COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section C
ARRET DU 12 FEVRIER 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/07613
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 NOVEMBRE 2006
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 05/1153
APPELANTE :
Madame Bernadette X... épouse Y...
née le 23 Novembre 1944 à LANGE (36600)
de nationalité Française
...
34170 CASTELNAU LE LEZ
représentée par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués à la Cour
assistée de Me Laetitia JANBON, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur Stojan Y...
né le 17 Janvier 1948 à METZ (57000)
de nationalité Française
...
75015 PARIS
représenté par la SCP GARRIGUE - GARRIGUE, avoués à la Cour
assisté de Me Sophie RIVENQ - GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 03 Janvier 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 JANVIER 2008, en chambre du conseil, M. Patrice COURSOL ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre
Monsieur Jacques RAYNAUD, Conseiller
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre, et par Mme Monique AUSSILLOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* *
*
Mme Bernadette X... et M. Stojan Y... se sont mariés le 2 septembre 1972, sans contrat de mariage préalable.
De leur union sont nés deux enfants aujourd'hui majeurs et autonomes.
Le 17 février 2005, Mme X... a présenté une requête en divorce pour faute.
Par acte du 7 octobre 2005, elle a fait assigner son conjoint devant le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, sollicitant le prononcé du divorce à ses torts exclusifs et une prestation compensatoire constituée par l'abandon en usufruit des droits indivis de M. Y... sur le domicile conjugal et 20 000 € de dommages et intérêts.
Par jugement du 7 novembre 2006, auquel la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, de ses motifs et de son dispositif, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER a notamment :
- dit que l'époux n'établissait pas que les e-mails produits aux débats par son épouse avaient été obtenus par violence ou fraude et dit qu'en conséquence ces pièces pouvaient être valablement produites,
- rejetant sa demande reconventionnelle en divorce, prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux,
- dit que le comportement fautif de l'époux avait causé à l'épouse un préjudice moral, qui serait indemnisé par l'allocation de la somme de 1 500 €,
- dit que les effets du divorce dans les relations patrimoniales entre époux seraient reportés à la date du 13/10/2003, date de la fin de la collaboration et de la cohabitation,
- constaté que la demande de prestation compensatoire ne comprenait pas les éléments requis à savoir la valeur des droits dont l'abandon était sollicité et les références immobilières du bien concerné,
- rappelé que le juge était tenu par les demandes des parties et déclaré, en conséquence, en l'absence de demande subsidiaire, irrecevable la demande de prestation compensatoire formée par l'épouse sous forme d'abandon des droits en usufruit de l'époux sur le bien commun du couple ayant constitué le domicile conjugal,
- ordonné la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux,
- condamné M. Y... à payer à Mme X... la somme de 2000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens de l'instance.
Mme X... a relevé appel de ce jugement par déclaration du 30 novembre 2006.
Dans ses dernières conclusions du 12 décembre 2007, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme X... demande à la Cour de :
confirmer la décision entreprise sur le prononcé du divorce aux tords exclusifs de l'époux,
Juger que la prestation compensatoire qui lui est due sera constituée par l'abandon en usufruit des droits indivis de M. Y... sur l'immeuble commun d'une contenance de 20 ares,
A titre subsidiaire,
condamner M. Y... à lui verser une prestation compensatoire d'un montant de 80 000 €,
juger que la liquidation du régime matrimonial rétroagira au 13/10/2003,
condamner M. Y... à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts,
confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. Y... à lui verser 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner M. Y... à lui payer 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel, et aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 5 octobre 2007, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Y... demande à la Cour de :
rejeter l'appel principal de Mme X... comme injuste et mal fondé,
confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé le divorce des époux,
constater que les griefs invoqués ne permettent pas de caractériser une faute rendant intolérable le maintien de la vie commune,
écarter des débats les correspondances produites par l'épouse,
réformer le jugement en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux,
A titre reconventionnel,
prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
réformer le jugement et dire n'y avoir lieu à dommages intérêts,
confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de prestation compensatoire sous forme d'abandon en usufruit,
constater à tout le moins que la valeur de l'usufruit est bien supérieure à la demande chiffrée par Mme X... à titre subsidiaire,
constater que la rupture du lien conjugal n'entraîne aucune disparité dans les conditions de vie des époux,
rejeter la demande de prestation compensatoire,
désigner tel notaire afin de procéder à la liquidation du régime matrimonial,
ordonner les mesures de publicité prescrites par la Loi,
condamner Mme X... à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens d'instance et d'appel
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2008.
MOTIFS
SUR LE PRONONCE DU DIVORCE
Attendu que, pour obtenir la réformation du jugement du 7 novembre 2006 en ce qu'il a prononcé le divorce à ses torts exclusifs, M. Y... a cru devoir reprendre le moyen soulevé, en vain, en première instance consistant, pour obtenir qu'ils soient écartés des débats, à soutenir que les e-mails produits par son épouse démontrant, sans la moindre équivoque possible, qu'il a entretenu des relations adultères avec Mme Sophie C... , «sa partenaire de bridge», pour laquelle il a abandonné le domicile conjugal et avec laquelle il vit depuis, ont été obtenus par fraude;
Que, même s'il est en droit de le faire sur un plan juridique, la Cour, compte tenu de l'inélégance du procédé tenant la situation de fait, entend citer l'e-mail qu'il a adressé le 1er mai 2003 à Mme C... dans lequel il lui écrivait notamment : «... t'inquiètes pas pour les e-mails, je les ai tous sauvegardés sur disquette (eh oui, obligé de les rayer du disque dur avec mon fils informaticien, il voit tout ce que je fais sur l'ordinateur, ce con, et je les relirai tranquillement...» qui corrobore les affirmations de Mme X... selon lesquelles elle en a découvert fortuitement les supports «papier» dissimulés dans une pile de linge;
Que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le Juge aux Affaires Familiales a rejeté le moyen de M. Y..., la preuve de l'obtention par fraude des documents dont s'agit n'étant pas rapportée;
Que, si le couple a pu connaître des difficultés conjugales en 1980, qu'il a su surmonter, il n'est nullement avéré que les relations conjugales s'étaient distendus depuis plusieurs années au point de justifier, en 2003, la violation de l'obligation de fidélité pesant sur lui et un abandon consécutif du domicile conjugal;
Que le report de la date des effets du divorce au 13 octobre 2003, n'est pas remis en cause par les parties, cette date étant celle de l'abandon, par M. Y..., du domicile conjugal qui apparaît lié à la découverte par son épouse de son infortune conjugale grâce aux e-mails datés des mois d'avril et mai 2003 et à des relevés téléphoniques de mai, juin, juillet et août 2003 faisant apparaître de très nombreux appels à destination de numéros de téléphone appartenant à Mme C...;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement tant sur le prononcé du divorce aux torts exclusifs de M. Y... que sur le report de sa date d'effet et sur les mesures accessoires, étant observé que celles de publicité sont de droit en application de l'article 1082 du Nouveau Code de Procédure Civile qui commence en ces termes: « Mention du divorce ou de la séparation de corps est portée» et non pas «... peut être portée...»;
SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS
Attendu que c'est par des motifs pertinents que le Juge aux Affaires Familiales a déclaré recevable et bien fondée la demande de dommages et intérêts de Mme X...;
Que le montant alloué est toutefois insuffisant pour réparer le préjudice moral résultant pour elle des errements conjugaux patents de M. Y... qu'il a cherché en 1er instance et en appel, par un moyen de droit dont il aurait pu faire l'économie, à éluder alors qu'il n'articule contre elle aucun grief constituant une violation des devoirs et obligations du mariage, ce procédé rendant encore plus douloureux la situation;
Que le jugement sera donc réformé de ce chef;
Que, pour autant, il y a lieu de relever que Mme X... aura attendu près de 2 ans avant de tirer les conséquences de l'adultère de son époux et d'engager une procédure de divorce pour ce motif, ce qui relativise l'importance de son préjudice qu'elle voudrait voir réparer par l'allocation de la somme de 20 000 €;
Qu'il convient donc de limiter ses prétentions et de lui allouer la somme de 3000 € en réparation de son préjudice moral;
SUR LA PRESTATION COMPENSATOIRE
Attendu qu'aux termes des articles 270 et 271 du code civil, un époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité créée par la rupture du mariage dans leurs conditions de vie respectives et cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible;
Qu'avant de se fonder sur les insuffisances de la demande de prestation compensatoire de Mme X... tendant à l'attribution, à ce titre, de l'usufruit de l'immeuble ayant constitué le domicile conjugal et sur l'absence de toute demande subsidiaire pour la déclarer, improprement au demeurant, irrecevable pour ces motifs, il eut convenu que le Juge aux Affaires Familiales commençât par rechercher si la condition d'octroi d'une prestation compensatoire, à savoir l'existence d'une disparité, existait en l'espèce, ce qu'il n'a pas fait;
Que le jugement sera donc réformé sur ce point;
Attendu qu'il convient, en l'état de l'appel général de Mme X... et l'appel incident de M. Y..., qui font que le principe du divorce n'est pas définitivement acquis, de se situer à la date du présent arrêt pour rechercher, avant toute chose, si la rupture du mariage occasionne une disparité dans des conditions de vie respective des époux en défaveur, en l'occurrence, l'appelante ;
Que la référence faite par celle-ci aux revenus perçus en 2003 par son époux ne présente donc aucun intérêt de même que le rappel du déroulement de la vie familiale qui sera réputé, au vu des éléments du dossier, résulter d'un choix commun;
Attendu que M. Y..., retraité de l'armée, a perçu, à ce titre, en 2006, des revenus de 26 146 €, et non de 23 531 € comme il le prétend faussement en ne retenant que le revenu imposable retenu après abattement de 10 %, dont il n'est pas avéré qu'ils ont été complétés en 2006 et 2007 par d'autres revenus, non imposables, provenant de la poursuite d'une activité d'instructeur de réservistes;
Que, pour la même période de référence, les revenus de Mme X..., qui est également retraitée (mais de l'éducation nationale), se sont élevés, selon l'avis d'impôt 2006 produit, à la somme de 22 777 € à laquelle s'est ajoutée, la somme de 9 143 € sous la rubrique «pensions, retraites rentes», soit, avant abattement de 10 %, des revenus de 31 920 €;
Que, bien que les parties n'aient pas cru devoir actualiser leur situation en 2007, la Cour considère que, compte tenu de leur statut de retraité, leurs revenus sont restés sensiblement identiques hormis les éventuels réajustements d'usage destinés à compenser, plus ou moins, l'augmentation du coût de la vie et qu'en tout état de cause, le rapport entre ces revenus n'a pas varié;
Que, dans sa déclaration sur l'honneur du 12 juin 2006, Mme X... revendique un patrimoine mobilier propre de 15 455 € et ne fait état d'aucun patrimoine immobilier propre;
Que, dans sa déclaration sur l'honneur du 10 novembre 2005, M. Y... revendique un patrimoine mobilier propre de 4400 € et ne revendique aucun patrimoine immobilier propre;
Que leur patrimoine commun est constitué par l'immeuble ayant constitué le domicile conjugal sur lequel, sous réserve d'éventuelles récompenses susceptibles d'être revendiquées par l'un ou l'autre, ce qui ressort des opérations de liquidation partage à intervenir, ils ont des droits égaux;
Qu'en cet état, il n'apparaît pas que la rupture du mariage crée une disparité en défaveur de Mme X... qui sera donc déboutée de sa demande de prestation compensatoire;
POUR LE SURPLUS
Attendu qu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause;
Que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Que pour le motif exposé ci-dessus, chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens d'appel;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats non publics,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Confirme le jugement du 7 novembre 2006 en toutes ses dispositions à l'exception de celle déclarant irrecevable la demande de prestation compensatoire de Mme X... et de celle relative au montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués,
Le réformant de ces seuls chefs,
Déboute Mme Bernadette X... de sa demande de prestation compensatoire comme étant non fondée,
Condamne M. Stojan Y... à payer à Mme Bernadette X... la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts,
Déboute les parties de toute demande plus ample, contraire ou différente,
Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens d'appel.