moyens des parties en appel, à leurs conclusions notifiées le 18 janvier 2006 pour Mme X... épouse D..., et le 1er février 2006 pour M. CASAGRANDE.MOTIFS DE F... :ATTENDU que selon les éléments de la cause, M. Norbert D... et Mme Madeleine X... ont été condamnés conjointement par jugement du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS en date du 20 mars 1996 assorti de l'exécution provisoire, à payer à M. Joseph E... la somme de 375.000 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 1995, ainsi que la somme de 24.448,48 F échue au 30 avril 1996 ;ATTENDU que par arrêt du 30 septembre 1998, la Cour d'Appel de ce siège a confirmé cette décision ;ATTENDU qu'en vertu de ces deux titres exécutoires, outre l'exécutoire délivré suite à la vérification des dépens par le Greffier en Chef de la Cour d'Appel de MONTPELLIER en date du 29 novembre 2001, M. E... a fait délivrer, le 8 mars 2004, à Mme X..., un commandement aux fins de saisie-vente pour avoir paiement de la somme de 94.060,36 ç
dont 57.168,38 ç en principal ;ATTENDU que Mme X... épouse commune en biens D... depuis le 29 novembre 1999, fait valoir qu'elle est fondée à exciper des dispositions de l'article 100 de la loi de finances du 30 décembre 1997 dès lors qu'elle est mariée à un rapatrié d'Algérie, M. Norbert D..., lequel a formé une demande auprès de la CONAIR qui, à ce jour, n'a toujours pas statué ;ATTENDU qu'en raison de cette suspension provisoire dont bénéficie Mme X..., M. E..., âgé actuellement de 78 ans pour être né le 2 janvier 1928, se trouve privé d'obtenir l'exécution de la décision de justice ;ATTENDU que par ailleurs, à la date du 18 janvier 2006, le dossier était toujours soumis à l'examen de la Commission Nationale d'Aide aux Rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, alors que la décision de justice dont l'exécution est demandée a été rendue le 20 mars 1996, soit il y a plus de dix ans ;ATTENDU qu'il est également constant que les dispositions sur la suspension provisoire des poursuites dont l'application est sollicitée, ne fixent pas de délai maximum pour que le créancier puisse effectivement bénéficier des droits qui lui ont été reconnus par jugement ; que ces dispositions, aux termes desquelles la suspension des poursuites est de plein droit, anéantissent toute possibilité d'exécution dans des délais raisonnables ; que si, selon la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il est admis que les Etats contractants, dans des circonstances exceptionnelles et dans le cadre de la marge d'appréciation dont ils jouissent en la matière de réglementation de l'usage des biens, interviennent dans une procédure d'exécution d'une décision de justice, pareille intrusion ne peut avoir pour conséquence d'empêcher, invalider ou encore retarder de manière excessive l'exécution de la décision ;ATTENDU que par ailleurs, à partir du moment où l'autorité administrative est saisie, toute exécution de la
décision de justice est interdite sans que soit organisé un contrôle judiciaire effectif pendant toute la durée de cette période, afin d'éviter tout retard excessif, le créancier restant d'ailleurs totalement étranger à une procédure sur les développements de laquelle il n'est pas informé et sur laquelle nul ne peut influer, aucune autorité ne pouvant être saisie ;ATTENDU que dans ces conditions, la norme invoquée par l'appelante, d'une part, interdit la jouissance pour un temps indéterminé d'un bien, à savoir une créance, par son propriétaire, de seconde part, ne définit pas avec une précision suffisante les conditions et les modalités de cette atteinte, de troisième part, ne prévoit aucune indemnisation, enfin, n'organise pas avant et pendant le déroulement de la suspension, une possibilité de recours à un juge ; qu'il s'agit non pas simplement de limitations, temporaires et précisément définies, à un droit fondamental pour des motifs d'intérêt général, mais d'une atteinte dont l'inorganisation ne préserve pas l'équilibre des intérêts entre les parties ;ATTENDU qu'il résulte de tout ce qui précède que les normes invoquées ne peuvent être mises en oeuvre comme méconnaissant manifestement les exigences tirées de l'article 1er du protocole 1er et celles de l'article 6.1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, comme étant contraires au principe de la prééminence du droit ;ATTENDU que dès lors, elles doivent être écartées, et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions ;ATTENDU que succombant en son appel et devant en supporter les dépens, Mme X... ne peut prétendre ni à des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, ni au bénéfice des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;ATTENDU qu'en revanche l'équité commande, en cause d'appel, de faire bénéficier l'intimé de ces dispositions, et de lui allouer, à ce titre, la somme de 2.000 ç ; que celle que lui a accordée le premier
juge, sur ce même fondement, sera confirmée ;PAR CES MOTIFS La Cour Reçoit l'appel de Mme Madeleine X... épouse D..., régulier en la forme ;Au fond, dit que doivent être écartées les dispositions invoquées par l'appelante comme méconnaissant manifestement les exigences tirées de l'article 1er du Protocole Premier, et celles de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, et confirme, en conséquence, en toutes ses dispositions, le jugement déféré ;Condamne, en cause d'appel, Mme Madeleine X... épouse D... à payer à M. Joseph E... la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 ç) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;La condamne, en outre, aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP TOUZERY-COTTALORDA, avoués, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.Le Greffier,
Le Président JFB/MCM