DV/MGCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 22 Septembre 2010
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/08616
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 NOVEMBRE 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER No RG08/01847
APPELANT :
Monsieur Eric X......34470 PEROLSReprésentant : la SCP KIRKYACHARIAN - YEHEZKIELY (avocats au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
Association DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE CITE SAINT MARTIN - LA TOUR7, rue du Grau34000 MONTPELLIERReprésentant : la SCPA LAFONT CARILLO GUIZARD (avocats au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 JUIN 2010, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de ChambreMadame Myriam GREGORI, ConseillèreMonsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Madame Dominique VALLIER, Adjointe administrative f.f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE :
Eric X... a été engagé par l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN à compter du 1er novembre 1987 en qualité de concierge.
Le 30 septembre 2008 il a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER aux fins d'obtenir paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la perte d'un avantage en nature sans contrepartie.
Par décision en date du 13 novembre 2009 le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de ses prétentions de ce chef.
Il a relevé appel de ce jugement.
Par ailleurs, en suite d'une visite médicale de reprise du travail après maladie en date du 17 décembre 2009, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : « Inaptitude définitive à son poste et à tout poste dans l'entreprise, prononcée en une seule visite, selon l'article R 4624-31 du code du travail. Danger immédiat pour la santé et la sécurité du salarié ou celle des tiers. Dernière visite d'entreprise (TOUR SAINT MARTIN) effectuée le 28 août 2009 ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 janvier 2010 l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN le convoquait à un entretien préalable pour le 18 janvier suivant, en vue de son éventuel licenciement.
Dans ce même courrier l'employeur lui indiquait qu'il n'existe pas d'autre poste de travail que celui qu'il occupait, mais que pour satisfaire à l'obligation légale de recherche de reclassement il lui propose un aménagement de son poste de travail, par un passage à un temps partiel, proposition refusée le 13 janvier par le salarié.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 janvier 2010, Eric X... se voyait notifier son licenciement pour inaptitude en ces termes :
"En notre qualité de syndic et donc au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires de la Tour de la cité St Martin, et faisant suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé en votre présence ce 18 janvier 2010,J'ai noté que vous refusiez notre proposition de reclassement sur le seul poste disponible à la Tour St Martin c'est-à-dire le poste de gardien concierge - employé d'immeuble avec un aménagement de votre temps de travail par un passage à temps partiel (caractéristiques complètes détaillées par le courrier de convocation à entretien préalable),Comme je vous l'ai indiqué j'ai même vérifié si d'autres copropriétés dont je suis également syndic pouvaient disposer d'un poste équivalent adapté à vos capacités, en vain,Nous sommes désormais contraints de vous licencier en raison de votre inaptitude physique constatée par avis du 17 décembre 2009 du médecin du travail lors de votre visite de reprise, étant donné que votre reclassement au sein de la copropriété s'est avéré impossible.Rappelons que cet avis d'inaptitude est ainsi libellé :"Inaptitude définitive à son poste et à tout poste dans l'entreprise, prononcée en une seule visite, selon l'article R 4624-31 du code du travail. Danger immédiat pour la santé et la sécurité du salarié ou celle des tiers. Dernière visite d'entreprise (Tour St Martin) effectuée le 28 août 2009"La date de première présentation du présent courrier par les services postaux fixera le point de départ de votre préavis d'une durée de deux mois, au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.Vu votre inaptitude totale, il ne vous est pas possible de travailler pendant une période couvrant celle du préavis qui en conséquence ne pourra donner lieu à indemnité compensatrice de préavis...".
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience, Eric X... expose que son contrat de travail prévoyait qu'il bénéficierait d'un logement de fonction de plus de 60 m², ledit logement représentant un avantage en nature ; que cette mise à disposition devait être assortie, en 1995, d'une clause très restrictive lui interdisant de recevoir, dans ce logement, toute autre personne que son épouse et ses enfants. Il indique avoir souhaité quitter son logement, mais que cet avantage n'a jamais été compensé financièrement. Il soutient qu'il doit être indemnisé de cette perte.
Par ailleurs, il avance que ses conditions de travail n'ont jamais cessé de se détériorer, ce qui a entraîné une dégradation de son état de santé, à tel point que le médecin du travail devait le déclarer inapte à son poste de travail.
Il fait valoir en outre la proposition manifestement déloyale de reclassement formalisée par son employeur dans le courrier de convocation à entretien préalable.
Il demande par conséquent à la Cour de réformer la décision entreprise s'agissant de la perte non compensée de son logement, de réparer le préjudice subi de ce fait et des restrictions apportées à ses libertés individuelles, de condamner l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN à lui verser la somme de 50 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que celle de 3719, 00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.
Il sollicite enfin l'allocation d'une somme de 2000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En réplique, l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN fait valoir que le contrat de travail régularisé par Eric X... était un contrat type édité par la FNAIM pour le poste de gardien concierge.
Elle indique qu'Eric X... a souhaité quitté son logement pour aller vivre dans une villa de sa famille et qu'il n'a posé aucune condition ni émis la moindre réserve à son départ de son logement de fonction ; qu'à l'époque, la copropriété a fait droit à sa demande pour lui être agréable. Elle ajoute que ce n'est que cinq ans plus tard qu'il a imaginé pouvoir se plaindre, mais pour réclamer une augmentation de salaire.
Elle conteste par conséquent une quelconque faute de sa part.
Elle conteste également la dégradation des conditions de travail du salarié et indique que celui-ci était toujours convié aux réunions du conseil syndical, que ses observations étaient toujours prises en compte et qu'il n'y a jamais eu de points d'accrochage ; qu'au contraire, la répartition de ses horaires avait été revue dans un sens souhaité par lui et ses tâches d'astreinte de gardiennage et d'entretien des espaces verts avaient été allégées.
Elle indique qu'elle n'a fait que tirer les conséquences de l'inaptitude de son salarié en lui proposant le seul poste de travail disponible, à savoir le sien, mais avec une réduction substantielle de son temps de travail.
Elle demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement dont appel, de débouter Eric X... de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui verser une somme de 1500, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de réparation du préjudice subi du fait de la perte de logement de fonction :
Force est de constater qu'Eric X... ne chiffre pas le montant de son préjudice de ce chef et ne formalise pas de demande de dommages et intérêts.
Sur le licenciement :
En application des dispositions des articles L 1152-1 et suivants du Code du Travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
En l'espèce aucune des pièces produites au débat par Eric X... n'établit ou ne permet d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un quelconque harcèlement.
En effet, les attestations versées au dossier font essentiellement référence à la bonne qualité du travail du salarié et des oppositions au sein du conseil syndical, particulièrement du fait de la famille A... ; qu'au contraire la lecture d'un compte rendu de conseil syndical en date du 10 octobre 2008 fait ressortir qu'Eric X... n'indique pas de problème particulier quant à ses moyens de travail et ses relations avec l'employeur ; que par ailleurs il apparaît que si les serrures ont été changées, le syndic lui a bien indiqué qu'il devait venir récupérer les clés, ce qu'il n'a pas fait étant en arrêt maladie comme il l'indique dans un courrier du 5 février 2009.
Aucun élément du dossier ne permet par conséquent d'imputer à des faits de harcèlement moral l'inaptitude dont le salarié a été atteint.
En revanche, en application des dispositions des articles L 1226-2 et suivants du Code du Travail, lorsque le salarié est déclaré inapte au poste de travail précédemment occupé, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail.
l'employeur dispose d'un délai d'un mois pour reclasser ou, à défaut, licencier le salarié faisant l'objet d'un avis d'inaptitude.
La recherche de reclassement doit être entreprise avant la mise en place de la procédure de licenciement, le licenciement ne pouvant intervenir qu'une fois constatée l'impossibilité de reclassement ou le refus du salarié d'un poste proposé.
Force est de constater en l'espèce d'une part que la proposition de reclassement n'a été faite que dans le corps de la lettre de convocation à entretien préalable, d'autre part que l'employeur ne démontre nullement s'être livré à une recherche sérieuse et loyale de reclassement dans la mesure où il n'a même pas pris la peine de contacter le médecin du travail pour savoir quelles tâches seraient susceptibles, ou non, d'être encore éventuellement réalisées par le salarié.
C'est ainsi à juste titre qu'Eric X... entend voir juger, en l'absence d'une véritable recherche de reclassement, que son licenciement notifié le 21 janvier 2010 est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur la réparation du préjudice du salarié :
Tenant l'ancienneté de plus de vingt deux ans d'Eric X... dans l'entreprise et le montant de ses salaires (1660, 00 euros), il convient d'une part de lui allouer la somme de 3320, 00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'autre part de fixer à la somme de 30 000, 00 euros la juste réparation de son préjudice.
Sur les frais irrépétibles :
En raison de l'issue du litige, l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Eric X... une somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré,
En la forme, reçoit l'appel principal d'Eric X....
Au fond,
confirme le jugement entrepris ;
AJOUTANT :- JUGE le licenciement d'Eric X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- CONDAMNE l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN à lui payer les sommes de :
3320, 00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents30 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Déboute Eric X... du surplus de ses prétentions ;
CONDAMNE l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN à payer à Eric X... la somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'Association SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE TOUR SAINT MARTIN aux éventuels dépens d'appel.