CA MONTPELLIER RG 2008. 3731
24 MARS 2009
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel régulièrement interjeté par Madame Yamina X... épouse Y... d'un jugement rendu le 27 mars 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NARBONNE, qui l'a déboutée de ses demandes à l'encontre d'E. R. D. F. et condamnée aux dépens ;
Vu ses conclusions du 24 septembre 2008 tendant à confirmer le jugement en ce qu'il a exclu l'existence d'un mandat tacite apparent entre les époux Y...- X... ; l'infirmer pour le surplus ; dire que la convention signée entre EDF et Claude Y... le 15 / 05 / 1979 est nulle voire inexistante, à défaut pour lui d'être propriétaire de la parcelle sur laquelle il a consenti illégitimement une servitude de passage de lignes électriques aériennes, et ce de nullité absolue pour non respect d'une règle légale prescrite non pas dans un intérêt particulier mais dans un intérêt général ; que son action n'est pas prescrite, par application de l'ancien article 2262 du Code civil qui dispose que les actions en nullité absolue ne se prescrivent que par 30 ans notamment lorsqu'elles concernent un droit réel ; que l'article 1540 du Code civil exclut tout mandat tacite entre époux pour les actes de dispositions tels que la création d'une servitude ; condamner EDF à enlever sous astreinte toutes les installations électriques qui desservent la parcelle des époux A... situées sur la parcelle dont elle est propriétaire ; la condamner au paiement de la somme de 3 000 € au visa des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 18 févier 2009 par la SA ERDF, tendant à confirmer le jugement dont appel, dire et juger prescrite en conséquence l'action en annulation de la convention de passage du 15 / 05 / 1979 intentée par Madame X... ; subsidiairement, constater la validité de cette convention eu égard à l'existence d'un mandat apparent en faveur de Monsieur Y... au moment de sa signature et la débouter de ses demandes ; à titre très subsidiaire, relever d'office l'incompétence de la Cour d'Appel de Montpellier au profit du Tribunal administratif de Montpellier ; condamner Madame Yamina Y... à lui payer la somme de 3. 000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens ;
MOTIVATION
Madame Yamina X... a assigné la S. A. E. R. D. F. pour obtenir l'enlèvement de lignes électriques qui passent au-dessus de sa parcelle acquise par acte notarié des 25 juillet et 16 août 1979. Elle invoque la nullité, pour absence de consentement, de la convention conclue le 15 mai 1979 entre EDF et son mari Claude Y... qui n'avait aucun droit de propriété sur ce bien.
La société E. R. D. F. ne peut prétendre avoir cru en l'existence d'un mandat apparent de Madame X... dès lors qu'en présence d'un acte notarié signé uniquement par celle-ci, les conditions de l'apparence la dispensant de tout contrôle n'étaient pas réunies.
Dès lors qu'elle a été conclue avec une autre personne que la légitime propriétaire et non avec Madame X... qui n'a pu y consentir, la convention du 15 mai 1979 est nulle et de nul effet.
Par voie de conséquence, elle ne pouvait être ratifiée par l'absence d'action de sa part pendant plus de 16 ans.
Par ailleurs, cette nullité résultant de l'inexistence du consentement d'une personne à un contrat à laquelle elle n'était pas partie, il ne s'agit pas d'une nullité relative, protectrice du seul intérêt particulier de l'un des cocontractants et soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code Civil, laquelle ne concerne que les actions en nullité introduites par les parties contractantes, mais d'une nullité absolue et d'ordre public pour violation d'une règle prescrite dans un intérêt général, relevant de la prescription trentenaire de l'article 2262 du Code Civil. Madame X... ayant agi à l'intérieur de ce délai, son action n'est donc pas prescrite.
La convention en vertu de laquelle EDF a installé des lignes électriques sur son fonds étant censée n'avoir jamais existé, il en résulte qu'elle ne peut se prévaloir d'aucun droit ni titre l'y autorisant et que Madame X... est en conséquence fondée à réclamer leur suppression.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau, condamne la S. A. ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE à enlever toutes les installations électriques qui desservent la parcelle des époux A... situées sur la parcelle dont est propriétaire Madame Yasmina X... épouse Y..., et ce dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 300 € par jour de retard.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne S. A. E. R. D. F. aux dépens, ceux d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.