SD/PDH
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04313
Arrêt no :
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 FEVRIER 2010 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON - No RG 20700134
APPELANTE :
URSSAF DE L'AVEYRONAvenue de BourranBP 312412031 RODEZ CEDEX 9Représentant : SCP NEGRE substituant Me Christiane RANDAVEL (avocat au barreau de RODEZ)
INTIMEE :
SAS SOTOURDI, prise en la personne de son représentant légalLotissement de Vaxergue12400 SAINT AFFRIQUEReprésentant :Me CREPET de la SCP DUBLANCHE (avocats au barreau de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 JUIN 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de ChambreMadame Bernadette BERTHON, ConseillèreMonsieur Robert BELLETTI, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
L'URSSAF de l'Aveyron a adressé à la SAS SOTOURDI qui exploite un supermarché à Saint Afrique, une lettre d'observations datée du 9 octobre 2006 lui notifiant un rappel de cotisations de 62 337 € après vérification des allégements et réductions suite à un « accord Aubry 2 » portant sur la période du 1er janvier 2003 au 30 juin 2006.
Par lettre recommandée du 8 novembre 2006, la société SOTOURDI a contesté le redressement que l'URSSAF a maintenu par lettre du 6 décembre 2006, puis a adressé le 14 décembre 2006 à la société une mise en demeure de payer la somme de 80 824 € dont 18 487 € de majorations.
La commission de recours amiable compétente, saisie par la société, a, dans sa séance du 29 juin 2007, rejeté le recours de cette dernière et validé le redressement.
La SAS SOTOURDI a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'AVEYRON lequel, par jugement du 26 février 2010 a annulé le redressement, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de l'URSSAF.
Par lettre recommandée du 20 mai 2010, l'URSSAF de l'Aveyron a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 10 mai 2010.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
L'appelante demande à la cour de d'infirmer le jugement déféré, de valider le redressement effectué et de condamner la société intimée à lui payer la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle soutient en substance :- que la société a appliqué l'allégement AUBRY II suivant les dispositions de l'article L 241-13-1 du code de la sécurité sociale, du 01/01/2003 au 30/06/2003, puis l'allégement FILLON majoré qui lui a succédé du 01/07/2003 au 30/06/2005 ;- que lors de son contrôle dans l'entreprise, l'inspecteur de l'Urssaf qui a constaté des anomalies quant à l'application de l'accord AUBRY II fixant la durée du travail à 35 heures, a sollicité l'avis de la DDTEFP sur une éventuelle suppression des allégements, procédure prévue par le décret no 2000-150 du 23 février 2000 ;- que la DDTEFP ayant, par courrier du 20 juin 2006, informé les services de l'Urssaf de son accord sans réserve quant à la procédure de suppression des allégements AUBRY II et FILLON, l'inspecteur de l'Urssaf a opéré la régularisation sur la période concernée, supprimant l'allégement AUBRY II et recalculant la réduction bas salaire ouverte à tous les employeurs et supprimant la majoration de FILLON uniquement applicable aux employeurs bénéficiant d'AUBRY II ;- que l'inspecteur de l'Urssaf, dans sa notification du 9 octobre 2006, précise les irrégularités qu'il a constaté, et suite à la contestation de la société, a donné une réponse circonstanciée ;- que le procès verbal établi par les agents de contrôle fait foi jusqu'à preuve contraire et la société SOTOURDI se dispense d'apporter une quelconque preuve du respect de la durée collective du travail telle que prévue par l'accord AUBRY II ;- que la procédure de suppression de l'allégement prévue par le décret du 23 février 2000 a été respectée, l'avis de l'autorité administrative ayant été adressé deux fois à l'employeur, d'abord avec la notification des observations, puis avec la réponse à contestation.
La société intimée demande à la cour de confirmer le jugement déféré.
Elle fait valoir essentiellement pour sa part :- que le vérificateur a reconstitué unilatéralement un tableau purement théorique pour en conclure à un rappel de cotisations de 62 337 € en se fondant sur de pures affirmations sans élément de preuve ;- que l'inspecteur ne précise pas les « irrégularités relevées sur le nombre d'heures de travail accomplies par les salariés dans l'entreprise », ajoutant seulement que le « volume des heures supplémentaires dépasse nettement le contingent mentionné dans l'accord » AUBRY, ce qui ne constitue pas une preuve ;- que pour affirmer qu' « une part de cet excédent d'heures…est payée et non déclarée », le vérificateur ne peut se contenter d'un tableau théorique construit par lui, sans autre élément probant ; que le seul exemple cité de « ces irrégularités » selon le vérificateur tient dans une décision de la cour d'appel de Montpellier concernant un seul problème rencontré avec un salarié, et sans préciser la nature de la discussion devant la cour ; qu'il s'agit d'un cas isolé concernant une personne en difficulté avec l'entreprise depuis le début alors qu'elle n'a été employé que huit mois seulement, qui a cru devoir saisir le conseil de prud'hommes lequel l'a débouté de son action ; que sur appel, la cour s'est contentée de rappeler le revirement de jurisprudence de la cour de cassation qui fait incomber désormais à l'employeur de fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectués par le salarié lequel de son côté, succombe dans la charge de la preuve des prétendues heures supplémentaires qu'il aurait accomplies ; que c'est sur la base d'un agenda tenu par le salarié lui-même, ce qui n'est en rien une preuve et deux attestations de complaisance que la cour a cru devoir infliger à la société la charge de 12 935€ d'heures supplémentaires qui n'ont en réalité jamais été effectuées par le salarié ; que la condamnation de la société n'a été prononcée non pas au vu des preuves apportées par le salarié, mais du fait de la carence de la société (selon la cour) qui s'est fort mal défendue en s'abritant derrière le contrat forfaitaire conclu avec le dit salarié ; que la simple comparaison du nombre d'heures dites supplémentaires par rapport au nombre de mois de salariat dans l'entreprise de cet employé démontre que le chiffre retenu par la cour est impossible ; qu'il est matériellement impossible à un salarié employé pendant huit mois de réaliser en plus de son travail quotidien 12 935 € d'heures supplémentaires non payées et non déclarées ; que c'est à partir de cette ineptie, procédant d'un arrêt peu motivé visant un cas unique que le vérificateur a appliqué par amalgame et multiplicateur le raisonnement à l'entièreté du personnel de l'entreprise ;- que cette absence de constatation réelle et de discussion démontre la carence de la charge imputée par le vérificateur qui, par un simple syllogisme, croît pouvoir conclure que du fait qu'il a sollicité avis auprès de la DDT en vue de la suppression de l'allégement AUBRY 2 et FILLON, dont il ne fournit pas l'exemplaire motivé en annexe de la notification et qu'il a reçu une réponse favorable, par effet d'automatisme en conclut à la preuve de ce qu'il affirme ;- que si les salariés dans un supermarché structuré accomplissaient tous autant d'heures supplémentaires dites non déclarées et non payées, aucun n'aurait attendu un contrôle de l'Urssaf pour saisir les juridictions d'une telle anomalie dans de telles proportions ;- que non seulement le contrôle n'est assorti d'aucun témoignage, déclaration de salaire, d'aucune enquête visant à corroborer une affirmation purement théorique, mais la vérification a totalement négligé l'existence d'une pointeuse qui permet de clarifier la situation, sous réserve des ajustements nécessaires ; qu'à aucun moment, le contrôleur ne vise cet élément et n'en tire de conclusion ou de démonstration par l'exploitation ;- que si l'Urssaf cite un jugement rendu par le conseil de prud'hommes pour asseoir la preuve de l'existence d'heures supplémentaires, il est aisé de citer en sens contraire un autre jugement du conseil de prud'hommes de MILLAU dans une affaire opposant la société à un salarié qui après avoir démissionné le 24 décembre 2003 a été débouté de sa demande d'heures supplémentaires par jugement du 13 mars 2006 ;- qu'en définitive, compte tenu de l'absence de preuve, de l'absence de constatations contradictoires et en l'état d'un calcul purement théorique non assorti d'éléments de preuves, d'une procédure suivie par le vérificateur contraire aux principes généraux et aux dispositions essentielles de la procédure de vérification, c'est à juste titre que le premier juge a annulé le redressement.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites reprises oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Le jugement déféré doit être confirmé, même si en application des dispositions de l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale, les procès verbaux dressés par les agents chargés du contrôle, assermentés et agréés, font foi jusqu'à preuve contraire et que l'Urssaf appelante a recueilli le rapport ou l'avis prévu au XVI de l'article 19 de la loi no2000-37 du 19 janvier 2000, tel que mentionné à l'article 7 du décret no 2000-150 du 23 février 2000.
En effet, dans sa lettre d'observations du 9 octobre 2006, l'inspecteur de l'Urssaf après avoir relevé qu'un accord Aubry 2 s'inscrivant dans le cadre de la loi no2000-37 du 19 janvier 2000 a été signé dans l'entreprise le 22 juin 2001 avec date d'application déclarée au 25 juin 2001, indique que des « irrégularités ont été relevées sur le nombre d'heures de travail accompli par les salariés dans l'entreprise », que « la réalité du temps de travail censé être dans le champ d'application de l'accord applicable à compter du 25 juin 2001 a été examiné au cours du contrôle » et que « le nombre d'heures déclaré dans les bulletins confronté avec les relevés mensuels d'heures effectives par le salarié a révélé la situation suivante : L'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective de travail manifestement supérieure à l'accord Aubry . Le volume des heures supplémentaires effectué dépasse nettement le contingent mentionné dans l'accord ( du 22 juin 2001). Une part de cet excédent d'heures est payé sous forme de primes ou en heures complémentaires/supplémentaires, une autre est non payée et non déclarée ».
Alors qu'il n'est pas mentionné, dans la lettre d'observations du 9 octobre 2006, les bulletins de salaire et les relevés mensuels d'heures effectuées qui ont été consulté par le vérificateur, ni les salariés de l'entreprise concernés par un dépassement du volume d'heures supplémentaires par rapport au contingent mentionné dans l'accord signé le 22 juin 2001 (lequel n'est d'ailleurs pas produit aux débats), l'inspecteur de l'Urssaf, dans sa lettre d'observations, prend comme seul exemple des « irrégularités diverses » constatées, un arrêt de cette cour (chambre sociale) du 24 mai 2006 ayant condamné la société SOTOURDI à payer à Jean Bernard Y..., salarié de la dite société, une somme de 12 935,55 € à titre d'heures supplémentaires, celle de 1293,55 € à titre de congés payés sur heures supplémentaires, celle de 11 335,74 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé et celle de 8874,30€ à titre de dommages et intérêts pour perte du droit à repos compensateur ; or, alors que la période visée dans le contrôle est celle du 1er janvier 2003 au 30 juin 2005, il ressort de cet arrêt que le litige qui opposait les parties au titre des heures supplémentaires portait sur la période du 22 avril 2002 au 14 décembre 2002 ; qu'ainsi ce seul exemple ne concerne pas la période, objet du contrôle (période du 1er janvier 2003 au 30 juin 2005).
Dans le cadre de son appel, l'Urssaf verse par ailleurs un jugement du tribunal correctionnel de Millau en date du 25 juin 2004 ayant condamné notamment la société SOTOURDI pour, d'une part avoir employé des salariés en se soustrayant intentionnellement à l'obligation de mentionner sur leur bulletin de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué et d'autre part prêté de la main d'œuvre à des fins lucratives hors du cadre légal de travail temporaire ; que cependant les faits pour lesquels la société SOTOURDI a été pénalement sanctionné concernent la période située entre le 1er mai 1997 et le 1er janvier 2003, soit antérieurement à la période ayant fait l'objet du contrôle réalisé par l'Urssaf le 9 octobre 2006.
De même, le jugement du conseil de prud'hommes de Millau du 13 mars 2006 cité par l'Urssaf dans ses conclusions porte sur des heures supplémentaires pour une période antérieure à celle ayant fait l'objet du contrôle ; qu'au demeurant, le salarié a été débouté de sa demande, le juge prud'homal ayant retenu que le salarié avait reconnu en septembre 2002 avoir été entièrement réglé des heures accomplies.
Par suite, c'est à juste titre que le premier juge a annulé le redressement en retenant que les irrégularités commises par la société SOTOURDI pour la période antérieure au 1er janvier 2003 ne pouvaient justifier de l'existence d'irrégularités pour la période du 1er janvier 2003 au 30 juin 2005.
Enfin, la cour considère qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et que les dépens d'appel doivent être laissé à la charge de la partie appelante.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article R-144-10 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale.
Laisse les dépens d'appel à la charge de l'appelante.
LE GREFFIER LE PRESIDENT