COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 20 avril 2017
N 2017/ 00041
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU
DECISION :
INFIRMATION et ORDONNE le retour de la procédure au juge d'instruction saisi aux fins de poursuite de l'information
A R R E T N
prononcé en chambre du conseil le vingt avril deux mil dix sept par Madame ISSENJOU, président
Vu l'information suivie au tribunal de grande instance de Perpignan des chefs d'escroquerie-faux et usage de faux, abus de confiance, prise illégale d'intérêt par une personne dépositaire de l'autorité publique, détournement de bien public, corruption et trafic d'influence
PARTIE CIVILE :
Commune de Salses le Château Prise en la personne du maire Domiciliée à l'hôtel de ville-66600 Salses le Château
Ayant pour avocat Me LERAT, 15 rue Draparnaud-n 91-34000 Montpellier
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré :
Madame ISSENJOU, président Monsieur COMMEIGNES et Monsieur DARPHIN, conseillers régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.
GREFFIER : Monsieur BELLANGER lors des débats et Madame VIGINIER du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Madame BRIGNOL, substitut général lors des débats. Arrêt prononcé en présence du ministère public.
DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 23 février 2017, ont été entendus :
Monsieur COMMEIGNES, conseiller, en son rapport
Maître RAMOS substituant Maître LERAT, avocat de la partie civile, en ses observations Madame BRIGNOL, substitut général, en ses réquisitions
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par ordonnance en date du 09 janvier 2017, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Perpignan a :
- dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs de faux et usage de faux, corruption, escroquerie, abus de confiance, trafic d'influence, soustraction ou détournement de bien public au préjudice de la commune de SALSES LE CHATEAU ;
- constaté l'extinction de l'action publique par prescription pour les faits qualifiés de prise illégale d'intérêts commise par une personne dépositaire de l'autorité publique au préjudice de la commune de SALSES LE CHATEAU.
Par lettres recommandées du 09 janvier 2017, avis a été donné au conseil de la partie civile, ainsi qu'à cette dernière.
Le 16 janvier 2017, Maître KOC substituant Maître LERAT, avocat de la partie civile, a interjeté appel de cette ordonnance au greffe dudit tribunal.
Par avis, télécopie et lettre recommandée en date du 06 février 2017, le procureur général a notifié à la partie civile et à son avocat la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître LERAT a déposé au nom de la partie civile, la commune de SALSES LE CHATEAU le 20 février 2017 à 16 heures 15, au greffe de la chambre de l'instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au ministère public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Cet appel, régulier en la forme, a été interjeté dans le délai de l'article 186 du code de procédure pénale.
Il est donc recevable.
AU FOND
Le 2 janvier 2012, le maire de la commune de SALSES le CHATEAU se constituait partie civile au nom de cette commune devant le doyen des juges d'instruction de PERPIGNAN pour :- escroquerie par dépositaire de l'autorité publique ;- faux ;- abus de confiance ;- prise illégale d'intérêt ;- destruction, soustraction ou détournement de bien ;- corruption passive ou trafic d'influence.
Il expliquait avoir préalablement porté plainte contre X auprès du procureur de la République de PERPIGNAN le 27 juillet 2011 lequel ne lui avait pas fait connaître dans le délai de 3 mois de l'article 85 du code de procédure pénale les suites qu'il lui avait réservées (D45).
Il faisait valoir que plusieurs éléments d'un ensemble de décisions ou de non décisions faisaient naître un doute certain sur la régularité de certaines opérations en considération de la loi pénale, opérations dont il rappelait la teneur et qui concernaient les conditions d'acquisition d'un terrain par Tristan X... sis lieu-dit " ... " cadastré section D no1311 sur la commune de SALSES LE CHATEAU après absence de mise en oeuvre du droit de préemption de la commune puis d'obtention d'un permis de construire sur la dite parcelle. La commune adressait par la suite des documents complémentaires (D16).
Suite à cette plainte avec constitution de partie civile, le procureur de la République prenait un réquisitoire introductif contre X au seul visa de cette plainte et pour les qualifications suivantes : escroquerie, faux et détention de faux, abus de confiance, prise illégale d'intérêt, soustraction et détournement de biens, corruption et trafic d'influence.
Les faits dénoncés peuvent être résumés comme suit :
Dès avril 1991 était évoqué dans le bulletin municipal de la commune de SALSES LE CHATEAU par l'adjoint aux travaux de la mairie un projet de construction d'un giratoire sur la nationale et le franchissement de la ligne de chemin de fer par un pont tandis qu'en 2003, un rapport établi par le cabinet DML Urbanistes faisait état des besoins en déplacements et du fait que les solutions existantes sur la commune n'étaient pas satisfaisantes, un ouvrage de franchissement aérien étant ainsi considéré comme une solution à envisager pour l'entrée de ville en venant de PERPIGNAN (D9).
Par délibération du 8 février 2005, le conseil municipal de SALSES LE CHATEAU décidait de fixer une zone susceptible d'accueillir une urbanisation de 33 hectares et de porter la population future de la commune à 5000 habitants dans le cadre de l'élaboration du PLU communal.
Le 15 avril 2005, le préfet des Pyrénées orientales écrivait au maire de SALSES LE CHATEAU pour lui indiquer que ce projet exigeait d'abord une sécurisation du passage de la voie ferrée et une prise en compte des zones agricoles dans le cadre de la révision du POS en PLU de la commune (D7).
Le 20 avril 2005, l'adjoint au maire écrivait au préfet pour lui dire que le cabinet d'urbanistes DLM élaborait le PLU, que toutes ces données étaient prises en compte et qu'une collaboration s'instaurerait (D6).
Le 20 mai 2005 la direction des routes du conseil général des Pyrénées orientales faisait état au cours d'une réunion tenue en mairie de SALSES LE CHATEAU d'un projet de franchissement de la voie ferrée et d'un giratoire au sud d'un projet de lotissement " La Méridienne " sur la parcelle D177 sur la RD 900.
Le 1er juin 2005, le bureau d'études d'Infrastructures JCK, faisant suite à cette dernière réunion, adressait les futures emprises du projet de voie au sud de l'opération et du giratoire. (D38- D54-119).
Le lotisseur, M. Bernard Y... prenant en compte la demande conjointe de la DDE, du conseil général et du maire de l'époque Mme Marie-Claude X... déposait le 03 mars 2006 un nouveau projet de lotissement diminué de 8 lots pour réserver au conseil général l'emprise des superficies nécessaires à ce projet public (D36).
C'est dans ce contexte que le 26 juillet 2006, la SCP PAGNON-BAGNOULS et JOUE, notaires associés à SAINT LAURENT DE LA SALANQUE, déposait en mairie de SALSES LE CHATEAU une déclaration d'intention d'aliéner aux termes de laquelle Tristan X..., fils de Marie-Claude X..., maire de SALSES LE CHATEAU apparaissait comme candidat acquéreur d'une parcelle (future D1311) de 2640m ² concernée par l'emprise du projet du conseil général, propriété des consorts Z... et ce, pour la somme de 56. 000 €, superficie à prendre sur la parcelle D177 de 1ha52a40ca (soit un prix au m ² de 21, 21 €). Etait également déposée le même jour une seconde déclaration d'intention d'aliéner concernant la vente entre les consorts Z... et la SARL le Château de Valmy d'un terrain de 12745m ² (future D1310) à prendre sur la même parcelle D177 pour un prix de 392000 € (soit un prix au m ² de 30, 76 €).
Le plan des réseaux du lotissement la Méridienne sur lequel figurait les mentions « limite conseil général » était visé par le maire le 27 juillet 2006 (D54-227).
Le 28 juillet 2006 le maire de la commune mentionnait sur la rubrique prévue à cet effet de la déclaration d'intention d'aliéner que cette collectivité n'entendait pas exercer son droit de préemption s'agissant de la parcelle vendue à la SARL le Château de Valmy. S'agissant de la parcelle vendue à Tristan X... figurait la même mention qui ne comportait cependant aucune date (D34, D35).
Les 16 et 22 août 2006 les parcelles étaient effectivement vendues par les consorts Z... à la SCI Château de Valmy et à Tristan X... conformément aux indications précisées plus haut. Les formalités de publicité foncière étaient réalisées le 29 août 2006 (D 11).
Malgré la demande du président du conseil général du 11 septembre 2006 (D33), Marie-Claude X... ne faisait pas inscrire au POS de la commune un emplacement réservé pour la réalisation du projet de liaison et de franchissement de la voie ferrée puisque le 17 novembre 2006, la 2ème modification du POS était approuvée sans inscription de cet emplacement (D20, D30). En réponse au courrier précité du 11 septembre 2006 soit postérieurement à l'acquisition par son fils de la parcelle D1311, Marie-Claude X... avait pourtant adressé au président du conseil général le courrier suivant : « Dans votre courrier..., vous me faîtes part de la nécessité de faire apparaître sur la modification en cours un emplacement réservé pour un futur barreau de liaison routier entre la RD 5b et le futur pont. Je vous indique cependant, que le projet de modification actuel, ne compromet en aucun cas un projet de futur barreau de liaison routier, il reste une superficie assez importante entre la zone 2NA et l'autoroute, classée en zone NC qui accueillera ce projet routier. L'emplacement exact de la liaison sera étudié et intégré au projet de révision générale du PLU en cours …. ».
Le 11 février 2008, Tristan X... déposait une demande de permis de construire portant sur la construction d'une maison R + 1 intégrant deux logements à édifier sur la parcelle acquise (D54-138 à D54-142).
Selon Agnès A..., agent territorial entendu le 22 novembre 2010, lors de l'enquête initiale, Mme X... était venue en réalité la trouver fin février 2008 avec cette demande de permis de construire en lui demandant de l'enregistrer en antidatant la date de réception au 11 février 2008 soit environ deux semaines plus tôt, sans qu'elle comprenne les raisons de son empressement (D54-218).
Le permis était délivré le 21 avril 2008 par un nouvel adjoint délégué à l'urbanisme, Armand B..., du fait des élections municipales, alors que Marie-Claude X... n'était plus le maire de la commune. Il signait le document après prise en compte l'aval de la DDE sans s'apercevoir qu'il posait problème pour la réalisation de la rampe de franchissement de la voie ferrée (D54-220).
Le permis était retiré le 20 juillet 2008 mais ce retrait était annulé par le tribunal administratif.
Le 23 juillet 2008, le terrain acquis par Tristan X... faisait l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner au prix de 230. 000 € (D26).
La commune manifestait son intention de préempter au prix de 89. 284, 80 € mais voyait son offre de prix rejetée par Tristan X.... Elle renonçait alors à exercer son droit de préemption (D21).
Le terrain n'était finalement pas vendu à l'acquéreur qui s'était présenté initialement. Tristan X... formait une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de MONTPELLIER à hauteur de 1. 022. 900 € qui la rejetait par jugement du 12 avril 2013, cette décision étant confirmée par la cour administrative d'appel de MARSEILLE le 06 juillet 2015 (D46, D69-16 à D69-20).
Etait versée à la procédure l'enquête diligentée par l'antenne de police judiciaire de PERPIGNAN sur demande du parquet du 18 août 2009 suite à laquelle Tristan et Marie-Claude X... avaient fait l'objet de citations directes devant le tribunal correctionnel de PERPIGNAN pour prise illégale d'intérêt et recel de prise illégale d'intérêt, lesquelles étaient annulées par le tribunal correctionnel de PERPIGNAN le 31 mai 2012 (D54).
Au cours de cette enquête plusieurs témoins dont certains déjà précités ainsi que Mme X... et son fils Tristan étaient entendus.
Bernard Y..., lotisseur, indiquait le 24 novembre 2010 qu'à la suite d'une réunion avec le maire et l'équipement, il avait été amené à revoir son projet pour exclure de ce projet la parcelle destinée aux futurs travaux (D54-222).
Marie-Claude C... épouse X..., maire de 1989 à 1995 puis de 2001 à 2008 déclarait, le 21 septembre 2011, qu'au cours des réunions, aucun projet n'avait été arrêté ni même proposé et qu'elle était opposée au projet de franchissement de la voie ferrée tel qu'il lui avait été proposé. Elle affirmait qu'en l'absence de projet finalisé elle n'avait pas préempté et ajoutait que son approbation « limite du conseil général » sur le plan de voirie daté du 27 juillet 2006 soit concomitamment aux acquisitions des terrains était une erreur et qu'elle aurait dû enlever cette mention ; elle évoquait que deux ans avant ces acquisitions elle avait demandé à titre personnel à la famille Z... s'il désirait vendre une partie du terrain à son fils Tristan, lesquels au moment où M. Y... avait finalisé son projet l'avait contactée. Elle précisait leur avoir expliqué la situation tout en leur disant qu'à son avis, il n'y aurait pas de pont sur la parcelle restante, ce qui les avait décidés à préférer vendre à son fils qui, selon ses dires, proposait un prix plus élevé que M. Y.... Enfin elle ajoutait qu'en réalité M. Y... n'avait pas renoncé à lotir une partie du terrain (soit 8 lots) mais voulait acheter moins cher que le prix acquis par son fils (D54-244).
Tristan X... expliquait de son côté le 27 septembre 2011 qu'il cherchait un terrain pour se faire construire une maison et si possible un autre immeuble pour le louer y compris sous forme d'appartements. Sa mère lui avait appris que M. D... avait un projet de lotissement sur la parcelle puis en 2005, que la totalité de la vente ne se ferait pas, et que c'est dans ces conditions qu'il avait acheté une parcelle à la famille Z.... Il précisait que sa mère avait regretté que M. Y... n'ait pas acheté l'intégralité de la parcelle initialement propriété des consorts Z... (D54-249).
Il sera précisé que le 06 octobre 2010, Tristan X... mettait en demeure le département des Pyrénées Orientales d'acquérir la parcelle D 1311 en application des dispositions de l'article L 123-17 du code de l'urbanisme. Aucun accord n'ayant pu intervenir dans le délai d'un an suivant la réception de la mise en demeure, le département avait saisi le juge de l'expropriation du département des Pyrénées Orientales, par requête déposée le 31 janvier 2011 aux fins de fixation du prix de la parcelle.
Ce magistrat par jugement du 12 mai 2012 le fixait à la somme globale de 117. 160 € ; cette décision était confirmée par la cour d'appel de MONTPELLIER dans un arrêt du 21 mai 2013 qui y ajoutant prononçait, au bénéfice du département des Pyrénées Orientales le transfert de propriété de la parcelle cadastrée sur le territoire de la commune de SALSES LE CHATEAU au lieu-dit «... » section D no1311 et d'une surface de 2640 m ² appartenant à Tristan X... (D69/ 21 à D69/ 30).
Par ordonnance du 07 octobre 2015 le magistrat instructeur rejetait une demande d'actes présentée postérieurement à l'avis de fin d'information portant sur l'audition de :- Mme Marie Claude C... X...,- M. Tristan X..., son fils,- Mme A... Agnès, employée communale ayant réceptionné la demande permis de construire de M. Tristan X... ;- la SARL Le Château de VALMY prise en la personne de M. Y... Bernard, née le 25. 11. 1945 à ARGELES SUR MER, qui attestera des termes de la demande de prise en compte du projet départemental dès 2005 et donc du degré de connaissance et de certitudes de la réalisation de ce projet dans l'esprit du Maire en place ;- M. Thierry E..., acquéreur déclaré de la parcelle de M. Tristan X... dans le cadre de la DIA déposée par ce dernier auprès de la mairie le 23. 07. 2008, pour un prix de vente de 230. 000 €.
Le magistrat instructeur motivait ce refus par le fait que les personnes intéressées avaient déjà été entendues au cours de l'enquête préliminaire versée au dossier.
Jean-Jacques F..., maire de la commune de SALSES LE CHATEAU était entendu en qualité de représentant de cette collectivité territoriale, partie civile le 27 mai 2013 et exposait en détail le déroulement des faits (D59).
Le réquisitoire définitif du procureur de la République aux fins de non lieu et de constatation de la prescription de l'action publique intervenait le 27 juin 2016 (D74).
Le 09 août 2016, le conseil de la partie civile présentait des observations complémentaires (D76).
Le 09 janvier 2017, le magistrat instructeur a donc rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs de faux et usage de faux, corruption, escroquerie, abus de confiance, trafic d'influence, soustraction ou détournement de bien public au préjudice de la commune de SALSES LE CHATEAU et constatant l'extinction de l'action publique par prescription pour les faits qualifiés de prise illégale d'intérêts commise par une personne dépositaire de l'autorité publique au préjudice de la commune de SALSES LE CHATEAU (D78).
C'est l'ordonnance dont appel.
*****
Dans son mémoire, le conseil de la commune de SALSES LE CHATEAU, partie civile demande à la cour de bien vouloir :- juger non prescrites les infractions de prise illégale d'intérêts et de recel de prise illégale d'intérêts ;- constater que les infractions d'escroquerie, de faux et détention de faux, d'abus de confiance, de prise illégale d'intérêts et de recel de prise illégale d'intérêts, soustraction et détournement de biens, corruption et trafic d'influence sont caractérisées ;- renvoyer M. X... devant le Tribunal correctionnel de Perpignan des chefs de ces délits d'escroquerie, de faux et détention de faux, d'abus de confiance, prise illégale d'intérêts, soustraction et détournement de biens, corruption et trafic d'influence ;- renvoyer M. X... devant le Tribunal correctionnel de Perpignan aux fins de condamnation du délit de recel de prise illégale d'intérêts.
A titre subsidiaire elle sollicite de la chambre de l'instruction de :- juger non prescrites les infractions de prise illégale d'intérêts et de recel de prise illégale d'intérêts ;- constater que les infractions de prise illégale d'intérêts et de recel de prise illégale d'intérêts sont caractérisées ;- renvoyer devant le tribunal correctionnel de Perpignan Mme X... du chef de prise illégale d'intérêts et M. Tristan X... du chef de recel de prise illégale d'intérêts ;- renvoyer Mme X... et M. X... devant le juge d'instruction pour les délits d'escroquerie, de faux et détention de faux, d'abus de confiance, soustraction et détournement de biens, corruption et trafic d'influence.
A titre infiniment subsidiaire la commune de SALSES sollicite le renvoi de Mme X... et M. X... devant le juge d'instruction pour supplément d'information pour les infractions d'escroquerie, de faux et détention de faux, d'abus de confiance, de prise illégale d'intérêts et de recel de prise illégale d'intérêts, soustraction et détournement de biens, corruption et trafic d'influence.
Elle fait valoir les éléments suivants :
- la concordance de certaines dates est parlante, tandis que l'identité des acteurs est tout aussi étonnante puisque l'ancienne maire qui connaît l'emplacement précis du projet public n'en informerait pas son fils quand il acquiert la parcelle précisément concernée par ce projet public, n'exerce pas le droit de préemption de la commune et ne fait pas inscrire d'emplacement réservé lors de la modification du POS du 17 novembre 2006 ;
- par un courrier du 3 août 2016 suite à la réception du réquisitoire définitif, la commune a transmis au juge d'instruction ses observations faisant valoir l'absence de prescription de l'action publique s'agissant du délit de prise illégale d'intérêts et demandant à ce que des actes d'instruction effectifs soient réalisés dans cette procédure alors qu'aucun acte d'instruction n'a été mené en rapport avec les infractions visées à la plainte avec constitution de partie civile toutes maintenues à l'occasion de son interrogatoire puis par écrit à de multiples reprises ;
- le juge d'instruction n'a fait que reprendre les conclusions de l'enquête du SRPJ de 2009 sans envisager les infractions visées à la plainte ;
- à compter de la DIA du 26 juillet 2006, aucune information sur les circonstances et donc les dates de la réalisation de la vente en question, ne pouvaient être connues de tiers aux parties et notaire instrumentaire puisque le premier et seul acte de notoriété est bien la publication de la vente elle-même qui a eu lieu suite au dépôt de la publication au bureau des hypothèques le 29 août 2006 ;
- s'agissant du faux et de l'usage de faux, Mme Agnès A... a révélé avoir antidaté le dépôt de la demande de permis de construire ; ses propos sont corroborés par les pièces transmises par la partie civile et notamment la copie du registre des dépôts de demande de permis qui laisse clairement apparaître des incohérences dans l'ordre chronologique des dépôts de demandes (inclusions, décalages et ratures) ; le délit de faux se prescrit par 3 ans à compter du jour de l'altération du support soit en l'espèce à la date du permis de construire le 20 avril 2008 tandis que comme l'a rappelé le juge d'instruction dans son ordonnance, le SRPJ a été saisi le 14 août 2009 de sorte que la prescription n'est pas acquise ;
- s'agissant du délit d'escroquerie, par l'abus de sa qualité de maire, Mme X... a permis l'acquisition ou la non-opposition à acquisition d'une parcelle dont personne n'ignorait qu'elle devait être réservée à un ouvrage public, dans l'objectif d'en tirer profit et a ainsi trompé la commune ; en ne préemptant pas un terrain concerné par un franchissement de voie ferrée, elle a permis à son propre fils d'acheter ce morceau de terrain à moindre coût puis ensuite d'essayer de le revendre à la commune en effectuant une plus-value de près de 300 % comme l'a relevé le SRPJ, étant précisé que suite au dépôt de la seconde DIA par Tristan X... et le refus de préempter par la commune au prix proposé de 230. 000 €, la vente ne s'est pas curieusement réalisée ;
- s'agissant du délit d'abus de confiance : contrairement à ce qu'a écrit le juge d'instruction, la parcelle a bien été détournée de son objet initial pour être vendue à M. X... et la jurisprudence pour ce délit repousse le point de départ de la prescription au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ;
- sur le délit de soustraction ou de détournement de biens, celui ci est constitué en l'espèce par le non exercice de certaines prérogatives qui ont conduit, à soustraire la parcelle objet du projet de réalisation d'un ouvrage public ; ce délit figure parmi la liste des infractions dites occultes, caractère justifiant le retard du point de départ de la prescription, le détournement n'ayant pu être constaté en l'espèce que lors de l'élection du nouveau maire ;
- la corruption et le trafic d'influence sont constitués par les agissements précédemment développés, « si l'enquête établissait que l'avantage indu dont apparaît avoir bénéficié Tristan X... a été obtenu par la proposition d'offres, de promesses ou d'avantages quelconques fait à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui, pour qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir notamment un acte de son mandat ou facilité par son mandant, ou pour qu'elle abuse de son influence en vue de faire obtenir une décision favorable » ;
- sur la prise illégale d'intérêts par Mme X... : Cette prise d'intérêts est matérialisée par le fait de « prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque » ; elle constitue une infraction à caractère objectif dont la réalisation ne nécessite aucune intention frauduleuse et il suffit que le prévenu ait accompli sciemment l'acte constituant l'élément matériel du délit même s'il n'a pas cherché à tirer profit de son immixtion ;
- le juge d'instruction a considéré à tort que ce délit était prescrit alors que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il est prescrit à compter du dernier acte administratif accompli par l'agent public par lequel il prend ou reçoit directement ou indirectement un intérêt dans une opération dont il a l'administration ou la surveillance : en l'espèce ce dernier acte peut être soit le refus d'inscription de la parcelle au POS du 17 novembre 2006 et non pas le refus de préemption comme l'indique le juge d'instruction soit la participation au processus d'inscription à une date erronée de la demande de permis de construire déposée en 2008, soit compte tenu de la date de saisine du SRPJ du 14 août 2009, une absence de prescription ;
- par ailleurs s'agissant de ce délit, la jurisprudence de la Cour de cassation considère également qu'il n'est prescrit, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites, or en l'espèce, il y a bien eu dissimulation puisqu'il n'y a eu aucune inscription de la DIA déposée par Tristan X... sur le registre spécifiquement tenu en mairie à cet effet tandis qu'il n'y a eu aucune information au conseil municipal de la décision de non préemption, information pourtant exigée par le conseil des collectivités territoriales ; de plus les termes de la réponse faite le 25 septembre 2016 par Mme X... au courrier du conseil général du 11 septembre 2016 demandant l'emplacement réservé à la modification du POS constitue bien un acte positif de dissimulation puisque dans sa réponse Mme X... a omis de spécifier que son propre fils venait d'acquérir la parcelle classée Na tout en digressant sur le terrain contiguë classé Nc tout en promettant que l'emplacement exact serait étudié et étudié au projet de révision générale du PLU en cours, ce qui n'a jamais été fait ;
- ce n'est donc au plus tôt qu'à l'occasion du dépôt de sa demande de permis de construire par Tristan X... que la dissimulation a pu être découverte ; qu'à supposer même que la date des publications légales sur la vente puisse être prise en considération comme susceptible d'interrompre la dissimulation, cela ne conduit en aucun cas à la prescription de l'action ;
- il y a eu recel de prise illégale d'intérêts par Tristan X... comme l'a d'ailleurs relevé le compte rendu d'enquête du SRPJ.
*****
M. le procureur général requiert l'infirmation de l'ordonnance déférée et que soit ordonné un supplément d'information confié au juge d'instruction, afin que d'une part il procède aux auditions de Mme Marie-Claude C... épouse X..., de M. Tristan X..., de la SARL le Château de Valmy prise en la personne de M. Bernard Y... et de M. Thierry E..., et afin d'autre part qu'il effectue tous actes utiles à la manifestation de la vérité afin d'apporter des éléments de réponse aux observations formulées par la partie civile dans sa note en date du 3 août 2016.
SUR QUOI
-Sur la question de la prescription appliquée aux faits de l'espèce :
Attendu qu'en premier lieu, il y a lieu de rappeler qu'il existe une connexité au sens de l'article 203 du code de procédure pénale entre l'ensemble des faits visés dans la plainte avec constitution de partie civile et ceux objet de l'enquête préliminaire dont le dossier a été joint à la procédure d'information sur constitution de partie civile ;
Que dès lors les actes interruptifs de la prescription concernant une infraction ont nécessairement eu le même effet à l'égard de celles qui lui sont connexes ;
- Sur la prescription et le délit de prise illégale d'intérêts :
Attendu que si le délit de prise illégale d'intérêts se prescrit en principe à compter du jour où la participation a pris fin soit à compter du dernier acte administratif par lequel l'agent public prend ou reçoit un intérêt dans une opération dont il a l'administration ou la surveillance, le délai de prescription de ce délit ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction, qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites ;
Qu'en l'espèce une telle dissimulation apparaît susceptible d'être caractérisée en ce que l'acte de renonciation à préemption signée par le maire de la commune SALSES LE CHATEAUpour la parcelle acquise par son fils ne porte trace d'aucune date et n'apparaît pas sur le registre produit par la partie civile des DIA de la commune à la période concernée à la différence de la parcelle vendue par les consorts Z... à la SCI Château de Valmy pour qui la renonciation à préemption est datée et figure au registre de la commune étant précisé qu'à la date du 27 juillet 2006 le plan des réseaux du lotissement signé par la mairesse comprend bien la mention " limite conseil général " ;
Qu'il y a donc lieu de faire partir le délai de prescription en l'absence de datation de l'acte de renonciation à préemption non à compter de la date de l'acte d'acquisition de la parcelle no D1311 par Tristan X... du 22 août 2006 mais de la date de publication de l'acte au bureau des hypothèques, formalité rendant l'acte opposable aux tiers, soit le 29 août 2006 (D11) ;
Que par voie de conséquence le soit transmis du 14 août 2009 du procureur de la République de PERPIGNAN désignant le service régional de police judiciaire est bien interruptif de prescription ;
Qu'eu égard aux actes interruptifs ultérieurs (et notamment les auditions effectuées le 21 septembre 2011, la constitution de partie civile du 02 janvier 2012, l'audition de la partie civile du 27 mai 2013, l'avis de fin d'information et l'OSC règlement du 31 juillet 2015, aucune prescription n'apparaît acquise s'agissant tant ce délit que celui de recel de prise illégale d'intérêt susceptible d'être retenu pour Tristan X... ;
- Sur les délits non prescrits de faux et d'usage de faux :
Attendu que pour écarter ces qualifications, le magistrat instructeur retient que l'existence d'une date erronée laquelle aurait été portée sur une demande de permis de construire, ne relève que de la seule déclaration d'Agnès A... qui aurait elle même porté cette date ; que dans tous les cas il était nécessaire de procéder à une instruction du dossier pour lequel une décision favorable a été rendue ;
Que cependant les déclarations d'Agnès A... qui indique avoir agi sur ordre de Mme X..., alors maire de SALSES LE CHATEAU ne peuvent être aussi simplement écartées en présence de déclarations particulièrement circonstanciées émanant d'un fonctionnaire d'une collectivité territoriale et constitutives d'un aveu de sa propre implication ;
Attendu qu'au vu des seuls éléments versés au dossier s'agissant du délit de faux et d'usage de faux, il convient d'observer que la découverte de ces infractions est intervenue par le procès-verbal d'audition de Mme A... du 22 novembre 2010 en présence d'une demande de permis de construire datée du 10 février 2008 et portant en page 1 la mention manuscrite suivante « 11 02 2008 » à la rubrique : « la présence demande a été reçue à la mairie le... » laquelle date aurait été rédigée et antidatée par Mme A... à la demande de Mme X... ;
Attendu que les infractions de faux et d'usage de faux sont des infractions instantanées dont le point de départ de la prescription doit être fixé au jour de la réalisation de l'infraction, c'est à dire au jour de réalisation du faux ou au jour d'utilisation de la pièce fausse pour l'usage du faux ;
Que s'agissant du seul délit d'usage de faux, il doit être considéré que par exception, en cas d'utilisations multiples du faux, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour du dernier usage délictueux ;
Attendu qu'en reprenant la seule date du 11 février 2008, nonobstant son caractère possiblement erroné, la prescription de ces délits n'apparaît nullement acquise au vu du soit transmis précité adressé par le procureur de Perpignan à l'antenne perpignanaise du SPRJ de Montpellier le 14 août 2009 pour enquête (D54-41) ;
- Sur la nécessité de nouvelles investigations :
Attendu que si les faits dénoncés n'apparaissent pas, comme l'a à juste titre relevé le magistrat instructeur, de nature à pouvoir caractériser les délits d'escroquerie, d'abus de confiance, de corruption et de trafic d'influence, les seuls faits de prise illégale d'intérêts, de recel de prise illégale d'intérêts et de faux et usage de faux susceptibles de pouvoir être retenus nécessitent d'inévitables investigations et actes complémentaires compte tenu des nombreuses interrogations restées en suspens auxquelles l'instruction n'a pas pour l'heure pu permettre de répondre ;
Que parmi ces investigations, apparaissent notamment devoir être envisagées la convocation de Mme C... épouse X..., de son fils Tristan et de Agnès A... à un interrogatoire de première comparution aux fins de mise en examen ou de placement sous le statut de témoin assisté tout comme les auditions de Bernard D..., ayant assisté à la réunion en mairie de SALSES LE CHATEAU au cours de l'année 2005 en présence de la mairesse, réunion au cours de laquelle il lui aurait été demandé de revoir son projet et qui pourra indiquer quel discours lui avait alors été précisément tenu par Mme X... et si celle-ci avait pu à cette occasion manifester son opposition au projet de franchissement de la voie ferrée tel qu'envisagé par le conseil général, ainsi que de Thierry E..., présenté comme acquéreur de la parcelle de Tristan X... dans la DIA du 23 juillet 2008, tout comme celle des consorts Z... aux fins qu'ils puissent expliciter les circonstances dans lesquelles ils ont pu opérer la vente de leur parcelle D177 tant à la SARL du Château de Valmy qu'à Tristan X... et les raisons qui les ont conduit à appliquer un prix au m ² de 30, 76 € à la SARL bien supérieur à celui de 21, 21 € retenu pour Tristan X... ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments il y aura lieu d'infirmer l'ordonne querellée et d'ordonner en application de l'article 207 du code de procédure pénale, le retour de la procédure au juge d'instruction afin de poursuivre l'information ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 177, 182, 183, 184, 185, 186, 194 à 200, 207, 212 à 216, 217 et 801 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
DECLARE l'appel recevable ;
AU FOND
LE DIT bien fondé ;
INFIRME l'ordonnance déférée ;
ORDONNE le retour de la procédure au juge d'instruction saisi aux fins de poursuite de l'information ;
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le PROCUREUR GENERAL.
LE GREFFIER LE PRESIDENT