BR/ YRCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 18 Janvier 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00195
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE No RG10/ 00133
APPELANTE :
Madame Catherine X...
...
31000 TOULOUSE
Représentant : Me Pascale BENHAMOU (avocat au barreau de TOULOUSE)
INTIMEE :
SARL SMITHERS OASIS FRANCE
prise en la personne de son représentant légal
20 rue de Labaroche
67100 STRASBOURG
Représentant : la SCP MOYON-VIRELIZIER SCHLECHT RADIUS (avocats au barreau de STRASBOURG)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 NOVEMBRE 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Mme Catherine X... était engagée le 1er septembre 1986 par la société X... SA, entreprise familiale fabricant de la mousse polyuréthane pique-fleurs.
Son contrat était transféré en juillet 1992 à la société Smiters Oasis France SARL (la société) spécialisée dans la fabrication de mousse phénotique et dans la vente d'accessoires destinés aux fleuristes à la suite du rachat de la société X... par celle-ci.
Aux termes d'un « contrat de travail » signé le 1er avril 1993, elle bénéficiait du « statut cadre, niveau V, échelon B, coefficient 335 de la convention collective nationale de la transformation des matières plastiques » avec comme attribution « notamment la responsabilité du bureau de Saint-Martin Lalande ».
Elle exerçait en dernier lieu le poste de « responsable achats et administration du personnel » moyennant une rémunération mensuelle moyenne brute de 3963, 97 €.
Convoquée à un entretien préalable le 2 mai 2007, Mme X... était licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec AR du 26 mai 2007 rédigée de la façon suivante :
".../... Comme vous le savez et ainsi qu'il vous a été exposé lors de cet entretien, l'entreprise a de mauvais résultats et subit actuellement des pertes financières importantes.
Cette situation financière est l'une des conséquences de la baisse du volume des commandes impliquant un fonctionnement de plus en plus ralenti de notre entité de production de Saint-Martin.
La baisse de rentabilité et l'évolution négative du marché actuel nous contraignent à réduire les coûts afin de sauvegarder la compétitivité, voire la pérennité de l'entreprise.
Du fait de la baisse d'activité et des mauvais résultats constatés, nous sommes amenés à supprimer votre poste d'acheteur qui ne se justifie plus et vos fonctions seront réparties entre un autre salarié et la soussignée.
Vous avez refusé par écrit notre proposition de reclassement dans notre groupe qui vous a été faite le 2 avril 2007, de sorte que nous n'avons pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement.
Vous nous avez encore confirmé votre refus de notre offre de reclassement lors de l'entretien préalable (...)
Pour vous faciliter la recherche d'un nouvel emploi, nous entendons vous dispenser d'effectuer votre préavis jusqu'à la rupture de votre contrat de travail.../... ".
Estimant cette rupture abusive, Mme X... saisissait le conseil de prud'hommes de Carcassonne.
Après une vaine tentative de conciliation le 9 septembre 2009, l'affaire était fixée devant le bureau de jugement à l'audience du 20 janvier 2010 puis renvoyée à celle du 5 mai 2010 à la demande des parties.
À l'issue de cette audience, le bureau de jugement constatait la caducité de la citation.
Le conseil de Mme X... ayant sollicité le relevé de cette caducité par courrier du 19 mai 2010, le conseil de prud'hommes, par jugement du 15 décembre 2010, refusait cette demande " appuyée par des motifs non légitimes " et déboutait les parties " de leurs autres demandes ".
Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d'appel le 10 juin 2011 Mme X... interjetait appel de cette décision.
Elle demande à la cour de dire que " la décision déférée est illégale en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes et non constaté leur irrecevabilité " et :
- à titre principal d'infirmer le jugement de déclaration de caducité du 5 mai 2010 et par voie de conséquence nécessaire celui du 14 décembre 2010 refusant de la rapporter, déclarer ses demandes recevables et statuer au fond par évocation, déclarer l'action non prescrite, juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui payer :
• 100 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
• 15 000 € de dommages-intérêts pour violation de ses obligations contractuelles et de son obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail ;
• 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- à titre infiniment subsidiaire, renvoyer l'affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Carcassonne section encadrement en raison de la réitération de la demande conformément à l'article R 1454-21 du code du travail.
La société conclut à titre principal à la confirmation du jugement sur la caducité en application de l'article 468 du code de procédure civile, à titre subsidiaire à la régularité et au bien-fondé du licenciement économique en raison de la suppression du poste de l'appelante, au débouté de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer 6000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la caducité.
Il résulte des dispositions de l'article 468 du code de procédure civile que " Si, sans motif légitime, le demandeur ne comparait pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.
Le juge peut aussi, même d'office, déclarer la citation caduque. La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de 15 jours le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile. Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure ".
Dès lors que le demandeur a initialement comparu devant le bureau de conciliation puis le bureau de jugement, sa non comparution à l'audience ultérieure à laquelle les débats sur le fond ont été renvoyés ne constituait pas une cause de caducité de la citation.
L'infirmation du jugement de déclaration de caducité entraîne par voie de conséquence nécessaire celle du jugement refusant de rapporter cette déclaration.
Sur la rupture.
Le licenciement pour motif économique doit, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail :
avoir une cause affectant l'entreprise parmi les " difficultés économiques ", les " mutations technologique " ou la " réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activité " ;
avoir une conséquence, soit sur l'emploi (suppression ou transformation), soit sur le contrat de travail (modification).
Lorsque l'employeur invoque un motif économique pour rompre le contrat de travail, la lettre de licenciement doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde sa décision et ses conséquences précises sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.
Il est constant que, comme la « Note d'information portant sur le projet de licenciement économique » soumis aux représentants du personnel, la lettre de licenciement n'évoque que la suppression du poste de " Cadre-acheteur " alors que, outre ces fonctions, Mme X... exerçait celles liées à l'administration du personnel comme en attestent son contrat de travail, la description du poste, les bulletins de salaire, les entretiens d'évaluation, l'attestation destinée à l'ASSEDIC et le courrier de l'employeur en date du 26 février 2007 précisant " Le poste occupé par Cathy X... est un poste de responsable achats et administration du personnel. Elle a, entre autres responsabilités, la charge des achats de produits et matières premières, la gestion des approvisionnements et l'administration du personnel ".
Seule une partie de ses fonctions étant concernée par la réorganisation de l'entreprise, la salariée est fondée à soutenir que son poste n'a pas été supprimé contrairement à ce que prétend l'employeur et que le licenciement est, de ce seul fait, sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de son âge (41 ans) et de son ancienneté (20 ans) à la date de la rupture, du montant de sa rémunération, de la justification des nombreuses démarches entreprises pour rechercher un emploi alors qu'elle était inscrite comme demandeur d'emploi et des liens particuliers qui l'attachaient à une entreprise créée par son père, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi à la somme de 95 000 € sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, nette de tout prélèvement pour le salarié.
Par ailleurs la salariée justifie que l'annonce de son licenciement est intervenu brutalement, quelques jours seulement après que son compagnon ait démissionné de l'entreprise, alors que la société s'était engagée à financer une formation qualifiante en achats comme en attestent les documents et correspondances échangées entre les parties visés pages 19 à 23 de ses conclusions.
La légèreté blâmable manifestée par l'employeur à cette occasion est à l'origine d'un préjudice moral incontestable que la cour est en mesure d'évaluer à 15 000 € en considération des responsabilités exercées par l'appelante dans l'entreprise et des appréciations louangeuses portées sur les conditions d'exécution du contrat de travail jusqu'à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.
PAR CES MOTIFS
La cour ;
Infirme le jugement rendu par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Carcassonne le 15 décembre 2010 ;
Et, statuant à nouveau sur le tout ;
Dit les demandes de Mme X... recevables ;
Dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Smithers Oasis Franceà payer à Mme X... :
• 95 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans motif, somme nette de tout prélèvement pour le salarié ;
• 15 000 € de dommages-intérêts en raison des circonstances de la rupture et de l'exécution déloyale du contrat de travail
La condamne en outre aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,