Grosse + copie délivrées le à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 18 AVRIL 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 03420
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 NOVEMBRE 2010 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 08/ 00602
APPELANTE :
SCI GBS Immeuble Le Corail Hôtel des 2 Golfes 11370 PORT LEUCATE représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL SALLES, avocats postulants au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me SICRE, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
INTIMEE :
S. C. P. notariale X... et Y...prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis ......31008 TOULOUSE CEDEX représentée par la SCP Philippe SENMARTIN et associés, avocats au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Pauline RABINEL, avocat plaidant substituant la SCP GL LARRAT et N LARRAT, avocats au barreau de TOULOUSE
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 12 FÉVRIER 2013
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 5 MARS 2013 à 8H45 en audience publique, Madame Anne BESSON, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Anne BESSON, Président de Chambre Monsieur Luc SARRAZIN, Conseiller Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE
MINISTÈRE PUBLIC : après communication de la procédure, a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Anne BESSON, Président de Chambre, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 6 décembre 2002, Monsieur Z...a promis d'acheter les murs commerciaux d'un immeuble d'hôtel-restaurant de la SCI GBS situé à Port-Leucate pour un montant de 335 387, 83 euros. Par acte authentique du 15 avril 2003 reçu par Maître A...notaire de la société Jalosy, avec la participation de Maître X..., notaire de la SCI GBS, cette dernière a vendu cet immeuble exploité sous l'enseigne « ... » à la SCI JALOSY représentée par Monsieur Z....
La Direction générale des Impôts a notifié les 20 août et 12 septembre 2003, 26 mai et 5 juillet 2004 à la SCI GBS des redressements d'un montant de 43 933 euros correspondant à des 20èmes de la TVA initialement déduite lors de la réalisation des travaux réalisés en 1999 et 2000 qui devaient être régularisés.
Faisant grief au notaire de ne pas l'avoir informée des conséquences fiscales de l'opération juridique qu'elle réalisait, la SCI GBS a assigné, par acte du 14 mai 2008, la SCP X...-Y...en responsabilité civile professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil et en paiement de la somme de 43 933 euros avec intérêts au taux légal depuis le 6 juin 2006.
Par jugement du 25 novembre 2010, le Tribunal de grande instance de Narbonne a débouté la SCI GBS de ses demandes.
La SCI GBS a régulièrement interjeté appel contre cette décision le 13 mai 2011.
Vu les conclusions du 8 février 2013 de la SCI GBS,
Vu les conclusions du 10 septembre 2012 de la SCP X...-Y...,
Vu l'ordonnance de clôture du 12 février 2003.
M O T I V A T I O N
Le notaire a le devoir d'informer et de conseiller son client afin de s'assurer de l'efficacité des actes passés par son intermédiaire, notamment sur les conséquences juridiques et les conséquences fiscales de l'acte dressé et, en particulier sur la charge de l'imposition en matière de TVA immobilière, qui peut toujours faire l'objet de négociations et d'accord entre le vendeur ou l'acquéreur, selon les options prises par les parties au moment de la signature de l'acte.
Maître X... ne peut se soustraire à la responsabilité qui lui incombe, en alléguant qu'il n'a fait qu'apporter sa participation à l'acte authentique passé en l'étude de son confrère, alors que la cession avait été préalablement négociée en dehors de lui.
Mais le fait que Maître X... ne soit intervenu qu'au stade de l'acte authentique ne l'exonère pas de son devoir de conseil.
La promesse d'achat du 6 décembre 2012 arrête l'accord des parties sur la chose et le prix, mais ne comporte aucune clause sur le régime fiscal, les règles d'urbanisme et autres ; il appartenait au notaire du vendeur de s'enquérir du régime fiscal applicable à cette cession et de conseiller utilement son client, qui disposait d'une marge de négociation entre la signature de la promesse et la signature de l'acte authentique, puisque les parties demeuraient libres d'expliciter les conditions de la vente et d'en modifier les modalités. Lors de la vente du 15 avril 2003, la SCI GBS était soumise à la régularisation de la TVA par 20èmes, puisque les loyers encaissés pour la location dudit immeuble ont permis à la SCI GBS de déduire la taxe grevant les travaux réalisés en 1999-2000 ; la régularisation devait intervenir dans les conditions de l'article 210 de l'annexe II du code général des impôts, c'est à dire si l'immeuble était vendu dans les vingt ans suivant la naissance du droit à déduction et si la cession n'était pas soumise à la TVA, ce qui est le cas l'immeuble étant vendu plus de 5 ans après son achèvement.
Ainsi la SCI GBS a été contrainte à la régularisation d'une partie de la TVA initialement déduite lors de la réalisation des travaux sur son immeuble et de reverser au Trésor public les fractions de TVA initialement déduites.
Il appartenait à Maître X... d'informer son client sur les conséquences fiscales de cette transaction et notamment les dispositions fiscales relatives à la régularisation inéluctable de TVA par 20èmes, sur les possibilités existantes pour neutraliser les conséquences de cette régularisation, notamment en majorant d'autant le prix de vente dans l'acte du 15 février 2003 et/ ou sur la nécessité de trouver un accord sur la charge de cet impôt, afin de prévoir dans l'acte de cession une clause relative à la charge définitive de la TVA.
Dès lors, en omettant d'insérer dans le contrat de vente une clause prévoyant que la charge définitive de la TVA à régulariser serait supportée par l'acquéreur, ou de prévoir une majoration du prix de vente, le notaire a fait perdre à la SCI GBS la possibilité de contraindre la société Jalosy à lui reverser le montant de la régularisation dont la venderesse était fiscalement redevable ; il convient donc de retenir la responsabilité de Maître X..., qui a assisté son client lors de la passation de l'acte authentique de vente, sans jamais l'informer des conséquences fiscales de la cession de son immeuble.
Il ne peut cependant être tenu pour certain que la société JALOSY aurait accepté de prendre en charge le supplément de prix sans aucune contrepartie, ou de conclure une clause lui mettant à sa charge la TVA due par la société GBS, dès lors que, d'une part, ce supplément aurait donné lieu au paiement d'un complément de droits de mutation, et que, d'autre part, l'acquéreur se serait lui-même retrouvé soumis, en cas de revente du bien avant le commencement de la 19ème année suivant son acquisition, à l'obligation de reverser une fraction de la TVA antérieurement déduite, comme le prévoit aussi l'article 210 du code général des impôts.
En conséquence, le préjudice subi par la SCI GBS ne consiste pas à avoir dû s'acquitter du paiement de l'impôt dont elle était redevable, mais s'analyse en une perte de chance d'obtenir la prise en charge de la TVA par la société acquéreur et donc d'éviter les conséquences financières du redressement fiscal d'un montant de 43 933 euros dont elle a fait l'objet ou d'obtenir de la vente un meilleur résultat financier ; cette perte de chance est sérieuse du fait de la possibilité pour la société Jalosy de négocier, elle doit être évaluée à la somme de 30 000 euros.
En conséquence la SCP X... Y...sera condamnée à indemniser la société GBS à hauteur de 30 000 € ; les intérêts de cette créance indemnitaire courent à compter de la déclaration de responsabilité, soit la date de la présente décision, sans qu'il ne soit alloué des intérêts supplémentaires à titre de dommages et intérêts.
P A R C E S M O T I F S
La cour,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Dit que Maître X... a engagé sa responsabilité envers la SCI GBS,
Condamne Maître X... à payer à la SCI GBS la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Déboute la société GBS de sa demande relatives aux intérêts,
Condamne la SCP X... Y...à payer à la SCI GBS la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AB