No 10/ 03563
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Procédure de réparation à raison d'une détention Audience du 13 OCTOBRE 2011
ORDONNANCE No
Nous, Eric SENNA, Conseiller, désigné par Ordonnance de Monsieur le Premier Président, assisté de M. Philippe CLUZEL, Greffier lors des débats et lors du prononcé
dans l'affaire entre :
D'UNE PART :
Monsieur Lhassan X... Chez M. Ahmed X...... 66000 PERPIGNAN représenté par Me Ophélia RAMEH, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES Convocations par LRAR
et
D'AUTRE PART :
MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR Direction des Affaires Juridiques du MINISTERE DE L'ECONOMIE Bâtiment Condorcet 6 rue Louise Weiss 353 75703 PARIS CEDEX 13 représenté par la SCP DENEL-GUILLEMAIN-RIEU, avocats au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me GUILLEMAIN, avocat Convocations par LRAR
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL Cour d'Appel de MONTPELLIER Représenté par Monsieur DENIER, Avocat Général Avis d'Audience
Audience publique du 08 Septembre 2011
Après avoir mis l'affaire en délibéré au 14/ 04/ 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Avons rendu à cette date la décision suivante :
Statuant sur la requête de Monsieur Lhassan X... déposée par Me Ophélia RAMEH, avocat au barreau de Perpignan et enregistrée au Greffe de la Cour d'appel de Montpellier le 07/ 05/ 2010 sous le numéro 10/ 3563.
Vu la transmission du dossier au Procureur Général de la Cour d'Appel de Montpellier le 17/ 01/ 2011.
Vu la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes complétée la par la loi no 2000-1354 du 30 décembre 2000 et le décret No 2000-1204 du 12 décembre 2000 ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique ; le Conseil du demandeur ne s'y étant pas opposé ;
Vu les pièces jointes à la requête ;
Vu la notification de la requête par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'Agent judiciaire du Trésor Public le 09/ 11/ 2010 ;
Vu les conclusions de Maître GUILLEMAIN avocat de l'Agent judiciaire du Trésor du 06/ 01/ 2011 notifiées le 17/ 01/ 2011 à l'avocat du requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général prés la Cour d'appel du 23/ 02/ 2011 notifiées le 24/ 02/ 2011 aux avocats des parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
Vu la lettre recommandée avec demande d'avis de réception par laquelle a été notifiée la date d'audience fixée au 08/ 09/ 2011 à 9 heures ;
Vu les observations de Maître RAMEH avocat du requérant, de Maître GUILLEMAIN avocat, représentant l'Agent judiciaire du Trésor public, de Monsieur DENIER, Avocat Général ; l'avocat du requérant ayant eu la parole le dernier.
Vu le rapport oral à l'audience du Président.
SUR CE :
Attendu qu'il résulte du dossier de procédure, que Monsieur Lhassan X... a été placé en détention provisoire du 26 mai 2009 au 18 août 2009 ;
Que par ordonnance du 18 décembre 2009, M. X... a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire ;
Que ce dernier a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu rendue le 4 décembre 2009 par le juge d'instruction de Perpignan ;
Attendu que ce dernier réclame en réparation du préjudice subi pour une incarcération non justifiée de quatre vingt deux jours les sommes de 12. 000 € en réparation du préjudice moral, de 5. 280, 26 € en réparation du préjudice matériel, de 464 € en remboursement de frais de déplacement et de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que cette demande est recevable et fondée en son principe, les conditions posées par les articles 149 et R 26 du Code de procédure pénale étant réunies dès lors que le jugement de relaxe est définitif et que la requête a été formée dans le délai de six mois ;
Que cependant seuls les préjudices personnels directement liés à la privation de liberté sont susceptibles d'être réparés ;
Sur le préjudice matériel
Attendu que le requérant soutient en premier lieu, qu'il a travaillé comme intérimaire pour la SAS PROMAN à compter du 20 avril 2009, que sa mission devait prendre fin le 29 mai 2009 et était renouvelable jusqu'au 29 juillet 2009, qu'à cet effet, il a versé au dossier de la procédure diverses pièces, avis d'imposition de 2005 à 2007, et des bulletins de salaires pour les mois de juin et juillet 2008 et mars 2009, qui si celles-ci attestent de la réalité d'une activité professionnelle irrégulière comme intérimaire, elles ne permettent pas d'établir avec certitude que le requérant travaillait effectivement au moment de sa mise en détention ou avait travaillé au delà du 6 mars 2009 ;
Que les attestations versées aux débats établies par M. Xavier Z... le 22 janvier 2010 se présentant comme salarié de la Sté PROMAN et par M. Christian A..., sans indication de date, se présentant comme l'entreprise utilisatrice, ne peuvent venir suppléer la production des documents sociaux obligatoires tels que contrat de mission d'intérim, bulletins de paie et certificat de travail pour la période considérée du 20 avril jusqu'au 26 mai 2009 alors que les attestants gardent le silence sur les motifs qui expliqueraient le défaut de ces documents qui permettent seuls d'établir l'existence d'une relation de travail salariée ;
Que par suite, cette demande sera rejetée tout comme celle tenant à la perte de chance d'obtenir un recrutement sous la forme d'un contrat à durée indéterminée ;
Attendu en second lieu, qu'il n'apparaît nullement établi, en l'absence de tout certificat médical, que les dépenses d'optique dont il est demandé le remboursement, soient en lien direct avec la détention ; que cette demande sera également écartée ;
Attendu en dernier lieu, que les frais de déplacement assumés par ses parents pour venir lui rendre visite à la maison d'arrêt n'ont pas été exposés personnellement par le requérant et il y a lieu, par conséquent, de le débouter de cette demande ;
Sur le préjudice moral
Attendu que Monsieur X... a été détenu à la maison d'arrêt de Villeneuve les Maguelones pendant une période de quatre vingt cinq jours et cette détention a nécessairement entraîné pour lui un préjudice moral ;
Qu'il convient de relever, qu'il s'agissait d'une première incarcération alors qu'il était âgé de 24 ans et qu'il était célibataire sans enfant et était domicilié chez ses parents à Perpignan ;
Que le lieu de détention situé près de Montpellier était éloigné du domicile familial ;
Que Monsieur X... n'avait aucun antécédent judiciaire et avait une activité professionnelle irrégulière ;
Qu'au vu de ces éléments d'appréciation, il convient de lui allouer la somme de 6500 € en réparation de son préjudice moral ;
Sur les frais de procédure
Attendu que seuls les honoraires d'avocat afférents au contentieux de la détention peuvent être indemnisés dans le cadre de la présente procédure ;
Que les deux factures d'honoraires en date du 19 juin 2009 et du 18 août 2009 qui sont produites, font apparaître chacune un lien direct avec le contentieux de la détention ;
Qu'il n'entre pas dans la compétence de cette juridiction de rechercher, si celles-ci ont été acquittées et selon quelles modalités ;
Que, dans ces conditions, il convient de faire droit à cette demande pour un montant de 3588 € ;
Sur les frais irrépétibles
Attendu qu'il convient de rappeler, que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile sont applicables devant cette juridiction, laquelle doit statuer en équité sans qu'il y ait lieu comme le soutient l'agent judiciaire du Trésor public, à justification préalable d'une facture d'honoraires par le conseil du requérant ;
Qu'il convient en la cause de lui allouer au titre des frais irrépétibles la somme de 1000 € ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et en premier ressort,
Déclarons la requête recevable,
En conséquence,
Allouons à Monsieur Lhassan X... les sommes de :
-6500 € en réparation du préjudice moral,-3588 € au titre des frais de procédure,-1000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure Civile ;
Le déboutons de ses autres demandes,
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé le 13 octobre 2011 par Eric SENNA, Président.
Le Greffier Le Président