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25/11/2014 | FRANCE | N°13/03397

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section d, 25 novembre 2014, 13/03397


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section D
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03397
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 NOVEMBRE 2012 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 07/ 00244

APPELANT :
Monsieur René X...né le 29 Janvier 1946 à Montpellier (34000) ... 34980 ST CLEMENT DE RIVIERE représenté par Me Valentin ESCALE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me MONTAGNE

INTIMEE :
SA AXA FRANCE VIE 26 Rue Drouot 75009 PARIS 9è

me Arr. représentée par Me Iris CHRISTOL de la SCP CHRISTOL I./ INQUIMBERT G., avocat au barreau de MON...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section D
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03397
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 NOVEMBRE 2012 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 07/ 00244

APPELANT :
Monsieur René X...né le 29 Janvier 1946 à Montpellier (34000) ... 34980 ST CLEMENT DE RIVIERE représenté par Me Valentin ESCALE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me MONTAGNE

INTIMEE :
SA AXA FRANCE VIE 26 Rue Drouot 75009 PARIS 9ème Arr. représentée par Me Iris CHRISTOL de la SCP CHRISTOL I./ INQUIMBERT G., avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me YSATEL

ORDONNANCE DE CLÔTURE du 29 Septembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 OCTOBRE 2014, en chambre du conseil, Chantal RODIER ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques MALLET, Président Madame Chantal RODIER, Conseiller Mme Nathalie LECLERC-PETIT, Vice-présidente placée qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

Ministère public :

L'affaire a été visée par le ministère public le 13 janvier 2014
ARRET :
- contradictoire
-prononcé en audience publique par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jacques MALLET, Président, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
*FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES La société AXA France Vie (anciennement UAP) est une compagnie d'assurances ayant pour activité la distribution et la gestion auprès de particuliers de contrat d'assurance-vie ou de prévoyance et retraite. En 1989, elle embauchait Monsieur Éric Z...en qualité de conseiller et représentant commercial salarié, aux fins de proposer ses produits à sa clientèle. C'est ainsi que dès cette année-là, M. Éric Z...est entré en relation avec M. René X..., lequel a souscrit par son intermédiaire plusieurs contrats d'assurance vie auprès de la société UAP devenue AXA France Vie. Invoquant des malversations commises par M. Éric Z..., la compagnie AXA France Vie procédait à son licenciement pour faute lourde le 22 novembre 2005. Elle en informait ses clients-parmi lesquels M. René X...-par un courrier du 24 novembre 2005, dans les termes suivants : « (¿) Je tiens à porter à votre connaissance que M. Éric Z..., qui assurait la gestion et le suivi de vos contrats, ne fait plus partie de notre société et n'est donc plus aujourd'hui habilité à présenter des opérations de quelque nature que ce soit pour le compte d'AXA, ni à modifier les opérations existantes. (¿) » À la suite d'un signalement du secrétaire général du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), le procureur de la République de Nîmes a ouvert une information. Par acte d'huissier en date du 15 janvier 2007, M. René X...faisait délivrer assignation à la société AXA France vie devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins d'obtenir sa condamnation, sur le fondement des articles L. 511-1 du code des assurances et 1384 alinéa 5 du code civil, au paiement de la somme principale de 146 860 ¿, en garantie du préjudice que lui a causé son préposé, M. Éric Z.... Par ordonnance du 26 décembre 2007, M. Éric Z...était renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nîmes, des chefs d'abus de confiance, faux et usage de faux. Saisi directement d'une autre affaire connexe, le tribunal l'a jointe au dossier principal. Par jugement du 10 mars 2009 le tribunal correctionnel de Nîmes a, entre autres dispositions : Sur l'action publique, Déclaré M. Yves Z...coupable d'avoir à Nîmes, dans les départements du Gard et de l'Hérault, en tout cas sur le territoire national, entre le courant 2000 et courant 2005, et depuis temps non prescrits : détourné des fonds, d'un montant total estimé à 5 369 292, 18 euros, qui lui avait été remis et qu'il avait acceptés, à charge pour lui de les rendre, les représenter ou d'en faire un usage déterminé, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne se livrant habituellement à des opérations portant sur les biens des tiers, en l'espèce par un inspecteur conseil AXA, et ce au préjudice de la compagnie axa assurances, et notamment de M. René X...; par quelque moyen que ce soit, altéré la vérité dans un écrit destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en établissant de faux bulletins de souscription AXA, de faux bulletins de souscription à des conditions particulières de placement et de faux imprimés uniques, et fait usages desdits documents au préjudice des victimes susmentionnées. Renvoyé l'affaire sur l'action civile à une audience ultérieure. Par ordonnance du 9 juillet 2009, le juge de la mise en état tribunal de grande instance de Montpellier a ordonné, dans le présent litige opposant M. René X...à la société AXA, le sursis à statuer « dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction pénale se prononçant sur l'action publique engagée à l'encontre de Monsieur Éric Z...des chefs d'abus de confiance, faux en écritures privées et usage de faux, après appel du jugement rendu le 10 mars 2009 par le tribunal correctionnel de Nîmes » Sur appel interjeté par M. Éric Z...du jugement du 10 mars 2009, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Nîmes a, par arrêt en date du 5 mars 2010 : confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité, réformé le jugement sur la peine, réformé le jugement sur l'action civile, reçu les constitutions de partie civile, déclaré Éric Z...entièrement responsable des conséquences dommageables des infractions dont il a été déclaré coupable, et renvoyé la cause et les parties devant le premier juge pour qu'il soit statué sur les intérêts civils.

Par arrêt en date du 6 avril 2011 la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par M. Éric Z.... Par jugement en date du 2 août 2011, statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel de Nîmes a notamment condamné Éric Z...à régler à la société AXA la somme de 1 124 104, 35 euros au titre des sommes détournées, outre celle de 20 000 ¿ en réparation du préjudice moral, et à M. René X...la somme de 2 000 ¿ en réparation de son préjudice moral. L'instance a repris son cours après le prononcé de l'arrêt de la Cour de Cassation du 6 avril 2011. ***** Par jugement contradictoire en date du 27 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Montpellier a : Déclaré la compagnie AXA FranceVie responsable des faits dommageables commis par son préposé Éric Z...au détriment de M. René X..., Condamné la compagnie AXA FranceVie à payer à Monsieur René X...les sommes de : 145 960 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2011, en réparation de son préjudice financier, 2 000 ¿ en réparation de son préjudice moral, ordonné la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la compagnie AXA France Vie aux entiers dépens, ordonné l'exécution provisoire.

APPEL : Monsieur René X...a relevé appel de ce jugement par déclaration du 30 avril 2013. Le dossier a été communiqué au Procureur Général le 13 janvier 2013 qui en a pris connaissance le jour même en apposant son visa, sans prendre de réquisitions ultérieures, ce qui n'a appelé aucune observation de la part des parties auxquelles il a été donné connaissance de ce visa. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 septembre 2014. ***** Dans ses dernières conclusions en date du 26 septembre 2014, Monsieur René X..., au visa de l'article 1384 alinéa 5 du code civil et des pièces versées aux débats, demande à la cour de : Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la compagnie AXA FranceVie responsable des faits dommageables commis par son préposé Éric Z...au détriment de M. René X..., Infirmer le jugement déféré sur le quantum du préjudice fixé, Dès lors, Avant dire droit, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de donner tous éléments propres à lire le quantum du préjudice intégralement subi par M. René X..., À défaut d'expertise, et à titre principal, Condamner la société AXA à lui payer : au titre de la somme détournée et la perte de chance concernant l'échéance du contrat, la somme totale de 510 954 ¿- correspondant aux différentes sommes telles que détaillées au dispositif de ses conclusions en un tableau récapitulatif, lequel mentionne les 10 contrats successifs d'assurance-vie souscrit à compter du 1er avril 1989 et jusqu'au 30 septembre 2004, et auquel il est référé expressément pour complet exposé-et ce avec intérêts au taux légal et application de l'article 1154 du Code civil à compter du 1er janvier 2011, la somme de 20 000 ¿ en réparation du préjudice subi, Subsidiairement, Condamner la société AXA à lui payer la somme totale de 212 057, 94 euros, se décomposant en : 6 471, 94 euros au titre des cinq premiers contrats figurant sur la pièce no 2 de la société AXA 20 684 ¿ sous le contrat no 880 276 188 95 538 ¿ sous le contrat no 880 483 769 9 164 ¿ sous le contrat no 886 493 819 79 800 ¿ sur les versements effectués par lui,

Condamner la société AXA à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. ***** Dans ses dernières conclusions en date du 26 septembre 2014, la société AXA FranceVie, au visa du jugement, de l'article 4 du code de procédure pénale et de l'article 1384 alinéa 5 du code civil, demande à la cour de : À titre principal : dire qu'elle est bien fondée en son appel incident, infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, juger qu'elle n'est pas responsable des agissements de Monsieur Éric Z...commis au préjudice de M. René X..., en conséquence, débouter Monsieur René X...de l'ensemble de ces demandes, fins et conclusions ; Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement en ce qu'il l'a déclarée responsable des agissements de Monsieur Éric Z...commis au préjudice de M. René X..., Débouter Monsieur René X...de sa demande d'expertise, Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment quant au quantum du préjudice fixé ; En tout état de cause, Condamner Monsieur René X...à verser à AXA la somme de 20 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. *****

MOTIFS Sur les pièces 31 et 32 de l'appelant : La cour rappelle, en tant que de besoin, qu'en application des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées par les parties au dispositif de leurs dernières conclusions.

Au dispositif de ses dernières conclusions du 26 septembre 2014 à 15h15, la société AXA France Vie ne reprend nullement sa demande figurant en page 16 de ses écritures tendant à ce que le rapport d'étude évoqué par Monsieur X...soit écarté des débats à raison de sa production tardive, de sorte que ce moyen est supposé abandonné.
Ces pièces ne font pas échec au contradictoire, puisqu'elles sont manifestement connues de l'intimée qui relève elle-même-en page 18 de ses écritures-les termes du jugement en les commentant ainsi : Pour ces raisons, le TGI de Montpellier a, en première instance, jugé que les éléments de preuve produits par AXA quant au préjudice de Monsieur X...ne saurait « être remis en cause par le rapport ILFC produit par le demandeur, confus, partiel, partial et en définitive inintelligible. »

L'intimée les a d'ailleurs abondamment commentées sur le fond dans ses dernières conclusions déposées le 26 septembre 2014 à 15h15, répondant à celles de l'appelant datées du même jour à 9h41, en développant ses arguments dans ses pages 17 et 18 sous un paragraphe intitulé « sur le caractère inopérant du rapport d'étude produit par Monsieur A...». Si ce rapport n'a été produit en cause d'appel qu'avec les dernières conclusions de l'appelant, il était cependant déjà largement débattu en première instance. Il est donc manifeste que l'intimée disposait antérieurement de ce rapport, qu'elle en avait déjà fait une analyse complète de ses éléments-alors même qu'il est complexe et confus-pour en tirer les arguments qu'elle entendait opposer à l'appelante. Dès lors que l'intimée a pu répondre de façon exhaustive dans le délai de quelques heures, c'est que ce délai s'est en définitive avéré suffisant, de sorte qu'elle a abandonné le moyen tiré de la production tardive du rapport, reconnaissant implicitement qu'il ne faisait pas fait échec au contradictoire mais traduisait seulement un défaut de courtoisie entres avocats. Sur la demande de l'appelant d'ordonner une expertise : La demande d'expertise de l'appelant, formée avant dire droit au soutien de sa demande principale, sera en voie de rejet comme étant tardive, aucune demande en ce sens n'ayant été formulée ni devant les premiers juges, ni devant le conseiller de la mise en état. La cour observe qu'aucune pièce nouvelle n'est produite à l'appui de cette prétention d'un préjudice plus ample que celui reconnu par les premiers juges.

Sur la responsabilité de la compagnie AXA France Vie en qualité de commettant de son préposé Monsieur Z...: La compagnie AXA s'est montrée négligente dans le contrôle de son préposé, ce qu'elle reconnait par la voix de son représentant dans l'enquête de police en déclarant (pièce 26 de l'appelant-cote D 128 du dossier pénal) : « Monsieur B...qui était le responsable hiérarchique de Monsieur Eric Z...semble avoir été informé des dysfonctionnements des opérations menées par Eric Z..., et ce dès 2004. (¿) Monsieur B...était bien au courant de ces faits au cours de l'année 2004. Il nous a déclaré avoir fait des enquêtes qui n'ont pas abouti » Interrogé à la suite des déclarations de sa collègue Madame C...qui avait constaté une anomalie, Monsieur B..., inspecteur AXA, reconnaissait : « je me suis rendu compte qu'il existait une anomalie sur un contrat « Modul Compte » qui n'existait pas chez AXA. J'ai fait preuve d'une certaine faiblesse en croyant qu'il s'agissait d'un cas unique. À la question de l'enquêteur de police : « reconnaissez-vous que si vous aviez fait des contrôles sur l'activité d'Eric Z...et notamment des vérifications auprès de la clientèle dès que vous avez eu connaissance de cette affaire, vous auriez pu éviter les détournements importants opérés par Eric Z...? » Il répondait positivement : « oui, bien sûr ». Le premier juge a parfaitement repris les dispositions des articles 1384 alinéa 5 du code civil et L. 511-1 du code des assurances sur lequel Monsieur X...a fondé son action pour en analyser les critères. Ainsi, pour pouvoir s'exonérer de sa responsabilité, la compagnie AXA France Vie devrait rapporter la preuve de ce que son préposé, Monsieur Z..., a commis un abus de fonction caractérisé par de trois conditions-dont le premier juge n'a pas manqué de rappelé le caractère cumulatif-à savoir : en ayant agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions. S'il n'est pas sérieusement contesté ni contestable que Monsieur Z...ait agi sans autorisation de son employeur et à des fins personnelles au détriment de la compagnie AXA et des victimes d'abus de confiance, l'intimée discute encore le fait qu'il ait agi dans le cadre de ses fonctions. Elle prétend en effet qu'il aurait au contraire agi en dehors de celles-ci. Cependant, c'est bien dans le cadre de la présentation des produits de placements financiers d'assurance-vie de la compagnie UAP devenue AXA que Monsieur Z...est entré en contact avec Monsieur X..., dès 1989. Monsieur Z...n'a cessé de se présenter aux clients dont il suivait les investissements comme le représentant de la compagnie d'assurances et il leur faisait remplir, à chaque souscription de contrat, un bon qui n'était autre qu'un document édité par la compagnie d'assurance. Une relation de confiance s'est instaurée au fil des années entre Monsieur Z...et ses fidèles clients, parmi lesquels M. René X.... C'est bien à raison de la préexistence de cette relation de confiance qu'un abus de confiance a été commis. Monsieur Z...se montrait notamment prévenant envers ses futures victimes et, sous prétexte de les aider dans la gestion de leur patrimoine, ne manquait pas d'éliminer des éléments de preuve de ses détournements. Il s'évince en effet de la pièce 24 de l'appelant, soit une audition de victime figurant en pièce D133 du dossier pénal, que Monsieur Z...consultait le dossier qu'elle avait chez elle et faisait le tri dans les documents, déchirant ce qui, selon lui, « ne servait plus à rien. » Lorsqu'elle s'inquiétait de ne pas recevoir de justificatif d'AXA, il la rassurait en lui disant que « de toute manière le dossier était complet à l'inspection AXA ». Lors de sa première comparution devant le juge d'instruction, Monsieur Z...reconnaissait : « D'une manière générale, je remplissais les bulletins de souscription sur un formulaire AXA. Je faisais cela pour tous les clients. Je remettais une partie des imprimés au client pour attester faussement de la véracité de son placement. Pour les cinq clients dont je viens de vous donner le nom, je leur faisais parvenir en plus un formulaire AXA qui constatait les conditions particulières de leurs placements. J'ai remis ce faux document à ces 5 personnes parce qu'ils me l'ont réclamé. » Il est dès lors inopérant de soulever l'absence de production d'un justificatif du placement par Monsieur X..., puisque celui-ci, en confiance, ne faisait pas partie des clients les plus méfiants qui en réclamaient, mais qu'en toute hypothèse, s'il en avait lui-même réclamé un, Monsieur Z...lui en aurait fabriqué un faux. Monsieur Z...précisait encore : « sur les documents liés à mon activité chez AXA, j'ai tout détruit (¿) en ce qui concerne les faux documents, je les ai détruits aussi car je n'étais plus chez AXA et je me doutais bien qu'un jour ou l'autre l'affaire allait tomber, mais je ne savais pas quand. » Les actes de M. Z...n'étaient donc pas étrangers à ses attributions puisque celles-ci supposaient d'établir une relation de confiance avec le client et d'obtenir des versements à l'aide d'un imprimé officiel d'AXA. C'est donc en vain que la société AXA prétend que Monsieur Z...n'agissait pas dans l'exercice de ses fonctions alors que ce dernier procédait de la même façon avec tous ses clients en utilisant des bulletins AXA, cumulant de la sorte un profit personnel illicite pour plus d'un million et demi d'euros sur le préjudice total des victimes qu'il évaluait lui-même devant le juge d'instruction comme s'élevant à une somme entre 2 et 2, 5 millions d'euros. C'est tout aussi vainement que la société AXA tente encore de s'exonérer de sa responsabilité en prétendant une faute de Monsieur X...du fait que celui-ci n'aurait pas établi les chèques à l'ordre d'AXA.

Le premier juge a pourtant pertinemment relevé notamment :- le contexte de confiance,- le fait que Monsieur X...avait toujours eu à faire à Monsieur Z...à l'exclusion de tout autre représentant AXA,- les apparences de sérieux du placement et le fait qu'il soit destiné à alimenter un contrat en cours,- les propos de Monsieur Z...lui disant qu'il s'agissait de « cuisine interne » avec son compte professionnel,- la croyance légitime de Monsieur X...dans ces propos tenant le contexte de confiance instaurée de longue date.

Y ajoutant, la cour observe en effet sur ce point que :
- la société AXA reconnait en page 18 de ses écritures le fait que des fonds transitent par le compte bancaire d'un agent AXA en ces termes : « la remise d'une quittance de règlement signée du client n'est pas automatique : elle intervient uniquement lorsque les fonds sont remis au client via le compte bancaire de l'inspecteur AXA qui les lui remet ensuite en espèces. »- Lors de son interrogatoire du 23 février 1997 (pièce 21 de l'appelant-cote D 203 du dossier pénal), Monsieur Z...reconnaissait devant le juge d'instruction en page 5 avoir effectué des reversements depuis son compte au profit de Monsieur X...« environ 10 000 euros, en espèces, en plusieurs fois ». Dès lors, Monsieur X...pouvait avoir la croyance légitime qu'il était normal que les sommes des nouveaux placements transitent également par le compte de Monsieur Z...qui était son seul interlocuteur.- Cette croyance était partagée par les autres victimes et notamment par Monsieur D...qui déclarait aux services de police (pièce 28 de l'appelant-cote D74 du dossier pénal) : « il m'a dit que les placements devaient passer par lui et qu'il me fallait libeller l'ordre à son nom » À raison de la relation de confiance, M. X...a libellé les chèques de la façon dont M. Z...le lui a demandé, ce dernier ayant reconnu lors de l'instruction qu'il procédait de la sorte en abusant les clients dont il avait la charge, en ces termes : « Dans 90 % des chèques que l'on me fait, c'est le client qui marquait l'ordre. Cela ne les inquiétait pas, car je leur fournissais un justificatif AXA » Enfin, M. X...pouvait de la même façon, en sa qualité de client de longue date, légitimement croire être éligible pour bénéficier du privilège de placements particulièrement intéressants-comme le contrat « Option Vie Modul Compte » qu'il a signé le 20 juin 2005- et ce, sans que son attention n'ait alors été attirée sur le fait que le formulaire qu'il signait était censé être réservé aux salariés d'AXA. Aucune faute de M. X...n'est donc démontrée à ce titre, de sorte que la compagnie AXA échoue dans sa prétention à une quelconque exonération de sa responsabilité. La responsabilité de la société AXA France Vie envers Monsieur X...est donc pleinement engagée du fait des agissements de son préposé Monsieur Z.... Les moyens de l'intimée seront en voie de rejet et le jugement confirmé sur ce point.

Sur le préjudice de Monsieur René X...: L'appelant fait valoir, en produisant au soutien de sa demande une analyse d'un expert privé, que : AXA ne rapporte pas la preuve d'avoir procédé au versement des sommes afférentes aux rachats successifs des contrats. en réalité, il mandatait M. Z...pour réemployer les sommes des contrats rachetés dans de nouveaux contrats, et à ce titre M. Z...aurait perçu pour lui le montant des rachats sans lui remettre les sommes correspondantes.

Cependant, il n'explique pas comment il se serait laissé abuser au point de perdre la somme de 510 954 ¿, sans protester de ne pas avoir reçu les versements correspondants aux rachats des contrats d'assurance-vie. Il n'explique pas davantage la contradiction entre sa demande principale et ses demandes subsidiaires. Par exemple, les cinq premiers contrats de 1989 et 1990 ont été rachetés pour 75 074 ¿ et il ne conteste pas qu'AXA a exécuté cette demande. Il prétend que le montant des rachats a été remployé à hauteur de 68 602, 06 euros dans un contrat plan modulo du 22 mars 95 et que le différentiel, soit la somme de 6 471, 74 euros ne lui aurait pas été restituée. Cependant, en reconnaissant ce procédé de remploi des sommes perçues lors des rachats de contrat, Monsieur X...invalide lui-même sa demande principale et ne peut sérieusement soutenir comme il le fait, d'avoir subi un préjudice de 510 954 ¿. En effet, la même somme placée initialement s'est trouvée à la suite de son rachat, successivement réinvestie dans plusieurs contrats au travers de multiples opérations de rachat, de sorte que les montants des investissements réalisés dans les différents contrats ne sauraient s'ajouter les uns aux autres dans une simple addition. C'est donc avec une certaine mauvaise foi que l'appelant développe son calcul à titre principal, sur la base d'un rapport privé confus, tout en s'abstenant de produire la moindre pièce de l'analyse financière effectuée au cours de l'enquête de police, alors qu'en qualité de partie civile, il pouvait avoir accès à la totalité du dossier d'instruction. De la même façon, il n'est pas en mesure d'établir un préjudice à hauteur de sa demande subsidiaire. La compagnie AXA, pour expliquer sa défaillance probatoire, fait valoir sans être contredite sur ce point que :- La remise de bons de rachats n'est pas systématique : elle n'est obligatoire que pour les contrats au porteur et non pas pour les contrats nominatifs type PEA et assurance-vie.- La remise d'une quittance de règlement signée du client n'est pas automatique : elle intervient uniquement lorsque les fonds sont remis au client via le compte bancaire de l'inspecteur AXA qui les lui remet ensuite en espèces.

Mais en toute hypothèse, la seule défaillance d'AXA à retrouver dans ses archives les preuves afférentes aux anciens contrats rachetés est inopérante à prouver l'existence d'un préjudice imputable aux agissements fautifs de son préposé au-delà de la somme retenue dans la procédure pénale. Or, ainsi que l'intimée l'indique elle-même dans ses écritures en page 19 :- Le quantum du préjudice subi par chaque client de Monsieur Z...du fait de ses agissements a été clairement déterminé au cours de l'instruction.- A partir des éléments récoltés, il a été établi au cours de l'information judiciaire que le préjudice réellement subi par Monsieur X...du fait des agissements de Monsieur Z...s'élevait à la somme de 145 960 ¿, selon le tableau récapitulatif inclus dans le réquisitoire définitif.

Dès lors, c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé que sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil et des articles L. 511-1 et suivants du code des assurances, M. X...ne pouvait prétendre à une somme supérieure à celle correspondant au détournement visé dans la procédure pénale et imputé à Monsieur Z.... Il a en conséquence justement limité le préjudice indemnisable par AXA dans le cadre du présent litige à la somme de 154 960 ¿, étant observé que c'est précisément celle réclamée dans l'assignation initiale. Il a en effet justement retenu que ne sont pas imputés à Monsieur Z...les rachats de contrats valablement effectués pour lesquels la société AXA est seulement défaillante à justifier du versement. Ainsi que le premier juge l'a pertinemment analysé, le seul fait que les sommes versées par Monsieur X...à Monsieur Z...au titre de placements AXA n'aient jamais rejoint les comptes AXA ne permet pas d'établir-par une simple supposition qui n'a pas même la valeur de présomption-que le préposé AXA aurait symétriquement conservé pour lui le montant des rachats. En toute hypothèse, en fondant son action exclusivement sur les dispositions de l'article 1384 alinéa 5, Monsieur X...a clairement limité le litige à la responsabilité d'AXA en sa qualité de commettant de Monsieur Z...et donc au seul préjudice résultant des agissements de ce dernier, tels qu'établis. Dès lors, cette action en responsabilité délictuelle ne permet pas à l'appelant d'étendre le litige en recherchant, sous couvert de celle-ci, la responsabilité contractuelle de la compagnie AXA. Il est constant que seul le préjudice moral de Monsieur X...a été indemnisé par une somme de 2 000 ¿ de dommages et intérêts dans le jugement pénal, tandis que la société AXA s'est vue allouer un montant de dommages et intérêts incluant la totalité des préjudices matériels des victimes. En définitive, cette action de Monsieur X...peut s'analyser comme une action récursoire contre la société AXA, pour obtenir l'indemnisation de son préjudice matériel tel que défini à hauteur de 145 960 ¿ dans la procédure pénale et dont, comme c'est le cas pour les autres victimes personnes physiques, la société AXA a été attributaire dans la condamnation globale prononcée à l'encontre de Monsieur Z.... Les moyens de l'appelant seront donc en voie de rejet et le jugement confirmé sur ce point.

En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, en ce compris celles afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens. Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. L'appelant qui échoue dans les motifs de son appel supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS : Vu les dispositions de l'article 1384 alinéa 5 du code civil et de l'article L. 511-1 du code des assurances, La COUR, par arrêt contradictoire, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, Condamne Monsieur X...aux dépens de l'appel.

Le GREFFIERLe PRÉSIDENT

CR/ SS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section d
Numéro d'arrêt : 13/03397
Date de la décision : 25/11/2014

Analyses

Responsable du préjudice causé par les abus de confiance commis par son préposé en application des articles L. 511-1 du code des assurances et 1384 alinéa 5 du code civil, une compagnie d'assurance ne peut s'en exonérer en prétendant qu'il a agi hors du cadre de ses fonctions, alors que c'est bien dans le cadre de la présentation des produits de placements financiers d'assurance-vie de la compagnie qu'il est entré en contact avec les clients, qu'il n'a cessé de se présenter à eux comme son représentant et qu'il leur faisait remplir, à chaque souscription de contrat, un bon qui n'était autre qu'un document édité par elle.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montpellier, 27 novembre 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-11-25;13.03397 ?
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