COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 20 avril 2017
N 2017/ 00037
REQUETE ARTICLE
173 DU C. P. P.
DECISION :
REJET DE LA REQUETE
A R R E T N
prononcé en chambre du conseil le vingt avril deux mil dix sept par Madame ISSENJOU, président
Vu la procédure d'information suivie au Tribunal de Grande Instance de Montpellier du chef de homicide involontaire, homicide involontaire par personne morale à l'encontre de :
PERSONNE MISE EN EXAMEN :
ETABLISSEMENT CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER
Représenté par M. Eric X..., directeur des affaires juridiques et de la recherche, délégué par Monsieur le directeur général Philippe Y...
Hôpital Gui de CHAULIAC-191, av. du Doyen G. GIRAUD-34000 MONTPELLIER
Ayant pour avocat Me ARMANDET, 849 Rue Favre de Saint Castor-34080 MONTPELLIER
PARTIES CIVILES :
- Z...Jérôme
...
-Z...Michel
...
-Z...Vincent
...
Ayant toutes pour avocat Me BREUKER, 32, Bd. du Jeu de Paume-34000 MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats, du délibéré :
Madame ISSENJOU, Président
Madame SIGALA et Monsieur DARPHIN, conseillers,
régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale et désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 15 décembre 2016.
GREFFIER : Madame VIGINIER, assistée de Madame GATOUILLAT, greffier stagiaire, lors des débats et Madame
VIGINIER lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Monsieur CAVAILLEZ, substitut général lors des débats.
Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.
DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 09 mars 2017, ont été entendus :
Madame ISSENJOU, Président, en son rapport
Maître BREUKER, avocat des parties civiles, s'en est rapporté
et en présence de Monsieur Z...Michel, partie civile
Monsieur CAVAILLEZ, substitut général, en ses réquisitions
Maître ARMANDET, avocat de la personne mise en examen et qui a eu la parole en dernier.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par requête reçue au greffe de la chambre de l'instruction le 13 mai 2016, Maître CESBRON, substituant Maître ARMANDET, conseil du Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier a sollicité conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure pénale l'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 13 janvier 2017, le président de la chambre de l'instruction a considéré qu'il convenait de saisir la chambre et a ordonné la transmission du dossier au procureur général.
Par avis, télécopies et lettres recommandées en date du 01 février 2017, le procureur général a notifié à la personne mis en examen, aux parties civiles et aux avocats la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître BREUKER, avocat, a déposé au nom des parties civiles, les consorts Z...Jérôme, Michel et Vincent, le 06 mars 2017 à 15 H 55, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
La requête, régulière en la forme, est recevable ; La procédure prévue par les articles 170 à 174-1 du code de procédure pénale a été régulièrement engagée.
AU FOND
Le 25 octobre 2010, Michel Z...déposait plainte auprès du Procureur de la République contre le CHRU de MONTPELLIER, le médecin et l'agent hospitalier en charge de son épouse, Roseline Z..., du chef d'homicide involontaire commis sur cette dernière et toute autre qualification qui pourrait être donnée.
Il expliquait à l'appui de sa plainte que le 10 mai 2010 au soir, son épouse Roseline Z..., âgée de 58 ans, avait été victime d'une hémorragie cérébrale. Elle avait été transportée dans la nuit au CHRU de MONTPELLIER, à l'hôpital GUI DE CHAULIAC dans le Service d'Anesthésie et de Réanimation (SARC).
Après avoir été opérée, elle avait fait l'objet de nombreuses complications notamment une thrombose, pour laquelle un traitement anti-coagulant lui avait été administré. Après six semaines de coma artificiel, son état de santé s'était amélioré, retrouvant l'usage de ses quatre membres et recommençant à parler avec cohérence. Elle avait intégré le service de neurochirurgie B où la neurologue avait qualifié son état de très favorable. Une place dans un centre de rééducation était attendue (D2).
Néanmoins, le 20 juillet 2010 en début d'après-midi, Roseline Z...avait chuté de son lit et avait été retrouvée au sol, éveillée (D3, D5, D6). Michel Z...expliquait que cette chute était dûe au fait que la barrière latérale du lit qui avait été abaissée pour permettre de présenter le plateau-repas, n'avait pas été relevée.
Suite à cette chute un examen clinique avait été effectué et rien n'anormal n'avait été constaté.
Le 22 juillet 2010 au matin, Roseline Z...était retrouvée dans le coma. Les scanners révélaient d'importants hématomes ainsi que des lésions dans la zone du tronc cérébral qui conduisaient à son décès 5 septembre 2010 au matin.
Michel Z...estimait que la réalité de la faute de l'hôpital était clairement établie. Il fournissait à cet égard la copie d'une lettre datée du 15 septembre 2010, signée du président de la commission des relations avec les usagers, où ce dernier reconnaissait le fait que la chute mortelle était dûe au non relèvement de la barrière de sécurité du lit et où il estimait que seule une expertise permettrait d'établir les responsabilités, notamment dans le cadre d'une saisine de la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation-CRCI- (D12, D13).
Michel Z...joignait également la feuille de transmission du mardi 20 juillet 2010 mentionnant que la patiente avait " chuté de son lit à 13 H car barrière ôtée par l'étudiante pendant le repas " (D3).
Michel Z...estimait également que compte tenu du fait que son épouse était traitée contre une thrombose par des anti-coagulants, une surveillance renforcée s'imposait par rapport à un risque de chute et que des consignes particulières de vigilance auraient du être prescrites par les médecins et appliquées par le personnel soignant (D1).
Il joignait en outre à sa plainte :
- L'acte de décès de Roseline Z...(D15)
- Copie des pièces du dossier médical de Roseline Z...comprenant :
- La demande d'admission dans un centre de rééducation (D2)
- Les feuilles de transmission en date du 19, 20 et 21 juillet 2010 (D3)
- La fiche d'incident et de liaison rédigée le 20 juillet 2010 suite à la chute de Roseline Z...(D5)
- Une note du chef de service de neurologie en date du 02 août 2010 (D6)
- Copies des lettres adressées au CHRU de MONTPELLIER et à la direction droit des patients en date des 23 et 30 juillet 2010 et 17 septembre 2010 (D7 à D9).
- Copies des réponses faites par la direction droits des patients en date du 30 juillet, 3 août, 15 septembre et 29 septembre 2010 (D10 à D14).
Michel Z...ainsi que Jérôme et Vincent Z..., fils de la victime, se constituaient partie-civile au cours de l'information requise le 28 janvier 2011.
Le rapport d'expertise et l'avis de la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation confirmaient le déroulement des faits.
Le 20 juillet vers 13H alors que son déjeuner lui avait été servi, Roseline Z...chutait de son lit après qu'une des barrières latérales de sécurité de son lit fut laissée en position basse. Le personnel de service retrouvait la patiente au sol, entre le lit et la fenêtre. La chute entraînait un traumatisme crânien, une plaie au front était nettoyée.
Un simple examen clinique était alors réalisé et aucun trouble neurologique n'était mis en évidence.
Cependant, dans la nuit du 21 au 22 juillet 2010, vers 5 heures du matin, Roseline Z...était retrouvée, dans son lit, dans un coma avec une réactivité en extension bilatérale et en mydriase réactive, état suivi d'une crise comitiale généralisée.
Une intubation était pratiquée et un scanner réalisé en urgence. Ce dernier objectivait l'existence d'un volumineux hématome sous-dural aigu. Une intervention chirurgicale était pratiquée en urgence afin d'évacuer cet hématome qui se révélait, au décours du geste opératoire, être au sein du tronc cérébral. Dès lors, le pronostic vital de la patiente se trouvait engagé.
Suite à cette intervention, Roseline Z...était à nouveau admise au sein du SARC où elle restait intubée, ventilée et en état de coma jusqu'à son décès, survenu le 5 septembre 2010 (D59, D27).
*****
Selon le rapport d'expertise établi par le professeur B..., saisi par la CRCI Languedoc-Roussillon, un lien de causalité direct et certain, quoique non exclusif, pouvait être établi entre la chute de Roseline Z...et la survenue de l'hématome sous-dural aigu ayant abouti à son décès.
L'expert de la Commission estimait en outre que si l'on pouvait retenir un défaut d'organisation du service public dans la surveillance et la protection de Roseline Z...du fait des circonstances de survenue de la chute, on ne pouvait pas en revanche retenir de défaillance du service public ou de l'un quelconque de ses acteurs dans la prise en charge consécutive à la chute. Certes il était noté un traumatisme crânien le jour de la chute mais ce traumatisme crânien étant de nature bénigne, il n'entrait pas dans les bonnes pratiques de faire systématiquement un scanner immédiat (D59).
La Commission Régionale concluait que l'absence de relèvement de la barrière du lit constituait un comportement fautif des équipes médicales et paramédicales du CHRU de MONTPELLIER ouvrant droit à la réparation intégrale des préjudices qui en découlaient. Elle excluait par ailleurs tout comportement fautif dans la prise en charge de la patiente antérieurement à sa chute, dans la période comprise entre le 11 mai 2010 et le 19 juillet 2010 (D59, D27).
Le personnel hospitalier était auditionné.
Il ressortait des auditions du personnel hospitalier que c'était une étudiante infirmière de l'IFSI de MONTPELLIER, Fanny C..., qui avait servi le déjeuner à Roseline Z.... Cette étudiante avait commencé son stage la veille au sein du service de neurochirurgie B du Professeur Hugues D....
Elle avait abaissé la barrière de sécurité afin de pouvoir positionner le plateau repas à une hauteur plus confortable pour la patiente mais n'avait pas relevé la barrière à la suite du repas, ce qui avait rendu possible la chute de Roseline Z.... L'étudiante avait immédiatement reconnu son oubli et avait expliqué qu'elle avait été distraite par une sollicitation de la voisine de chambre de Roseline Z...(D53).
Après la chute de la patiente, une surveillance-neurologique était réalisée par l'infirmière titulaire, Clio E.... Roseline Z..., consciente, avait bien répondu aux questions posées. Elle était en état d'éveil et ses réponses aux ordres étaient concluantes. Elle avait murmuré avoir voulu attraper quelque chose sur la table de nuit.
Immédiatement après cet incident et ces contrôles, l'interne de permanence le Docteur Ricardo F...était informé (D36, D44).
Ce dernier procédait à un examen neurologique de la patiente quelques dizaines de minutes après la chute. Il ne constatait aucun changement par rapport à son état antérieur. Sur le plan général, son état était identique et ses constantes étaient stables. Le Docteur Ricardo F...était repassé voir la patiente en fin d'après-midi accompagné du Docteur I...puis le lendemain, le 21 juillet 2010, accompagné du Docteur J..., le matin et le soir. La patiente était toujours stable, son état n'avait pas changé.
Il expliquait qu'en cas de chute, il n'existait pas de protocole pré défini demandant un examen neurologique approfondi. Il estimait qu'en l'espèce, rien ne pouvait les alerter sur le plan clinique quant à la dégradation de l'état de la patiente, ce qui expliquait l'absence de tels examens (D50).
Cette analyse était confirmée par le Professeur Alain K..., dirigeant du service de Neuro-radiologie qui expliquait que dans le cas d'une chute, les examens complémentaires d'imagerie n'étaient pas indiqués si l'état du patient ne se trouvait pas modifié par rapport à son état de base (D51).
Il ressortait également des auditions que le relèvement des barrières de sécurité était une pratique qui dépendait de l'état des patients. Clio E..., infirmière, expliquait que la règle pour les patients dépendants était de remonter systématiquement la barrière du lit, ce qui n'était pas le cas de Roseline Z...qui ne se trouvait pas dans un cas de dépendance. Elle précisait également que le relèvement de la barrière de sécurité du lit au moment du repas entraînait une gêne pour le patient car le plateau se trouvait alors trop haut (D36).
Nathalie L..., aide-soignante, expliquait que normalement les médecins devaient demander à ce que les barrières soient relevées en permanence par le biais d'une prescription médicale mais que dans le service, les barrières étaient systématiquement relevées pour éviter les chutes (D53).
Ceci était confirmé par le Professeur Hugues D..., chef du service de Neuro-chirurgie qui indiquait que le relèvement des barrières de sécurité dépendait de l'observation de chaque patient
et de l'évolution de son état (D54).
Sophie M..., cadre infirmier du service de neuro-chirurgie B et Ange-Rose N..., cadre supérieur, indiquaient en outre qu'une évaluation des pratiques professionnelles sur la prévention des chutes avaient été mise en place au sein du centre hospitalier (D31, D37).
Les constatations dans la chambre d'hôpital établissaient qu'en position haute, la barrière du lit dépassait de 20 centimètres le matelas (D43, D56).
Fanny C...était entendue sous le régime de l'audition libre. Elle indiquait qu'elle n'avait été au contact des patients que le second jour de son stage, le 20 juillet au matin. A l'heure du déjeuner, elle avait proposé son aide à l'agent de service hospitalier en charge de la distribution des repas. Elle avait servi le plateau à la patiente en enlevant la barrière de sécurité du lit afin de pouvoir glisser l'adaptable et que le plateau ne soit pas trop élevé pour cette patiente de petite taille. Elle avait ouvert la barquette, lui avait relevé la tête et glissé la cuillère dans la main afin de faciliter la prise du repas.
A ce moment là, la fille de Madame O..., la voisine de chambre, lui avait demandé de repositionner sa mère. Après s'être exécutée, elle avait quitté la chambre en regardant Roseline Z...qui parvenait à manger de manière autonome.
Fanny C...était alors partie se restaurer dans la salle de repos. C'est à ce moment là qu'elle avait appris la chute de Roseline Z.... Elle s'était alors dirigée vers la chambre de la patiente où elle s'était effondrée suite aux reproches de ses collègues.
Elle ajoutait qu'elle n'avait reçu aucune consigne particulière concernant cette patiente et que celle-ci ne bénéficiait pas d'une prescription médicale indiquant que les barrières devaient toujours rester relevées. Elle disait également n'avoir appris l'habitude du service consistant à maintenir les barrières relevées pour tous les patients que postérieurement à l'incident (D55).
Michel Z...était également entendu en qualité de partie civile. Après être revenu de manière circonstanciée sur les faits, il estimait qu'au vu de son état de santé, sa femme aurait du faire l'objet d'une surveillance particulière afin de prévenir une éventuelle chute. Il désirait comprendre pourquoi les médecins n'avaient pas signalé l'état à haut risque de son épouse et pourquoi elle n'avait pas fait l'objet d'une surveillance particulière (D38).
Lors de son interrogatoire de première comparution, le CHRU de MONTPELLIER représenté par Eric X..., directeur des affaires juridiques délégué par Philippe Y..., directeur général, contestait avoir commis une faute dans la prise en charge de Roseline Z..., il contestait tout défaut d'organisation du service. Il expliquait que la prescription de la contention n'était indispensable que dans l'hypothèse d'un défaut d'autonomie de la personne ; or Roseline Z...voyait son état de santé s'améliorer, sa sortie en rééducation était prévue, elle se rendait au fauteuil sans attache, sans contention, les barrières du lit n'étaient relevées qu'à certains moments de la journée ou de la nuit, ce qui expliquait que la pose des barrières n'avait pas été prescrite par le médecin. Ainsi, le fait de ne pas avoir relevé la barrière n'était pas un comportement fautif en l'espèce. Si la patiente avait été une patiente à risque, des consignes particulières auraient été données mais tel n'était pas le cas de Roseline Z....
Par ailleurs, il expliquait que l'avis de la CRCI ne s'imposait pas à l'hôpital ni à l'assureur qui pouvaient décider de conclure ou non une transaction. L'offre faite par l'hôpital via l'assurance ne constituait pas une reconnaissance de culpabilité. En l'espèce, l'établissement avait entendu accompagner Michel Z...mais en aucun cas, il ne s'agissait pour le CHRU d'admettre qu'il y avait eu un dysfonctionnement dans le fonctionnement du service.
Pour l'Hôpital, la chute de la patiente était imprévisible.
L'établissement était placé sous le statut de témoin assisté (D64) et remettait des documents au magistrat instructeur dont notamment un protocole interne sur le repérage du risque de chute du patient daté du 24 juin 2005 et approuvé par le Professeur P..., coordonnateur médical du CR Gérontologie et le Professeur R..., chef de service de neurologie du CHRU Gui de Chauliac et un protocole sur la conduite à tenir en cas de chute mis en place au sein de l'Hôpital Gui de Chauliac (D65).
Le magistrat instructeur commettait le Professeur Jean S..., expert près la Cour de cassation et le Professeur Jean-Claude T..., neuro-chirurgien du CHU de NANCY aux fins qu'il soit procédé à une expertise médicale (D67).
Au terme de leur rapport d'expertise, les experts concluaient à l'existence d'un lien de causalité certain entre la chute de Roseline Z...et son décès survenu le 5 septembre 2010. Ce lien certain n'était cependant pas total, ils évaluaient que la mort de la patiente était dûe pour 1/ 4 à sa chute et pour 3/ 4 à des facteurs favorisant consistant en la prise d'un médicament anti-coagulant, l'existence d'un système de drainage ventriculaire et l'état anatomique de son encéphale.
Ils ajoutaient qu'une inattention et un manquement à une obligation de prudence et de sécurité imposée par le règlement avaient été commis à l'origine de la chute et imputaient cette faute au personnel soignant et à l'hôpital.
En outre, les experts considéraient que l'absence de relèvement de la barrière après installation du repas était fautive et que l'état de la patiente aurait dû faire l'objet de prescriptions médicales écrites afin de prévenir une éventuelle chute (D69).
Ces conclusions étaient contestées par les parties.
Le conseil des parties-civiles estimait qu'il n'existait aucune certitude quant à l'existence d'un lien de causalité entre les facteurs qualifiés de favorisant et le décès de Roseline Z.... Ces facteurs constituaient en revanche des facteurs aggravants de la faute commise car compte tenu de son état, la victime aurait dû faire l'objet d'une surveillance renforcée (D71).
Le conseil du CHRU de MONTPELLIER estimait que le rapport d'expertise non-contradictoire comportait des éléments d'affirmation erronés, contradictoires et non-étayés par un raisonnement médico-légal probant. Il faisait valoir qu'il n'était pas démontré par une véritable discussion médico-légale, la nécessité absolue de laisser les deux barrières de sécurité en position haute même pendant le temps du repas.
S'agissant du lien de causalité entre la chute et le décès de la patiente, le conseil estimait que les experts, en estimant que la chute était " bien évidemment " en rapport avec le décès de la patiente, ne faisaient pas la démonstration incontournable du caractère certain du lien causal. Le conseil faisait valoir, en s'appuyant sur les constations du rapport d'expertise et sur la littérature médicale, qu'il était parfaitement possible qu'indépendamment de la chute bénigne survenue le 20 juillet 2010, Roseline Z...ait été victime d'un syndrome hémorragique spontané directement en rapport avec son état antérieur et la prise de l'anticoagulant, aggravé par l'état anatomique de l'encéphale présentant une vulnérabilité en raison de ses antécédents d'hémorragie méningée dès lors qu'il existait un système de drainage ventriculaire contribuant à l'aggravation de l'hématome sous dural par absence de contre pression cérébrale physiologique.
S'agissant de la faute de l'Hôpital, le conseil estimait que l'établissement avait respecté le référentiel d'accueil et d'encadrement des stagiaires médicaux de 2009 ainsi que la procédure de repérage du risque de chute d'un patient de 2005. Il considérait que si une juridiction devait retenir un manquement fautif pour omission de prescription de relèvement des barrières de sécurité, ce manquement ne serait susceptible d'engager que la responsabilité civile de la personne morale en qualité d'employeur de ses agents publics et non une responsabilité pénale seulement susceptible de découler d'infractions commises pour le compte de la personne morale, par ses organes ou représentants (D73).
Une confrontation entre Michel Z...et le CHRU du MONTPELLIER était organisée. Chacun maintenait ses observations.
Michel Z...indiquait que malgré une amélioration de l'état de santé de sa femme, celle-ci était incapable de se lever seule et n'avait pas repris la marche. Il contestait l'affirmation selon laquelle sa femme allait au fauteuil sans contention. Il certifiait n'avoir jamais vu son épouse dans un fauteuil sans être attachée par un drap.
Michel Z...estimait qu'il appartenait à l'Hôpital de mettre en place un protocole efficace permettant de repérer les patients à risque et permettant à un médecin référant de se prononcer. Il estimait qu'il appartenait à l'Hôpital de veiller à la stricte application de ce protocole et que la mauvaise application de ce dernier révélait à l'évidence un problème d'organisation au sein de l'établissement.
Le CHRU de MONTPELLIER estimait qu'aucune faute n'avait été commise dans la mesure où la seule chose qui pouvait être reprochée au service était une absence de réglementation et d'organisation. Or pour le CHRU cette organisation était bien réelle, l'encadrement des stagiaires faisait l'objet d'une procédure interne de même que la prévention des chutes. Il n'y avait en l'espèce, pas eu de défaut dans la mise en oeuvre de ces protocoles, dans la mesure où l'élève infirmière était en deuxième année et effectuait des taches simples. Elle n'avait d'ailleurs pas commis de faute dans la mesure où l'état de santé de Roseline Z...s'améliorait et ne nécessitait pas le relèvement permanent des barrières de sécurité. Il n'y avait pas non plus de faute à reprocher à l'encadrement soignant qui avait respecté le règlement dans la mesure où la distribution des repas ne pouvait s'analyser en un acte infirmier complexe nécessitant l'accompagnement du cadre infirmier. En tout état de cause, le CHRU remettait en cause le rapport d'expertise non contradictoire en raison de sa non-conformité au contenu du dossier de la patiente (D74).
Un complément d'expertise était ordonné (D76). Les experts confirmaient dans un rapport déposé le 18 juin 2014 leurs précédentes conclusions et ajoutaient que compte tenu de l'état de la patiente, la prescription d'une contention était nécessaire. Ils relevaient que les soins et traitements pratiqués après la chute de Roseline Z...avaient été adaptés à la pathologie et aux règles de l'art.
Enfin, ils précisaient qu'à l'exception des personnes âgées d'au moins 75 ans, il n'existait pas de protocole national de prévention des chutes du patient en milieu hospitalier (D77).
Le conseil du CHRU de MONTPELLIER contestait à nouveau les conclusions expertales et estimait que la responsabilité pénale de l'Hôpital susceptible d'être engagée était totalement étrangère à un défaut de prescription médicale (D85).
Aucune contre-expertise n'était toutefois sollicitée.
Les parties déposaient plusieurs notes d'observations après délivrance des avis de fin d'information.
Le conseil des parties civiles communiquait au magistrat instructeur le rapport d'expertise établi par le docteur U..., expert commis par le tribunal administratif (D 102) lequel retenait une faute du centre hospitalier (une surveillance accrue de Madame Z...patiente à risque de chute était indiquée), retenait un lien de causalité entre la faute du centre
hospitalier et le décès de Mme Z...et estimait donc que le centre hospitalier était entièrement responsable de son décès.
Le 5 avril 2016, suite à des réquisitions supplétives, l'Hôpital GUI DE CHAULIAC était mis en examen du chef d'homicide involontaire pour avoir en qualité de personne morale à MONTPELLIER, entre le 20 juillet 2010 et le 5 septembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence et de sécurité imposée par la loi ou le règlement, pour son compte et par ses organes ou représentants, en l'espèce par le directeur d'établissement et le chef de service de neuro chirurgie B de l'Hôpital Gui de Chauliac, en omettant d'appliquer le protocole de repérage de risque de chute, en omettant de susciter toute prescription médicale de contention, alors même que cette patiente était sous traitement d'anti-coagulants et objet d'un système de drainage ventriculaire, laissé la barrière de lit de la patiente en position basse, disposition ayant favorisé sa chute, ayant entraîné un hématome sous-dural et le décès, involontairement causé la mort de Z...Roseline née A... (D107).
Après avis de fin d'information, le procureur de la République prenait le 13 mai 2016 des réquisitions aux fins de renvoi de la personne morale devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire (D111).
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Par requête enregistrée au greffe de la chambre de l'instruction le 13 mai 2016, Maître CESBRON, substituant Maître ARMANDET a sollicité, sur le fondement de l'article 80-1 du Code de procédure pénale, l'annulation de la mise en examen du CHRU de MONTPELLIER.
A l'appui de sa requête, le conseil du mis en examen fait valoir que les conditions de l'article 80-1 du code de procédure pénale n'ont pas été respectées. Il soutient à cet égard que l'article 121-2 du Code pénal exige, pour que la personne morale soit poursuivie, qu'un acte ait été accompli par un de ses organes ou représentants.
Ainsi, si l'acte fautif est commis par un infirmier, un interne, un praticien ou un chef de service, la responsabilité pénale de l'établissement de soins, personne morale, ne peut être engagée, ces personnes n'entrant pas dans la définition données de la notion d'organe ou de représentant, pour n'être que des préposés de l'établissement.
Or, s'il est clairement retenu que le protocole de détection des risques de chute n'a pas été appliqué dans le cas de Madame Z...et que l'absence de prescriptions de mesure de contention par un médecin est considérée comme fautive, ces fautes ne sont pas de nature à engager la responsabilité pénale de
la personne morale à laquelle elle ne peuvent être imputées car " il est constant que les décisions purement médicales ne ressortissent pas du pouvoir d'administration et de direction des organes et représentants de la personne morale, mais uniquement de l'exercice de la médecine qui en est totalement détachable ".
A cet égard, le conseil fait valoir que le magistrat instructeur fait preuve de contradiction en retenant comme " indices " fondant la mise en examen " l'omission d'appliquer le protocole de repérage de risque de chute " et " l'omission de susciter toute prescription médicale de contention " alors que l'un comme l'autre de ces griefs ne peut être imputable au CHU mais seulement à l'un de ses préposés, la direction du CHU ayant tout au contraire mis en place les protocoles visés dans l'avis de fin d'information (D113).
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Monsieur le Procureur Général requiert le rejet de la requête en nullité.
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Dans son mémoire régulièrement déposé, le conseil des parties civiles soutient le bien fondé de la mise en examen du centre hospitalier la responsabilité de celui-ci par l'organe de son directeur étant recherchée sur le terrain de son obligation de sécurité envers les patients.
Il relève que le protocole de repérage du risque de chute d'un patient n'a pas été porté à la connaissance du personnel soignant, qu'il n'a vraisemblablement jamais été appliqué et qu'aucun médecin référent n'a été saisi de la nécessité de mesures de contention pour Madame Z....
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SUR QUOI :
L'objet de la saisine de la chambre de l'instruction concerne uniquement la validité de la mise en examen.
Il sera à titre préliminaire rappelé que :
- par application de l'article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;
- l'article 121-3 édicte qu'il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ;
- l'article 221-6 du Code pénal prévoit le délit d'homicide involontaire comme le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3 par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui.
Selon l'article 80-1 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut, à peine de nullité, mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.
La chambre de l'instruction devant se placer au moment de la notification de la mise en examen pour apprécier l'existence d'indices graves ou concordants, il ne lui appartient pas à ce stade de répondre et de statuer sur l'ensemble des arguments longuement développés dans la requête tendant pour la majeure partie d'entre eux à ce qu'il soit dit qu'aucune faute n'a été commise par l'un des organes ou représentants de l'établissement hospitalier et pour son compte, infirmier, interne, praticien ou chef de service n'étant que des préposés, et que la responsabilité pénale du CHRU de Montpellier ne peut en conséquence être engagée, suggérant ainsi un non lieu à suivre s'agissant de l'infraction pour laquelle il a été mis en examen.
Ces arguments déjà soumis au cours de l'information pourront être examinés par le magistrat instructeur à la lueur des observations formulées par la personne mise en examen, des investigations menées, de celles restant le cas échéant à réaliser, l'information ayant précisément pour objet notamment de déterminer par lequel de ses organes ou représentants la personne morale a pu éventuellement s'abstenir ou agir et de s'assurer en fin de procédure de l'existence de charges suffisantes permettant d'imputer à l'intéressé la responsabilité de l'infraction poursuivie.
En l'espèce, les indices graves et concordants opposables à l'établissement hospitalier découlent suffisamment des conclusions concordantes des deux expertises versées par la partie civile (D 59, D 101) et des expertise et complément d'expertise ordonnés par le magistrat instructeur (D 69, D 77).
Celles-ci mettent en évidence d'une part un lien de causalité certain entre la chute de la victime et la survenue du décès le 5 septembre 2010, d'autre part un manquement à une obligation de prudence et de sécurité imposée par le règlement à l'origine de la chute et imputable au personnel soignant et à l'hôpital, en l'état d'un défaut d'organisation du service hospitalier, une surveillance accrue de la patiente s'imposant au regard de son état.
Par ailleurs s'agissant de la prétendue contradiction dans les termes de la mise en examen, la qualification développée n'est qu'indicative et met en tout état de cause en mesure la personne concernée de comprendre la nature et l'étendue des faits pour lesquels elle est mise en examen.
De la sorte la mise en examen notifiée qui repose sur les indices graves et concordants précités ne pourrait être invalidée pour les motifs soutenus, le requérant contestant en réalité le bien fondé de la mise en examen et non sa validité au sens de l'article 80-1 du Code de Procédure Pénale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 170 à 174-1, 194 à 200, 201, 206, 216, 217 et 802 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
Déclare recevable la requête.
AU FOND
La rejette.
Ordonne le retour de la procédure au magistrat instructeur qui en est saisi.
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le procureur général.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,