JONCTION AVEC LE No 10/ 1883
CB/ RBN COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 20 Octobre 2010
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01291
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 FEVRIER 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BEZIERS No RG08/ 00375
APPELANTE :
SARL CROS ET FISL prise en la personne de son représentant légal 19, rue des Artisans 34500 BEZIERS Représentant : la SCP MARTIN-PALIES-DEBERNARD-JULIEN-DAT (avocats au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
Madame Roberte X...... 34710 LESPIGNAN Représentant : la SCPA GUIRAUD LAFON PORTES (avocats au barreau de BEZIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 SEPTEMBRE 2010, en audience publique, Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président Madame Bernadette BERTHON, Conseillère Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme Roberte X... a été embauchée par la société (sarl) Cros et Fils le 1er juin 1980 et à compter du 2 août 1993 elle a exercée la fonction de VRP exclusif en exécution d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.
A la suite de la suspension de son contrat de travail pour une maladie, elle a été déclarée par la médecine du travail lors de la visite de reprise du 3 mars 2008 inapte de façon définitive à la reprise du travail à son poste, reprise qui constituerait un danger immédiat pour sa santé.
A la suite de la convocation du 27 mars 2008 et l'entretien préalable du 8 avril 2008 la société Cros et Fils notifie à Mme Roberte X... son licenciement le 11 avril 2008 dans les termes suivants : " Nous faisons suite à notre entretien du 8 avril 2008, au cours duquel nous vous avons exposé la raison pour laquelle nous étions amené à envisager la rupture de votre contrat de travail. En effet, à la suite de votre arrêt de travail pour maladie, le Médecin du travail, Madame Y..., vous a déclaré le 3 mars 2008, inapte au poste de représentant de commerce que vous occupiez alors dans l'entreprise ainsi qu'à tout poste au sein de l'entreprise. Le médecin du travail rappelait qu'en vertu de l'article R 241-51-1 du Code du travail la deuxième visite de reprise n'était pas nécessaire. Malgré l'avis du médecin du travail, nous avons néanmoins cherché à vous reclasser au sein de notre établissement. Ainsi, par courrier du 19 mars 2008, nous vous ayons proposé de-créer un poste en atelier à temps plein, qualification ouvrier manutentionnaire au taux de 8, 44 euros brut de l'heure. Cette création de poste était un effort de notre part, pour vous reclasser alors que les finances de la société nous obligent à ne pas alourdir la charge salariale. Nous avons également par courrier, du même jour, averti le médecin du Travail de cette proposition de reclassement qui nous a fait savoir que votre état ne permettait pas de proposer un reclassement au sein de notre entreprise. De votre coté, vous n'avez pas répondu favorablement à cette offre de reclassement. Cependant nous avons tout mis en œ uvre afin de vous reclasser car nous souhaitions vous garder au sein de notre effectif. Or, il s'avère effectivement qu'eu égard aux caractéristiques des emplois existants (à savoir un poste de gérant un poste de directeur. un poste de vendeuse, un poste d'ouvrier manutentionnaire, tous en contrat à curée indéterminée), et malgré la création d'un nouveau poste, un reclassement ne s'avère pas possible. Nous sommes, par conséquent, dans l'obligation de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour inaptitude qui prendra effet immédiatement dès la première présentation de cette lettre ".
Suivant décision du 3 février 2010 le Conseil de prud'hommes de Béziers statuant en formation de départage, saisi le 12 juin 2008 par Mme Roberte X..., condamne la société Cros et Fils à payer à Mme Roberte X... 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1. 879 euros pour licenciement irrégulier, 5. 637, 36 euros à titre d'indemnité de préavis outre 563, 73 euros au titre des congés payés y afférents, 7. 516, 51 euros à titre d'indemnité afférente à la clause de non concurrence, ordonne la remise par la société Cros et Fils de l'attestation ASSEDIC rectifiée sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours suivant la notification de la décision, déboute du surplus des demandes, ordonne l'exécution provisoire de la décision et condamne la société Cros et Fils aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Cros et Fils a régulièrement interjeté appel le 15 février et le 9 mars 2010 du jugement du Conseil de prud'hommes de Béziers qui lui a été notifié le 13 février 2010.
Aux termes de conclusions écrites soutenues oralement, la société Cros et Fils demande l'infirmation de la décision déférée, déclare s'en rapporter à justice sur la clause de non concurrence avec condamnation de Mme Roberte X..., outre aux entiers dépens, à lui payer 2. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de conclusions écrites soutenues oralement, Mme Roberte X... demande la confirmation de la décision déférée avec condamnation de la société Cros et Fils, outre aux entiers dépens, à lui payer 4. 593, 51 euros pour le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de décider que les sommes allouées porteront intérêt à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et 1. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture et les demandes pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse
L'absence de signature de la lettre de licenciement par une personne ayant pouvoir et qualité pour licencier en tant qu'employeur s'analyse en une absence de lettre et donc de motifs opposables au salarié dont le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse, la lettre devant comporter les éléments d'identification permettant, notamment, de vérifier qu'elle n'émane pas d'une personne étrangère à l'entreprise.
En l'espèce le courrier de licenciement du 11 avril 2008 ne comporte aucun élément permettant d'identifier son auteur, aucune signature et son caractère dactylographié, ainsi que le relève justement Mme Roberte X..., ne permet pas de suppléer cette absence, ne serait-ce que par une vérification et comparaison d'écritures.
Même si le seul défaut de signature manuscrite au bas de la lettre de licenciement peut également constituer une irrégularité formelle de la procédure de licenciement de nature à entraîner l'application des dispositions de l'article 1235-2 du Code du travail (anciennement L. 122-14-1 et L. 122-14-5) et sans qu'il soit utile en l'espèce de s'interroger sur le manquement de la société Cros et Fils dans son obligation de reclassement, le licenciement de Mme Roberte X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Même si Mme Roberte X... possède une ancienneté de plus de deux ans et peut cumuler l'indemnité pour irrégularité de la procédure avec celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Cros et Fils emploie habituellement moins de onze salariés.
Ainsi Mme Roberte X... peut prétendre à des indemnités correspondant aux préjudices subis.
Mme Roberte X..., née le 7 novembre 1952, a été employé du 1er juin 1980 au 11 avril 2008. Sa rémunération moyenne mensuelle brute pour les 12 derniers mois s'établit à la somme de 1. 879, 12 euros. Elle justifie ne pas avoir retrouvé d'emploi et être bénéficiaire au 28 février 2010 de la perception d'une allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant net journalier de 34, 30 euros.
Sa déclaration des revenus pour l'année 2008 établit qu'elle a perçu des revenus autres que salariaux pour un montant mensuel de 266 euros.
Ces éléments justifient la condamnation de la société Cros et Fils au paiement de la somme de 800 euros pour licenciement irrégulier et la confirmation de la condamnation au paiement d'une somme de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents
Compte tenu de son ancienneté et du montant de la rémunération moyenne mensuelle brute ci-dessus précisés, Mme Roberte X... est recevable et fondée à obtenir, par confirmation de la décision déférée, condamnation de la société Cros et Fils au paiement de 5. 637, 36 euros (1. 879, 12 euros X 3) à titre d'indemnité de préavis outre 563, 73 euros au titre des congés payés y afférents. Sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement
La société Cros et Fils est soumise aux dispositions de la convention collective des papiers et cartons (distribution et commerce de gros) et a calculé l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base de la convention collective applicable aux VRP.
Cependant lorsque l'employeur est assujetti à une convention collective applicable à l'entreprise, le VRP peut prétendre en tout état de cause à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si, bénéficiant de la convention, il avait été licencié, sauf l'hypothèse où les parties signataires de ladite convention qui en déterminent le champ d'application, excluent du bénéfice de ses dispositions les VRP.
Dès lors la société Cros et Fils ne peut utilement prétendre qu'en sa qualité de VRP Mme Roberte X... est exclu du bénéfice de la convention collective des papiers et cartons dans la mesure où aucune disposition expresse n'inclut les VRP dans son champ d'application.
Contrairement à ce qu'indique le premier juge l'article 1 de la convention collective nationale pour le personnel des industries de cartonnage qui ne portent que sur les intentions de la fédération française du cartonnage et des syndicats de salariés signataires d'établir des rapports de bonne entente et de parfaite loyauté entre tous les membres de la profession et ainsi d'harmoniser les règles générales du travail dans les entreprises de cartonnages n'excluent pas les VRP de son champ d'application.
Seul l'article 2 a pour objet de déterminer le champ d'application et est ainsi rédigé : " la présente convention conclue en application des chapitres Ier et II du titre III du livre Ier du code du travail est applicable à l'ensemble du territoire national, elle ne fait pas obstacle aux droits spécifiques de certaines régions administratives et/ ou aux usages locaux, elle règle les conditions générales des rapports entre employeurs et salariés, y compris les salariés à domicile employés dans les entreprises de fabrication de cartonnages entrant dans son champ d'application, elle s'applique également au personnel ne relevant pas directement de l'industrie du cartonnage, mais travaillant dans les entreprises liées par la présente convention, toutefois, en ce qui concerne les salariés dont l'emploi dans l'entreprise relève d'une autre industrie, leur classification et leurs rémunérations (salaires et primes) ne pourront en aucun cas être inférieures à celles dudit emploi dans cette autre industrie et cette convention s'appliquera aux ouvriers, employés, agents de maîtrise et cadres des deux sexes dont l'activité s'exerce dans les industries de la transformation du carton énumérées ci-après par référence à la nomenclature d'activité française (NAF) constituée par le décret no 921-29 du 2 octobre 1992 et entrée en vigueur au 1er janvier 1993.
Ces éléments caractérisent qu'aucune disposition n'exclut les VRP du champ d'application de la convention collective dont relève la société Cros et Fils et Mme Roberte X... est fondée à en solliciter l'application à son bénéfice pour le bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement, y étant prévu que tout salarié licencié avant soixante-cinq ans sans faute grave de sa part et comptant une ancienneté d'au moins deux ans bénéficiera d'une indemnité de licenciement distincte de l'indemnité de préavis, calculée sur la base, entre cinq et quinze ans d'ancienneté, d'un quart de mois par année de présence à compter de la date d'entrée dans l'établissement, que pour les salariés ayant plus de quinze ans d'ancienneté, il sera ajouté au chiffre précédent un dixième de mois par année de présence au-delà de quinze ans, que lorsque l'ancienneté du salarié comprendra un certain nombre de mois en sus du nombre d'années complètes, il en sera tenu compte pour le calcul de l'indemnité, que le chiffre obtenu en application des dispositions indiquées ci-dessus sera majoré d'autant de douzièmes de l'indemnité différentielle correspondant à une année supplémentaire que l'ancienneté du salarié comprendra de mois en sus du nombre d'années complètes, que pour ce calcul, il sera tenu compte de la période de préavis, que le préavis soit ou non travaillé, que le salaire pris en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement sera le salaire moyen de l'intéressé au cours des trois derniers mois d'activité précédant la rupture du contrat, primes, gratifications, avantages en nature compris, à l'exception des indemnités ayant un caractère bénévole et exceptionnel et des remboursements de frais et que l'indemnité de licenciement sera majorée de 15 p. 100 lorsque l'ouvrier congédié est âgé de plus de cinquante ans et de moins de cinquante-cinq ans, 25 p. 100 lorsque l'ouvrier congédié est âgé de plus de cinquante-cinq ans et de moins de soixante ans.
Ainsi que ci-dessus évoqué l'ancienneté conditionnant l'ouverture du droit doit être distinguée de celle prise en compte pour le calcul du montant de l'indemnité qui s'apprécie quant à elle à la date d'expiration normale du délai-congé, la première ayant pour point de départ la date de conclusion du contrat de travail rompu et pour point d'arrivée la date d'envoi de la lettre de licenciement.
Mme Roberte X..., employée du 1er juin 1980 au 11 avril 2008, a une ancienneté de 27 ans et 10 mois, est âgée de 56 ans au moment du licenciement et la durée du préavis est de trois mois, soit pour le calcul des sommes dues une période de 28 ans et un mois.
Dès lors le montant de l'indemnité de licenciement s'établit à la somme de 19. 515, 42 euros soit : (1 879, 12 x ¼ x 28) + (1 879, 12 x 1/ 10 x 13) + (1 879, 12 x 1/ 10 x 1/ 12) X 25 %.
Mme Roberte X... ayant déjà perçu à ce titre la somme de 14. 946 euros, sa demande d'un solde doit être accueillie pour la somme de 4. 569, 42 euros.
Sur la clause de non concurrence
Le contrat de travail de Mme Roberte X... stipulait une clause de non concurrence pour une période de un an, clause qui n'a pas été levée suite à la rupture du contrat de travail.
En application de l'article 17 de l'accord du 3 octobre 1975, Mme Roberte X... est donc fondée, par confirmation de la décision déférée, à solliciter l'octroi d'une indemnité de 7. 516, 51 euros (1 879, 12 x 1/ 3 x 12) à ce titre.
Sur les autres demandes et les dépens
Même si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, il ne peut être ordonné le remboursement par la société Cros et Fils aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la mesure où elle emploie habituellement moins de onze salariés.
Seules les sommes allouées pour l'indemnité de préavis, les congés payés et celles relatives à la clause de non concurrence qui ne présentent pas le caractère d'une créance indemnitaire peuvent produire intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.
Il convient d'ordonner la délivrance sans astreinte des bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC rectifiés selon les prescriptions de l'arrêt.
Les circonstances de l'espèce justifient qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
En raison de la solution apportée au présent litige et de l'issue du présent recours il convient de laisser les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Cros et Fils.
PAR CES MOTIFS
Par mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours ordonne le jonction des instances RG 10/ 01883 et 10/ 01291
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exclusion de celles relatives à l'astreinte, à la demande de solde pour l'indemnité de licenciement et au montant de l'indemnisation pour licenciement irrégulier qui sont réformées,
Condamne la société Cros et Fils à payer à Mme Roberte X... la somme de 800 euros pour l'indemnité de licenciement irrégulier et celle de 4. 569, 42 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
Dit n'y avoir lieu d'assortir d'une astreinte la condamnation de la société Cros et Fils à remettre les bulletins de salaire, l'Attestation Assedic et le certificat de travail,
Y ajoutant,
Décide que seules les sommes allouées pour l'indemnité de préavis, les congés payés afférents et la clause de non concurrence produiront intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2008,
Condamne la société Cros et Fils à payer à Mme Roberte X... la somme de 1. 000 euros pour l'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail,
Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Cros et Fils.