COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1e Chambre Section C
ARRÊT DU 26 MARS 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01445
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 MAI 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN N RG 09/ 01536
APPELANTE :
Madame Ginette X... épouse Y... née le 10 Novembre 1932 à Gardanne (13) de nationalité Française...... 66000 PERPIGNAN représentée par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Jean VILLACEQUE, avocat au barreau de PYRENEES ORIENTALES, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur Pierre Y... né le 11 Août 1933 à ARLES de nationalité Française... 73000 CHAMBERY représenté par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER avocats postulants et assisté de Me Jacques MALAVIALLE de la SCP MALAVIALLE GADEL CAPSIE, avocats au barreau de PYRENEES ORIENTALES, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE du 29 Janvier 2013
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 FEVRIER 2013, en chambre du conseil, madame Christine LEFEUVRE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice COURSOL, Président Monsieur Christian MAGNE, Conseiller Mme Christine LEFEUVRE, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Andrée ALCAIX
ARRET :
- contradictoire
-prononcé en audience publique par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Patrice COURSOL, Président, et par Mme Andrée ALCAIX, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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M. Pierre Y... et Mme Ginette X... se sont mariés le 22 décembre 1955 à Marignane (13), sans contrat préalable.
Deux enfants sont issus de cette union nés les 17 août 1957 et 28 mars 1960.
Par jugement rendu le 20 mai 2011 auquel il est référé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, des motifs et du dispositif, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Perpignan a :
- vu l'ordonnance de non-conciliation prononcée le 26 mai 2009,- prononcé aux torts exclusifs de l'époux le divorce des époux Y...- X... sur le fondement des articles 242 et suivants du Code civil ;- ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux ;- dit que M. Y... devrait verser à son conjoint une prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère de 1200 € avec indexation et révision le 1er janvier de chaque année à partir du 1er janvier 2012 ;- condamné M. Y... à verser à son épouse la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 266 du Code civil ;- débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du Code civil ;- dit que M. Y... verserait à son conjoint la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;- laissé à la charge de M. Y... les entiers dépens.
Mme Ginette X... a régulièrement interjeté appel général de cette décision le 23 février 2012.
Dans ses dernières conclusions en date du 29 janvier 2013 auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme Ginette X... demande à la cour de :- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts du mari, l'a condamné à 6000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil et à prestation compensatoire sous forme de rente viagère mensuelle indexée de 1200 euros aux dépens ainsi que 1500 euros de frais irrépétibles ;- infirmant pour le surplus et statuant à nouveau ;- constatant l'aveu extrajudiciaire de Pierre Y... de son concubinage adultérin et du partage des frais avec sa compagne par lettre du 4 juillet 2009,- condamner Pierre Y... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à 10 000 euros de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues ;- dire qu'à titre de complément de prestation compensatoire, la concluante bénéficierait gratuitement d'un droit d'usage et d'habitation de l'ancien domicile conjugal, immeuble commun sis à Perpignan... résidence " ... ", à titre viager et subsidiairement jusqu'à sa vente à l'issue de la liquidation du régime matrimonial ;- condamner Pierre Y... au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 15 janvier 2013 auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Pierre Y... demande à la cour de :- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts et griefs exclusifs de l'époux ;- accueillir la demande reconventionnelle de M. Y... et prononcer le divorce aux torts et griefs exclusifs de l'épouse ;- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. Y... sur le fondement de l'article 266 du Code civil à payer la somme de 6000 euros de dommages et intérêts à l'épouse, et infirmer sur ce point ;- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme X... de sa prétention à bénéficier d'une somme de 2000 euros au titre de l'article 1382 du Code civil ;- débouter Mme X... de sa demande de prestation compensatoire faute d'une déclaration sur l'honneur ;- à titre subsidiaire, faire droit à l'offre de M. Y... de régler un capital de 30 000 euros à l'épouse au titre de la prestation compensatoire à valoir sur la part de biens communs lui revenant ;- débouter Mme X... de sa prétention à voir compléter la rente par un droit d'usage et d'habitation de l'immeuble commun ;- ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et désigner pour ce faire M. Le président de la chambre des notaires avec pour mission de désigner un confrère notaire pour procéder à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux ;- dire que le jugement de divorce à intervenir quant aux biens prendra effet dans les rapports entre époux à la date de l'ordonnance de non-conciliation ;- débouter Mme X... de sa prétention à voir condamner M. Y... à payer une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;- condamner Mme X... à payer une somme de 3000 euros à M. Y... sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 janvier 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Mme X... n'invoque pas en cause d'appel des moyens nouveaux à l'appui de sa demande en divorce ni ne produit de nouvelles pièces.
Le premier juge, par des motifs que la cour adopte, a considéré que seul l'adultère de l'époux était démontrée et était constitutif d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ; cet adultère ayant été commis deux mois après l'ordonnance de non-conciliation, qui suivait de quelques semaines la séparation des époux, ne peut être justifié par le désarroi affectif invoqué par Mr Y... et non démontré ; il est prouvé par un courrier de Mr Y... en date du 4 juillet 2009 qui reconnaît vivre avec " son amie " avec qui il " partage les frais ", et par les conclusions de son conseil ; il s'agit d'aveux extra-judiciaires et judiciaires en application des articles1355 et 1356 du code civil.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il le sera également par adoption des motifs en ses dispositions déboutant Mr Y... de sa demande en divorce pour faute, en l'absence de tout document produit par Mr Y... à l'appui de sa demande.
Le divorce sera donc prononcé par confirmation du jugement aux torts exclusifs de Mr Y....
Le tribunal a ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. Il sera fait droit à la demande de Mr Y... tendant à voir ordonner la liquidation et le partage et voir nommer un notaire, ce d'autant que les époux sont propriétaires d'un bien immobilier.
Mme X... sollicite des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil en raison de l'abandon du domicile conjugal et de son délaissement, Mme X... étant hémiplégique à 90 %, ainsi que de la situation de concubinage adultérin et public. Il est rappelé que la preuve de l'adultère ne résulte que des aveux susvisés, si bien qu'il n'est nullement établi qu'il ait été public et injurieux pour l'épouse et ait créé un préjudice étranger à celui résultant de la rupture du lien conjugal. Mme X... n'invoque pas avoir été laissée dans le dénuement et le préjudice subi en raison de sa santé n'est pas distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal. Le jugement sera donc confirmé en ce que Mme X... a été déboutée de sa demande en dommages et intérêts fondée sur cet article.
En revanche, compte tenu de son grave handicap, de la durée du mariage au cours duquel deux enfants sont nés, les conséquences résultant de la dissolution du mariage sont d'une particulière gravité et justifient sur le fondement de l'article 266 du code civil l'allocation de dommages et intérêts que le premier juge a justement fixé au montant de 6000 euros. Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.
Mr Y... conclut au principal au débouté de la demande de prestation compensatoire formée par Mme X... faute d'une déclaration sur l'honneur.
Cette attestation a été produite le 29 janvier 2013 (pièce trois).
La cour examinera par conséquent les conditions de fond.
Au terme des dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours ; l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que le rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; le juge peut toutefois refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.
Au terme des dispositions de l'article 271 du même code, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération notamment :- la durée du mariage ;- l'âge et l'état de santé des époux ;- leur qualification et leur situation professionnelles ;- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint, au détriment de la sienne ;- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;- leurs droits existants et prévisibles ;- leur situation respective en matière de pensions de retraite, en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à la retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances susvisées relatives aux choix professionnels.
Mme X... dispose de deux pensions de retraite de 135, 66 euros par mois et 78, 46 euros par trimestre, soit 161, 81 euros par mois.
Mr Y... indique que les ressources de Mme X... sont plus importantes car il faut compter les prestations sociales dont le montant n'est pas révélé, et le revenu du placement de 80. 000 euros. Il s'agit d'une assurance vie qu'il a partagé avec son épouse au mois de mars 2009. Il a donc la même somme, déduction faite des prélèvements qu'il dit avoir fait pour subvenir à ses propres besoins, et ne fait pas davantage état des revenus de ce placement.
Les prestations familiales sont en l'espèce du ressort de la solidarité nationale, donc subsidiaires, et soumises à des conditions de ressources. Il ne peut donc en être tenu compte.
Mme X... revendique des charges courantes incompressibles liées à son habitation et l'achat récent d'un fauteuil roulant pour se déplacer.
Elle dispose comme ci-dessus indiqué d'une somme de 80000 euros outre 5013 euros placé sur un livret A.
Mr Y... perçoit une retraite de 2784 euros par mois et une pension d'ancien combattant de 47 euros par mois, la rente accident du travail n'ayant effectivement pas à être prise en compte en application de l'article 272 du code civil.
A l'instar de son épouse, il supporte des charges incompressibles outre un loyer de 830 euros. Il indique ne pas partager ces charges avec son amie qui perçoit un revenu de 510 euros par mois ; aucune pièce n'est produite sur ce dernier point.
Il ne mentionne pas le solde restant sur l'assurance vie partagée avec son épouse.
Le couple est propriétaire d'une maison, actuellement habitée par Mme X..., évaluée par cette dernière à 200. 000 euros, Mr Y... ne fournissant pour sa part aucune estimation.
Le mariage a duré 56 ans et deux enfants sont issus de cette union.
Il résulte de ce qui précède que la rupture du mariage, en raison de la différence de ressources entre les deux époux, entraîne une disparité qu'il convient de compenser par l'allocation d'une prestation compensatoire.
L'âge de Mme X..., et son état de santé, ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, il convient de faire application à titre exceptionnel de l'article 276 du code civil et de lui allouer au regard des éléments d'appréciation prévus par les articles 271 et 272 du code civil une rente viagère de 1000 euros par mois, sans complément par abandon du droit d'usage et d'habitation du bien, abandon qui apparaît excessif au regard de l'étendue de la disparité et des ressources de Mr Y....
En considération de l'équité, les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Mr Y... à payer à Mme X... la somme de 1500 euros sur le fondement de ce même article, le divorce ayant été justement prononcé à ses torts exclusifs.
Chaque partie, succombant partiellement en ses demandes, supportera ses propres dépens d'appel.
Du fait de l'effet dévolutif de l'appel général, la cour confirmera les dispositions non contestées du jugement entrepris.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, après débats en chambre du conseil,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 1200 euros la rente mensuelle attribuée à Mme X... à titre de prestation compensatoire.
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions.
Y ajoutant et statuant à nouveau,
Ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux.
Nomme le président de la chambre des notaires des Pyrénées Orientales, ou son dévolutaire, pour procéder aux opérations de liquidation et partage des époux.
Dit que Mr Pierre Y... devra verser à Mme Ginette X... à titre de prestation compensatoire une rente viagère mensuelle de 1000 euros avec indexation et suivant les modalités prévues dans le jugement entrepris.
Au besoin, l'y condamne.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Laisse à la charge de chaque partie ses dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'égard du conseil de Mme X....