COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 05564
Décision déférée à la Cour : Jugement du TRIBUNAL DE COMMERCE DE CANNES du 14 MAI 2009- Arrêt de la COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE du 24 JUIN 2010- Arrêt de la COUR DE CASSATION du 4 MAI 2012
APPELANTE :
SNCF société Nationale des Chemins de Fer Français, prise en la personne de son représentant légal en exercice 34 rue Commandant Mouchotte 75014 PARIS représentée par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant assistée de Me Laurent DERUY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMES :
Maître Z... Pierre Louis pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société CANNES LA BOCCA INDUSTRIE (CLBI) domicilié ès qualités ... 06300 NICE représenté par Joséphine HAMMAR, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant assisté de Me Paul GUETTA, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
Maître Gilles Y... SELARL Y... X... pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société CANNES LA BOCCA INDUSTRIES (CLBI) domicilié ès qualités audit siège social...... 06560 VALBONNE représenté par Me Joséphine HAMMAR, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant assisté de par Me Joséphine HAMMAR, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Pascal KLAIN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 02 Juin 2015 révoquée avant ouverture des débats par une NOUVELLE ORDONNANCE DE CLOTURE DU 23 JUIN 2015.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 JUIN 2015, en chambre du conseil, Monsieur Daniel BACHASSON, président, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président Madame Brigitte OLIVE, conseiller Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE ¿ MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
La société nationale des chemins de fer français (la SNCF) et la société Cannes La Bocca industries (la société CLBI) entrete-naient des relations commerciales depuis plusieurs années, la première confiant à la seconde de travaux de rénovation et d'aménagement de certains matériels ferroviaires.
Courant 2003 et 2004, la SNCF ayant lancé diverses consultations en vue de procéder à l'attribution de quatre marchés publics portant sur la rénovation de rames de train Corail et de trains de banlieue, la société CLBI, qui s'était portée candidate (en groupement avec la société ACC Ingénierie et maintenance et/ ou avec la société Alstom), a vu ses offres retenues.
C'est ainsi que lui ont été attribués :
- le marché pour la rénovation de rames RIB/ RIO (marché RIB/ RIO) notifié le 13 mai 2003,
- le marché pour la rénovation de voitures VB2N (marché VB2N) notifié le 31 juillet 2003,
- le marché pour la rénovation de rames Z2 (marché Z2) notifié le 31 janvier 2004,
- le marché pour la révision, transformation, modification ou réparation accidentelle de voitures à voyageurs (marché Corail) notifié le 31 mars 2004.
La société CLBI rencontrant des difficultés dans l'exécution de ces marchés, la SNCF a consenti à lui verser des acomptes sur des prestations à réaliser, lesquels devaient être déduits des factures finales.
Les difficultés financières de la société CLBI continuant de s'aggraver, M. Z... a été désigné, le 13 décembre 2004, en qualité de mandataire ad hoc, puis s'est vu confier son administration provisoire le 7 juillet 2005.
Finalement, la société CLBI a été placée en redressement judiciaire le 20 septembre 2005, et aucun plan de redressement par continuation n'ayant été possible, le tribunal de commerce de Cannes a arrêté le 30 janvier 2006 un plan de cession de ses actifs.
Le 1er décembre 2005, la SNCF a déclaré une créance chirographaire de 2 061 277, 71 euros, incluant les avances sur prestations non exécutées au titre des marchés VB2N (1 452 637, 68 euros) et RIB/ RIO (71 534, 42 euros).
Cette créance ayant été contestée, la SNCF devait la ramener à la somme de 252 460, 78 euros HT, montant pour lequel elle sera finalement admise par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 17 juin 2010, cette admission étant limitée à 26 400 et 105 600 euros au titre des avances sur prestations afférentes au marché VB2N.
Selon exploit du 11 août 2006, M. Z..., ès qualités, a fait assigner la SNCF devant le tribunal de commerce de Cannes en paiement de 1 300 000 euros, sauf à parfaire, au titre de créances dues après le jugement d'ouverture de la procédure collective et correspondant au total ¿ s'élevant à 1 349 061, 68 euros ¿ des retenues opérées sur les montants de 16 factures émises par la société CLBI à l'encontre de la SNCF entre le 5 octobre 2005 et le 22 décembre 2006 (sic) en vue du règlement de prestations de rénovation des matériels ferroviaires effectuées en exécution des marchés RIB/ RIO, Z2 et Corail.
M. Y..., mandataire ad hoc de la société CLBI, est intervenu à l'instance et a conclu à la condamnation de la SNCF, laquelle a soulevé, à titre principal, une exception d'incompétence de la juridiction judiciaire au profit des juridictions de l'ordre administratif.
Le tribunal, par jugement du 14 mai 2009, a rejeté cette exception d'incompétence et a condamné la SNCF à payer aux mandataires judiciaires de la société CLBI la somme de 1 277 527, 26 euros.
Par arrêt du 24 juin 2010, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé ce jugement en retenant que le litige ressortissait à la juridiction administrative.
M. Z..., ès qualités, a alors déposé, le 13 décembre 2010, un recours en plein contentieux devant le tribunal administratif de Paris et, concomitamment, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 24 juin 2010.
Par arrêt du 4 mai 2012, la Cour de cassation (1re chambre civile) a cassé et annulé la décision du 24 juin 2010, jugeant, au visa de l'article 174 du décret no 85-1388 du 27 décembre 1985 modifié, que le litige relevait de la compétence du tribunal saisi de la procédure collective quand bien même les créances réciproques seraient nées de l'exécution de contrats administratifs, sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.
La cour de ce siège a été saisie le 17 juillet 2013.
Le tribunal administratif de Paris, statuant sur le recours déposé par M. Z..., ès qualités, l'a rejeté, par jugement du 26 septembre 2012, en décidant que « le litige au principal n'est pas détachable du jugement du tribunal de commerce en date du 20 septembre 2005 engageant la procédure de redressement judiciaire », de sorte que « le litige ne ressortit pas à la compétence de la juridiction administrative ».
La SNCF a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Paris.
Dans le cadre de l'instance devant la présente cour sur renvoi de cassation, la SNCF a saisi, le 16 octobre 2013, le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour administrative d'appel de Paris.
Par ordonnance du 16 avril 2014, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande.
Le 30 avril 2014, la SNCF a déféré cette décision à la cour, sollicitant, à titre principal, sa nullité, et subsidiairement, son infirmation et le prononcé du sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour administrative d'appel de Paris.
Par conclusions du 23 octobre 2014, elle s'est désistée de son recours en l'état de l'arrêt rendu le 11 juillet 2014 par la cour administrative d'appel de Paris.
Par arrêt du 2 décembre 2014, la cour de ce siège, constatant ce désistement, s'est déclarée dessaisie du déféré.
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La SNCF a conclu, le 2 juin 2015, à l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Cannes du 14 mai 2009 et au rejet de la demande de M. Z..., ès qualités, et à sa condamnation à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- c'est à tort que M. Z..., ès qualités, prétend que la SNCF a compensé des créances qu'elle détenait sur la société CLBI avant l'ouverture de son redressement judiciaire avec ses dettes contractées avec cette société postérieurement à cette ouverture,
- en effet, l'avance qu'elle avait consentie à la société CLBI ne constitue pas une créance de la SNCF sur la société CLBI susceptible de compensation, mais des acomptes qui, dès lors que la société CLBI a bien réalisé les prestations convenues, ne peuvent plus être considérés comme une créance mais constituent le paiement desdites prestations, conformément à l'article 11-1 du marché Corail ou à l'article 9-2 du marché RIB/ RIO,
- la somme de 1 349 061, 68 euros TTC réclamée par M. Z..., ès qualités, ne correspond pas à des montants retenus par la SNCF, mais à des paiements partiels déjà reçus par la société CLBI en exécution des contrats conclus avec la SNCF, en contrepartie des travaux de rénovation réalisés par la société CLBI,
- d'ailleurs, dans ses factures, la société CLBI a bien pris en compte chaque paiement partiel ainsi effectué par la SNCF pour les marchés Corail et RIB/ RIO en le déduisant,
- ce qui était dû à la société CLBI par la SNCF ayant été réglé, la créance est éteinte,
- ce n'est que dans le cas où les travaux n'auraient pas été exécutés par la société CLBI que les acomptes versés par la SNCF auraient pu être qualifiés de créances,
- c'est d'ailleurs pour se prémunir contre le risque d'inexécution des marchés par la société CLBI que la SNCF a déclaré, au titre des marchés VB2N et RIB/ RIO, ces acomptes suite à l'ouverture de son redressement judiciaire, intervenue à une date où les travaux étaient en cours, ceux-ci n'ayant été terminés que durant la période d'observation,
- c'est également sur la base de ce raisonnement que le représentant des créanciers a contesté une partie de la déclaration sa créance, laquelle a été à bon droit, et conformément à la position de la SNCF, rejetée par le juge-commissaire puis par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 17 juin 2010,
- contrairement à l'affirmation de M. Z..., ès qualités, selon laquelle la SNCF ne rapporte pas la preuve que les avances consenties à la société CLBI ont été affectées précisément à l'exécution de tel ou tel marché, il ressort des factures qu'il produit que les premiers termes de paiement versés par la SNCF se rapportent uniquement aux marchés Corail, RIB/ RIO et Z2 et plus précisément encore à la rénovation de certains des véhicules prévus par ces marchés,
- M. Z..., ès qualités, ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 621-28, alinéa 4, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises pour justifier ses demandes et réclamer ainsi indûment un second paiement,
- M. Z..., ès qualités, n'a jamais prouvé pourquoi la SNCF lui devrait la somme de 311 857, 84 euros TTC pour l'exécution du marché Z2, aucune facture n'étant produite à cet égard.
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M. Z..., ès qualités, a conclu, le 8 juin 2015, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la SNCF à lui payer 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée et 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que :
- il avait été convenu entre les administrateurs judiciaires et la SNCF qu'aucune créance antérieure (avance, approvisionnement, prêt) ne pourrait être compensée avec les prestations exécutées par la société CLBI après le jugement d'ouverture de son redressement judiciaire, mais la SNCF est revenue sur cette position et a cru pouvoir se dispenser d'effectuer les règlements au titre des prestations réalisées durant la période d'observation,
- la compensation avec une créance née antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective ne peut jouer que si cette créance a été régulièrement déclarée,
- de plus, aux termes de l'article L. 621-28 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture, ce défaut d'exécution n'ouvrant droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif,
- si la CLBI a tenu compte dans les factures qu'elle a adressées à la SNCF des acomptes que cette dernière lui avait versés, c'est sous réserve et en précisant que cette pratique ne préjugeait pas de la reconnaissance de la validité de cette réfaction qui constituait, selon elle, un paiement privilégié,
- l'avance qu'avait consentie la SNCF à la société CLBI constitue une créance qu'elle devait déclarer au passif de la procédure collective (ce qu'elle a omis de faire concernant les marchés Z2 et Corail) puisque les prestations correspondant à cette avance n'avaient pas été réalisées à la date d'ouverture de la procédure collective,
- cette avance, qui constituait un soutien financier, ne peut être considérée comme des acomptes faute d'avoir été affectée précisément à l'exécution de tel ou tel marché,
- en effet, le montant total des déductions opérées sur les 15 factures émises par la société CLBI au titre des marchés Corail et RIB/ RIO s'élève à 871 287, 30 euros, ce qui, nonobstant la non-production de la facture afférente au marché Z2, n'établit pas que la somme de 1 349 061, 68 euros aurait été affectée à ces marchés,
- faute d'avoir été déclarée, la créance au titre de cette avance est éteinte, et aucune compensation ne peut jouer, d'autant que les créances et dettes ne sont pas connexes.
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M. Y..., ès qualités, a conclu à la confirmation du jugement entrepris, demandant à la cour de rejeter l'exception d'incompétence, de lui donner acte de ce que, sous réserve des droits qu'il tient de sa mission, il s'en rapporte à l'argumentation et aux moyens développés par M. Z... ès qualités, et de condamner la SNCF à lui payer 5 000 euros au titre de ses frais de procédure.
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C'est en cet état que la procédure a été clôturée selon ordonnance du 23 juin 2015, prononcée avant l'ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que M. Z..., ès qualités, prétend qu'il avait été convenu entre les administrateurs judiciaires de la société CLBI et la SNCF qu'aucune créance antérieure (avance, approvision-nement, prêt) ne pourrait être compensée avec les prestations effectuées par l'entreprise débitrice postérieurement au 20 septembre 2005, date de l'ouverture de son redressement judiciaire ;
Que pour justifier cette affirmation, il produit le courrier qu'il a adressé le 5 octobre 2005 à la SNCF faisant état d'une réunion, tenue le 26 septembre précédent, au cours de laquelle aurait été arrêtée cette décision de non-compensation des créances antérieures avec les prestations postérieures au redressement judiciaire, et relevant le fait qu'il lui avait été « rapporté que la SNCF aurait un doute sur ce mode opératoire » ;
Qu'il verse également aux débats un autre courrier du 12 octobre 2005 faisant suite à une conversation téléphonique échangée entre lui et la SNCF le même jour, dont il ressort que cette dernière n'était pas d'accord avec le « mode opératoire » que l'adminis-trateur judiciaire dit lui avoir « proposé » et qu'il formule alors une nouvelle proposition comme suit :
« ¿ nous proposons que la SNCF règle sans aucune retenue toutes les factures produites et émises par l'entreprise la société CLBI, ndlr depuis le 20. 09. 2005 de sorte que l'entreprise encaissera sans délai la totalité de ses facturations sous la seule déduction des approvisionnements livrés postérieurement au 20. 09. 2005. En revanche, la SNCF, par dérogation au marché, ne réglera plus 40 % d'avances au moment de l'entrée des voitures en sorte que la règle du refus de compenser trouvera sa légitime compensation dans l'exonération au paiement des avances futures pendant la période d'observation. Aussi, l'entreprise ne sera réglée qu'au fur et à mesure de sa production. Nous vous prions de bien vouloir donner une priorité absolue à ce problème qui conditionne la marche immédiate de l'entreprise car le prélèvement de 40 % postérieurs au redressement judiciaire, fusse-t-il (sic) au prix d'une logique contractuelle, équivaudrait à une perte de marge de 40 % » ;
Que la SNCF devait répondre à M. Z..., ès qualités, le 19 octobre 2005, qu'elle ne pouvait « raisonnablement envisager l'abandon pur et simple de toutes ses créances », que sa demande appelait une réponse qui ne pouvait être examinée qu'au niveau de la direction de l'entreprise, qu'elle l'invitait donc à en saisir le directeur du matériel de la SNCF et qu'en attendant cette décision, elle l'invitait à poursuivre l'émission des factures de la société CLBI à hauteur de 60 % en application des stipulations contrac-tuelles en vigueur ;
Qu'il résulte des courriers ultérieurs de l'administrateur judiciaire du 26 octobre 2005 et de ceux de la société CLBI à la SNCF des 25 et 28 octobre 2005 accompagnant l'envoi de factures, et enfin de ces factures elles-mêmes, qu'aucun accord n'a été arrêté, contrairement à ce que soutient M. Z..., ès qualités, quant au paiement intégral des prestations exécutées par la société CLBI durant la période d'observation, sans tenir compte des avances consenties par la SNCF avant l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu qu'aux termes de l'assignation introductive d'instance du 11 août 2005, M. Z..., ès qualités, a demandé la condamnation de la SNCF à lui payer la somme de 1 349 061, 68 euros correspondant, selon lui, au montant des avances versées par la SNCF à la société CLBI avant l'ouverture de son redressement judiciaire, mais retenues à tort sur les factures émises, du 5 octobre 2005 au 31 décembre 2006 (sic), postérieurement à cette procédure collective ;
Attendu qu'à l'appui de cette demande, l'administrateur judiciaire a versé un document, établi par la société CLBI, intitulé : « Etat des avances retenues sur facturation ¿ SNCF ¿ depuis le 20/ 09/ 2005 ¿ Mise à jour au 20/ 01/ 2006 » ;
Que ce document énumère, pour chacune des seize factures visées, le montant des avances retenues ;
Qu'il y a lieu d'observer liminairement que ne sont produites que quinze des seize factures visées (la facture no 10595 du 22 décembre 2005 au titre du marché Z2 ayant fait l'objet d'une retenue de 260 750, 70 euros HT n'étant pas produite) et qu'en outre, le rapprochement de cet état et des factures correspondantes permet de relever des erreurs ;
Que c'est ainsi que le montant de la retenue au titre de la facture no 10570 du 28 octobre 2005 est de 49 660 euros (39 997, 60 + 9 662, 40) et non pas de 49 600 euros, et que le montant de la facture no 10593 du 22 décembre 2005 est de 36 829, 60 euros et non pas de 32 829, 60 euros ;
Qu'en conséquence, le montant de la retenue au titre de ces quinze factures s'élève à 871 286, 70 euros HT, ou encore 1 132 037, 40 euros HT en incluant la retenue au titre de la seizième facture non produite, et non pas 1 127 978 euros HT ou 1 349 061, 68 euros TTC ;
Attendu que, cela étant, le marché Corail, qui concerne quatorze factures, et le marché RIB/ RIO qui concerne une seule facture (no 10562 du 5 octobre 2005), prévoyaient des modalités particulières de règlement des prestations de la société CLBI reposant sur des paiements partiels opérés à différents stades de leur exécution ;
Que concernant le marché Corail, il était prévu un versement de 40 % dès connaissance des numéros de voitures affectées à chacun des sites, 55 % à la date de l'autorisation de livraison de la voiture et 5 % en retenue de garantie (art. 11. 1 du marché) ;
Que concernant le marché RIB/ RIO, il était prévu 10 % à la date contractuelle de prise en charge de la rame, 40 % à la date d'entrée de la rame sur le site de rénovation, 40 % à la date d'établissement du procès-verbal de fin des travaux et 10 % à la date contractuelle de livraison de la rame rénovée (art. 9. 2 du marché) ;
Attendu que, ces marchés ayant été poursuivis après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société CLBI, la SNCF devait dès lors recevoir, conformément aux dispositions de l'article L. 621-28, alinéa 1er, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, la prestation prévue à ces marchés et aux conditions fixées, tenant notamment à l'imputation des acomptes au fur et à mesure de l'exécution des travaux convenus ;
Qu'ainsi, l'imputation des acomptes payés par la SNCF avant l'ouverture du redressement judiciaire sur les factures émises postérieurement constitue une modalité d'exécution de ces marchés continués, de sorte que les créances correspondant au versement de ces acomptes n'étaient pas soumises à déclaration ;
Attendu que chacune des quinze factures produites mentionne le montant à déduire au titre de l'acompte versé en visant expressément le numéro et la date de la ou des factures correspondant à cet acompte ;
Qu'il ressort de ces factures que non seulement chaque acompte est bien affecté à tel ou tel marché (Corail ou RIB/ RIO), mais, de surcroît, qu'il concerne tel ou tel véhicule, révisé ou transformé ou réparé, précisément identifié par un numéro ;
Qu'il s'ensuit que l'administrateur judiciaire n'est pas fondé à soutenir que les acomptes versés n'avaient pas été « affectés précisément à l'exécution de tel ou tel marché » (p. 15 de conclusions de M. Z..., ès qualités) et doivent être regardés « comme un soutien financier accordé par la SNCF à CLBI » (p. 16 de conclusions de M. Z..., ès qualités) ;
Que, d'ailleurs, il est mal venu de prétendre que le montant total des retenues opérées sur les factures, soit, selon lui, 871 287, 30 euros (en réalité 871 286, 70 euros), ne correspond pas à la somme de « 1 349 061, 68 euros qui aurait été payée par la SNCF en guise d'acompte » (page 16 des conclusions de M. Z..., ès qualités), alors que, d'une part, la différence entre ces deux montants réside dans l'acompte (260 750, 70 euros) afférent à la seizième facture non produite, et, d'autre part, c'est lui seul qui a invoqué, dans son exploit introductif d'instance, la somme de 1 349 061, 68 euros dont il apparaît au demeurant qu'elle résulte de calculs erronés ;
Attendu, enfin, qu'il est indifférent que les lettres d'envoi de ces factures fassent état de réserves quant à la réfaction des 40 % d'acomptes, alors que la SNCF n'a jamais accepté les propositions de l'administrateur judiciaire à cet égard, ni renoncé en aucune façon à récupérer ces acomptes sur les factures finales ;
Attendu que c'est donc par une fausse appréciation que le premier juge a fait droit à la demande de M. Z..., ès qualités ;
Que le jugement entrepris sera infirmé, et la demande, rejetée ;
Attendu que M. Z..., ès qualités, qui succombe, sera condamné à payer à la SNCF la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée, de même que celle formée à titre de dommages-intérêts, et supportera les dépens ;
Que la demande de M. Y..., ès qualités, au titre de ses frais de procédure sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après débats en chambre du conseil,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2012,
Infirme le jugement entrepris.
Et, statuant à nouveau, déboute M. Z..., ès qualités, de ses demandes.
Condamne M. Z..., ès qualités, à payer à la société nationale des chemins de fer français la somme de cinq mille euros (5 000) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute M. Y..., ès qualités, de sa demande au titre de ses frais de procédure.
Condamne M. Z..., ès qualités, aux dépens des première instance et d'appel, exposés à l'occasion de l'instance ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 juin 2010 et du présent arrêt.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. B.