SD / JLP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4 chambre sociale
ARRET DU 21 Mars 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 04628
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 MAI 2006 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MILLAU
No RG06 / 00002
APPELANT :
Monsieur Guy X...
...
12430 VILLEFRANCHE DE PANAT
Représentant : Me Elisabeth. RUDELLE-VIMINI (avocat au barreau de RODEZ)
INTIME :
Monsieur Michel Y...
...
12170 DURENQUE
Représentant : Me RENVERSEZ de la SCP CHEVILLARD-GROUSSARD (avocats au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 FEVRIER 2007, en audience publique, Monsieur Daniel ISOUARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie DAHURON
ARRET :
-Contradictoire.
-prononcé publiquement le 21 MARS 2007 par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre.
-signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre, et par Mme Sophie Le SQUER, présent lors du prononcé.
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Michel Y...a travaillé en qualité de maçon pour le compte de Daniel X...du 13 mai 1983 au 30 juin 2000 ; à compter du 3 juillet 2000, il est entré au service, toujours comme maçon, de Guy X....
En arrêt de travail pour maladie depuis le 14 juin 2005, il a été soumis à deux visites médicales de reprise, les 20 septembre et 7 octobre 2005, l'avis définitif du médecin du travail le déclarant inapte à tout poste.
Monsieur Y...a été convoqué, le 9 novembre 2005, à un entretien préalable à son licenciement pour le 18 novembre suivant ; il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 22 novembre 2005.
Contestant le montant de l'indemnité de licenciement et le retard dans sa prise en charge par l'Assedic, il a saisi le conseil de prud'hommes de Millau qui, par jugement du 22 mai 2006, a notamment :
-dit que l'ancienneté de monsieur Y...remonte à 1983,
-dit que la prise en charge tardive de monsieur Y...par l'Assedic incombe à l'employeur,
-condamné monsieur X...à payer à monsieur Y...les sommes suivantes :
4129,45 euros (bruts) à titre de solde d'indemnité de licenciement,
1300,00 euros à titre de dommages et intérêts,
1000,00 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 29 juin 2006 au greffe de la cour, monsieur X...a régulièrement relevé appel de ce jugement, lui ayant été notifié le 22 juin.
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
-monsieur Y...a volontairement quitté l'entreprise de son frère, Daniel X..., au mois de juin 2000, les actes passés avec ce dernier, qu'il s'agisse de la vente de matériel ou de la location d'un entrepôt, ne permettant pas de caractériser le transfert d'une entité économique autonome et donc, la reprise du contrat de travail de l'intéressé en application de l'article L 122-12,
-l'indemnité conventionnelle de licenciement ne peut donc être calculée par référence à une ancienneté de 22 ans,
-il a bien recherché à reclasser le salarié en concertation avec le médecin du travail mais n'a pu que constater l'impossibilité de reclassement, tenant la taille de l'entreprise ne comptant que trois salariés et les capacités physiques et professionnelles de monsieur Y...,
-celui-ci n'établit pas le grief que lui cause le défaut d'indication, sur la lettre de convocation à l'entretien préalable, de l'heure à laquelle il devait se présenter,
-les documents de fin de contrat, dont l'attestation Assedic, étaient à la disposition de monsieur Y...et compte tenu du délai de carence dans la prise en charge de l'Assedic et du versement, avant janvier 2006, d'une somme de 1922,45 euros (indemnité de licenciement et indemnité de congés payés), celui-ci ne justifie d'aucun préjudice particulier.
Il demande en conséquence à la cour de débouter monsieur Y...de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Y...conclut à la confirmation du jugement lui ayant alloué les sommes de 1300,00 euros à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice lié au retard dans la remise de l'attestation Assedic et 1000,00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, mais formule des demandes incidentes tendant à :
-dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, monsieur X...ayant manqué à son obligation de reclassement,
-condamner monsieur X...à lui payer les sommes suivantes :
4284,81 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
1337,65 euros à titre d'indemnité réparant les irrégularités de forme affectant la procédure,
16 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2761,28 euros à titre d'indemnité de préavis,
2000,00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-ordonner la délivrance des bulletins de salaire, de l'attestation Assedic et d'une attestation destinée à la caisse de congés payés modifiés en conséquence, sous astreinte de 15,00 euros par document et par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt,
-dire que la cour se réserve le droit de liquider l'astreinte sur simple requête.
A l'appui de ses prétentions, il fait notamment valoir que :
-en juillet 2000, son contrat de travail a été transféré de l'entreprise individuelle de Daniel X...à celle de Guy X...pour le compte duquel il a continué de travailler dans les mêmes conditions, par suite de la reprise par ce dernier de l'activité de maçonnerie de son frère, caractérisée par le rachat du matériel et de la location du hangar, nécessaires à cette activité,
-il n'a d'ailleurs pas démissionné de son poste de maçon chez Daniel X...qui ne lui a alors remis ni certificat de travail, ni attestation Assedic,
-monsieur X...n'établit pas l'existence de recherches de reclassement au sein de son entreprise ou de celle de son frère, tenant la permutation de personnel entre les deux structures,
-la lettre de convocation ne mentionne pas l'heure de l'entretien, ce qui constitue une violation des règles de procédure.
MOTIFS DE LA DECISION :
1-l'ancienneté du salarié :
L'article 122-12, alinéa 2, du code du travail dispose qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; ce texte s'applique dés lors que s'opère le transfert d'une entité économique autonome, définie comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; dès lors que les conditions du transfert se trouvent réunies, l'ancienneté de services auprès du précédent employeur reste acquise au salarié dont le contrat est repris, pour le calcul des indemnités de rupture.
En l'occurrence, il résulte des pièces produites que :
-Daniel X...exploite à Lestrade et Thouels (12) depuis le 1er juin 1978 une entreprise artisanale de maçonnerie tandis que son frère, Guy X..., a démarré, le 20 janvier 1992, l'exploitation d'une entreprise de même nature à Ayssenes (12),
-Daniel X...a cédé en 1999 à son frère Guy divers matériels (bétonnières, échafaudages, matériel de coffrage, outillage), objet d'une facture d'un montant de 250 000,00 francs HT éditée le 28 décembre 1999,
-à compter du 1er juillet 2000, il lui a également loué un hangar d'environ 300 m2, contigu à celui qu'il utilise pour les besoins de sa propre activité.
Nonobstant la concomitance entre la fin de la prestation de travail de monsieur Y...chez Daniel X...(30 juin 2000) et le début de son activité au service de Guy X...(3 juillet 2000), les éléments ci-dessus analysés sont insuffisants à établir l'existence d'un transfert total ou partiel d'une activité économique autonome ; il apparaît, en effet, que Daniel X...a poursuivi l'exploitation de son entreprise artisanale de maçonnerie et que la vente d'une partie de son matériel est intervenue six mois avant « l'embauche » de monsieur Y...chez son frère ; rien ne permet également d'affirmer que des chantiers ont été transférés de Daniel à Guy X..., même si monsieur Y...prétend, de façon quelque peu hasardeuse, page 7 de ses conclusions d'appel, avoir travaillé officieusement pour le compte de Guy X...à compter de janvier 2000 sur les chantiers que celui-ci avait repris à son frère.
Il avait d'ailleurs produit en première instance l'attestation d'un certain Yvon C...qu'il ne communique plus aujourd'hui devant la cour, selon laquelle Daniel X...avait cédé l'entreprise de maçonnerie à son frère Guy ; l'intéressé affirme désormais, dans une nouvelle attestation produite aux débats, qu'une telle déclaration lui avait été dictée par monsieur Y..., venu le trouver à son domicile avec son propre frère, alors qu'il ignorait la situation réelle de l'entreprise.
Les conditions de mise en oeuvre de l'article L 122-12 ne se trouvent donc pas réunies et aucun élément ne permet de caractériser l'existence d'une application volontaire de ce texte ; l'indemnité conventionnelle de licenciement due à monsieur Y...a dès lors été justement calculée en fonction d'une ancienneté remontant au 3 juillet 2000 et le jugement entrepris doit être réformé en ce qu'il a alloué à l'intéressé un complément d'indemnité.
2-la régularité de la procédure de licenciement :
Selon l'article R 122-2-1, la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit préciser la date, l'heure et le lieu de l'entretien ; en l'espèce, la lettre du 9 novembre 2005, adressée à monsieur Y...par l'employeur, ne précise pas l'heure de l'entretien fixé au 18 novembre 2005 au siège de l'entreprise ; une telle omission constitue une irrégularité de procédure justifiant l'allocation d'une indemnité de ce chef ; il convient, dans ces conditions, d'allouer à l'intéressé la somme de 300,00 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure.
3-le caractère réel et sérieux du licenciement :
L'article L 122-24-4, alinéa 1er, du code du travail, dispose qu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œ uvre de mesures telles que mutations, transformation de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
L'obligation pesant sur l'employeur lui impose ainsi de rechercher, de manière concrète, les possibilités de reclassement du salarié, déclaré inapte, au sein de l'entreprise en fonction des propositions du médecin du travail et il lui incombe de rapporter la preuve de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de procéder au reclassement.
En l'occurrence, il apparaît qu'après l'avis d'inaptitude émis le 7 octobre 2005 par le médecin du travail, monsieur X...a, par courrier du 14 octobre 2005, demandé à celui-ci de lui faire connaître ses suggestions relativement à l'aménagement du poste de travail de monsieur Y...ou aux mesures de reclassement à proposer, en fonction de l'état de santé du salarié, et que par lettre du 19 octobre 2005, le médecin du travail, le docteur D..., lui a répondu que les restrictions d'aptitude concernaient le port de charges, la station debout prolongée, l'exposition au froid et le travail en hauteur, monsieur Y...restant apte pour un poste administratif aménagé.
L'entreprise artisanale de monsieur
X...
comptait, lors de l'engagement de la procédure de licenciement, quatre emplois, dont il n'est pas discuté qu'ils correspondaient à des postes d'ouvriers d'exécution ; compte tenu des indications fournies par le médecin du travail, il était exclu d'aménager le poste de travail de monsieur Y...ou même, de réduire son temps de travail ; il ne pouvait pas davantage être imposé à l'employeur la création d'un poste administratif qui ne se justifiait pas eu égard à la taille de l'entreprise ; il ne peut, non plus, lui être reproché de n'avoir pas étendu ses recherches de reclassement à l'entreprise de son frère Daniel, juridiquement distincte de la sienne.
Il convient en conséquence de considérer que monsieur X...a satisfait à son obligation découlant de l'article L 122-24-4 sus visé et justifie de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de procéder au reclassement du salarié ; le licenciement de monsieur Y...est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Enfin, monsieur Y...ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice pour un préavis qu'il était dans l'incapacité physique d'exécuter.
4-le préjudice consécutif au retard dans la délivrance de l'attestation Assedic :
Il résulte de l'article R 351-5, que les employeurs sont tenus, au moment de la résiliation, de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, de délivrer aux salariés les attestations et justifications qui leur permettent d'exercer leurs droits aux prestations mentionnées à l'article L 351-2 ; en l'espèce, l'attestation Assedic n'a été remise à monsieur Y...qu'à la date du 12 décembre 2005 et à la suite d'une intervention de l'inspection du travail, alors que son licenciement lui avait été notifié le 22 novembre 2005, soit 20 jours auparavant, et qu'il se trouvait dans l'incapacité d'exécuter son préavis ; il s'avère, en effet, que monsieur X...avait refusé la délivrance de cette attestation lors d'une rencontre avec le salarié le 30 novembre, prétextant que celui-ci devait au préalable signé le reçu pour solde de tout compte, ainsi qu'il ressort de son courrier du 6 décembre 2005 adressé à monsieur Y....
La remise tardive de l'attestation Assedic, permettant l'inscription au chômage, cause nécessairement un préjudice au salarié qui doit être réparé ; le premier juge a ainsi alloué à juste titre à monsieur Y...la somme de 1300,00 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.
5-les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Monsieur X...qui succombe même partiellement doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, sans toutefois que l'équité ne commande l'application, au profit de monsieur Y..., des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Millau en date du 22 mai 2006 en ce qu'il a alloué à monsieur Y...la somme de 1300,00 euros en réparation de son préjudice consécutif au retard dans la délivrance de l'attestation Assedic,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute Michel Y...de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
Y joutant,
Condamne Guy X...à payer à Michel Y...la somme de 300,00 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
Dit que le licenciement de monsieur Y...est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Le déboute en conséquence de ses demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail, ainsi que ses autres demandes subséquentes,
Condamne monsieur X...aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de monsieur Y..., des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.