DV/ES
4° chambre sociale
ARRÊT DU 18 Novembre 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/08151
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 SEPTEMBRE 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
N° RG07/00670
APPELANT :
Monsieur [U] [E]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Christophe .ESCARGUEL (avocat au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SAS SPIE COMMUNICATIONS
prise en la personne de son représentant légal
Direction Régionale Sud-Est
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Gerbert .RAMBAUD (avocat au barreau de LYON)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 OCTOBRE 2009, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre
Monsieur Eric SENNA, Conseiller
Madame Nicole MORIAMEZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Madame Dominique VALLIER, Adjointe administrative f.f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [E] a été embauché le 19 août 1999 par la société MATRA MORTEL COMMUNICATIONS devenue SPIE COMMUNICATIONS par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ingénieur commercial catégorie cadre position IA coefficient 76 moyennant une rémunération fixe mensuelle de 1333,93 €, outre une part variable fixée selon un plan de rémunération annuel.
Par courrier AR du 29 décembre 2006, M. [E] formulait plusieurs réclamations auprès de son employeur qui portaient sur :
-le paiement des notes de frais du mois de janvier 2006 pour un montant de 4716,78€,
-la modification de son secteur géographique et son portefeuille clients,
-une demande relative à 10 jours de congés non transférés sur son compte épargne temps.
Il évoquait l'éventualité d'une prise d'acte de rupture de son contrat de travail dans l'hypothèse où l'employeur ne lui donnerait pas satisfaction.
Par courrier AR du 23 janvier 2007, M. [E], puis par l'intermédiaire de son conseil par courrier du 27 février 2007 a pris acte de la rupture de son contrat de travail comme suit :
« Vous n'avez pas donné de réponse positive à ma dernière correspondance et nous le regrettons. Nous vous confirmons, dès lors la prise d'acte définitive de rupture de mon client et ce à la date du 9 mars 2007... ».
Considérant que cette prise d'acte de la rupture avait les conséquences d'une démission, la SAS SPIE COMMUNICATIONS lui adressait par courrier du 29 mars 2007 les documents de fin de contrat.
Le 23 mars 2007, M. [E] a saisi le Conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de faire juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui par jugement du 22 septembre 2008 a considéré que la prise d'acte s'analysait comme une démission, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à son employeur la somme de 7022 € au titre de l'indemnité de préavis et un euro de dommages et intérêts.
Par courrier AR du 17 novembre 2008, M. [E] a formé régulièrement appel du jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'appelant demande à la Cour la réformation de la décision et qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il demande les sommes suivantes :
' 7022,77 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
' 702,27 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;
' 4 447,75 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
' 235 € au titre du résidu du compte épargne temps ;
' 48 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' 6 000 € au titre de l'article 700 du CPC;
au motif que :
-courant avril 2006, deux clients importants de son portefeuille du secteur de [Localité 5] lui ont été retirés sans préavis, ni explication de l'employeur et il lui a été fait interdiction de participer aux appels d'offres publics,
-courant juin 2006,le secteur de [Localité 5] lui est complétement retiré,
-s'il a bien accepté son plan de rémunération annuel variable pour l'année 2006, il n'a pas accepté les modifications de son portefeuille de clientèle et de son secteur géographique,
-ces modifications unilatérales avaient une incidence sur les composantes de la partie variable de sa rémunération,
-ses notes de frais du 1er semestre 2006 ne lui ont été réglées qu'au jour de l'audience de conciliation et l'employeur n'établit pas que les salariés devaient les adresser chaque fin de mois et en tout état de cause, le retard ne peut pas aboutir à un refus de prise en charge,
-il a bien fait une demande auprès de son employeur pour transférer un solde de dix jours de congés sur son compte épargne temps et l'employeur a refusé de traiter cette demande.
La SAS SPIE COMMUNICATIONS demande à la Cour la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du CPC;
au motif que :
-depuis 2003, M. [E] ne parvenait pas à atteindre ses objectifs, lesquels devaient être revus chaque année à la baisse,
-pour l'année 2005, les objectifs annuels ont été réduits et son secteur avait été modifié à sa demande,
-il a accepté le 18 mars 2006 le plan de rémunération variable pour l'année 2006 qui lui était proposé ainsi que les modifications de son portefeuille de clientèle résultant de 'Passeport commercial 2006" selon les mêmes modalités que les années précédentes,
-pendant toute l'année 2006, il a fait l'objet de rappel de son responsable de secteur au vu de ses résultats insuffisants,
-il n'était pas VRP et n'était pas propriétaire de son secteur,
-il ne respectait pas les délais pour la transmission de ses notes de frais malgré les nombreux rappels qui lui ont été faits,
-elle a bloqué le règlement des notes présentées tardivement et le salarié ne peut prendre acte de la rupture pour ce motif alors qu'il est à l'origine du problème,
-il n'a pas transmise sa demande d'alimentation du CET en temps utile et celle-ci n'a pas été prise en compte en application du règlement CET,
-aucun des griefs allégués n'est fondé.
Pour un plus ample exposé des faits et moyens des parties, la Cour renvoie expressément aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il impute à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiait, soit, dans le cas contraire, d'une démission;
Qu'il appartient au juge d'apprécier, si les manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat à ses torts;
Qu'en l'espèce, sur le second grief, il convient de relever d'une part, que le contrat de travail ne comportait pas de détermination du secteur géographique puisque celui-ci devait être défini par son responsable hiérarchique et d'autre part, que la part variable de la rémunération était fixée annuellement selon le plan de rémunération 1999 d'un commercial 'Chasse
Que par ailleurs, après sa mutation au mois de janvier 2002 auprès de la direction régionale Sud-Est, l'employeur lui notifiait pour les années 2002 et 2003 en sa qualité d'ingénieur commercial secteur, un plan de rémunération variable comportant les objectifs à atteindre ainsi que la fixation du montant de la rémunération variable et ces modalités de calcul sans que ce document ne précise le secteur considéré;
Que pour l'année 2002,l'employeur avait joint au plan de rémunération variable, la charte commerciale et son annexe qui comportait la définition du secteur confié à M. [E];
Que pour les années 2004 et 2005, le plan de rémunération variable comportait en outre, la détermination du secteur géographique, soit respectivement les départements de l'Aude et des Pyrénées Orientales et ensuite, le département de l'Hérault ainsi que l'intérim des départements de l'Aude et des Pyrénées Orientales;
Attendu que pour l'année 2006 alors que l'ensemble des objectifs étaient fixés à la hausse dans le plan de rémunération variable signé par le salarié le 18 avril 2006, aucune indication n'apparaît dans ce document contractuel sur le secteur géographique concerné;
Qu'ainsi, lorsque l'employeur n'envisageait pas de modification du portefeuille pour l'année concernée, il apparaît que le plan de rémunération variable notifié au salarié ne comportait aucun élément à cet égard et ce dernier se trouvait donc reconduit pour une nouvelle année, les changements affectant les objectifs à atteindre et le montant global de la rémunération variable ;
Qu'à cet égard, l'employeur ne soutient, ni ne démontre que pour l'année 2003, le secteur géographique qui était confié à l'appelant ait été modifié;
Que le document intitulé 'passeport commercial 2006" qui a été porté à la connaissance du salarié le 14 juin 2006 comporte un listing de clients du département de l'Hérault sans que n'y figure aucun client de [Localité 5];
Que le visa apposé par M [E] sur ce document ne peut s'analyser en un accord sur la réduction de son portefeuille pour le département de l'Hérault alors d'une part, que la fixation annuelle de la part variable était fixée contractuellement chaque année par la signature du plan de rémunération variable, lequel devait comporter l'ensemble des éléments qui étaient modifiés et que d'autre part, il apparaît que cette modification du secteur géographique et par voie de conséquence du portefeuille de clients, alors qu'il n'est pas contesté par l'intimée qu'il lui été retiré deux clients importants situés sur le secteur de [Localité 5], n'est intervenue que postérieurement en milieu d'année dans un contexte où M [Z], responsable de secteur ne cessait de mettre en garde M [E] sur l'insuffisance de ses résultats;
Que l'employeur a ainsi modifié unilatéralement des éléments permettant de déterminer la part variable de la rémunération du salarié sans respecter la procédure contractuelle mise en place dans l'entreprise;
Attendu par ailleurs, que si le dernier grief n'apparaît pas établi comme l'ont justement considéré les premiers juges, il en va autrement du premier grief dès lors que l'employeur ne justifie pas avoir établi une note de service dans l'entreprise prévoyant la perte du bénéfice du remboursement des notes de frais dès lors que la demande en remboursement du salarié était présentée au delà d'un mois ou de l'existence d'une disposition contractuelle ou conventionnelle en ce sens;
Que si le fait de présenter tardivement et de manière habituelle des notes
de frais pouvait être à l'origine de difficultés pour l'employeur dans le traitement comptable de ces demandes, ce dernier ne pouvait pas légitimement 'bloquer' comme il le soutient, leur remboursement dans le but d'exercer une pression sur le salarié pour qu'il modifie son comportement alors que dans le cadre de son pouvoir de direction, il lui était loisible d'organiser et de veiller à la transmission des notes de frais dans des délais raisonnables;
Que force est de constater, que l'appelant n'a été réglé de sa note de frais couvrant le 1er semestre 2006 qu'il a présentée au mois de juin 2006, que lors de l'audience devant le bureau de conciliation du 11 juin 2007 pour un montant total de 4716,78 € alors qu'il s'agissait d'une somme qui n'était pas contestée, ni dans son principe, ni dans son montant;
Attendu que la rupture du contrat de travail doit, en conséquence, être imputée à l'employeur dès lors qu'elle résulte de manquements graves à ses obligations contractuelles et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Que le jugement déféré sera donc infirmé et à ce titre, il convient d'allouer M. [E] une somme de 7022,77 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 702,27 € au titre des congés payés y afférents, outre la somme de 4447,75 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;
Que la Cour possède les éléments suffisants, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle
( 2465 €), de son âge (10/1957), de son ancienneté dans l'entreprise (6 ans et 9 mois), de l'effectif de celle-ci (+ de 11) et du fait qu'il justifie de sa situation de chômage non indemnisé jusqu'au 04 mars 2008 pour fixer son indemnisation, à la somme de 28000 € en application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail;
Attendu qu'il convient de faire droit à la demande de délivrance des documents de rupture rectifiés sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant, les frais exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens, évalués à la somme de 1000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
En la forme,
Reçoit M. [U] [E] en son appel;
Au fond,
Le déclare bien fondé,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau;
Dit que la rupture du contrat de travail de M. [U] [E] est imputable à la SAS SPIE COMMUNICATIONS et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS SPIE COMMUNICATIONS à lui payer les sommes de:
- 7022,77 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 702,27 € au titre des congés payés y afférents,
- 4447,75 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 28000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Lui ordonne de remettre à M. [U] [E], un certificat de travail et une attestation ASSEDIC rectifiés, conformes au présent arrêt dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt;
Déboute M. [U] [E] de ses autres demandes,
Condamne la SAS SPIE COMMUNICATIONS aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,