COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 1893
Décision déférée à la Cour :
Sur un arrêt rendu par la Cour de Cassation du 13 Février 2007 sous le no296 F-D qui casse et annule l'arrêt du 31 Mai 2005 sous le no03 / 1425 rendu par la Cour d'Appel de NÎMES à l'encontre du jugement du 23 Janvier 2003 sous le noRG 00 / 4745 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NÎMES
APPELANTE :
Madame Lucienne X... épouse Y...
née le 7 Janvier 1946 à ROUIBA
de nationalité française
...
30000 NIMES
représentée par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Stéphane GOUIN, avocat de la SCP LOBIER-MIMRAN-GOUIN, avocats au barreau de NÎMES
INTIMEE :
SA COMPAGNIE GÉNÉRALE de GARANTIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
157 boulevard Haussmann
75008 PARIS
représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour
assistée de Me Armelle MONGODIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Stéphanie de LUCA
ORDONNANCE de CLÔTURE du 15 NOVEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2007 à 14H en audience publique, Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Nicole FOSSORIER, Président
Madame Sylviane SANZ, Conseiller
Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE
L'affaire a été mise en délibéré au 8 Janvier 2008 et le prononcé de l'arrêt prorogé au 12 Février 2008.
ARRÊT :
-contradictoire,
-prononcé publiquement par Madame Nicole FOSSORIER, Président,
-signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Mademoiselle Marie-Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.
* * *
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Vu le jugement rendu le 23 janvier 2003 par le tribunal de grande instance de NÎMES qui a jugé que Madame Y... était tenue de garantir le passif de la SCI LES JARDINS de THEBES à hauteur de la fraction de capital détenue et l'a condamnée à payer la somme de 389. 792,07 euros outre intérêts au taux des avances de la Banque de France,
Vu l'arrêt de confirmation partielle de la Cour d'Appel de Nîmes qui a ramené le montant de la condamnation de Madame Y... à 85. 013,63 euros,
Vu la décision rendue le 13 février 2007 par la Cour de Cassation qui au visa de l'article 455 a reproché à l'arrêt de ne pas avoir répondu aux conclusions de Madame Y... selon lesquelles si la CGG avait renouvelé ses inscriptions hypothécaires, elle aurait pu profiter de l'actif disponible pour apurer la dette, et de ne pas avoir recherché si la créance d'intérêts avait été déclarée au passif de la société débitrice,
Vu la saisine de la Cour en date du 20 mars 2003,
Vu les dernières conclusions de l'appelante notifiées le 16 juillet 2007 qui demande la restitution de la somme de 148. 338,32 euros, subsidiairement de juger qu'elle ne doit aucun intérêt conventionnel à la SA Compagnie Générale de Garantie, qui doit être condamnée à restituer la somme de 69. 390,42 euros et sollicite la somme de 12. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Soutenant que :
il n'y a aucun pouvoir du GAN pour déclarer la créance, CGG devant avoir un pouvoir spécial pour déclarer la créance, en l'absence de stipulation de solidarité,
la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de CGG relatif à l'admission de la créance du GAN dans son arrêt du 13 février 2007, qui est éteinte, seule la créance de la CGC pouvant être invoquée,
la CGC est fautive de ne pas avoir renouvelé ses inscriptions hypothécaires conventionnelles lui causant un préjudice,
elle disposait d'une hypothèque de premier rang avec le Crédit Lyonnais, pour 10 millions de francs, d'une hypothèque en 3ème rang pour 8 millions de francs, à effet au 30 juin 1996,
si elle avait conservé ses inscriptions, la CGC aurait perçu la moitié de l'actif à distribuer soit 815. 941,89 euros qui aurait éteint sa propre créance, la créance globale de la CGC étant de 20 % de 12 320 083,63 francs soit 375. 636,90 euros,
le passif de la SCI LES JARDINS DE THEBES est sans incidence sur ce procès, elle est assignée à hauteur de ses droits sociaux pour apurer le passif lié à l'achèvement de la construction,
la CGC doit être condamnée à lui restituer l'intégralité des sommes payées en exécution de l'arrêt cassé outre intérêts à compter de la décision à intervenir,
les intérêts conventionnels n'ont pas couru ayant été arrêtés par la procédure collective, la créance d'intérêts est éteinte pour ne pas avoir été déclarée au passif, elle doit être restituée,
Vu les dernières conclusions notifiées le 26 juin 2007 par la société Compagnie Générale de Garantie (ci-après CGC) qui demande de confirmer le jugement sur la garantie de passif due par Madame Y..., de le réformer sur le montant de la condamnation par la condamnation de Madame Y... à payer la somme de 430. 781,98 euros outre intérêts conventionnels au taux des avances de la Banque de France majoré de 6 points, à compter de chacun des décaissements intervenus ou à venir, de celle de 8. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Soutenant notamment que :
l'appelante est tenue aux dettes sociales à concurrence de son nombre de parts, la preuve étant rapportée du caractère irrécouvrable de sa créance à l'encontre de la SCI,
elle justifie avoir réglé la somme de 12. 320. 083,63 francs, somme qu'elle a déclarée au passif de la procédure collective auxquels s'ajoutent les frais et accessoires, les intérêts et la clause pénale soit 150. 298. 859 francs, et les retenues de garantie,
elle est tenue aux intérêts en tant que cautions solidaires et co-obligés,
elle se devait d'arrêter le cours des intérêts au jour du jugement d'ouverture,
le chef de file peut être considéré comme seul titulaire de la créance dans le cadre d'une syndication indirecte, ce qui était son cas elle seule étant considérée comme garant, la convention de garantie avec le GAN ne concernant que les signataires et non la SCI, ce qui fait qu'elle avait le pouvoir de déclarer sans mandat,
elle est fondée à démontrer l'existence du pouvoir jusqu'à ce que le juge statue,
il s'agit non de la régularisation de la déclaration mais de la preuve rapportée qu'elle était investie d'un pouvoir spécial, ce qu'elle démontre,
les dettes mises à la charge de la SCI sont identiques, que l'inscription ait pu être conservée ou qu'elle ait été périmée,
les fonds à distribuer étaient d'un montant de 1. 631. 883,80 euros, si elle avait été colloquée en temps utile elle aurait pu percevoir 815. 941,90 euros ce qui n'aurait fait que réduire d'un tiers sa créance et non la totalité mais c'est le Crédit Lyonnais qui aurait alors exercé ses recours contre les associés qui auraient été amenés à combler le passif,
SUR QUOI :
La discussion ne porte pas sur la réalité de la déclaration de créance de la SA CGC à la procédure collective ouverte à l'encontre de la SCI LES JARDINS DE THEBES mais sur son étendue, la société intimée soutenant que dès lors qu'elle rapporte la preuve qu'elle disposait d'un pouvoir spécial émanant de la société GAN, sa déclaration était régulière pour le tout.
Il résulte des pièces produites aux débats que lors de la déclaration de créance établie le 16 avril 1998, la SA CGC a mentionné qu'elle opérait « tant pour son compte propre qu'en qualité de mandataire du GAN, étant précisé que les montants déclarés le sont à 20 % pour CGC. et pour 80 % pour le GAN ».
Or la déclaration de créance équivalant à une demande en justice, la personne qui déclare pour le compte d'un tiers doit justifier, si elle n'est pas avocat, d'un pouvoir spécial et écrit soit lors de la déclaration de créance, soit dans le délai légal de cette déclaration. En l'espèce l'intimée ne démontre pas avoir joint à sa déclaration un pouvoir spécial du GAN ou que celui-ci aurait été déposé dans le délai légal de la déclaration. En effet le seul pouvoir annexé à la déclaration du 16 avril 1998 est un pouvoir interne à la SA CGC habilitant l'un de ses collaborateurs à effectuer celle-ci. Quant au document présenté comme pouvoir spécial, il ne mentionne nullement et de manière précise l'habilitation à effectuer la déclaration au passif de la SCI pour le compte du GAN et d'autre part il n'est pas annexé à la déclaration et il n'est ni soutenu, ni démontré qu'il aurait été produit avant l'expiration du délai légal de déclaration.
Contrairement à ce qu'elle affirme, il convient de rapporter la preuve que la déclaration devait être régulière au moment où elle devait être faite, c'est-à-dire comporter le mandat spécial et non de rapporter la preuve a posteriori de la simple existence d'un mandat, au demeurant insuffisant à déterminer le caractère spécial de ce dernier.
Il sera observé que ce moyen tiré de la possibilité de prouver a posteriori et hors délai de déclaration, l'existence d'un mandat a été considérée comme n'étant pas de nature à admettre le pourvoi.
En outre le contrat de cautionnement du 18 janvier 1994 ne prévoit nullement que la SA CGC serait en sa qualité de chef de file des garants, titulaire de l'ensemble de la créance. En effet chaque co-garant cautionnait à hauteur de sa part dans le partage de risque décidé entre eux, à savoir 20 % pour la SA CGC,80 % pour le GAN, l'acte ne comportant aucune clause de solidarité. Les éléments produits aux
débats ne démontrent pas que chacun des garants disposait du droit de demander paiement de l'ensemble de la créance ou que le règlement de l'un ou l'autre des créanciers libérait le débiteur.
En conséquence il ne peut être considéré que CGC aurait en payant été titulaire de l'ensemble de la créance, chaque co-garant n'étant engagé respectivement qu'à hauteur de sa part et devant de ce fait déclarer sa créance à hauteur de cette part soit 20 % des sommes payées pour la société intimée.
Par ailleurs la SA CGC devait déclarer les intérêts de sa créance, dont le cours était arrêté, par application de l'article L. 621-48 du code de commerce ancien, au jour de l'ouverture de la procédure collective puisqu'il ne s'agissait ni d'un prêt d'une durée supérieure ou égale à un an ou d'un contrat à paiement différé d'un an ou plus. Les parties s'accordent d'ailleurs sur cet arrêt du cours des intérêts. Il est établi que seule une créance de 222,63 francs a été déclarée par la SA CGC. La créance est donc éteinte pour le surplus, étant précisé que Madame Y... n'est pas poursuivie en tant que caution mais en tant qu'associée de la société objet de la procédure collective.
L'appelante ne conteste pas que la SA CGC a été amenée à payer au titre de l'achèvement des travaux la somme de 12. 320. 083,63 francs soit 1. 929. 858,77 euros. Elle ne conteste pas le montant des intérêts déclarés soit 222,63 francs (33,94 euros). Elle n'apporte aucun élément de contestation relatif à l'application de la clause pénale sur décaissement (15 % des montants décaissés) dont le montant final déclaré au passif est de 281. 727,70 euros, pas plus que sur le montant des frais annexes pour 149. 869,44 euros. La clause pénale a donc à bon droit été retenue par le premier juge ainsi que les frais annexes.
En conséquence la créance de la SA CGC s'établit donc à un montant de 2. 361. 489,05 euros x 20 %, soit 472. 297,97 euros.
Les parties s'accordent à reconnaître que la liquidation de l'actif a permis à la SCI de disposer de la somme de 1. 631. 883,80 euros pour désintéresser ses créanciers.
Il n'est pas contestable que la SA CGC disposait d'une inscription hypothécaire au premier rang concurremment avec le Crédit Lyonnais sur les biens de la SCI à hauteur de 12. 000. 000 de francs, en deuxième rang à son unique profit à hauteur de 8. 000. 000 de francs. Il est acquis aux débats que l'intimée n'a pas renouvelé ses inscriptions, ce qui l'a reléguée au rang de créancier chirographaire.
Or eu égard à son rang d'inscription, elle était certaine de récupérer sa créance de 472. 297,97 euros.
Le non renouvellement de ses inscriptions constitue à l'égard de l'associée Madame Y... une faute dans la mesure où celle-ci n'aurait pas été attraite à la cause si la SA CGC avait effectué ces diligences.
Son préjudice qui résulte de sa condamnation par la Cour d'Appel de Nîmes au versement du principal majoré des intérêts, soit une somme de 148. 338,32 euros, dont il n'est pas contesté qu'elle a été versée au titre de l'exécution de l'arrêt, est direct, certain et actuel.
Il ne peut être soutenu que de manière inéluctable, du fait du passif de la SCI, Madame Y... aurait subi un préjudice du fait de la réclamation des autres créanciers inscrits ou non. En effet la perte de la garantie de la société CGC n'interdit pas aux autres créanciers de rechercher la garantie de l'appelante en sa qualité d'associée et au surplus l'action porte exclusivement sur le préjudice né directement de la faute de la SA CGC pour Madame Y... consécutif du non renouvellement des garanties et non sur le ou les préjudices qui pourraient ou auraient pu naître de l'action d'autres créanciers, au demeurant conditionnel (s).
Le moyen est donc inopérant.
Il convient donc de mettre fin au préjudice subi en déboutant la SA CGC de ses demandes et en lui ordonnant de restituer le montant des sommes perçues au titre de l'exécution de l'arrêt cassé majoré des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
L'équité commande d'allouer à Madame Y... la somme de 5. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort dans les limites de sa saisine,
EN LA FORME :
Déclare la saisine régulière,
AU FOND :
Infirmant la décision en toutes ses dispositions,
Déboute la SA Compagnie Générale de Garantie de toutes ses demandes à l'encontre de Madame Y...,
Ordonne la restitution par la SA Compagnie Générale de Garantie à Madame Lucienne X... épouse Y... de la somme de 148. 338,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne la SA Compagnie Générale de Garantie à payer à Madame Y... la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la SA Compagnie Générale de Garantie aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé, dont distraction au profit des Avoués de la cause, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.